Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 4 novembre 2014 à 21h30
Simplification de la vie des entreprises — Articles additionnels après l'article 2 quinquies

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la création du compte personnel de prévention de la pénibilité fait suite à une longue concertation avec les partenaires sociaux. Je crois d’ailleurs le moment venu de rappeler que c’est le gouvernement Fillon qui a, le premier, inscrit la notion de pénibilité dans la loi, en l’occurrence celle du 21 août 2003 sur les retraites, à la demande notamment de la CFDT.

L’article 12 de cette loi dispose en effet que « dans un délai de trois ans, les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national sont invitées à engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité ».

Contrairement à ce qui est avancé aujourd’hui, cette négociation a donc eu lieu, et elle a duré fort longtemps. Pas moins de dix-huit réunions ont été organisées ! Le dispositif de compensation espéré n’a jamais vu le jour, la négociation sur ce thème entre patronat et syndicats n’ayant jamais abouti.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler que le blocage est venu de la partie patronale et portait sur le financement. Cela n’a pas empêché le vote de la loi de 2008, qui a augmenté le nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein, puis la fixation, en 2010, de l’âge légal de la retraite à 62 ans.

Dans ces conditions, les partenaires sociaux eux-mêmes ont demandé au Gouvernement de reprendre la main, ce qui a été fait au travers de la loi de 2013.

Après une nouvelle concertation, dix critères de pénibilité ont été définis. Un dispositif de compensation a été proposé, fondé sur la formation, le temps partiel et le départ anticipé à la retraite.

Il est parfaitement faux de dire qu’aucun dialogue n’a eu lieu ensuite. M. de Virville a été missionné pour faciliter l’application du dispositif. Les seuils ont été rediscutés, et quatre critères objectifs sur les dix pourront ainsi être mis en application l’année prochaine. Cela ne prête pas à discussion !

En revanche, les organisations patronales s’inquiètent de la possibilité de mesurer les six autres critères. C’est pourquoi M. de Virville a été missionné une deuxième fois par le Gouvernement pour étudier avec les partenaires sociaux la mise en œuvre de la totalité du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Nous allons donc, dans cette affaire, de dialogue en concertation, alors qu’il s’agit d’abord d’appliquer une loi votée. Où en est-on aujourd’hui ? Rien n’a changé ! Les résultats des études réalisées par les experts de la santé au travail sont d’une grande constance. À 35 ans, l’espérance de vie d’un homme est de quarante-trois ans et celle d’une femme de quarante-neuf ans. Les hommes cadres supérieurs ont encore une espérance de vie de quarante-sept ans, soit six ans de plus qu’un ouvrier. Les femmes cadres supérieurs ont une espérance de vie de cinquante et un ans, soit deux ans de plus que les ouvrières.

Ces écarts se doublent d’une grave inégalité en matière d’espérance de vie en bonne santé. Les ouvriers sont en effet atteints de pathologies invalidantes qui atteignent moins les catégories professionnelles non contraintes de travailler dans le bruit ou de porter des charges lourdes.

Cette injustice fondamentale doit être corrigée. Actuellement, en dehors des maladies professionnelles reconnues, les conséquences de la pénibilité sont entièrement prises en charge par la collectivité au travers des dispositifs de maladie et d’invalidité. Les employeurs sont donc de facto exonérés de toute participation à la prise en charge des conséquences financières de la pénibilité, comme s’il s’agissait d’une fatalité. Or tel n’est pas le cas. La pénibilité doit être prise en compte dans les dispositifs de prévention, et la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité est, à cet égard, un signal fort adressé aux entreprises afin qu’elles prennent enfin les mesures qui leur permettront de diminuer leur contribution. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion