Notre collègue Ronan Dantec a dit les choses peut-être mieux que nous, Alsaciens, n’aurions pu le faire.
Car nous qui sommes « à l’instar de l’étranger effectif », comme l’on disait à l’époque de Louis XIV – M. le ministre a rappelé que l’on disait aussi : « Ne touchez pas aux affaires de l’Alsace ! » –, nous nous sentons plus Français que Français ; nous sommes des patriotes et des Européens en même temps. Mais il est des choses que nous n’aimons pas dire alors que nous les ressentons profondément !
Nous avons effectivement beaucoup en commun avec la Lorraine, même si la réalité est parfois plus compliquée, puisque l’on parle aussi de l’Alsace-Moselle… Si l’on s’en était tenu au projet que le Gouvernement défendait cet été, il y aurait peut-être eu des divisions sur nos travées, mais le débat aurait été différent. Je ne préconise évidemment pas un retour en arrière : ce qui est fait est fait. Mais j’insiste sur le traumatisme – le terme n’est pas trop fort – qu’a représenté le changement de pied brutal intervenu à l’Assemblée nationale au début de l’été.
Le Gouvernement et plusieurs orateurs ont rendu hommage à l’action de Philippe Richert et Jean-Pierre Masseret. Tous deux avaient mené avec courage – ils ont été critiqués à l’époque – un travail de préparation qui faisait sens. Et puis, patatras !
Croyez-moi, cela a été un choc, d’autant que notre volonté d’aller plus loin s’était déjà heurtée à l’échec du référendum de 2013. Certes, nous en avons analysé les raisons, et nous sommes en train d’abandonner ce type de référendums avec des conditions impossibles à remplir. Mais il s’est passé quelque chose. Cela a été compliqué au départ, mais les citoyens ont fini par s’intéresser à cet enjeu et à s’impliquer en faveur d’une région innovante en matière institutionnelle, avec évidemment les enjeux sous-jacents que vous avez rappelés.
Tel était l’esprit qui nous animait avant ce nouveau coup de tonnerre. Ne voyez d’ailleurs pas dans mon propos une critique à l’égard de la Champagne-Ardenne ou d’autres régions limitrophes. Simplement, les deux réflexions sont différentes.
Ainsi que Gérard Longuet l’a souligné, ce texte s’inscrit dans un mercato gouvernemental qui obéit à un certain nombre de règles et de contraintes. Nous avons tous indiqué lors de la discussion générale et hier encore ce que nous pensions de la méthode consistant à mettre la charrue avant les bœufs.
Comme nous n’avons pas eu le débat de fond sur les compétences, chacun y va de sa conception. Certains, dont je ne doute pas de la sincérité, prônent de très grandes régions. D’autres – c’est notre cas, et nous ne sommes pas les seuls – ont une vision très intégrée de l’avenir des régions ; en l’occurrence, ce n’est pas une question de taille.