Séance en hémicycle du 6 novembre 2014 à 9h30

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle l’examen de cinq projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces cinq projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée l'approbation des amendements de Manille à l'annexe de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (convention STCW) et au code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (code STCW), adoptés le 25 juin 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation des amendements de Manille à l’annexe de la convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (convention STCW) et au code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (code STCW) (projet n° 269 [2013-2014], texte de la commission n° 64, rapport n° 63).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'adhésion de la France au protocole à la convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages (ensemble une annexe), adopté à Londres le 1er novembre 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’adhésion de la France au protocole à la convention d’Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages (projet n° 270 [2013-2014], texte de la commission n° 68, rapport n° 67).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (ensemble une annexe), signé à Paris le 27 novembre 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (projet n° 371 [2013-2014], texte de la commission n° 70, rapport n° 69).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan relatif aux services aériens (ensemble une annexe), signé à Achgabat le 2 mars 2013 et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan relatif aux services aériens (projet n° 370 [2013-2014], texte de la commission n° 66, rapport n° 65).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, modifiée par l'avenant du 6 juillet 1971 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux et modifiée ultérieurement par la convention du 19 juillet 1974 entre les deux Gouvernements susmentionnés et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative à l'adhésion de ce dernier Gouvernement à la convention et par l'avenant du 27 juillet 1976, le deuxième avenant du 9 décembre 1981, le troisième avenant du 25 mars 1993 et le quatrième avenant du 4 décembre 2002 entre les trois Gouvernements susmentionnés, signé à Paris le 1er juillet 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, modifiée par l’avenant du 6 juillet 1971 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne sur la construction et l’exploitation d’un réacteur à très haut flux et modifiée ultérieurement par la convention du 19 juillet 1974 entre les deux gouvernements susmentionnés et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relative à l’adhésion de ce dernier gouvernement à la convention et par l’avenant du 27 juillet 1976, le deuxième avenant du 9 décembre 1981, le troisième avenant du 25 mars 1993 et le quatrième avenant du 4 décembre 2002 entre les trois Gouvernements susmentionnés (procédure accélérée) (projet n° 570 [2013-2014], texte de la commission n° 72, rapport n° 71).

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (projet n° 4, texte de la commission n° 58, rapport n° 57).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle convention fiscale signée le 26 novembre 2013 est un élément important de nos relations avec la Chine. De manière très symbolique, la signature est intervenue à l’occasion de la première réunion du dialogue économique et financier franco-chinois, à Pékin.

Nos relations avec la Chine, et cette convention elle-même, s’inscrivent par ailleurs pleinement dans les priorités qui sont les nôtres en matière de développement de la coopération fiscale internationale. C’est un sujet qui, je le sais, est particulièrement important pour la Haute Assemblée.

Pourquoi une nouvelle convention fiscale avec la Chine était-elle nécessaire ?

La France et la Chine sont liées par une convention fiscale signée le 30 mai 1984, soit voilà trente ans, et par un accord sur le développement des relations économiques et de la coopération établi le 16 avril 1985.

Ce dispositif ancien pose un certain nombre de difficultés pour les deux parties et pour les différents opérateurs concernés, ce d’autant plus que les relations bilatérales se sont intensifiées dans de nombreux secteurs. Avec Hong Kong, par exemple, nous avons un traité plus moderne, qui date de 2010.

C’est la raison pour laquelle des négociations ont été conduites depuis plusieurs années, qui nous ont permis d’arriver en 2013 à un accord avec la partie chinoise sur une nouvelle convention entre nos deux États.

Quelles sont les avancées de la nouvelle convention franco-chinoise ?

La convention bénéficie d’une modernisation et d’une « mise en ligne » avec les standards internationaux. D’abord, elle comporte des clauses anti-abus visant différents types de revenus. Ensuite, une autre clause plus générale interdit à tous les contribuables de s’appuyer sur des montages abusifs pour demander le bénéfice des stipulations conventionnelles.

De telles clauses existent déjà dans nos conventions les plus récentes et il était normal qu’avec un partenaire d’une telle importance nous mettions à niveau notre accord bilatéral.

Ces avancées sont parfaitement en phase avec les travaux menés au G20, dont la Chine est membre, sur l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices. Je pense, disant cela, au dispositif BEPS – Base Erosion and Profit Shifting –, qui vous est maintenant bien connu.

Dans la même optique, s’agissant de l’échange de renseignements, nous avons saisi l’occasion de cette nouvelle convention pour mettre l’article correspondant en conformité avec le dernier standard de l’OCDE.

Par ailleurs, vous le savez, nous entrons désormais dans l’ère de l’échange automatique d’informations. Les autorités chinoises se sont engagées à le mettre en œuvre en 2018. Cela pourra se faire dans le cadre de cette convention, complétée sur le plan technique par l’accord multilatéral de l’OCDE déjà signé à Berlin, la semaine dernière, par la France et 51 États et territoires.

Cette convention sera également plus favorable à nos entreprises s’agissant de leurs activités en Chine.

Pour les acteurs économiques – et vous savez que les relations entre les deux États sont très importantes –, la nouvelle convention permettra plusieurs avancées en sécurisant nos entreprises qui conduisent des activités en Chine, et réciproquement.

Certaines impositions à la source subies par nos entreprises en Chine seront ainsi réduites.

Parallèlement, le mécanisme ancien du crédit d’impôt forfaitaire, qui conduisait dans certains cas la France à devoir rembourser aux entreprises des montants supérieurs à la retenue à la source payée en Chine, est supprimé avec une période de transition. À la place est instituée une méthode d’élimination classique que l’on trouve dans les autres conventions récentes.

Enfin, la nouvelle convention règle une série de problèmes spécifiques : il s’agit par exemple du régime des prêts garantis par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, ou COFACE, du traitement de la rémunération des fonctionnaires et notamment des professeurs du lycée français de Pékin, et de la situation des jeunes volontaires internationaux en entreprise, les VIE.

Cet accord est déjà ratifié du côté chinois. Il vous est maintenant soumis, ce qui doit permettre son entrée en vigueur dès le 1er janvier 2015. Cela me semble important compte tenu de tous les avantages qui en sont attendus sur les plans économique et fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat est la première assemblée saisie du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord du 26 novembre 2013 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

Cette nouvelle convention fiscale entre la France et la Chine a vocation à se substituer à l’actuelle convention, qui date de 1984, afin de mettre cette dernière en conformité avec le modèle le plus récent de l’OCDE, celui de 2010. Ce texte, attendu avec impatience par les milieux économiques français, vise à développer les échanges commerciaux entre les deux pays et à inciter les entreprises françaises comme chinoises à investir davantage.

De fait, la Chine de 1984 n’a plus grand-chose à voir avec la Chine d’aujourd’hui. En 1984, la Chine représentait à peine plus de 1 % du PIB mondial et commençait tout juste à s’ouvrir aux échanges, avec la création des premières zones économiques spéciales sur sa façade maritime. Aujourd’hui, avec un PIB de 13, 4 milliards de dollars, soit 15, 4 % du PIB mondial, la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale, et de loin le premier exportateur de la planète. Surtout, avec une croissance de plus de 7 % par an – la France s’attend quant à elle à 0, 4 % cette année – et un immense marché intérieur de 1, 4 milliard de consommateurs, la Chine représente une formidable opportunité de développement pour nos entreprises.

Pourtant, les entreprises françaises ne profitent pas assez de cette dynamique. De fait, les relations économiques et financières entre nos deux pays paraissent déséquilibrées : notre déficit commercial avec la Chine a atteint 26 milliards d’euros en 2013, et la France, même si elle est le deuxième fournisseur européen de la Chine avec 1, 3 % de part de marché, demeure loin derrière l’Allemagne et ses 5, 3 %.

Le présent accord vise donc précisément à fournir un nouveau cadre fiscal aux échanges entre la France et la Chine. Les avantages négociés dans une convention fiscale sont par définition réciproques : le bénéfice retiré par l’un ou l’autre des pays dépend donc de la structure de son économie. Concrètement, les investissements français en Chine excèdent les investissements chinois en France ; toutes choses égales par ailleurs, la France a donc intérêt à une baisse des retenues à la source, et la Chine à un maintien des bases taxables sur son territoire.

D’une manière générale, la nouvelle convention offre aux entreprises un cadre plus favorable pour investir, ce dont pourraient bénéficier les entreprises françaises établies en Chine.

Plus précisément, les principaux points à retenir sont les suivants.

La retenue à la source opérée sur les dividendes est abaissée de 10 % à 5 %, ce qui permettra aux entreprises françaises détenant des filiales en Chine de faire « remonter » plus facilement leurs bénéfices vers la France.

La définition de l’établissement stable est assouplie : pour être imposable en Chine, un chantier devra dorénavant avoir une durée de douze mois, contre six mois auparavant ; quant à « l’établissement stable de services », sa durée sera désormais appréciée au jour près – 183 jours sur une période de douze mois –, et non plus au mois près – six mois sur l’année civile.

Des clauses particulières permettent de protéger certains régimes français incitatifs, notamment les sociétés d’investissement immobilier cotées, ou SSIC.

Enfin, le système des crédits d’impôt forfaitaires est supprimé : celui-ci permettait de réduire de 10 % ou de 20 % l’impôt payé en France, et ce quel que soit le montant réel de l’impôt acquitté en Chine. Si la fin de ce dispositif dérogatoire bénéficiera avant tout au Trésor public, une période de transition est aménagée afin de sauvegarder l’équilibre des contrats en cours, notamment des contrats de crédit-bail.

Le système des crédits d’impôt forfaitaires, qui représentait une forme de subvention à l’exportation vers les pays en développement, paraît aujourd’hui anachronique dans le cas d’un pays comme la Chine. Il sera remplacé par un crédit d’impôt égal au montant réellement acquitté en Chine, conforme au modèle de l’OCDE.

Par ailleurs, à la faveur de cette nouvelle convention fiscale, les États se dotent de possibilités élargies d’imposer les activités sur leur territoire, ce qui devrait particulièrement profiter à la Chine.

Plus précisément, la convention prévoit le maintien d’une retenue à la source relativement élevée de 10 % sur les intérêts et sur les redevances – cela constitue, dans le cas des redevances, une dérogation par rapport au modèle de l’OCDE, qui prévoit une imposition exclusive des redevances à la résidence. La Chine pourra donc conserver une part de la valeur créée par les brevets et autres droits de propriété intellectuelle français.

La convention prévoit également la possibilité de taxer à la source les plus-values de cession de participations dans une société dès lors que le bénéficiaire détient ou a détenu, directement ou indirectement, à n’importe quel moment durant les douze mois précédant l’aliénation, plus de 25 % du capital de la société. Ce périmètre, sensiblement élargi par rapport à la convention de 1984, permettra à la Chine de taxer les cessions de filiales françaises sur son territoire.

Par ailleurs, la convention prévoit une exonération de retenue à la source pour les dividendes, les intérêts et les plus-values bénéficiant aux « fonds souverains ». On peut penser que la China Investment Corporation, la CIC, tirera un plus grand profit de cette stipulation que le fonds de réserve pour les retraites français…

Enfin, la convention comporte une série d’améliorations visant à prévenir la fraude fiscale et l’optimisation fiscale abusive.

Elle prévoit un traitement plus fin des entités « transparentes », notamment en matière immobilière, afin d’éviter qu’un montage basé sur une structure regardée comme transparente par un État et opaque par l’autre État n’aboutisse à des situations de double non-imposition.

La convention prévoit aussi l’introduction de quatre clauses anti-abus spécifiques et d’une clause anti-abus générale, visant à combattre la mise en place de montages dont le but est principalement, sinon exclusivement, d’obtenir un avantage fiscal contraire à l’esprit de la convention.

Enfin, la convention prévoit l’actualisation de la clause relative à l’échange d’informations à des fins fiscales, conformément au dernier modèle de l’OCDE. Si le système reste fondé sur l’échange à la demande, c’est-à-dire au cas par cas, l’État « requis » ne pourra plus refuser de transmettre les informations au seul motif qu’il n’en a pas besoin pour lui-même ou que celles-ci sont détenues par un établissement financier. Il convient toutefois de noter que la Chine coopère d’ores et déjà de manière satisfaisante avec l’administration fiscale française.

Je voudrais, à ce sujet, faire une remarque sur Hong Kong. La présente convention fiscale n’est pas applicable à cette région administrative spéciale, qui est – c’est un fait – moins enthousiaste que Pékin en matière de coopération fiscale. Toutefois, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, la France a signé une nouvelle convention fiscale avec Hong Kong le 21 octobre 2010, et celle-ci correspond aux standards les plus élevés en la matière. Elle fut notamment l’une des premières à contenir les clauses anti-abus que j’évoquais à l’instant. Il n’y a donc pas de vide juridique, et les progrès, sous la pression internationale, sont réels. Aussi, je prendrai le parti de l’optimisme.

Bien sûr, cette convention fiscale avec la Chine n’épuise pas le sujet. Au-delà de l’équilibre juridique persistent des inquiétudes quant aux pratiques commerciales que certains prêtent à la Chine : manque de transparence dans l’accès au marché, dumping, espionnage industriel, etc. Pour l’essentiel, toutefois, ces problèmes relèvent de la politique commerciale, compétence exclusive de la Commission européenne ; mais cela ne veut bien-sûr pas dire qu’il ne faille pas s’y atteler.

Par ailleurs, cette convention a vocation à être améliorée.

D’une part, le projet BEPS de l’OCDE sur l’érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices – Base Erosion and Profit Shifting – débouchera bientôt sur des propositions concrètes pour combler certaines « failles » des conventions actuelles.

D’autre part, l’échange automatique d’informations, bien plus efficace que l’actuel échange à la demande, pourrait bientôt s’imposer comme le nouveau standard international, ainsi que nous avons pu le voir à l’occasion de la discussion sur l’accord FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act.

Le 29 octobre dernier à Berlin, près d’une centaine de pays, dont la France et la Chine, se sont formellement engagés à passer à l’échange automatique d’ici à 2017 ou 2018. Les choses avancent donc très vite, et il nous appartiendra bientôt de lancer de nouvelles négociations avec nos partenaires.

Cela étant dit, la présente convention fiscale apporte des améliorations bienvenues, pour la France comme pour la Chine, pour les États comme pour les entreprises. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous recommande d’adopter sans modification le présent projet de loi de ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nos échanges commerciaux avec la République populaire de Chine demeurent relativement secondaires si l’on considère l’ensemble de notre commerce extérieur, mais se révèlent déterminants quand il s’agit d’évoquer notre déficit commercial industriel, le déficit commercial de notre pays avec l’Empire du Milieu se montant à plus de 25 milliards d’euros.

La convention fiscale que nous examinons se situe donc à un point essentiel des relations entre la France et la Chine, celui où nos plus grandes entreprises sont appelées à investir dans le pays pour y tirer parti des potentialités que constitue l’émergence d’une « classe moyenne » dont l’importance numérique fait oublier qu’elle demeure minoritaire dans la population chinoise. Sauf que 200 ou 250 millions de personnes susceptibles de vivre « à l’occidentale » dans un pays comme la Chine, cela vaut bien la conquête de quelques-uns des marchés de la zone euro.

Au demeurant, il serait temps que la France prenne quelque peu sa place sur le gigantesque marché chinois, surtout quand celui-ci arrive à maturité en bien des domaines et que les possibilités de croissance ne sont plus aussi élevées qu’il y a quelques années.

Toujours est-il que la convention fiscale d’aujourd’hui vise à « sécuriser », sur un plan juridique et fiscal, les opérations menées par l’ensemble des parties en présence et singulièrement les entreprises, principales intéressées.

Ce n’est sans doute que de manière quasi anecdotique que la convention trouvera à s’appliquer en matière d’impôts sur le revenu, vu les effectifs respectifs de Chinois émigrés en France et de Français émigrés en Chine. Au 31 décembre 2013, on comptait en effet un peu plus de 31 000 Français enregistrés dans nos consulats de ce pays.

Il semble donc que la convention fiscale dont nous débattons soit d’abord et avant tout destinée à nos entreprises. Nous disposons d’ailleurs de certaines positions et spécialités susceptibles d’intéresser le géant d’Asie, notamment quelques entreprises spécialisées dans la conception et la gestion de services publics urbains, du type Veolia ou Vinci, particulièrement intéressées par le grand projet de ville durable que la Chine entend promouvoir à Wuhan, agglomération dotée de la modeste population de 10, 2 millions d’habitants environ, déjà fort accueillante pour les entreprises françaises, puisque des sociétés comme L’Oréal, Alstom, Pernod Ricard ou encore Total sont d’ores et déjà présentes sur place.

Chef-lieu de la province intérieure du Hubei, peuplée elle-même d’environ 60 millions d’habitants, Wuhan a donc établi des relations particulières avec la France que d’aucuns escomptent donc, dans la foulée de l’adoption de la convention fiscale, valoriser.

Wuhan présente la particularité d’être au carrefour entre la Chine du Nord et celle du Sud, tout en étant le premier port fluvial du pays. On devine tout l’intérêt commercial et économique que certaines de nos entreprises pourraient avoir à intervenir sur des projets pour une « municipalité » d’une population égale à celle du Grand Paris, dans une région peuplée comme la France métropolitaine.

A contrario, les investissements chinois en France demeurent relativement réduits. Cela dit, les conquêtes de parts de marché par les entreprises chinoises continuent de se réaliser d’abord et avant tout à partir de bases nationales et après transfert de technologies venues d’ailleurs.

Nous aurions donc beaucoup à attendre de la conclusion de cette convention fiscale ; mais celle-ci souffre néanmoins de quelques limites.

Premièrement, elle ne s’applique pas aux deux régions économiques spéciales que constituent aujourd’hui Hong Kong et Macao, où les règles fiscales sont différentes et fixées par d’autres conventions, ces territoires étant objectivement considérés comme de véritables paradis fiscaux à l’ancienne.

Cette convention nous semble préjudiciable en ce qu’elle favorise, par le biais des jeux d’écriture comptables pouvant être effectués en intercalant Hong Kong ou Macao entre la France et la Chine, des schémas d’optimisation fiscale dont les deux pays parties prenantes pourraient être les perdants.

J’en veux d’ailleurs pour preuve la définition retenue par la convention pour la notion d’établissement stable soumis à imposition. La durée de vie minimale d’un établissement stable étant fixée à douze mois, cela laisse quelques possibilités pour voir apparaître et disparaître des entreprises éphémères qui pourront, dans certains cas, effectuer certaines tâches, notamment de sous-traitance, dans l’accomplissement de telle ou telle partie d’un contrat de plus grande ampleur. Ce serait une manière comme une autre de transposer des pratiques dont nous savons qu’elles sont cause, dans notre pays, de maintes pertes en termes de chiffre d’affaires, de produits fiscaux et de recettes sociales.

La plus grande vigilance nous semble donc indispensable sur la mise en œuvre de la présente convention fiscale.

La surchauffe des marchés financiers lors de l’été 2008, l’engagement des États dans la résolution de la crise bancaire, marquée entre autres par l’accroissement des dettes publiques, ont suscité une nouvelle sensibilité de l’opinion sur l’ensemble de ces questions. Cette sensibilité va de pair – et c’est logique – avec la sollicitation de notre propre vigilance, et notamment la nécessité de connaître de l’efficacité de la coopération fiscale internationale.

Nous avons déjà eu l’occasion, lors de débats de ce type, de nous opposer à l’adoption de certaines conventions fiscales dont les conditions de mise en œuvre n’étaient à notre avis manifestement pas réunies.

Dans le cas précis, nous sommes plutôt enclins à une abstention attentive et patiente pour pouvoir juger des effets de la convention en débat.

La concurrence que mène la Chine populaire avec certains pays européens sur certains produits ne doit pas nous induire en erreur.

Nous avons été largement contestés par les productions chinoises faute d’avoir vu nos entreprises investir suffisamment dans la recherche, se contentant bien souvent de rentes de situation qui se sont révélées insuffisantes pour faire face à l’adversité.

En outre, nos entreprises n’ont pas été les dernières à délocaliser leur production, et, parfois, nos importations portent aussi les trois couleurs du drapeau français…

Cependant, en conclusion de cette intervention, permettez-moi de souhaiter une fois encore que la coopération fiscale internationale, respectant le modèle que l’OCDE tente de faire valoir en l’espèce, fasse régulièrement l’objet d’une évaluation. Plusieurs dizaines de milliards d’euros, qu’il s’agisse des impôts, des taxes comme des cotisations sociales, sont en jeu, et ce sont ceux qui manquent à la fois pour rétablir les comptes publics et pour repenser notre fiscalité et notre système de prélèvements obligatoires. Ces sommes manquent d’ailleurs non pas seulement au budget de la France, mais aussi à celui de nombre de nos partenaires européens, sans parler de celui de l’Union européenne.

C’est dire l’importance de la détermination qui doit être la nôtre, au-delà du caractère formaliste de l’adoption – ou non – de telle ou telle convention fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2014 a été marquée par les célébrations du cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République populaire de Chine. Notre pays a fait figure de pionnier, étant parmi les premiers États occidentaux à reconnaître le gouvernement communiste. Cette antériorité n’a toutefois pas permis le développement de relations économiques que nous pourrions qualifier de « privilégiées ».

Le 31 octobre 1984, soit voilà trente ans, alors que Pékin entamait sa libéralisation, notamment par la création de ses premières zones économiques spéciales, le Sénat votait la convention fiscale franco-chinoise qui est toujours en vigueur actuellement. En trois décennies, la Chine s’est prodigieusement ouverte au monde et a opéré son véritable grand bond en avant, au point de devenir la deuxième puissance économique du monde.

La ratification de cet accord est l’occasion de nous pencher sur les équilibres, mais aussi sur les déséquilibres, de nos échanges économiques. Le premier chiffre qui vient à l’esprit est celui du déficit commercial. Il s’élève, comme le mentionne excellemment notre collègue Éric Doligé dans son rapport, à 26 milliards d’euros, constituant le premier déficit bilatéral de notre pays. Mais la Chine, c’est aussi un taux de croissance qui laisse rêveur : ce dernier, bien qu’étant en léger tassement, devrait d’élever à 7, 4 % en 2014 et est estimé à 7, 1 % pour 2015 – c’est déjà pas mal !

Il importe donc de rénover le cadre juridique de nos relations fiscales avec la République populaire de Chine afin de développer les échanges entre les deux pays dans l’intérêt de nos entreprises, de nos emplois, mais également, en termes de finances publiques, s’agissant de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.

L’accord signé le 26 novembre 2013 doit permettre d’améliorer et de faciliter l’accès de nos entreprises à l’immense marché intérieur chinois. Les secteurs automobile, aéronautique, énergétique, agroalimentaire et bien d’autres sont autant de formidables réservoirs de croissance et de débouchés pour elles.

Cet accord entend également promouvoir les investissements directs des entreprises chinoises sur notre sol. Outre les cas emblématiques, comme l’entrée du constructeur Dongfeng dans le capital de PSA ou le rachat par des fortunes chinoises de domaines viticoles dans le Bordelais, il faut relever l’augmentation des investissements directs chinois dans l’Hexagone.

Pour ce faire, le présent accord comporte plusieurs avancées. Nous pouvons citer le plafonnement à 5 % du montant maximal de la retenue à la source, qui facilitera la remontée des dividendes pour les entreprises françaises, ou encore la suppression du crédit d’impôt forfaitaire, qui constitue également un progrès par rapport à la réglementation actuellement en vigueur, notamment en matière de ressources budgétaires.

La nouvelle convention améliore également les conditions d’implantation, mais aussi d’exercice pour les entreprises françaises en Chine. L’une des principales nouveautés à ce titre concerne la modification et l’assouplissement de la définition d’un établissement stable.

