Intervention de Éric Doligé

Réunion du 28 octobre 2014 à 22h15
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, chers collègues, il y a tant à dire sur le sujet qui nous rassemble cette semaine que l’on ne sait pas vraiment par où commencer.

Depuis le début de l’année, nous sommes confrontés à un déferlement d’annonces contradictoires en ce qui concerne l’avenir des départements, leurs compétences, la date des élections, voire le mode de scrutin et le territoire de chaque canton. Nous n’avons jamais connu une telle tempête, un tel flou. J’en suis à me demander, monsieur le ministre, si vous savez ce que vous faites, si vous croyez ce que vous dites, si vous savez où vous allez.

Derrière ce cafouillage, il y a le citoyen, son avenir, celui de centaines de milliers de fonctionnaires et, accessoirement, le travail de milliers d’élus qui se sont donnés avec passion pour leur pays.

Le Président de la République, au détour d’une annonce surprenante, a lâché un soir de printemps que « les départements ont vécu », cela après les avoir encensés trois mois auparavant…

Monsieur le ministre, je vais évoquer quelques points spécifiques et vous poser quelques questions.

Concernant la carte, chacun sait qu’elle a été imaginée au hasard d’un découpage, dans la précipitation et sur le coin d’une table. Ce n’est pas un scoop : le Premier ministre l’a reconnu cet après-midi.

Pensez-vous que l’on puisse, comme vous l’aviez prévu, diminuer le nombre de régions en supprimant parallèlement les départements, peut-être après 2020 ? Avez-vous trouvé une définition du département rural ? Quel sera en définitive leur nombre exact : dix, vingt, cinquante ou plus ? J’ai l’impression que l’on détermine un nombre qui servira à définir a posteriori ce qu’est la ruralité. Pourra-t-on organiser simplement les fusions entre départements ? Pourra-t-on faire jouer le droit d’option ?

Finalement, ne pensez-vous pas que, le flou le plus total prévalant, il serait plus sérieux de reprendre le problème à la base et de parler des compétences avant de pratiquer des découpages hasardeux ?

S’agissant de la date des élections, puis-je me permettre de revenir à notre échange du 4 juillet 2014 ? Lors de la présentation de mon amendement sur l’article 12, qui visait à mettre fin à la concomitance entre les élections départementales et les élections régionales, vous vous êtes montré très agacé et vous avez haussé le ton : j’ai eu le sentiment de me faire gronder par mon maître d’école ! §Comment pouvais-je oser mettre en doute vos certitudes quant à l’obligation d’organiser le même jour les élections départementales et les élections régionales ? Vous vous êtes appuyé sur le Conseil constitutionnel pour conforter votre démonstration et vous êtes exprimé en ces termes :

« Monsieur Doligé, nous sommes défavorables à cet amendement pour deux raisons. La première est que nous reprenons à notre compte les dernières décisions du Conseil constitutionnel, qui a estimé que la concomitance des élections départementales et régionales relevait d’une disposition d’intérêt général, puisqu’elle favorise la participation aux élections. La seconde est que nous présenterons un texte sur la répartition des compétences visant à mieux articuler celles-ci entre départements et régions ; cela justifie que les élections départementales et les élections régionales soient organisées au même moment. »

Ainsi, monsieur le ministre, vous avez balayé mes amendements avec force et même agacement, votre argument « massue » étant la référence incontournable au Conseil constitutionnel. Vous aviez d’ailleurs utilisé ces éléments dans l’étude préalable au projet de loi, la fameuse étude d’impact.

Vous avez fait voter la concomitance des élections en décembre 2015 par une Assemblée nationale qui vous était totalement soumise. Je ne vous ferai pas l’affront de lire, à ce moment de mon intervention, vos déclarations du 18 juillet 2014 devant l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, en utilisant les mêmes arguments qu’il y a trois mois, vous allez nous soutenir exactement le contraire. Le Conseil constitutionnel va encore vous servir d’alibi.

La question légitime que l’on est en droit de se poser est la suivante : le Gouvernement nous a-t-il caché la vérité sur la véritable nature des arguments constitutionnels ? Avons-nous en face de nous des amateurs qui ne maîtrisent pas le sujet ?

Nous avons parfois le sentiment qu’il y a du flou sur quelques sujets majeurs, comme l’état réel des finances publiques, l’écotaxe ou l’utilisation des autoroutes. Dès lors, pourquoi n’y aurait-il pas du flou dans votre argumentation concernant les dates des élections ?

Très sincèrement, je ne sais plus dans quelle catégorie classer le Gouvernement : parmi les dissimulateurs ou parmi les amateurs ? Peut-être allez-vous nous l’expliquer.

Comme vous m’aviez convaincu en juillet de votre grande sincérité, j’ai fini par analyser un à un vos arguments et suis arrivé à la même conclusion que vous voilà tout juste trois mois. Le maintien des élections départementales en mars 2015 est bien en contradiction avec certains principes constitutionnels. C’est ce que vous nous expliquiez à l’époque.

En premier lieu, nous devons en effet respecter l’exigence constitutionnelle de sincérité du suffrage, en termes d’intelligibilité, de clarté et de loyauté. Ce sont vos arguments.

En second lieu, la tenue d’élections départementales en mars serait contraire au corollaire du principe de sincérité du scrutin, à savoir le principe d’égalité de traitement des candidats à une élection.

Si vous le voulez, je peux vous donner d’autres arguments. Vous saurez certainement les démonter aujourd’hui, mais nous ne participons pas à un concours d’habileté.

Mais alors, comment pensez-vous résoudre les difficultés suivantes ?

Concernant la date d’ouverture des comptes de campagne, le code électoral impose au candidat d’inscrire, via son mandataire, les dépenses électorales effectuées un an avant les élections sur son compte de campagne. Quelle est votre solution ? M. le rapporteur nous exposera la sienne, mais j’aimerais savoir comment vous allez protéger les candidats.

Concernant le délicat problème de la communication en période électorale et l’utilisation des moyens de l’institution, les atermoiements autour de la date des élections sont de nature à faire peser un risque sur les actions de communication des collectivités territoriales. Comment y répondez-vous ?

Un autre écueil tient à l’impossibilité, pour un fonctionnaire de catégorie A, de se présenter s’il ne démissionne pas dans les six mois qui précèdent l’élection. Or il ne peut plus le faire si l’élection a lieu en mars 2015. Vous allez certainement résoudre également ce problème.

Enfin, pour ce qui est de l’avenir des départements, nous sommes dans le flou le plus complet, et les explications du Premier ministre ne rassurent pas. J’aimerais, pour les milliers de fonctionnaires qui s’interrogent sur leur devenir, que vous nous donniez de vraies perspectives.

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