Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 5 novembre 2014 à 14h30
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intitulé du texte que nous examinons aujourd’hui révèle toute l’ambiguïté de l’exercice auquel nous sommes soumis : nous devons adapter notre procédure pénale au droit de l’Union européenne.

Je regrette une fois de plus que cet « exercice » soit trop souvent réalisé dans l’urgence d’un calendrier imposé, sous peine de sanctions. En effet, la France est sous la menace, à partir du 1er décembre prochain, d’actions en manquement engagées devant la Cour de justice de l’Union européenne par la Commission européenne si elle ne transpose pas les décisions-cadres auxquelles ce texte est consacré.

Pourtant, l’objet de ce texte est fondamental : mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires au sein de l’Union européenne, transposant ainsi trois décisions-cadres adoptées, en matière pénale, avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne : l’une est consacrée à la prévention et au règlement des conflits de procédures pénales, les deux autres à la reconnaissance mutuelle des mesures de contrôle judiciaire et des condamnations à des peines probatoires.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, ce texte a une utilité certaine pour nos concitoyens, puisqu’il leur garantira, s’ils sont poursuivis ou condamnés dans un autre État membre, de pouvoir revenir en France exécuter le contrôle judiciaire ou la mesure de probation qui est prononcée contre eux, sous condition de réciprocité bien sûr.

L’espace judiciaire européen trouve ainsi une réalité concrète, en améliorant la coordination entre les magistrats des différents États membres et en étendant le champ des décisions de procédure pénale susceptibles d’être exécutées dans un autre État que celui qui les a prononcées.

Même si la France participe de longue date à cette politique de coopération judiciaire européenne et même si le principe non bis in idem, qui a déjà été évoqué, empêche que deux procédures judiciaires concurrentes, ouvertes dans deux pays différents et portant sur les mêmes faits et les mêmes personnes, n’aboutissent au prononcé de deux sanctions, la décision rendue dans le cadre d’une procédure s’impose à l’autre. Il manquait donc un véritable outil permettant une information croisée, mutuelle, afin de parfaire ces procédures jusque-là parallèles. Nous ne pouvons donc que souscrire à l’objet de la décision-cadre ainsi transposée.

En effet, notre objectif, pour une plus grande efficacité, est d’éviter le cumul de procédures sur les mêmes faits. L’absence actuelle, au sein de l’Union européenne, de mécanismes de dessaisissement d’une autorité judiciaire d’un État membre au profit de celle d’un autre État membre constitue un véritable problème. Nous en sommes conscients. C’est pourquoi, en France, lorsque deux juges d’instruction ou deux juridictions pénales sont saisis des mêmes faits impliquant les mêmes personnes, le ministère public ou les parties peuvent demander le renvoi de l’affaire à un seul d’entre eux.

En prévoyant une obligation d’information entre magistrats, la décision-cadre a pour but de favoriser un dessaisissement amiable.

Vous avez fait le choix, madame la garde des sceaux, de transposer a minima le dispositif de la décision-cadre en ne retenant, dans le projet de loi, que le strict nécessaire et en renvoyant le reste au décret d’application : vous avez décidé de vous contenter de n’écrire dans la loi que ce qui crée une obligation pour les autorités judiciaires.

Cependant, la transposition proposée ne distingue pas aussi clairement que la décision-cadre l’articulation de la procédure en deux phases : une première phase d’entrée en contact, avec un échange d’informations limité, une seconde phase de consultation, avec un échange d’informations bien plus étendu, borné seulement par deux limites. Nous approuvons pleinement la proposition de M. le rapporteur de mieux distinguer ces deux phases et de procéder ainsi à une transposition peut-être plus conforme.

La décision-cadre ne crée pas une procédure de dessaisissement formel d’un juge au profit de son homologue étranger. Même si nous savons tous qu’une telle procédure aurait limité la souveraineté des États en matière de poursuite pénale, il était légitime de nous interroger sur les suites qui pourront être données aux consultations engagées entre les juges. Pouvez-vous nous confirmer, madame la garde des sceaux, que cela évitera de clore définitivement les affaires ?

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, l’espace judiciaire européen, en matière pénale, progresse par extensions successives du principe de reconnaissance mutuelle aux différentes mesures susceptibles d’être prononcées dans une enquête, une instruction ou un procès pénal.

Au-delà de cette phase d’information mutuelle en cours de procédure, la phase suivante est tout aussi fondamentale : celle de la décision, des condamnations et de leur exécution. Un premier texte, que nous avons adopté l’année dernière, a autorisé l’exécution en France de peines d’emprisonnement prononcées à l’étranger.

La nouveauté de la décision-cadre que nous nous apprêtons à transposer porte sur les mesures privatives de liberté, à l’exclusion de la détention provisoire, décidées par les autorités compétentes, avant le prononcé de la peine. Le dispositif proposé complète utilement les procédures d’entraide judiciaire au sein de l’Union européenne et transpose de manière satisfaisante la décision-cadre.

Enfin, le texte de transposition permettra à davantage de citoyens de l’Union européenne d’effectuer leur peine de probation dans leur État de résidence, améliorant ainsi leurs chances d’insertion ou de réinsertion.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte est une nécessité, au plan européen comme au plan interne : il s’agit d’une nécessité juridique, mais surtout d’un besoin pour nos concitoyens qui auraient à subir des procédures parallèles dans différents pays européens.

Je ne puis donc formuler qu’un souhait aujourd’hui : que nos homologues européens s’empressent de transposer ces directives, afin que le principe de réciprocité puisse s’appliquer au mieux en matière pénale.

Le groupe UMP votera donc bien sûr en faveur de ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion