Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 6 novembre 2014 à 9h30
Accord fiscal avec la chine — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conventions de ce type, qu’elles relèvent de la commission des finances ou de la commission des affaires étrangères, échappent d’habitude à un débat en séance plénière puisqu’elles sont le plus souvent adoptées en procédure d’examen simplifié. Elles font donc l’objet de peu d’évaluations. Compte tenu du fait qu’il faut en général attendre trois ou quatre ans pour que les conventions signées soient ratifiées, on essaie de pallier les délais de ratification par une adoption rapide.

Ces méthodes sont souvent insuffisantes, et je tiens donc à remercier vivement le groupe CRC de son initiative, d’autant que notre collègue Éric Bocquet a brillamment traité du thème de l’évasion des capitaux au sein de deux commissions d’enquête. §Nous avons eu grand plaisir à travailler avec lui et nous attendons avec impatience la création de la troisième commission d’enquête, car le sujet n’est pas clos. M. le président du Sénat ne voulant pas instituer de délégation permanente à l’évasion et à la fraude fiscales, une troisième commission d’enquête sur ce sujet serait à mon avis utile.

Mais revenons-en au sujet qui nous occupe aujourd’hui.

À l’heure où s’ouvrent à Strasbourg, ce jour même, les Assises de la coopération décentralisée franco-chinoise, rassemblant plus de 700 entreprises chinoises et responsables locaux, cette convention est importante.

Il n’est nul besoin de s’éterniser sur les rapports économiques entre la France et la Chine.

La sécurité juridique est évidemment un élément tout à fait indispensable pour la bonne tenue de nos relations commerciales, mais d’autres sujets sont aussi à traiter, tels la lutte contre la contrefaçon, l’harmonisation du droit de la propriété intellectuelle, le dumping. Mais ils n’entrent pas dans la convention que nous examinons aujourd’hui.

La présente convention n’a pas vocation à révolutionner l’état actuel du droit. Il s’agit plutôt d’une actualisation. Nous sommes donc entre deux eaux. Mais comme les autres orateurs l’ont dit avant moi, cette convention a le mérite d’exister.

La publication le 16 septembre dernier du modèle de l’OCDE relatif à la lutte contre l’érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices devrait conduire à de nouvelles négociations dans les prochaines années.

Permettez-moi là aussi d’ouvrir une parenthèse : il est toujours extrêmement difficile de renégocier des accords. Il serait vraiment intéressant de refaire le point de ces conventions fiscales avec certains de nos partenaires. Je regrette ainsi, pour ma part, que nous ne puissions pas revoir avec nos amis du Qatar une convention fiscale qui fait de notre pays un paradis fiscal…

S’agissant de la question spécifique du transfert d’information, le modèle actuel n’est pas pleinement satisfaisant. Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de ce point en séance plénière en juillet dernier, lors de l’examen des conditions d’application en France de la loi américaine FATCA.

L’échange à la demande est moins efficace que l’échange automatique. L’échange à la demande entre deux pays, s’il ne peut être refusé par l’un des signataires de la convention, suppose l’existence d’un soupçon préalable de l’une des administrations fiscales.

L’échange automatique, quant à lui, peut jouer un véritable rôle de traque des fraudeurs. C’est ce modèle qu’il faut promouvoir, c’est ce modèle que nous recherchons.

Cette convention traite de la fraude fiscale portant sur la déclaration de revenus de divers types, mais elle demeure a priori assez peu opérante au regard de nombreuses techniques nouvelles et anciennes. Les prix de transferts, notamment, constituent une réelle difficulté sur laquelle nous n’avons pas, ni sur le plan national ni sur le plan international, de solution ; et pourtant, c’est l’essentiel du commerce international entre filiales. Le rapport de la commission d’enquête avait bien illustré ce sujet sur lequel nous avions passé beaucoup de temps. Je n’y reviendrai pas ici, mais il nous faudra vraiment nous en préoccuper.

Qu’en est-il aussi des sociétés-écrans installées à Hong Kong ? À cet égard, il n’y a pas non plus de clause anti-abus. Quant à la fraude sociale, là encore, cette convention est totalement elliptique.

Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, nous allons voter cette convention entre le yin et le yang. Madame la présidente de la commission des finances, il serait à mon avis intéressant que, une fois l’examen du budget terminé, lorsque nous disposerons d’un peu plus de temps, soit inscrit à l’ordre du jour un débat thématique sur l’efficacité des conventions fiscales internationales, à l’instar de l’excellent débat organisé l’année dernière.

En effet, sans accord international, il n’y a pas de droit international. Déjà, il y en a peu. Or, le droit fiscal international est extrêmement important, surtout en matière de fraude et d’évasion fiscales. Il faut donc, à mon avis, rendre plus efficaces et pertinents les conventions fiscales internationales et l’échange de données pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Cette lutte ne doit pas rester théorique, il nous faut la mettre en pratique. Petit pas après petit pas, sommet après sommet, nous progressons, et nous ne pouvons bouder notre plaisir de voir des mesures prises et appliquées.

Néanmoins, le chemin devant nous est encore long. Nous rencontrons même parfois des problèmes franco-français d’évasion et de fraude à la déclaration fiscale ! Il s’agit d’un travail de longue haleine. Je compte donc vraiment sur votre compétence en la matière, madame la présidente de la commission des finances, pour que ces conventions internationales soient examinées rapidement par votre commission de façon que les membres des autres commissions de notre assemblée puissent en avoir connaissance. En effet, ces conventions fiscales, qui sont généralement adoptées en séance plénière selon la procédure d’examen simplifié, et qui relèvent toujours de la commission des finances, comportent des dispositions extrêmement importantes dont nous devons avoir connaissance.

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