Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 30 octobre 2014 à 21h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Vote sur l'ensemble

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Quand, il y a quelques mois, Manuel Valls est venu s’exprimer à cette tribune pour exposer la manière dont il voyait l’évolution de la France et de ses territoires, nous avons accueilli avec intérêt, pour ne pas dire avec enthousiasme, ses propositions, ce qui, si mes souvenirs sont bons, n’était pas le cas de nombreux collègues.

Plusieurs mois ont passé et, finalement, je ne peux qu’exprimer ma déception sur le travail que nous venons de réaliser, ici, en deuxième lecture et, plus globalement, sur ce qui s’est passé concernant ce premier projet de loi.

Tout le monde l’a dit : si on avait d’abord travaillé sur les compétences, on aurait éclairé autrement le débat relatif à la délimitation des régions. Il y avait quelques contraintes de calendrier électoral.

Je suis sans doute un peu sévère, mais, au-delà, c’est surtout l’absence de méthode de la part du Gouvernement pour préparer cette nouvelle carte qui explique que, après deux lectures, certains problèmes n’aient pas été réglés. L’ouest de la France en est l’exemple type. Imaginez quand même, mes chers collègues, que le département de la Loire-Atlantique et, plus globalement, l’Ouest est l’endroit de France où, depuis cinquante ans, on parle constamment de redécoupage, où les gens sont intéressés par ce sujet, où les acteurs ont des opinions sur la question et où des propositions ont été formulées. Or c’est l’endroit de France qui ne bouge pas !

Cela révèle quand même un échec patent de la méthode, ou plutôt l’absence de méthode. La réforme s’est donc construite au petit bonheur la chance : au gré des rapports de force entre les uns et les autres, on a bricolé tant bien que mal une carte, qui est tout sauf égalitaire. J’ai beaucoup entendu parler d’égalité durant ces débats, mais il me semble que, au nom de l’égalité, on a provoqué de véritables inégalités en définissant des régions dont la taille et les moyens de trames urbaines sont très différents, alors même que l’idée de départ était justement d’augmenter les capacités d’action de toutes les régions.

Il y a donc des échecs sur cette carte, et l’absence de méthode n’a pas permis à la représentation nationale de les corriger. Nous n’avons pas réussi à les corriger non plus parce que nous sommes restés dans une forme d’« entre soi », qui a été très nette dans les débats. J’ai finalement eu le sentiment que le Gouvernement avait lui-même légèrement pris peur de ce grand processus de redécoupage qu’il avait initié, et qu’il n’avait dès lors eu de cesse de limiter les capacités de découpage. Et il s’est trouvé dans cet hémicycle beaucoup de gens pour le soutenir dans cette crainte qu’on aille trop loin.

Au final, les droits d’option sont beaucoup plus réduits que ce que l’on aurait pu imaginer. Ils sont notamment extrêmement réduits dans le temps, ce qui va poser beaucoup de problèmes dans certains territoires et engendrer énormément de frustration – vous le verrez dans les prochains mois et les prochaines années.

Cet « entre soi » ne manque pas de questionner. On sait bien que cette carte s’est faite avec de grands élus régionaux qui ont mis tout leur poids dans la balance, avec des groupes politiques qui n’ont pas cherché non plus à trop élargir les dispositifs. Et à aucun moment – j’insiste sur ce point – n’a été introduite une capacité de débat démocratique et d’initiative citoyenne.

C’est, à mon sens, une grave faiblesse de la démarche, et nous devrons nous réinterroger à l’avenir sur cette manière de penser, à savoir qu’une carte administrative est finalement une chose trop sérieuse pour en débattre avec les citoyens et les acteurs locaux.

De ce point de vue, la frustration est grande. Nous restons finalement dans une vision assez figée des institutions, très cinquième République, qui ne correspond plus au monde d’aujourd’hui, dans lequel les territoires bougent assez rapidement. Il fallait donc, selon moi, opter pour des méthodes qui permettent d’accompagner ce mouvement, et qui offrent aussi la possibilité de revoir assez régulièrement les choses. Au contraire, on a finalement adopté des systèmes extrêmement figés, ce qui n’est pas étonnant de la part d’un certain nombre de formations politiques, puisque cette manière de penser s’inscrit dans leur culture depuis très longtemps – il est au demeurant tout à fait légitime de penser de la sorte.

Mais il subsiste finalement l’impression d’avoir vraiment raté une occasion.

Le seul endroit en définitive où l’on a répondu à une France en mouvement, une France où les territoires sont confrontés à des problématiques diverses, c’est l’Alsace. J’espère que les Alsaciens pourront aller au bout de leur expérimentation sur la collectivité unique.

En conclusion, le groupe écologiste va s’abstenir sur ce texte. Nous aurions presque pu voter contre, mais nous ne le faisons pas parce que nous croyons toujours à la deuxième loi, et que cette première loi n’est tout de même pas sans lien avec une réforme des compétences qui renforcerait le couple région-intercommunalités. Il n’en demeure pas moins, après ces quelques journées de débat, le sentiment d’une occasion manquée, voire même d’un gâchis. Et je ne pense pas que l’Assemblée nationale changera encore beaucoup les choses.

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