Il faut cependant préciser que les difficultés dans nos relations avec la Chine concernent non pas tant le contenu de cette convention que ce qui n’y figure pas, à savoir l’ensemble des freins et obstacles à l’ouverture du grand marché chinois à la concurrence internationale. Si l’alliance avortée du groupe Danone avec le chinois Wahaha demeure dans les mémoires, cette avanie n’a cependant pas empêché le groupe français de renforcer sa présence avec un nouveau partenaire local.

La présente convention étant le fruit d’un compromis entre deux États – c’est souvent le cas –, certaines dispositions sont clairement favorables à la partie chinoise. C’est en particulier le cas du traitement spécial réservé à l’imposition des fonds souverains ou du droit élargi pour la Chine d’imposer les cessions de participations dans des sociétés chinoises.

Cet accord bilatéral comporte également des dispositions relatives à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Cette dernière fut érigée en priorité lors de la réunion du G20 de Londres, en 2009. En août 2013, la Chine a signé la convention fiscale multilatérale, dont le modèle a été mis au point par l’OCDE.

Si les accords bilatéraux ou multilatéraux se sont multipliés, la question de leur efficacité à lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale « agressive » reste, me semble-t-il, toujours posée.

L’accès aux données constitue, à ce titre, un enjeu majeur. L’échange automatique n’étant pas encore à l’ordre du jour, nous devrons nous contenter dans cette convention de progrès insuffisants. Parallèlement, en attendant la concrétisation du dispositif BEPS dans la lutte contre l’érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices, les clauses anti-abus présentes dans l’accord entendent mettre un frein à l’optimisation fiscale abusive.

En dépit des observations et réserves que je viens d’émettre, l’accord soumis à notre approbation constitue une initiative nécessaire et comporte d’indéniables avancées. Dans ces conditions, il recevra le soutien de l’ensemble des sénateurs du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conventions de ce type, qu’elles relèvent de la commission des finances ou de la commission des affaires étrangères, échappent d’habitude à un débat en séance plénière puisqu’elles sont le plus souvent adoptées en procédure d’examen simplifié. Elles font donc l’objet de peu d’évaluations. Compte tenu du fait qu’il faut en général attendre trois ou quatre ans pour que les conventions signées soient ratifiées, on essaie de pallier les délais de ratification par une adoption rapide.

Ces méthodes sont souvent insuffisantes, et je tiens donc à remercier vivement le groupe CRC de son initiative, d’autant que notre collègue Éric Bocquet a brillamment traité du thème de l’évasion des capitaux au sein de deux commissions d’enquête. §Nous avons eu grand plaisir à travailler avec lui et nous attendons avec impatience la création de la troisième commission d’enquête, car le sujet n’est pas clos. M. le président du Sénat ne voulant pas instituer de délégation permanente à l’évasion et à la fraude fiscales, une troisième commission d’enquête sur ce sujet serait à mon avis utile.

Mais revenons-en au sujet qui nous occupe aujourd’hui.

À l’heure où s’ouvrent à Strasbourg, ce jour même, les Assises de la coopération décentralisée franco-chinoise, rassemblant plus de 700 entreprises chinoises et responsables locaux, cette convention est importante.

Il n’est nul besoin de s’éterniser sur les rapports économiques entre la France et la Chine.

La sécurité juridique est évidemment un élément tout à fait indispensable pour la bonne tenue de nos relations commerciales, mais d’autres sujets sont aussi à traiter, tels la lutte contre la contrefaçon, l’harmonisation du droit de la propriété intellectuelle, le dumping. Mais ils n’entrent pas dans la convention que nous examinons aujourd’hui.

La présente convention n’a pas vocation à révolutionner l’état actuel du droit. Il s’agit plutôt d’une actualisation. Nous sommes donc entre deux eaux. Mais comme les autres orateurs l’ont dit avant moi, cette convention a le mérite d’exister.

La publication le 16 septembre dernier du modèle de l’OCDE relatif à la lutte contre l’érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices devrait conduire à de nouvelles négociations dans les prochaines années.

Permettez-moi là aussi d’ouvrir une parenthèse : il est toujours extrêmement difficile de renégocier des accords. Il serait vraiment intéressant de refaire le point de ces conventions fiscales avec certains de nos partenaires. Je regrette ainsi, pour ma part, que nous ne puissions pas revoir avec nos amis du Qatar une convention fiscale qui fait de notre pays un paradis fiscal…

S’agissant de la question spécifique du transfert d’information, le modèle actuel n’est pas pleinement satisfaisant. Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de ce point en séance plénière en juillet dernier, lors de l’examen des conditions d’application en France de la loi américaine FATCA.

L’échange à la demande est moins efficace que l’échange automatique. L’échange à la demande entre deux pays, s’il ne peut être refusé par l’un des signataires de la convention, suppose l’existence d’un soupçon préalable de l’une des administrations fiscales.

L’échange automatique, quant à lui, peut jouer un véritable rôle de traque des fraudeurs. C’est ce modèle qu’il faut promouvoir, c’est ce modèle que nous recherchons.

Cette convention traite de la fraude fiscale portant sur la déclaration de revenus de divers types, mais elle demeure a priori assez peu opérante au regard de nombreuses techniques nouvelles et anciennes. Les prix de transferts, notamment, constituent une réelle difficulté sur laquelle nous n’avons pas, ni sur le plan national ni sur le plan international, de solution ; et pourtant, c’est l’essentiel du commerce international entre filiales. Le rapport de la commission d’enquête avait bien illustré ce sujet sur lequel nous avions passé beaucoup de temps. Je n’y reviendrai pas ici, mais il nous faudra vraiment nous en préoccuper.

Qu’en est-il aussi des sociétés-écrans installées à Hong Kong ? À cet égard, il n’y a pas non plus de clause anti-abus. Quant à la fraude sociale, là encore, cette convention est totalement elliptique.

Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, nous allons voter cette convention entre le yin et le yang. Madame la présidente de la commission des finances, il serait à mon avis intéressant que, une fois l’examen du budget terminé, lorsque nous disposerons d’un peu plus de temps, soit inscrit à l’ordre du jour un débat thématique sur l’efficacité des conventions fiscales internationales, à l’instar de l’excellent débat organisé l’année dernière.

En effet, sans accord international, il n’y a pas de droit international. Déjà, il y en a peu. Or, le droit fiscal international est extrêmement important, surtout en matière de fraude et d’évasion fiscales. Il faut donc, à mon avis, rendre plus efficaces et pertinents les conventions fiscales internationales et l’échange de données pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Cette lutte ne doit pas rester théorique, il nous faut la mettre en pratique. Petit pas après petit pas, sommet après sommet, nous progressons, et nous ne pouvons bouder notre plaisir de voir des mesures prises et appliquées.

Néanmoins, le chemin devant nous est encore long. Nous rencontrons même parfois des problèmes franco-français d’évasion et de fraude à la déclaration fiscale ! Il s’agit d’un travail de longue haleine. Je compte donc vraiment sur votre compétence en la matière, madame la présidente de la commission des finances, pour que ces conventions internationales soient examinées rapidement par votre commission de façon que les membres des autres commissions de notre assemblée puissent en avoir connaissance. En effet, ces conventions fiscales, qui sont généralement adoptées en séance plénière selon la procédure d’examen simplifié, et qui relèvent toujours de la commission des finances, comportent des dispositions extrêmement importantes dont nous devons avoir connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (ensemble un protocole), signé à Pékin le 26 novembre 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (projet n° 45, texte de la commission n° 56, rapport n° 55, avis n° 46).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de programmation des finances publiques tend à définir les grandes orientations budgétaires que le Gouvernement vous propose pour les cinq ans à venir. Ce projet de loi tend également à définir de nouvelles règles de gouvernance des finances publiques pour améliorer la gestion publique, et à instaurer les règles nécessaires au respect de la trajectoire budgétaire.

Le Gouvernement vous soumet donc un ensemble cohérent qui a pour objet principal l’assainissement des finances publiques, en fixant des objectifs et en définissant de nouveaux moyens pour les atteindre.

J’évoquerai tout d’abord la trajectoire.

Le Gouvernement vous propose une trajectoire de poursuite de l’assainissement budgétaire.

Le déficit structurel est devenu, avec la loi organique du 17 décembre 2012, notre repère principal pour évaluer l’évolution de nos comptes.

Or, entre 2011 et 2014, ce déficit structurel a été divisé de moitié, pour atteindre son plus bas niveau depuis 2001. Pour les années à venir, le Gouvernement vous propose de poursuivre sa réduction afin d’aboutir à l’objectif de moyen terme en 2019.

Nous suggérons donc de décaler de deux ans le retour à l’objectif de moyen terme par rapport au programme de stabilité qui vous a été présenté en avril dernier. Ce décalage s’explique par deux raisons.

En premier lieu, par prudence, par souci de simplification, la nouvelle trajectoire de solde structurel est fondée sur l’hypothèse de croissance potentielle de la Commission européenne : cette hypothèse est plus basse que celle de la loi de programmation en vigueur. Elle vient donc minorer l’effort structurel en dépense, et donc l’amélioration du solde structurel à montant d’économies constant.

En second lieu, l’inflation a également été revue à la baisse : cette révision a mécaniquement un effet négatif sur l’effort structurel en dépense. Même en maintenant le même montant d’économies, cet effort est mécaniquement diminué du fait de la révision à la baisse de l’inflation, ou plus exactement du déflateur du PIB.

Derrière ces considérations un peu techniques, je vous le concède, il existe une réalité : la France et, avec elle, la zone euro traversent une période prolongée de faible inflation et de faible croissance. C’est un environnement économique exceptionnel, qui n’avait pas été anticipé et qui non seulement pèse sur la croissance et l’emploi, mais a également pour effet de ralentir l’amélioration des finances publiques. Nous avons pris acte de ces évolutions économiques. Et, après avoir mené une réduction drastique du déficit structurel en 2012 et en 2013, le Gouvernement propose de ralentir la réduction du déficit structurel, tout en la poursuivant naturellement, pour adapter le rythme d’assainissement des comptes à la situation de l’économie.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures pour 2015, pour un montant de l’ordre de 3, 6 milliards d’euros. Vous aurez à vous prononcer à cet égard lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative que vous examinerez prochainement. Ces dispositions ne modifient pas fondamentalement la trajectoire qui vous est soumise dans ce projet de loi : elles devraient avoir un effet de l’ordre de 0, 2 point de PIB sur la trajectoire de déficit ; c’est donc une modification limitée des orientations proposées par le Gouvernement.

Par coordination avec les votes sur le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement vous soumettra donc en nouvelle lecture des amendements pour intégrer finement à la trajectoire et au rapport annexé l’impact de ces mesures supplémentaires.

J’évoquerai maintenant les mesures de gouvernance. Ces dernières me semblent essentielles pour améliorer la gestion des finances publiques ; j’en présenterai les principales.

L’article 22 du projet de loi de programmation tend à instituer une revue de dépense annuelle ; chaque année, des thèmes d’investigation seront définis, et les constats et les conclusions de ces revues vous seront transmis avant le 1er mars. Sur cette base, la procédure budgétaire, qu’elle soit administrative ou parlementaire, pourra être alimentée d’idées, de propositions qui enrichiront les débats et permettront de poser clairement les enjeux.

L’article 11 vise à fixer un objectif d’évolution de la dépense locale ; en effet, la dépense locale fait partie de la dépense publique, elle a un impact sur le solde public ; et les objectifs que fixe la représentation nationale concernent aussi cette dépense. Cet objectif propre à la dépense locale sera exprimé en comptabilité générale ; il permettra de servir de repère pour apprécier la progression des dépenses des collectivités locales ; chaque année, il fera l’objet d’un avis du Comité des finances locales, et, à partir de 2016, il sera décliné par strate de collectivité.

L’article 12 tend à reconduire le principe d’une mise en réserve de crédits de l’État et d’assurance maladie pour assurer le pilotage de ces dépenses en cours de gestion. Nous proposons d’ailleurs de porter à 8 % le taux de réserve sur les crédits hors personnel, car la réserve crée une pression vertueuse sur les ministères pour les inciter à gérer au mieux leurs dépenses dans l’année.

