Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 5 novembre 2014 à 14h30
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Article additionnel après l'article 4 ter

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach :

Je profite de l’examen de ce projet de loi pour revenir sur un sujet qui m’est cher, celui du soutien aux victimes et des subventions attribuées aux associations leur venant en aide.

Je sais, madame la garde des sceaux, que vous avez déjà beaucoup travaillé sur la question et que, depuis deux ans et demi, ces associations bénéficient d’une plus grande considération et de moyens financiers accrus. Malheureusement, encore beaucoup trop de victimes sont insuffisamment prises en charge, alors même qu’elles ont besoin d’aide et de soutien. Nous devons donc nous appuyer sur des associations plus efficaces dans l’aide qu’elles apportent.

Lors du débat sur le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant les sanctions pénales – la réforme pénale –, une disposition avait été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, prévoyant une sur-amende de 10 % appliquée de manière automatique. Ce dispositif, qui est en place dans d’autres pays, notamment au Canada, avait été voté par le Parlement.

Malheureusement, dans sa décision du 7 août 2014, le Conseil constitutionnel est venu sanctionner cette mesure, au motif qu’une peine « ne peut être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l’espèce. […] » Cette jurisprudence conduit à la prohibition des peines accessoires qui sont appliquées sans que le juge ou l’autorité compétente ait à les prononcer.

Le problème provenait donc de la rédaction de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale, dans lequel il était fait mention d’une application automatique de la sur-amende.

Afin de contourner l’obstacle, je profite donc de l’examen du présent texte pour introduire un amendement tendant à faire évoluer le dispositif, de l’obligation à la possibilité. En d’autres termes, les juges pourront décider, en fonction des circonstances et de la situation de la personne condamnée, de lui imposer une sur-amende de 10 %.

Ainsi, en l’absence de caractère obligatoire, l’objection du Conseil constitutionnel serait levée, et nous éviterions toute nouvelle censure de sa part. Notre collègue Alain Richard l’a bien confirmé en commission, ce matin, devant les craintes émises par certains d’entre nous : nous ne risquons plus les foudres du Conseil constitutionnel sur cet aspect du dossier.

Bien sûr, la question de la non-affectation des recettes demeure. Néanmoins, c’est une difficulté que nous avons déjà soulevée lors du débat sur la réforme pénale : il était initialement prévu d’affecter les recettes à un fonds en faveur des associations ; la mesure ayant été rejetée du fait de son caractère clairement inconstitutionnel, les sommes seraient donc tout à fait logiquement versées au budget de l’État.

En revanche, madame la garde des sceaux, vous vous étiez engagée à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et ici même, au Sénat, à être extrêmement vigilante sur la question, afin que les recettes supplémentaires liées à cette sur-amende soient bien affectées à votre ministère et utilisées pour aider les associations.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que ces associations, dont le rôle est essentiel, connaissent de réelles difficultés. Plusieurs d’entre elles ont dû fermer leurs portes au cours des dernières années ou ont été contraintes de procéder à des licenciements.

Nous constatons qu’elles ont besoin d’aide et de soutien financier et qu’elles rendent un grand service à nos concitoyens qui sont victimes. Nous avons l’occasion de répondre à la décision du Conseil constitutionnel et de recréer cette sur-amende que le juge pourrait le cas échéant prononcer, ce qui permettrait de rassembler quelques recettes supplémentaires.

Nous le savons, le budget de l'État est contraint. Décider de nouvelles dépenses est toujours facile ; encore faut-il trouver les recettes correspondantes. En l’espèce, nous avons l’occasion de prévoir une recette qui permettra d’abonder des crédits supplémentaires en faveur des associations d’aide aux victimes.

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