Intervention de Jean Jouzel

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 5 novembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Audition de M. Jean-Paul deleVoye président du conseil économique social et environnemental de M. Jean Jouzel et Mme Laurence Hézard rapporteurs d'un avis du cese

Jean Jouzel, rapporteur pour avis du CESE (section de l'environnement) :

Le rapport que nous avons signé avec Laurence Hézard résulte d'un travail collectif important, où nos deux sections ont examiné tous les articles plutôt que de se les répartir, c'est un point de méthode auquel nous tenons parce qu'il s'avère très fructueux.

Le tout dernier rapport du GIEC, effectivement, présente la synthèse des analyses sur le réchauffement climatique et sur les solutions entre nos mains. Où en sommes-nous ? Les choses sont très claires sur le diagnostic : tous les voyants sont au rouge, nous allons vers un réchauffement supérieur à 4 °C, nos générations en sont responsables - nous ne pouvons pas dire que nous ne savons pas. Du côté des solutions, tous les pays savent qu'il faut faire quelque chose, puisque tous ont adhéré à l'objectif de prendre les mesures propres à limiter le réchauffement à 2 °C à long terme.

Nous savons aussi que l'augmentation de l'effet de serre est due pour les trois-quarts aux combustions d'énergies fossiles, de même que nous savons que sur les 790 milliards de tonnes de gaz carbonique correspondant à un réchauffement de 2 °C - soit la température de stabilisation à long terme pour laquelle les États se sont engagés, celle dont nous allons débattre l'an prochain à Paris -, nous en avons déjà émis plus de 500 milliards de tonnes : au rythme actuel, nous aurons atteint le total dans vingt-cinq ans. Il faut savoir aussi que les quelque 250 milliards de tonnes de gaz carbonique à émettre pour atteindre ce réchauffement de 2° C, correspondent à seulement 20 % des réserves facilement accessibles d'énergies fossiles ; ces réserves ont doublé depuis dix ans avec le pétrole et le gaz non conventionnels - cela explique mon opposition de climatologue à l'exploitation des gaz de schistes. Pour avoir dialogué encore hier avec les représentants des énergies fossiles, je sais que les pétroliers ne sont pas encore prêts à jouer le jeu de la transition énergétique; cependant, il faut la faire sans attendre, ou bien nous ne serons pas sur la trajectoire que nous nous sommes fixée pour 2050 - et nous savons déjà qu'il faudra poursuivre sinon accentuer l'effort après cette date.

Les solutions passent par un grand nombre d'actions, incluant l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, l'inclusion de l'énergie nucléaire, le stockage du gaz carbonique... Nous avons explicité l'objectif d'un facteur quatre pour la France d'ici 2050, car il est dans la trajectoire conséquente avec l'analyse du GIEC - et nous considérons normal que les pays développés soient exemplaires en matière énergétique.

Parmi les autres points à signaler, nous aurions souhaité que les objectifs européens se traduisent par des contraintes sur l'efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables, à l'horizon 2020 mais aussi au-delà. Nous manquons cruellement d'une politique européenne de l'énergie : notre continent ne peut se contenter d'un simple échange d'électricité entre pays, nous avons besoin d'une stratégie, d'investissements communs, de normes communes. Les objectifs européens sont importants, mais il faut les traduire en actes.

Un mot sur la recherche, qui est indispensable, à court comme à long terme : c'est grâce à la recherche que nous avons trouvé des solutions par le passé et que nous trouverons celles dont nous avons besoin pour l'avenir.

Enfin, nous avons regretté que le projet de loi réduise la question essentielle de l'économie circulaire au seul domaine des déchets : la question est bien plus large et il y a beaucoup mieux à faire, nous espérons qu'il sera possible d'aller plus loin.

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