Enfin, l’article 29 bis, adopté sur l’initiative de l’Assemblée nationale, a pour objet de renforcer l’encadrement des partenariats publics-privés en mettant en œuvre une recommandation de vos collègues Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur. Cet article vise à obliger les opérateurs et les hôpitaux à recourir à l’expertise des services de l’État lorsque ces organismes souhaitent recourir à ce type de contrats qu’ils ne pourront plus signer directement ; il prévoit également le principe d’un avis non liant des services de l’État sur les projets de partenariat public-privé menés par les collectivités territoriales. Dans les deux cas, l’objectif est de centraliser une expertise sur des contrats dont les enjeux financiers et juridiques sont souvent complexes et peuvent ne pas être maîtrisés par tous les organismes publics.

Ces différentes règles de gouvernance vont permettre d’améliorer la gestion des finances publiques. À chaque loi de programmation, elles sont complétées, et nous avons aujourd’hui un corpus de règles qui a permis, me semble-t-il, de renforcer nettement les bonnes pratiques au cours des dernières années.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de programmation des finances publiques tend à poursuivre, je le redis, l’assainissement des finances publiques. Cette réduction du déficit se poursuit dans un contexte macroéconomique dégradé. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de ralentir le rythme par rapport à 2012 et à 2013.

Au-delà de la trajectoire et de ses hypothèses, ce projet de loi prévoit également des règles de gouvernance qui me paraissent indispensables à la bonne gestion des finances publiques. J’ai d’ailleurs constaté que la commission des finances du Sénat a mené un travail approfondi sur les articles de gouvernance : je suis donc persuadé que nous aurons un débat de qualité sur l’ensemble de ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vient de le dire M. le secrétaire d’État, ce projet de loi de programmation comporte deux parties. La première, sur laquelle j’insisterai, fait l’objet d’un désaccord entre nous : il s’agit de la programmation des finances publiques. La seconde concerne un certain nombre de règles de gouvernance, sur lesquelles nous aurons, je l’espère, un débat de qualité. Nous ne proposerons sans doute pas le rejet des articles, estimant qu’un certain nombre de règles, dont certaines contribuent à la bonne information du Parlement, peuvent être améliorées. J’espère que, grâce à nos échanges, nous parviendrons à un accord sur ces dispositions qui nous paraissent aller dans le bon sens.

Je dirai brièvement quelques mots de la trajectoire.

Vous le savez, ce débat s’inscrit dans un contexte riche en rebondissements, puisque ces dernières semaines ont été marquées par divers échanges entre le Gouvernement et la Commission européenne. Malheureusement – on peut en effet le regretter –, nous avons surtout été informés par voie de presse, puisque nous avons plus d’informations en lisant le journal que par le biais de nos discussions avec le Gouvernement ! §Souvent, il s’agissait de spéculations concernant le sort qui pourrait être réservé au budget de la France.

À ce stade, nous avons, semble-t-il, évité le désaveu ; mais l’avis de la Commission européenne qui sera rendu public d’ici à la fin du mois ne risque pas moins d’être très sévère.

Au demeurant, face à une situation qui risquait, en cas de bras de fer prolongé, de mettre en péril la stabilité de la zone euro et les crédits de la France, il fallait, pour le Gouvernement comme pour la Commission européenne, ne pas perdre la face. Des échanges un peu compliqués ont donc eu lieu, lesquels visaient à donner des gages à la majorité et des signaux en direction de l’Union européenne ; je pense à des réformes comme celle des professions réglementées, qui ont été annoncées. Pour éviter le pire, le Gouvernement a donné l’impression d’être prêt à faire tout, à l’exception d’une seule chose : des économies supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Nous allons en parler, puisque l’annonce d’un effort supplémentaire de 3, 6 milliards d’euros d’économies aura sans doute permis de trouver ce compromis, qui offre à chacun la possibilité de sortir la tête haute de cette période de tension, qui s’est déroulée loin des regards.

Toutefois, la décomposition précise de cet effort n’est pas encore connue. J’ai interrogé hier le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, à l’occasion de son audition par la commission des finances, mais il ne nous a malheureusement pas été possible d’obtenir le détail de cet engagement. À ce propos, nous aurions souhaité examiner aujourd’hui un amendement destiné à corriger la trajectoire pour intégrer ces 3, 6 milliards d’euros. Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’agit pas d’économies structurelles ; c’est sans doute plutôt la constatation d’économies, notamment sur les taux d’intérêt, et de quelques augmentations de prélèvements obligatoires, mais ciblées sur des aspects mineurs.

Si nous avons sans doute évité le pire, soit une nouvelle crise de la zone euro, l’abaissement du crédit de la France avec l’augmentation des taux d’intérêt, force est de constater que les règles de gouvernance budgétaire qui ont été mises en place à la suite de la présente crise ne sortent pas grandies de cet épisode. À vrai dire, même si le Gouvernement n’a cessé de plaider sa volonté de respecter les traités, elles en sortent sérieusement écornées.

« Cela n’est pas si grave », pourrions-nous dire. Cela ne serait effectivement pas si grave si nous avions été exemplaires. Or, tel n’a pas été le cas.

Je vous rappellerai brièvement l’historique des différentes renonciations du Gouvernement qui témoignent de la manière dont il a « joué » au chat et à la souris avec la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je commencerai plutôt en 2012…

Après avoir annoncé sa volonté de renégocier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, pendant la campagne présidentielle, le Président de la République y a rapidement renoncé, puisqu’il a proposé, à travers la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la transcription de cette renonciation.

Quelques mois seulement après son élection, le 7 septembre 2012, il confirmait, à l’occasion de la rentrée solennelle de la Cour des comptes, l’engagement pris par la France de ramener le déficit public à 3 % dès la fin de l’année 2013. Il précisait: « Le ralentissement économique actuel rend encore plus ardue la réalisation de cet objectif, mais encore plus nécessaire la réussite de cet exercice. »

Pierre Moscovici avait, à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2013, indiqué à la commission des finances du Sénat : « C’est bien pour nous de 3 % dont il s’agit, pas 3, 1 %, pas 3, 2 %, pas 3 % en tendance, pas 3 % à peu près, pas 3 % si on peut, mais 3% ». À l’arrivée, cela a été en effet non pas « à peu près 3% » de déficit public, mais 4, 3 % !

En réalité, en 2013 comme cette année, le Gouvernement a feint jusqu’à la dernière limite de croire que cette limite allait être respectée, alors même que l’opposition parlementaire ici même, la Cour des comptes, les observateurs, les instituts de conjoncture et différents organismes n’y croyaient plus, pas plus, selon toute vraisemblance, que le Gouvernement lui-même.

En 2013, en effet, les perspectives avaient été radicalement révisées, mais en bonne intelligence, tout de même, avec la Commission européenne. Le ministre des finances et des comptes publics a donné avec vous, monsieur le secrétaire d’État, une conférence de presse le 10 septembre dernier au cours de laquelle il a indiqué qu’il souhaitait adresser un « discours de vérité ».

En fait, cela sonne plus comme un repentir au regard des engagements antérieurs. Est-ce à dire que les prévisions précédentes étaient bonnes au moment du programme de stabilité ou du débat d’orientation des finances publiques ?

Il s’est agi plus simplement de mettre subitement nos partenaires européens devant le fait accompli. Comment ces derniers peuvent-ils, alors qu’ils ont mis en œuvre des programmes de rigueur, accepter une forme d’arrogance et d’unilatéralisme qui n’est conforme ni à l’esprit ni à la lettre de l’avancée de l’intégration européenne ?

Je comprends que l’on puisse hausser le ton face à la Commission, dans une logique de rapport de force. Mais n’est-ce pas, au fond, revenir sur nos engagements et manquer de respect à nos partenaires ? Comment peut-on croire que cette posture de grandeur, cette arrogance, impressionnent des États comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, les pays baltes et d’autres encore, qui, eux, ont consenti des efforts considérables, sous une pression constante à laquelle nous avons contribué ?

En résumé, nous n’avons respecté aucun de nos engagements.

Après avoir obtenu un report de 2013 à 2015, nous avons unilatéralement décidé de différer l’objectif des 3 % de déficit à 2017.

Nous n’avons pas mis en œuvre l’ajustement structurel demandé par la Commission européenne pour les années 2014 et 2015.

Nous avons modifié, sans motif valable, notre objectif de solde structurel à moyen terme.

Enfin, nous avons privé de tout effet le mécanisme de correction.

Comme l’a souligné le président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, devant notre commission des finances le 15 octobre dernier : « La correction du Gouvernement consiste en une nouvelle loi de programmation ».

Concrètement, le Gouvernement a décidé d’effacer l’ardoise et donc les écarts passés, avec une nouvelle loi de programmation des finances publiques qui abroge tout simplement les orientations de la précédente. Pour nous, parlementaires, un tel procédé force à s’interroger sur la portée du travail du législateur : il semble si simple d’échapper à la correction !

En termes de solde effectif, pour les années 2013 à 2015, la dérive par rapport à la loi de programmation de décembre 2012 devrait atteindre 3 points de PIB. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Vous le savez, le déficit de 2015 sera le même que celui de 2013 ! Cela prouve que la stratégie de redressement des finances publiques menée depuis le début du quinquennat a échoué, ou que l’on y a renoncé. En tout cas, force est de constater que, si elle a suscité de l’exaspération, elle n’a pas produit les résultats attendus.

En tant que telle, cette situation budgétaire est inquiétante. Elle l’est davantage encore si nous nous comparons aux autres pays européens. À cet égard, un chiffre mérite d’être rappelé : la France afficherait un déficit de 4, 4 % du PIB en 2014, contre une moyenne de 2, 6 % du PIB dans la zone euro. Nous figurons parmi les États de l’Union dont le niveau de déficit est le plus élevé.

Sauf erreur de ma part, seuls deux pays font moins bien que nous en la matière, le Portugal, avec un déficit de 4, 9 %, et l’Espagne, avec un déficit de 5, 6 % du PIB. Encore faut-il préciser que ces pays partent de beaucoup plus loin. Ils ont un passé budgétaire plus lourd. Parallèlement, ils ont accompli des efforts budgétaires beaucoup plus importants. Je vous rappelle que le déficit de l’Espagne avoisinait les 10 % du PIB en 2011, et que celui du Portugal dépassait alors les 7 %. À l’époque, le déficit de la France s’élevait à 5 %. On mesure ainsi le chemin parcouru par ces pays. Pour notre part, nous avons purement et simplement stagné. Je le répète, notre déficit est strictement le même qu’en 2013 !

Un tel constat ne saurait surprendre. En effet, alors que le Gouvernement affirme avoir procédé à un effort « considérable », il apparaît que la dépense publique a progressé, en France, de 2, 5 % en moyenne entre 2012 et 2013. Pourtant, elle n’a crû que de 1, 2 % en moyenne dans la zone euro au cours de la même période. Voilà qui explique le différentiel entre notre pays et ses partenaires européens.

Après ce bref historique, j’en viens plus précisément à la nouvelle trajectoire que nous propose le Gouvernement pour les années 2014 à 2019.

Que nous dit le Gouvernement ? Quelles sont les grandes lignes du présent texte ?

Tout d’abord – c’est le premier point de désaccord entre nous, monsieur le secrétaire d’État –, ce projet de loi de programmation reporte le retour à un déficit effectif inférieur à 3 %. Il est désormais censé être atteint en 2017. L’objectif de moyen terme est également différé.

En effet, alors que nous devions initialement revenir à l’équilibre structurel dès 2016, nous visons désormais un déficit structurel de 0, 4 % en 2019. Le décalage est considérable. Surtout – c’est ce que nous avons contesté lors des débats en commission –, la majeure partie de l’effort est concentrée sur la fin de la période considérée, c’est-à-dire sur la prochaine législature, et aucune information n’est donnée quant à l’ajustement qui devrait être effectué en 2018 et 2019.

On peut le comprendre, précisément parce qu’il s’agit de la prochaine législature. Mais les économies en question représentent tout de même 40 milliards d’euros ! Elles sont seulement « évoquées », sans être, pour l’heure, documentées. On laisse ainsi à la prochaine législature, et au prochain gouvernement, le soin d’en définir le contenu. Ainsi, près de la moitié du chemin restera à parcourir après 2017. C’est déjà une forme d’échec au regard des ambitions initiales.

