Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 28 octobre 2014 à 22h15
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes bien sûr, les uns et les autres, présents sur le terrain. De plus, durant l’été, une moitié d’entre nous, concernés par les élections sénatoriales, ont été amenés à rencontrer et à écouter avec une attention particulière nos collègues élus, les grands électeurs. À cette occasion, je n’ai pas entendu exprimer un rejet de principe d’une réforme de notre organisation territoriale. En revanche, il a été affirmé avec force et sur tous les tons que cette réforme devait se faire de la bonne manière. Or force est de constater aujourd’hui qu’elle a été bien mal engagée par le Gouvernement.

Dès l’examen en première lecture de ce projet de loi au Sénat, nous avions été plusieurs à souligner les lacunes d’un texte qui reposait très largement sur des idées reçues, sans pour autant s’attaquer aux vrais problèmes de fond, évoqués tout à l’heure par plusieurs collègues devant le Premier ministre.

Principal argument avancé par le Gouvernement, la fusion des régions allait d’abord permettre d’engendrer de fortes économies. Tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’entre les fusions de services, le financement des déménagements, l’alignement des statuts, etc., ces fusions engendreront des coûts dans un premier temps – et peut-être pendant très longtemps –, surtout dans un État encore très centralisé, dont la réforme reste à faire.

Le Gouvernement nous annonçait ensuite que la fusion allait permettre à nos régions d’atteindre la fameuse « taille critique ». Or, si l’on regarde la situation chez nos voisins européens, on constate qu’il n’existe pas d’optimum régional et que comparaison n’est pas raison : il n’existe pas de « taille critique ».

Enfin, pour ce qui est de la méthode et du calendrier, le Gouvernement nous proposait le contenant avant le contenu, alors même que la clarification des compétences aurait dû être le point de départ de toute réforme. Quelles seront, en effet, les compétences respectives des collectivités de demain ? Qui fera quoi et avec quels moyens, dans un contexte de baisse des recettes ?

Alors que ce manque de cap et de vision a été largement commenté, à juste titre, lors de nos débats, on peut regretter a posteriori que le Sénat n’ait pas saisi l’occasion de la première lecture pour dessiner sa propre carte, avant que l’Assemblée nationale ne dénature le projet gouvernemental… Que cela nous serve aujourd’hui de leçon pour la deuxième lecture !

Vous le savez, la majorité de l’Assemblée nationale, en accord avec le Gouvernement, a adjoint la Champagne-Ardenne à l’Alsace-Lorraine, écartant ainsi une perspective qui, sans faire l’unanimité, aurait pu, dans le contexte du début de l’été, constituer une solution acceptable pour les uns et les autres. En Alsace, le président Philippe Richert avait d’ailleurs, à cette époque, accepté de négocier avec son homologue lorrain.

L’adjonction de la Champagne-Ardenne, considérée comme une provocation et aboutissant à la formation d’une trop grande région, a provoqué la mobilisation des Alsaciens durant tout l’été, avec comme point d’orgue la manifestation du 11 octobre à Strasbourg, qui a été un succès populaire. Cette mobilisation ne s’est toutefois pas faite – je veux le rappeler – contre le dialogue, que ce soit avec le Président de la République – nous l’avons rencontré à l’occasion de commémorations, pendant l’été – ou avec le Gouvernement.

Ce dialogue doit se poursuivre ; pourtant, nous avons entendu, cet après-midi et ce soir, de la part du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, des propos qui témoignent plutôt d’une certaine fermeture. Nous le regrettons. J’espère néanmoins que, comme cela nous a été dit à plusieurs reprises, le débat est vraiment ouvert et que tout n’est pas joué d’avance.

La démarche que nous avons entreprise, en Alsace, ne s’inscrit pas non plus dans une opposition à la Lorraine, à la Champagne-Ardenne et à leurs habitants. L’Alsace, si elle est dotée d’une identité forte, dont elle est fière, n’entend en aucun cas manifester une volonté de repli ; elle entend bien adopter, au contraire, une démarche d’ouverture – à l’égard tant des régions voisines que des régions frontalières de Suisse et d’Allemagne – et innovante, avec la ferme volonté de surmonter l’échec du référendum de 2013, qui avait suscité beaucoup d’espoir, y compris, je le sais, au sein du Gouvernement. L’idée de la fusion des collectivités alsaciennes n’a pas été rejetée par le peuple, puisqu’une majorité très nette en sa faveur s’est dégagée sur l’ensemble de la région lors du référendum : l’échec tient à des conditions aujourd’hui considérées par tous comme impossibles à remplir. Cela a servi de leçon ; tant mieux, mais nous l’avons payé cher !

Dans ce contexte, je me réjouis que la commission spéciale du Sénat ait adopté un amendement permettant à l’Alsace de constituer à elle seule l’une des futures régions. Je regrette cependant que les amendements portant sur l’instauration du conseil d’Alsace, et donc la perspective d’une expérimentation innovante, qui intéresse d’ores et déjà d’autres régions, n’aient pas été retenus, pour des raisons constitutionnelles. C’est dommage, car cette idée a fait son chemin, particulièrement dans notre région. Je souhaite que l’on puisse y revenir, au travers du présent texte ou d’un prochain véhicule législatif approprié, si besoin – je pense par exemple au projet de loi relatif aux compétences.

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