Intervention de Christian Favier

Réunion du 30 octobre 2014 à 15h00
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Article 1er suite

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Nous avons la confirmation que la mise en concurrence de nos territoires se soldera par celle des populations.

Le Gouvernement, de ce point de vue, porte une lourde responsabilité en ayant proposé ce texte sans avoir posé les termes du débat ni défini ses objectifs. Il n’a ni présenté de réelles études de faisabilité et d’impact, ni défini les critères pris en compte pour justifier ses propositions, ni mis en place une méthode de travail, après s’être refusé à organiser une réelle concertation avec les forces sociales, en particulier les élus régionaux et départementaux touchés par ces fusions, alors que la loi lui en fait pourtant l’obligation.

Il est doublement responsable en mettant la charrue avant les bœufs, en proposant d’instaurer de nouvelles frontières avant d’avoir mis en débat les compétences et les moyens dont disposeront, demain, les régions.

Au cours de notre intervention dans la discussion générale, nous vous avions alertés sur le fait que ce texte risquait d’attiser les concurrences, les appétits identitaires de chaque territoire, en soulignant ce qui nous différencie plus que ce qui nous rassemble. Les débats nous ont malheureusement donné raison.

Avec cette carte, en ouvrant et en facilitant le droit d’option des départements qui souhaiteront quitter leur région d’origine, nous allons propager la dérive de nos débats, constatée au-delà de nos rangs, partout en France. Les élus départementaux et régionaux vont se déchirer sur des options contradictoires et, à juste raison, nos concitoyens vont bien entendu faire irruption dans ces débats.

Or vous leur avez retiré tout droit d’intervention dans ce domaine qui les concerne pourtant au premier chef. Nous allons donc faire monter encore les antagonismes et les égoïsmes. Notre pays risque de se déchirer avec la recherche et la désignation de nouveaux boucs émissaires potentiels, au seul profit du populisme.

Toutefois, si le Gouvernement porte la première responsabilité dans ce domaine, la droite sénatoriale y a pris sa part. À force de vouloir que le Sénat définisse sa carte, à force de vouloir elle aussi mettre en place de grandes régions, en faisant croire que cela allait mécaniquement accroître leur capacité d’action, elle a finalement accepté et soutenu les termes du débat posés par le Gouvernement, et contribué à faire monter les antagonismes.

J’en veux pour preuve le long débat que nous avons eu et son attitude face au lobby alsacien, qu’elle a soutenu et auquel elle a cédé.

De même, elle a soutenu et même amplifié la suppression de tout droit d’intervention citoyenne, privant ainsi notre peuple de son droit à la parole, de sa souveraineté.

Pour faire passer ce chambardement de nos institutions locales, le passage en force est la méthode choisie, car notre peuple n’est pas favorable à cette réforme, ainsi que le montre un tout récent sondage : 54 % de nos concitoyens se prononcent contre le redécoupage de nos régions.

Ce texte est donc un mauvais coup porté à notre démocratie et ne répond en rien aux difficultés auxquelles nos concitoyens sont aujourd'hui confrontés.

Nous regrettons aussi que nos collègues socialistes renient la vision décentralisatrice au service de l’émancipation humaine que nous avions portée ensemble durant des décennies, au profit d’une reconcentration locale, d’une recentralisation régionale, d’une mise sous tutelle des collectivités territoriales, ouvrant la voie au fédéralisme, en lieu et place de notre République une et indivisible, forgée par l’histoire et l’intelligence de notre peuple.

Pour toutes ces raisons, avec regret compte tenu des enjeux qui sont dorénavant devant nous, nous ne voterons pas la carte régionale définie à l’article 1er.

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