Ensuite – c’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes fondamentalement en désaccord avec la trajectoire proposée –, la programmation réaffirme l’objectif d’une baisse des dépenses publiques de l’ordre 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017. Qui n’y souscrirait ? Malheureusement, en pratique, c’est le seul point de repère stable qui demeure, avec bien sûr un certain nombre de dépenses nouvelles et d’allégements de prélèvements obligatoires.

Quel paradoxe ! Alors que, initialement, les 50 milliards d’euros d’économies étaient un moyen pour nous permettre d’atteindre des objectifs de solde, ils constituent désormais une fin en soi. C’est pour ainsi dire l’objectif majeur du Gouvernement. La difficulté tient au fait que, depuis la fixation de cet objectif, il y a près d’un an, les lignes ont bougé. En matière de fiscalité notamment, le Gouvernement ne se contente plus de parler de 50 milliards d’euros. Il indique qu’il faudrait bien davantage !

En vérité, personne, à la lecture du présent projet de loi, ne sait où retrouver ces 50 milliards d’euros d’économies, à supposer qu’ils aient un sens. En effet, le tendanciel par rapport auquel ils sont appréciés a été modifié et les décomptes du Gouvernement nous laissent, au sein de la commission des finances, pour le moins sceptiques. On nous promet de tout nous dire, mais, il faut bien le reconnaître – c’est d’ailleurs, peu ou prou, le constat dressé par la Cour des comptes –, nous n’avons pas toutes les pièces du puzzle.

Comment donc retrouver ces 50 milliards d’euros d’économies ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Ni la Commission européenne, ni le Haut Conseil des finances publiques, ni les médias n’ont réussi à relever le défi.

D’ailleurs, le ministre des finances et des comptes publics a indiqué, au début du mois de septembre, qu’il ne serait finalement pas possible d’atteindre les 21 milliards d’euros d’économies prévus pour 2015, parce que l’inflation était trop faible. Deux jours plus tard, il s’est ravisé : tout en confirmant que 2 milliards d’économies ne seraient pas réalisés à cause de la faiblesse de l’inflation, il a ajouté qu’ils seraient compensés.

Face à ces hésitations, on peine à comprendre : cette alternative en est-elle une ? Aura-t-elle un impact sur le monde réel ou relève-t-elle simplement du discours ? Ces 2 milliards d’euros d’économies qui semblent manquer au décompte porteront-ils sur la protection sociale ? C’est peut-être pourquoi ce point échappe à la commission des finances. Bref, il faudra nous exposer la réalité de la situation, monsieur le secrétaire d’État.

Pour être en mesure de porter une appréciation sur la programmation proposée par le Gouvernement, ce que nous nous apprêtons à faire, il convient avant tout de prendre en compte un critère essentiel : la crédibilité. Dans le contexte que je viens de rappeler, nous ne pouvons pas nous permettre de présenter une programmation qui ne serait pas solide et réaliste.

Je le reconnais volontiers, sur ce plan, certains progrès ont été accomplis. Les hypothèses de croissance potentielle sont plus en ligne avec celles des principaux organismes internationaux et instituts de conjoncture que nous avons sollicités. Quant aux hypothèses de croissance en général, elles paraissent plus réalistes que par le passé. On suit sans doute davantage l’avis du Haut Conseil des finances publiques.

Toutefois, le Gouvernement peine à se départir d’un certain optimisme. Le président du Haut Conseil n’a d’ailleurs pas eu d’autre mot pour décrire la prévision de croissance pour 2015, qu’il a lui-même qualifiée d’ « optimiste ». M. Migaud a même jugé que, si le scénario macroéconomique du Gouvernement pour les années 2016-2017 était plus réaliste que le précédent, il continuait de reposer sur des hypothèses trop favorables sur l’environnement international et sur l’investissement, les économies étant par ailleurs « peu documentées » en ce qui concerne les dépenses.

Cet optimisme, il est vrai mesuré au regard des excès du passé, est une première limite à la crédibilité de la trajectoire, mais sans doute pas la plus importante : la faiblesse des économies structurelles rend très hasardeux le respect de la trajectoire.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, mais, si l’on se réfère aux projets de lois financières pour 2015, la plupart des mesures d’économies procèdent plus de coups de rabot et de bouclages budgétaires que de véritables économies structurelles. La logique suivie est celle des coupes, des abaissements de plafonds pour un certain nombre d’organismes.

Bref, tout le monde est mis un peu à contribution, sous couvert de mesures d’optimisation, de rationalisation, d’amélioration de la productivité. Pour notre part, nous aurions préféré des choix courageux, des réformes de structure, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… plutôt que des petits coups de rabot ici ou là. Malheureusement, telle n’est pas l’orientation prise par le Gouvernement.

La hausse des crédits mis en réserve – les 8 % que M. le secrétaire d’État a évoqués - laisse à penser que le Gouvernement n’avait pas tout à fait finalisé les arbitrages budgétaires au moment où il a présenté le projet de loi de finances.

Par ailleurs, ce projet de loi de programmation instaure des revues de dépenses. Pourquoi pas ? Cette mesure me semble même tout à fait pertinente. Mais, pour l’heure, sa mise en œuvre reste un peu vague. Cela témoigne peut-être, à ce stade, de la difficulté ou de l’incapacité du Gouvernement à documenter ou du moins à choisir des économies structurelles.

Avant de conclure, je dirai quelques mots du sort que nous allons réserver au présent texte.

Concrètement, nous allons nous prononcer sur les amendements de rétablissement déposés par le Gouvernement. En effet, la commission a supprimé les articles relatifs à la programmation, et M. le secrétaire d’État, en toute cohérence avec la logique qu’il suit, va proposer au Sénat de les rétablir.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Que voulez-vous, monsieur Delattre, que je parle en même temps que M. le rapporteur général ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

J’exprimerai simplement un regret : dès lors que vous proposez de rétablir la trajectoire, nous aurions souhaité que vous intégriez l’effort supplémentaire de 3, 6 milliards d’euros annoncé dernièrement. Faute de cela, ce projet de loi de programmation est d’emblée quelque peu caduc ou obsolète. Le modifier en ce sens aurait été plus respectueux du Parlement.

Compte tenu des désaccords fondamentaux que j’ai exprimés au sujet de cette programmation, la commission des finances a décidé de rester sur sa position et refusera les orientations que nous proposera le Gouvernement par voie d’amendements.

Cela étant, le débat que nous allons consacrer au présent texte, tel qu’il a été modifié par la commission des finances, promet d’être tout à fait intéressant. Je le dis sans détour, la partie consacrée à la gouvernance comporte des avancées utiles. Nous souhaitons, pour notre part, les compléter dans l’espoir que, si elles sont mises en œuvre, ce que nous souhaitons, elles amélioreront la gouvernance des finances publiques et, singulièrement, l’information du Parlement. Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous avons décidé d’adopter certains des articles de la partie relative aux normes et à la gouvernance des finances publiques.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Madame la présidente, un des membres de la Haute Assemblée ayant estimé que je m’endormais durant le discours de M. le rapporteur général et l’ayant dit à voix haute, je demande une suspension de séance de quelques minutes, en signe de protestation. De tels propos sont particulièrement discourtois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le secrétaire d’État, le Sénat va accéder à votre demande.

La séance est suspendue pour quelques instants.

La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Parlement examine un projet de loi de programmation des finances publiques pour la quatrième fois depuis 2008. Votre commission des affaires sociales s’en est bien évidemment saisie pour avis, en raison de la part que prennent les finances sociales au sein des finances publiques.

En 2013, les dépenses des administrations de sécurité sociale représentent 27 % de notre richesse nationale, 46, 5 % des dépenses publiques, 53, 6 % des prélèvements obligatoires et un déficit de 10 milliards d’euros – seulement, allais-je dire, au regard des dizaines des milliards d’euros de déficit du budget de l’État.

Les lois de programmation sont devenues, pour le Parlement, l’outil de vérification des engagements européens de la France qui sont, je le rappelle, des objectifs que nous nous sommes fixés collectivement.

Je serai bref sur la partie programmatique de ce texte, que notre collègue Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, a très bien décrite. Je partage son analyse. Notre commission a principalement examiné les variables qui intéressent les finances sociales que sont la croissance du PIB et l’évolution de la masse salariale du secteur privé.

Si nous considérons la période postérieure à la première année de programmation, le projet de loi de programmation repose sur l’hypothèse d’une croissance de 1, 9 % en moyenne à compter de 2016, avec une progression annuelle de 4 % de la masse salariale privée. Ce sont effectivement les niveaux de croissance de la masse salariale constatés avant la crise, sur la période 1998-2007.

Nous observons, par un simple contrôle de cohérence, que, pour une hypothèse de croissance plus élevée, le Gouvernement avait retenu le même taux d’évolution de la masse salariale au cours de la précédente programmation. Comme si nous devions invariablement revenir à ce taux d’évolution, sans préjudice des dégâts qu’une crise persistante a pu causer à notre appareil productif !

Quel est notre point d’entrée en programmation ?

Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint 0, 5 point de PIB en 2013, soit environ 10, 1 milliards d’euros. Je rappelle que ce solde comprend des administrations de sécurité sociale qui, par nature, sont en excédent, soit parce qu’elles ont vocation à couvrir des engagements futurs, comme le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, soit parce qu’elles sont chargées d’amortir la dette, comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

Hors CADES et FRR, le solde est négatif, de moins 20, 6 milliards d’euros, soit 1 point de PIB et 3, 65 % des dépenses.

Le déficit social n’est bien sûr comparable ni en volume ni en part de la richesse nationale avec celui de l’État, mais la nature des dépenses n’est pas non plus identique. Le déficit et, surtout, la dette sociale constituent bien une anomalie. J’ajoute que l’équilibre de la sécurité sociale n’est pas hors de portée : l’exercice 2008 a ainsi révélé un excédent de 0, 7 point de PIB.

Par rapport à ce point d’entrée, le projet de loi vise un redressement très significatif du solde des administrations de sécurité sociale sur la période de la programmation : l’équilibre des comptes sociaux serait retrouvé en 2016, et un excédent de 0, 3 point de PIB serait dégagé en 2017.

Là où l’effort était réparti sur toute la période de programmation dans la loi précédente, il est désormais plutôt concentré et accéléré sur la fin de la période. C’est évidemment plus facile !

Un croisement des courbes de recettes et de dépenses interviendrait ainsi en 2016, à la faveur d’une trajectoire assez spectaculaire de réduction des dépenses de 0, 5 point de PIB en trois ans.

Le principal instrument de pilotage est l’ONDAM, l’Objectif national de dépenses de l’assurance maladie, avec une progression de 2 % en moyenne et une augmentation de 3, 8 milliards d’euros chaque année. Cet objectif est tenable ; votre commission des affaires sociales pense même qu’il est possible de ralentir davantage la dépense, sans porter atteinte à la performance de notre système de soins, à condition, bien sûr, de ne pas s’interdire les réformes nécessaires. Pour renforcer ce pilotage, elle a proposé d’élever le taux de mise en réserve pour le porter au niveau de celui des dépenses de personnel de l’État.

Si l’on regarde la trajectoire financière dans le détail, nous passerions d’un déficit social de 10, 1 milliards d’euros en 2013 à un excédent de 6, 5 milliards d’euros à l’horizon de 2017 pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale.

L’évolution des autres administrations de sécurité sociale hors du champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas détaillée. Elle comprend, par exemple, des organismes aussi divers que l’IRCANTEC, l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, ou la Caisse de retraite de l’Opéra. Cette évolution reste l’angle mort de la vision du Parlement.

Il s’agit, pour notre commission, du principal enjeu de la deuxième partie du texte, qui porte sur des mesures de pilotage des finances publiques et de bonne gouvernance.

J’en viens donc à cette deuxième partie du projet de loi de programmation.

Pour ce qui concerne particulièrement les administrations de sécurité sociale, le Gouvernement propose de renforcer le contrôle des agences régionales de santé, les ARS, sur les établissements de santé soumis à un plan de redressement. Nous partageons cet objectif.

