Intervention de Christian Favier

Réunion du 28 octobre 2014 à 22h15
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Avant de réfléchir aux périmètres de ces nouvelles institutions locales, il aurait fallu également s’interroger sur les moyens financiers et humains dont elles pourront disposer pour exercer leurs nouvelles compétences.

En fait, avec ce texte bâclé, nous faisons le contraire de ce qu’il conviendrait de faire. Pour autant, à partir d’études sérieuses et d’objectifs clairement définis, des évolutions territoriales sont à l’évidence nécessaires et possibles. Mais, pour les mettre en œuvre, encore faut-il associer l’ensemble des forces sociales intéressées et organiser un véritable débat national, qui serait tranché par une consultation populaire à la hauteur des enjeux portés par une telle réorganisation de notre République.

Car il ne faut pas cacher aux citoyens, comme certains nous y invitent, que des régions de grande taille, disposant de compétences très élargies et d’un pouvoir réglementaire, portent le germe d’une organisation fédéraliste se substituant à notre République une et indivisible.

D’ailleurs, cette idée n’est-elle pas déjà dans de nombreuses têtes ? Certains passent en effet leur temps, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, à comparer nos régions aux Länder allemands, évoquant leur action et leur puissance respectives, mais oubliant de dire qu’ils sont non pas l’expression d’une République dont l’organisation est décentralisée, mais les structures politiques d’un État fédéral, où les lois ne sont pas les mêmes suivant que l’on habite à l’ouest ou à l’est du pays.

En fait, derrière ce redécoupage des régions, sous couvert de renforcer l’attractivité de leur territoire, se cache un projet politique bien plus vaste, celui d’une réorganisation complète de notre République.

C’est un chambardement de nos institutions locales qui se prépare. Il vise à faire disparaître à moyen terme bon nombre de collectivités locales, de la commune à la région, en passant par les départements, pour faire disparaître autant d’assemblées élues, lieux d’expression de la souveraineté populaire.

C’est un recul démocratique sans précédent, et nous allons évidemment le combattre avec détermination.

En effet, personne ne peut croire que l’on va renforcer la démocratie dans notre pays ou répondre à la crise de la représentation, qui s’élargit, en réduisant le nombre d’assemblées élues, en réduisant le nombre d’élus locaux de proximité, pour la plupart bénévoles, en éloignant toujours plus les citoyens des lieux de décision et de pouvoir.

Au contraire, la concentration des pouvoirs annoncée favorisera, on le sait, la professionnalisation renforcée du mandat d’élu et réduira la possibilité des citoyens issus des classes populaires d’accéder à ces fonctions.

L’oligarchie financière et technocratique envahira peu à peu l’ensemble de la sphère politique, y compris au niveau local. Il deviendra alors possible de faire taire l’expression des besoins et des attentes de nos concitoyens pour permettre une réduction drastique de la dépense publique au profit de l’ouverture au marché de pans entiers de l’action publique actuelle.

Ce faisant, nous transformerons le citoyen, usager actuel, en client potentiel.

À l’objectif de tendre vers l’égalité et de répondre aux besoins de chacun se substituera une réponse inégalitaire : à chacun selon ses moyens. Voilà la France que vous nous préparez ! Ce sera destructeur pour notre pacte social, pour notre pacte républicain.

Déjà, nous voyons poindre en Europe cet éclatement du cadre national, en Italie du Nord, en Catalogne ou en Écosse. Notre pays n’est pas à l’abri.

Le danger est devant nous, avec ce texte bien sûr, mais aussi avec celui qui va suivre, le projet de nouvelle organisation territoriale de la République.

Reconnaissons que ce deuxième texte, par son intitulé, annonce la couleur. Mais il ouvre la porte à d’autres changements, qui, eux, ne sont pas encore annoncés et qui suivront.

Faisant suite à la loi Sarkozy de réforme territoriale de décembre 2010, la loi d’affirmation des métropoles, promulguée en janvier dernier, s’est inscrite dans ses pas, pour toujours plus réduire l’influence des institutions locales et rendre possible la disparition programmée des départements et des communes.

Notons à ce propos que la droite semble oublier que c’est elle qui a ouvert le ban de la disparition des départements, qu’elle fait mine de contester aujourd’hui.

En effet, le conseiller territorial, cet élu hybride siégeant au niveau départemental et régional, était alors institué pour mieux organiser – pour reprendre le bon mot d’Édouard Balladur – « l’évaporation » à venir des départements.

En revanche, et nous le regrettons, la filiation avec la commission Balladur se retrouve aussi – c’est évident – avec l’objectif gouvernemental de faire disparaître les départements à l’horizon 2020 en utilisant la même méthode : celle de la dévitalisation et de la mort à petit feu.

À cet égard, monsieur le ministre, vos propos ne nous ont pas rassurés.

Et pourtant, je me souviens qu’en 2009 le parti socialiste et l’association des élus socialistes s’étaient prononcés contre les propositions de cette commission Balladur et qu’alors, ensemble, nous avions combattu la réforme de 2010.

Cela, évidemment, c’était avant !

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