Mes chers collègues, je voudrais d’abord écarter complètement la question de savoir si Strasbourg restera capitale européenne. Là n’est pas le sujet ! On sait très bien que Strasbourg restera capitale de l’Europe si l’État français défend avec suffisamment de persuasion cette position auprès de nos collègues européens.
Cela étant, le président du conseil général de Vendée, département à forte identité, a magnifiquement défendu cette idée d’identité, qui est légitime, mais qui peut s’exprimer aussi dans un cadre départemental, à l’intérieur d’une région qui pourtant n’en a pas, dès lors que cette collectivité conserve des compétences économiques, touristiques, culturelles et qu’elle ne devient pas simplement un super bureau d’aide sociale. De la même façon, l’Alsace dans une grande région pourrait défendre au moins autant son identité que la Vendée peut le faire en Pays de la Loire aujourd’hui.
Ensuite, comme beaucoup de Lorrains, je ne peux pas suivre la position de la commission spéciale. Avec Gérard Longuet, François Baroin et tous mes collègues des départements lorrain, champenois et ardennais, je veux réfuter l’argument selon lequel l’amendement n° 41 rectifié bis deviendrait suspect parce que le Gouvernement en a présenté un identique. Cela vaudrait même tout d’un coup adhésion à la réforme instaurant les grandes régions !
Nous sommes nombreux à être opposés aux grandes régions. Mais en vertu de la règle de l’entonnoir et en raison de la nécessité pour le Sénat d’être partie prenante aux débats, la majorité sénatoriale et la commission spéciale estiment qu’il s’agit non plus de revenir à ce que nous aurions souhaité, c’est-à-dire l’approfondissement des régions, mais de nous inscrire dans un schéma de grandes régions. Nous le faisons à contrecœur, mais en cherchant au minimum à assurer une cohérence entre ces grandes régions. Il serait bon que le Gouvernement propose une carte cohérente avec l’idée qu’il défend, qui n’était pas la nôtre initialement, mais que la majorité sénatoriale nous demande d’accepter.
Aujourd’hui, on nous incite à modifier la carte pour permettre à certaines régions – l’Alsace, la Bretagne – de vivre une vie solitaire, en rompant avec les régions limitrophes sans lesquelles une grande région n’a pas de sens.
Une grande région de l’Est avec la Lorraine mais sans l’Alsace est insensée. Au reste, les Lorrains ont au moins autant de raisons que les Alsaciens – les mêmes, pour la plupart – de demander l’approfondissement de leur région plutôt que son élargissement. Or le texte issu des travaux de la commission spéciale ne le permet pas.
Au fond, ceux qui appellent au rejet de l’amendement n° 41 rectifié ter nous demandent de souscrire à un texte dont nous ne nous satisfaisons pas, pour permettre à d’autres d’échapper à ce que nous ne voulons pas… Cette situation n’est pas tenable. Elle n’est, bien sûr, pas défendable territorialement, et, de surcroît, elle n’est même pas cohérente, ni intellectuellement, ni politiquement, ni philosophiquement.
Mes chers collègues, nous vous prions donc de voter en faveur du présent amendement. Je le répète, ses auteurs ne soutenaient pas le projet du Gouvernement et auraient préféré approfondir la construction régionale actuelle plutôt que de l’élargir. Cela étant, animés par un esprit de compromis, ils considèrent que, tant qu’à découper de grandes régions, il faut le faire avec une certaine cohérence pour que cette réforme puisse avoir un sens et s’applique sur l’ensemble du territoire.
Au-delà de la question de l’autonomie de l’Alsace, nous sommes déjà passés, hier soir, à côté de certaines réformes. Nous avons maintenu un conseil général et un conseil régional dans les départements et régions d’outre-mer, sur un même territoire. Cela n’a pas de sens ! Nous avons maintenu, en Corse, un conseil régional et deux conseils généraux.
Dès lors, dessinons au moins sur le continent une carte qui ait un minimum de cohérence, pour construire, par le biais des lois qui vont être adoptées ultérieurement, une réforme qui ait un sens, une réforme qui, sans consacrer l’uniformité de toutes les régions, leur donne, à toutes, des chances égales.