Le Gouvernement se propose également de remettre un rapport au Parlement sur l’évolution des dépenses de personnel des hôpitaux, en détaillant les mesures catégorielles. Votre commission des affaires sociales a souhaité enrichir ce rapport d’éléments relatifs aux autres déterminants de la dépense hospitalière et détailler leur impact sur l’ONDAM.

Dans un second article spécifique, le Gouvernement se propose une fois encore de remettre un rapport au Parlement, alors que le texte en prévoit déjà un certain nombre de ces documents. Il s’agit cette fois d’un rapport sur l’assurance chômage dont votre commission avait recommandé la suppression.

En effet, autant les déterminants de la dépense hospitalière sont mal connus, autant les données sur la situation financière de l’UNEDIC, qui publie ses chiffres trois fois par an, ne font pas défaut. Au demeurant, rien n’empêche le Gouvernement de faire connaître son analyse de la situation financière de l’assurance chômage en l’absence de rapport.

Si la situation financière de l’UNEDIC nous est connue, la façon dont le Gouvernement l’intègre, non seulement dans la programmation, mais encore dans le solde des administrations de sécurité sociale, ne l’est en revanche pas clairement.

Cette même question se pose à propos des 9, 6 milliards d’euros d’économies en 2015, pour lesquelles la part de l’assurance chômage et des retraites complémentaires est aussi significative que mal identifiée.

Nous avons donc besoin d’une décomposition du solde structurel des différentes administrations publiques, y compris des administrations de sécurité sociale, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, et pas seulement dans le projet de loi de programmation. Il s’agit là d’un élément essentiel du pilotage des finances publiques. Quelle est la contribution des administrations de sécurité sociale à l’effort structurel, à l’effort en recettes, à l’effort en dépenses ? Voilà ce que nous souhaiterions pouvoir suivre, année après année.

Au sein même des administrations de sécurité sociale subsistent des angles morts qui gênent la vision du Parlement. C’est pourquoi nous souhaitons pouvoir bénéficier du détail des dépenses, des recettes, du solde et de la dette de l’ensemble des administrations de sécurité sociale. En l’absence de texte spécifique, le Gouvernement pourrait enrichir les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatives au financement, qui contiennent un certain nombre d’éléments essentiels sur le solde structurel. Ce n’est certes pas la loi de finances sociales dont la Cour des comptes suggère la création, mais cela offrirait tout de même au Parlement un élément indispensable à son information.

Concernant toujours l’information du Parlement, et dans la continuité du rapport qui nous a été remis par la Cour des comptes sur les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé, nous avons souhaité que le Parlement soit informé des orientations de ces négociations. Ces relations sont en effet le vecteur de diffusion de l’ONDAM « soins de ville ».

Si ces éléments sont maintenus, nous aurons progressé dans le contrôle démocratique des finances sociales et votre commission considérera ce texte comme une véritable avancée.

Sous le bénéfice de ces observations, il nous a semblé que la programmation pluriannuelle proposée par le Gouvernement reposait sur des hypothèses trop optimistes, qui font peser des incertitudes très fortes et des aléas trop importants sur son exécution. Les recettes ne seront vraisemblablement pas au rendez-vous.

Malgré ces hypothèses, les objectifs de retour à l’équilibre sont pourtant repoussés, sans que les mesures fortes qui seraient nécessaires à un véritable redressement soient identifiées.

En revanche, la partie relative au pilotage comporte des avancées intéressantes, qui vont dans le sens d’une gestion plus rigoureuse. Notre commission y voit l’occasion d’enrichir l’information du Parlement et de nous permettre d’acquérir une vision plus complète du sous-secteur des administrations de sécurité sociale, pour la partie située hors du périmètre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

C’est pourquoi votre commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur la partie programmatique du projet de loi et favorable sur la partie relative au pilotage des finances publiques.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC . – M. Guillaume Jacques Arnell applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

M. Jean Germain applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la quatrième loi de programmation des finances publiques, une catégorie de lois introduite dans notre Constitution par la révision constitutionnelle de 2008.

Le volet du projet de loi relatif à la gouvernance a été modifié par la commission des finances, mais, globalement, dans l’esprit ayant présidé aux travaux sur la loi organique de décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, il a fait l’objet d’un large accord. D’ailleurs, aucun amendement ne vise à revenir sur les apports de la commission des finances en la matière.

Cela étant dit, l’expérience des trois précédentes lois de programmation montre que de nombreuses règles ambitieuses n’ont pas été mises en œuvre. Nous devrons donc être plus sourcilleux dans le suivi de l’application de ces lois.

Quoi qu’il en soit, une gouvernance sophistiquée n’a jamais, à elle seule, permis d’améliorer la situation des finances publiques.

Aussi, j’en viens maintenant au volet du texte consacré à la programmation.

La programmation des finances publiques, qu’elle soit exprimée en solde structurel ou en solde effectif, permet au Parlement d’approuver un chemin tracé pour l’ensemble des finances publiques, c’est-à-dire à la fois celles de l’État, des administrations sociales et des administrations locales, par-delà la segmentation de nos débats budgétaires en plusieurs textes financiers.

Politiquement, c’est là que se trouve désormais l’enjeu, comme l’ont montré les échanges récents avec la Commission européenne, dans le cadre de la nouvelle procédure d’examen par la Commission des « plans budgétaires nationaux ». C’est donc un élément déterminant de notre stratégie économique qui est aujourd’hui soumis à notre vote.

Ce débat sera l’occasion pour le Gouvernement d’indiquer comment la programmation devra être ajustée au cours de la navette parlementaire pour tenir compte des mesures supplémentaires annoncées par le ministre des finances et des comptes publics. Il permettra aussi, je l’espère, à la majorité sénatoriale de nous faire connaître sa position sur des aspects essentiels de la stratégie de finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je connais les objections de la majorité sénatoriale quant à la programmation proposée par le Gouvernement, mais je ne sais pas quelles options elle propose.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Revenir à un niveau proche de l’équilibre structurel en 2019 ou plus tôt ? Ramener le déficit effectif sous le seuil des 3 % du PIB en 2017 ou avant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

S’il faut le faire avant, quels efforts supplémentaires faudrait-il consentir en recettes comme en dépenses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je n’oublie pas la question des collectivités locales. À ce sujet, notre débat nous permettra aussi – je l’espère, en tout cas ! – d’en savoir plus sur la manière dont la majorité sénatoriale envisage la question de la baisse des dotations.

J’attends donc beaucoup de cette discussion sur une programmation qui me paraît, pour ma part, convaincante à la fois politiquement et économiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Premièrement, je veux insister sur le fait que cette programmation confirme notre attachement à des finances publiques soutenables. Il faut réduire le déficit pour mettre la dette sous contrôle et, donc, retrouver des marges de manœuvre pour la politique budgétaire. La dette, nous le savons tous, est l’ennemi de la redistribution.

Or, pour réduire le déficit et contrôler la dette, il faut de la croissance. Une politique budgétaire qui étoufferait la reprise ne serait pas une bonne politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Deuxièmement, cette programmation adapte le rythme de réduction du déficit aux évolutions macroéconomiques de manière à ne pas mettre en danger un retour de la croissance et à éviter de précipiter l’Europe sur la voie de la stagnation économique, avec tous les risques qu’une stagnation prolongée implique : chômage, pauvreté, salaires en berne, poids de la dette, dégradation de la qualité des services et des investissements publics, autant de phénomènes qui, in fine, dégradent les finances publiques.

Il est rassurant que le Gouvernement se préoccupe de macroéconomie et ne se limite pas à une vision statique des comptes publics.

Dans un monde où la situation de la zone euro inquiète, le fait que la Banque centrale européenne ne soit pas la seule à se préoccuper de l’activité économique et de la croissance représente un espoir.

Mais, pour faire grandir cet espoir, nous devons soutenir les ambitions du président de la Commission européenne en matière de relance de l’investissement. Les questions précises et nombreuses posées hier en commission au ministre des finances et des comptes publics montrent que les attentes sont fortes en la matière.

En résumé, s’il faut une gouvernance budgétaire de la zone euro, il nous faut aussi une politique économique de la zone euro.

Une telle approche n’est pas de nature à remettre en cause les bonnes conditions auxquelles nous finançons notre dette, bien au contraire. Surtout, et c’est la clé de notre crédibilité, le ralentissement du rythme de réduction du déficit ne remet pas en cause, lui non plus, nos engagements en matière de réforme économique et de maîtrise des dépenses publiques.

En 2015 et sur l’ensemble de la programmation, la réduction du déficit proviendra intégralement de notre effort en dépenses. En matière de prélèvements obligatoires, l’orientation qui nous est proposée est celle d’une stabilisation en 2015 et d’une baisse en 2016 et 2017, aux termes de l’article 4.

Je ne suis pas sûre que beaucoup de programmations aient prévu cela par le passé. Notre engagement en faveur de la maîtrise des dépenses publiques est donc fort.

Cet engagement se manifeste par la cible que le projet de loi de programmation retient pour l’évolution des dépenses publiques : 0, 2 % en volume. Jamais auparavant une programmation n’avait était aussi ambitieuse et, si elle devait être critiquée, ce ne serait certainement pas pour son laxisme...

Notre engagement en faveur de la maîtrise des dépenses se traduit également dans l’action du Gouvernement. En ce moment, 49 rapporteurs spéciaux de la commission des finances et 82 rapporteurs pour avis de six autres commissions décortiquent les projets annuels de performances pour 2015 des différentes missions. Combien monteront à cette tribune pour constater qu’il y a trop d’argent et que l’on peut aisément réduire les crédits ? §Probablement aucun, car tous les budgets sont mis sous tension et le resteront pour la durée de la programmation !

Dans ce contexte, il convient de saluer d’autant plus les marges de manœuvre dégagées pour financer des priorités claires comme les créations d’emplois en faveur de l’éducation, de la justice et de la sécurité, ainsi que la préservation de notre modèle social.

L’effort est certes important, mais il est justement partagé entre les catégories d’administrations publiques. Ainsi, l’article 7 prévoit que les dépenses des administrations locales continueront d’augmenter plus vite que celles de l’État, mais moins que celles de la sécurité sociale.

Cela étant, je m’associe à ceux qui considèrent que l’objectif d’évolution de la dépense locale n’aura de portée incitative que s’il s’inscrit dans le cadre plus large d’une réflexion sur les dépenses obligatoires ou contraintes des collectivités territoriales.

Pour conclure, je veux dire que, du côté de la majorité sénatoriale, j’entends des critiques – c’est bien légitime dans une démocratie ! –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

… mais je ne perçois pas de cohérence ; je pourrais même identifier quelques contradictions ou tâtonnements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Faudrait-il faire plus d’économies pour réduire encore plus le déficit, ce qui serait encore plus récessif ? Ou bien faudrait-il réaliser plus d’économies pour baisser plus vite les impôts

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous avons, de notre côté, une stratégie cohérente, fondée sur un rythme de réduction des déficits compatible avec un retour de la croissance économique et accompagné d’une série de réformes qui modifieront en profondeur les structures économiques de notre pays.

Dans ces conditions, personne ne sera surpris que j’appelle à adopter les amendements du Gouvernement et à rétablir la programmation telle qu’elle nous a été transmise par l’Assemblée nationale.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Donc, tout va bien, laissons les choses se faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a plusieurs manières de parler de finances publiques : les exposés auxquels nous assistons depuis le début de la discussion montrent que, apparemment, la langue de bois a de l’avenir et que les considérations technico-technocratiques l’emportent très largement sur les autres dès lors qu’il s’agit de parler budget de la France et financement de la sécurité sociale !

Mais, paradoxalement, nous estimons qu’un tel sujet mérite autre chose que des controverses sur des dixièmes de pourcentage et des perspectives chiffrées appuyées par un discours prétendument scientifique.

M. Philippe Dallier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur général ont livré ce matin une passionnante bataille d’idées sur les notions, parfaitement absconses pour la plupart de nos compatriotes, de « déficit conjoncturel » et de « déficit structurel », l’un se définissant au mieux par défaut, par soustraction de l’autre du total des déficits ; nous proposons dès maintenant de conclure, renvoyant tout simplement les intéressés à la lecturecomme prévu.

En clair, l’instrument de mesure générateur de la règleTout simplement aucun !

Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, le Haut Conseil des finances publiques indique : « L’écart de production et la croissance potentielle ne sont pas des données statistiques ou comptables, mais le résultat d’un modèle économique. Leur estimation est donc entourée d’incertitudes. Les révisions ex post sur les écarts de production peuvent être de grande ampleur et, pour la zone euro, du même ordre de grandeur que les écarts eux-mêmes. L’incertitude est renforcée lorsque l’économie subit des transformations profondes, comme c’est le cas depuis la crise financière. En particulier, les méthodes d’estimation mesurent difficilement les pertes de capital humain et physique et leur effet sur la productivité potentielle. »

Mais justement, mes chers collègues, peut-être faudrait-iltout simplement commencer par là ? Les pertes de capital humain et physique...

Il est évident que la première question, la matrice mêmeprécarité du travail !

C’est bel et bien là, dans l’insuffisance de l’emploi et du travail dans notre pays, que réside la source de toutes les incertitudes que soulève le Haut Conseil dans son avis.

Mon collègue Paul Vergès a posé, dans son allocution de président d’âge, lors de l’ouverture de notre session ordinaire, les questions d’importance que nous devons effectivement résoudre aujourd’hui. Elles dépassent aisément, je dois le dire, les débats que nous avons parfois sur le fait de savoir où doivent être fixées les limites d’un département ou d’une région...

Démographie, réchauffement climatique, recherche et développement, évolution économique répondant aux besoins des populations, tels étaient les enjeux présentés pour aujourd’hui et pour l’avenir par notre collègue, instruit par l’expérience de sa propre région et sa connaissance personnelle du monde qui nous entoure.

Que retrouvons-nous de cette allocution à visée prospective dans la loi de programmation qui nous est aujourd'hui présentée ? Bien peu de chose.

Par exemple, qu’est-ce qui, dans la loi de programmation, manifeste objectivement l’engagement de la France dans la voie de la transition énergétique ? Sans doute pas l’évolution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », orientés clairement à la baisse sur la période de référence de la loi de programmation. Tant pis pour la préservation des habitats et des espaces naturels ! Tant pis pour le développement des transports en commun non ou peu polluants en site propre !

Dans le même temps, il est fort probable que les agences de l’eau, voire l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, verront leurs ressources « écrêtées » au profit du budget général. Nous assisterons peut-être à une nouvelle poussée de fiscalité dite « écologique », dont la raison d’être sera de financer le coût grandissant des allégements de cotisations sociales, ce qui, depuis plus de vingt ans maintenant, pollue gravement les politiques publiques de l’emploi.

Mes chers collègues, la précarité de l’emploi ainsi que la dévalorisation du travail et des métiers ont deux origines : la loi sur la flexibilité de l’emploi adoptée dans les années quatre-vingt et le développement ininterrompu des logiques d’allégement du « coût du travail » au travers des exonérations et ristournes sur les cotisations sociales.

Non, le contrat à durée indéterminée n’est pas un privilège accordé à la majorité des salariés ! Oui, les bas salaires, les contrats précaires et à durée déterminée sont la pénitence imposée aux millions de salariés qui les subissent au quotidien, sans reconnaissance réelle, d’ailleurs, de leurs compétences, de leur qualification ni même de leur expérience !

Un véritable gouvernement de gauche ne devrait pas gaspiller je ne sais combien de milliards d’euros – on parle ici de 170 milliards et ailleurs de 230 milliards ! – à « aider les entreprises » sans contreparties visibles en termes de qualité de l’emploi et de développement de nouveaux métiers.

Surtout que ces milliards d’euros, pour une part importante, sont chèrement levés sur les marchés financiers, et nourrissent par conséquent ce que j’appellerai la « mauvaise dette », qui grève les comptes publics d’une charge d’intérêts de 50 milliards d’euros par an.

Un gouvernement de gauche, quand un abattoir breton licencie son personnel à la suite de mésaventures financières en Amérique latine, doit exiger de l’interprofession la solidarité indispensable et la mise en place de solutions originales de reclassement et de formation des salariés.

Ne lésinons pas sur les moyens nécessaires à la transition énergétique. En effet, les dépenses utiles que nous réalisons aujourd’hui seront la source d’économies dont nous profiterons demain, quand nous sera épargnée la réparation de dommages causés à l’environnement en général et, en son sein, à l’homme en particulier.

Ne lésinons pas non plus sur les moyens nécessaires à la modification des politiques de l’emploi, aujourd’hui abusivement tournées vers la seule restauration des marges de nos entreprises, c’est-à-dire vers un objectif de court terme qui retarde davantage encore les véritables débats en la matière.

Le libéralisme économique dans sa version mondialisée est décidément une arriération !

Ces véritables débats, nous les aborderons quand il s’agira de modifier encore l’emploi industriel, quand nous aurons posé les bases d’une nouvelle agriculture, quand nous aurons repensé l’action de nos services publics et quand nous ne reculerons pas devant le progrès inévitable que constitueront, le moment venu, une nouvelle réduction et un nouvel aménagement du temps de travail.

En effet, l’évolution des technologies de production, des compétences et des qualifications de la population active est telle que le débat est largement ouvert sur la réduction du temps de travail.

Trop souvent, ces dernières années, les gains de productivité ont été affectés à la réduction des effectifs salariés - force est de constater que, en la matière, l’État n’a pas été en reste -, et ce avant toute autre considération ! Tout cela dans l’objectif avoué de répondre aux exigences de la financiarisation de l’économie et, singulièrement, de la rentabilité du capital.

Il est grand temps que les gains de productivité reviennent aux hommes et aux femmes qui travaillent, produisent et créent les richesses. Grand temps, oui, que nous cessions de les voir privés du fruit légitime de leurs efforts : leur salaire net, victime ici de la modération salariale, là du gel du point d’indice, ou leur salaire socialisé, constitué des cotisations sociales qui participent au financement des revenus de transfert, composante déterminante du revenu disponible des ménages.

À cet égard, un smicard dont l’employeur ne paie plus de cotisations sociales est victime d’un double racket, puisqu’il paie lui-même la facture, notamment à la caisse des magasins en acquittant la TVA. C’est pourquoi il est temps de mettre en extinction les exonérations de cotisations sociales et d’œuvrer à la disparition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, pour les remplacer par une véritable politique de l’emploi et du travail, tournée enfin vers les qualifications, les salaires et la qualité de la production.

Si les entreprises ont besoin d’être financées pour investir, qu’elles le soient quand il s’agit d’innover, de créer, de rechercher pour déposer de nouveaux brevets et de mettre en œuvre des projets créateurs d’emplois et respectueux de critères environnementaux et, bien sûr, sociaux.

Les secteurs financiers ont, eux aussi, un rôle essentiel à jouer pour le développement de l’activité en France. Le secteur bancaire ayant quasiment cessé d’être la propriété de la Nation, il a repris, depuis le milieu des années quatre-vingt, ses pires habitudes et ses errements les plus sinistres.

J’en veux pour preuve que la Banque centrale européenne, comme nous l’avons vu au mois de septembre, n’arrive même plus à trouver, auprès des grands établissements de crédit de la zone euro, suffisamment de demandes de crédit pour consommer l’enveloppe de 400 milliards d’euros qu’elle destine au financement des entreprises.

Uniquement soucieux de rentabilité, les établissements de crédit de notre pays se bornent aujourd’hui à atteindre leurs ratios prudentiels et à alimenter les dividendes de leurs actionnaires. Le financement de l’économie ? Il passe après !

Ainsi, bien que condamnée par la justice américaine à une amende record, BNP Paribas reste déterminée à verser, avant peu, un dividende d’une valeur de 10 % du cours de l’action du groupe dans les années à venir. Tant pis si la rentabilité de la banque s’appuie sur des refus de crédit opposés aux PME et aux TPE ou à une clientèle privée au demeurant de plus en plus endettée.

En vérité, mes chers collègues, il serait peut-être temps que les conseils d’administration bancaires se préoccupent d’atteindre certains objectifs en matière de financement de l’économie ou d’accès au crédit. Ce qui, du reste, n’empêcherait pas que la question de l’existence d’un pôle financier public se pose plus que jamais, comme se pose celle de normes sociales et économiques pour l’utilisation de l’épargne à vue et de l’épargne rémunérée collectées par les établissements banalisés.

La centralisation du livret A et du livret de développement durable doit être renforcée, aux fins de financer la relance du logement social et des travaux rendus nécessaires par la transition énergétique.

Reste que l’impulsion déterminante doit être donnée par la Banque centrale européenne, dont il ne faut jamais oublier qu’elle a pour fonction d’assurer la création monétaire pour l’ensemble des pays de la zone euro.

La BCE est prête, cette année, à n’injecter rien moins que 1 000 milliards d’euros de liquidités nouvelles au taux de 0, 15 %, ce qui est parfaitement susceptible de favoriser les investissements et la création d’emplois. Seulement, la première tranche ouverte à la distribution, d’un montant de 400 milliards d’euros, n’a pas vraiment trouvé preneur.

Dans ces conditions, il est temps, à notre avis, que la France prenne l’initiative de croissance que tout exige aujourd’hui. Si les banques de détail ne veulent pas des fonds si gracieusement proposés par Mario Draghi, autant les confier aux administrations publiques pour qu’ils servent à des investissements utiles à la collectivité.

Il est temps, aussi, qu’un programme pluriannuel de rachat de la dette publique soit mis en place dans la zone euro, associé à un véritable programme de financement d’infrastructures publiques utiles aux économies de tous les États membres.

Il s’agit de créer enfin les conditions d’un désendettement durable des États, par la prise en charge de 15 % à 25 % de l’encours existant à l’échéance de cinq ans environ, et d’ouvrir la voie à un développement durable des économies de la zone euro.

Alors que la zone euro a connu, au cours de la dernière période, une hausse continue de l’endettement des États membres dans un contexte de stagnation économique et de faible inflation, pour ne pas dire de déflation, il est temps de changer son fusil d’épaule et de créer les conditions de la désintoxication financière des politiques publiques.

Par exemple, on ne peut pas montrer du doigt la faible rentabilité des trains à grande vitesse en France en oubliant, aussi rapidement que passent les rames TGV, que cette rentabilité est largement obérée par le coût que fait peser sur RFF, d’abord, et sur la SNCF, ensuite, la dette contractée pour la construction de liaisons pourtant utiles au développement économique et social.

L’Europe et la BCE doivent être au cœur du financement des grands projets d’infrastructures dont l’ensemble des pays de la zone euro ont besoin pour passer de la situation actuelle, marquée par un gaspillage d’énergie, de ressources, de matières premières et de capital physique et humain, à une situation nouvelle dans laquelle les objectifs généreux et généraux de la construction commune seront enfin atteints.

La France, par sa position de premier plan en Europe, peut et doit faire valoir ces nouveaux impératifs du projet européen. Sans quoi celui-ci deviendra toujours plus insupportable aux peuples et éloigné de leur intérêt et de leur attente, confiné à la caricature que constitue le traité budgétaire validé en 2012.

C’est donc vers des politiques publiques nationales et européennes profondément repensées, à la lumière du présent et dans la perspective de l’avenir, que nous devons tendre désormais. Force est de constater que le présent projet de loi de programmation des finances publiques, surtout dans sa rédaction amendée par la majorité de la commission des finances, n’en prend aucunement le chemin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons pour la deuxième fois un projet de loi de programmation des finances publiques dans le cadre fixé par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire, ou TSCG ; je rappelle que notre assemblée a voté à une très large majorité en faveur de la ratification de ce traité, avec le soutien de mon groupe.

En permettant de mieux quantifier les efforts accomplis par les États membres pour réduire leur déficit public, le TSCG a le grand mérite d’encourager à une plus grande orthodoxie budgétaire. En effet, il impose des mesures de contrôle renforcé et une limitation du déficit public structurel à 0, 5 % du PIB, ainsi qu’un dispositif de « frein à l’endettement ». Nous savons que c’est le prix à payer pour les interventions de la BCE qui, en 2012, avaient permis d’éviter l’éclatement de la zone euro.

Ces règles pourraient apparaître comme une contrainte supplémentaire, mais elles nous laissent en réalité une certaine latitude, plus grande que celle permise par le pacte de stabilité et de croissance. Ainsi, la règle du solde structurel inscrite dans le TSCG permet d’atteindre l’objectif de moyen terme, l’OMT, sans tenir compte des effets de la conjoncture. En outre, il est possible de repousser la réalisation de l’OMT.

Bien sûr, mes chers collègues, cette latitude ne nous exonère pas du volet correctif inhérent au pacte de stabilité et de croissance. C’est ainsi que la procédure pour déficit excessif engagée en 2009 contre la France court toujours. Notre pays a pu gagner du temps, mais Bercy a dû récemment fournir un effort supplémentaire de 3, 6 milliards d’euros pour éviter le bras de fer avec Bruxelles.

Par conséquent, la France doit en tout état de cause s’inscrire dans une trajectoire contrainte pour honorer ses engagements européens, mais aussi parce que le seuil de soutenabilité de sa dette est atteint.

Que nous soyons eurosceptiques ou euroconvaincus, avons-nous d’autres choix que celui d’une certaine discipline ? En vérité, le déficit public, qui, hélas, fête cette année ses quarante ans, ne peut plus atteindre des proportions qui en font une menace permanente hypothéquant gravement l’avenir des jeunes générations.

Depuis quelques années, en particulier depuis la crise des dettes souveraines, il existe un relatif consensus pour considérer la dette comme un handicap majeur à une reprise économique sérieuse. À l’évidence, l’interdépendance croissante des économies oblige aussi à assainir les finances publiques.

Dès lors, la question est de savoir comment réduire la dette sans compromettre les chances d’un retour à une croissance significative. On mesure chaque année la difficulté de l’équation qui lie maîtrise des déficits publics et politique de soutien à l’économie.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 tient compte de cette réalité. Il conserve l’objectif de solde structurel, mais en le ramenant – c’est l’article 2 - à moins 0, 4 % du PIB en 2019. Comme nous le savons, le Gouvernement utilise la marge offerte par le TSCG. Ainsi, afin de ne pas compromettre les réformes engagées, le plan d’économies ne portera que sur 50 milliards d’euros pour la période 2015-2017.

Dans ces conditions, le déficit effectif ne reviendra pas sous le seuil des 3 % du PIB avant 2017. On doit, bien sûr, le regretter, et nous le regrettons tous. En effet, comme M. le rapporteur général de la commission des finances l’a souligné, nous renonçons à la trajectoire du solde public définie dans la précédente loi de programmation des finances publiques.

En commission, la nouvelle majorité a décidé de supprimer la plupart des orientations pluriannuelles des finances publiques. Pourquoi pas, mais pour quelle alternative ? Je vous le demande, chers collègues !

Sincèrement, en effet, peut-on aller plus rapidement au-delà des efforts demandés aux administrations d’État, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

… aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale ?

S’agissant des collectivités territoriales, nous savons quels sont les dommages collatéraux de la baisse de l’investissement public en termes de recettes fiscales, d’emploi et donc de dynamisme local. Il y a donc manifestement un seuil à ne pas franchir.

Une part de la dépense publique est aussi garante de la cohésion sociale, et il faut trouver, là encore, le meilleur rapport entre la baisse des dépenses et le maintien des filets de sécurité pour nos concitoyens, en particulier pour ceux qui sont les plus fragilisés par la crise.

Le Gouvernement a fait le choix de la prudence. Ainsi, l’année prochaine, nous ne connaîtrons pas une diminution de la dépense publique, mais seulement un ralentissement de son augmentation : en 2015, la dépense publique devrait augmenter de 1, 1 % en valeur et de 0, 2 % en volume. Aux yeux de certains, cela peut paraître insuffisant, mais c’est mieux que les 2 % d’augmentation constatés jusqu’en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Une trop grande brutalité de l’effort pourrait être contre-productive dans le contexte d’une croissance très fragile.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Le fait est que, malheureusement, il nous faudra encore compter avec un environnement économique dégradé : les tensions qui ont parcouru les marchés au cours des dernières semaines et l’accentuation du risque de déflation sapent la confiance, malgré l’intervention de la BCE.

Le ralentissement, qui est mondial, fragilise sans cesse nos prévisions de croissance. Oui, mes chers collègues, on peut discuter longtemps des hypothèses de croissance retenues dans le projet de loi de programmation ; c’est un débat que nous avons toujours eu, quelles que soient les majorités. Et le constat est toujours le même : un excès d’optimisme.

Dans ces conditions, il nous reste deux leviers pour tenter de maintenir le cap.

À défaut de pouvoir baisser drastiquement les dépenses publiques, il faut s’intéresser davantage à leur efficacité. L’évaluation des politiques publiques, posée à l’article 24 de la Constitution depuis 2008, doit être encore plus systématique, et plus offensive.

Il convient aussi de rechercher plus d’efficacité au sein des structures étatiques, même s'il serait très difficile d’en mesurer le poids en termes de PIB.

Dans cet esprit de rationalisation de la dépense publique, j’approuve donc certains des amendements adoptés par la commission des finances, en particulier au titre II. Je pense notamment à la durée limitée des niches fiscales et sociales nouvellement créées ou encore au renforcement de l’information du Parlement sur les opérateurs de l’État.

Enfin, ce sont naturellement les grandes réformes de structure…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

… qui nous permettront de redonner à la France les marges de manœuvre nécessaires à la relance de son économie.

Au cœur de ces réformes, l’impératif de compétitivité est essentiel, et je félicite le Gouvernement d’en avoir saisi l’enjeu. Le Premier ministre a encore récemment rappelé la nécessité du soutien aux entreprises, une ligne qu’une majorité de membres du RDSE partage. Nous avons en effet approuvé le CICE – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, si imparfait soit-il, et nous sommes favorables à la réduction de certaines contraintes réglementaires pesant sur les entreprises.

Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, en attendant que la politique du Gouvernement porte ses fruits et redonne confiance aux acteurs économiques, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin. … nous avons, dans l’immédiat, des décisions budgétaires à prendre. Vous pouvez compter sur le RDSE pour assumer ses responsabilités dans les prochains débats à la lumière du principe d’efficacité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est un grand honneur de prendre la parole pour la première fois à la tribune de cette assemblée, et je mesure à cet instant le poids des responsabilités que m’ont confiées ceux qui m’ont amené à la rejoindre.

On nous explique à longueur de journée et de matraquage médiatique que le projet économique de mon parti ruinerait la France, conduirait au chaos – j’en passe, et des meilleures... Mais il faut d’abord s'interroger : pourquoi en sommes-nous là aujourd’hui ? Quels choix politiques ont amené à cette situation ? Qui a porté ces politiques ?

Le déficit public est en passe d’atteindre 2 000 milliards d’euros.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Or, lorsque je lis le projet du Gouvernement, je ne vois aucun changement radical de politique.

Je suis ici l’un des rares représentants de la jeunesse. Dans quel état nous avez-vous laissé la France ?

Je ne veux pas que, dans quarante ou cinquante ans, lorsque j’atteindrai l’âge moyen de notre assemblée, l’on puisse me dire : mais qu’avez-vous donc fait toutes ces années ?

Vives protestations sur la plupart des travées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Détendez-vous, mes chers collègues, cela va bien se passer !

Notez que ces 2 000 milliards de dette n’ont pas été perdus pour tout le monde. Le secteur bancaire s’est largement servi, grâce la loi Giscard-Pompidou de 1973 et aux différents traités européens, notamment celui de Maastricht.

Les uns nous disent que cette situation est due à la crise, les autres que c’est la faute de ceux qui étaient là avant. Eh bien, nous, nous, nous osons dire que vous avez tous raison, mais en oubliant deux choses : d’une part, « ceux qui étaient là avant » sont en fait les mêmes à tour de rôle depuis des dizaines d’années ; d’autre part, si la crise a accéléré la dégradation de nos finances publiques, c’est surtout le système financier mondialiste que vous avez mis en place, ou tout au moins cautionné, depuis des décennies qui l’a engendrée.

Je ne rentrerai pas dans le détail des mesures présentées par ce texte, puisque nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles, mais je proposerai plusieurs axes de réflexion qui devraient, selon moi, nous guider pour bâtir un budget répondant aux enjeux de notre pays et, surtout, aux attentes de nos concitoyens, plutôt que de bricoler ou détricoter ce qui fonctionne.

C'est sûr, il est nécessaire de faire des économies. Et le ralentissement économique est là. Nous ne pouvons plus et, surtout, nous n’aurions jamais dû vivre au-dessus de nos moyens, comme c’est le cas depuis des dizaines d’années. Mais, comme le Gouvernement ne connaît plus le « bon père de famille », qu’il a fait disparaître du code civil, il est difficile de lui reprocher de ne pas gérer les finances de la France comme tel…

En ce qui concerne les axes d’économies que vous nous proposez dans ce texte, j’ai de profondes divergences, car je refuse que ce soit aux Français de payer des années d’errements. Les fonctions régaliennes de l’État doivent être protégées, nos entreprises doivent être protégées, notre agriculture doit être protégée, notre culture doit être protégée

Mme Catherine Tasca s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

C’est avant tout à cela que doit servir l’argent public, et non pas à accueillir la misère du monde, à enrichir des pays prétendument amis qui financent par derrière nos ennemis, ou à alimenter l'Union européenne, qui utilise notre argent pour nous taper sur les doigts ! Il ne faut pas oublier que l’argent public vient des Français et que, à ce titre, il est d’abord et avant tout au service des Français !

Au lieu de cela, par exemple, vous diminuez le budget de nos armées – vous sacrifiez nos armées, plus exactement ! - à l’heure où ses engagements sont toujours plus nombreux et complexes. Vous fermez le Val-de-Grâce, qui passe dans le monde entier pour être l’un des fleurons de notre médecine.

Vous laissez nos entreprises se battre à armes inégales dans un mondialisme à tout-va, où nous sommes les seuls à donner autant de contraintes à nos entreprises sans leur accorder aucune protection en retour.

Vous laissez les agriculteurs seuls face aux marchés.

Vous vous gargarisez devant de prétendues œuvres d’art.

Enfin, pour couronner le tout, vous déconstruisez le lieu où se construit l’avenir de notre pays, les familles, en remettant en cause le principe, si cher aux Français, d’universalité des allocations familiales ; mais, dans ce domaine, les exemples ne manquent pas ces derniers mois…

On entend souvent qu’il ne faut pas faire de « déclinisme ». Le Premier ministre a même créé le concept de french celebrating. Mais que répètent les économistes ? Que, pour que la croissance reparte, il faut de la confiance. Croyez-vous sincèrement que vous donnez confiance aux Français avec ce budget ?

Il faut reconnaître que ces choix ne sont pas toujours opérés de votre propre chef, et le diktat bruxellois inspire plus que jamais ce texte. Bruxelles a d’ailleurs une fâcheuse propension à vouloir nous faire faire des réformes dont le peuple ne veut pas.

En réalité, Bruxelles fait tout pour mettre à bas ce qui fonctionne dans notre pays. Or tout n’est pas à jeter, dans notre pays ! Je pense ici aux professions réglementées et à la casse qui en est organisée – nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des prochaines semaines.

Cette année encore, la France a perdu davantage de souveraineté avec la soumission de notre budget aux injonctions de Bruxelles. Alors – sans doute est-ce le privilège du benjamin de cette assemblée – je vais être impertinent : que faisons-nous ici ? Participons-nous à une mascarade ? Faisons-nous semblant ? Je n’imagine pas que tous les sénateurs puissent avoir été élus juste pour entériner des décisions bruxelloises qui, soit dit en passant, sont prises par des personnes dont la légitimité démocratique n’est pas avérée.

Je me fais une autre idée de notre rôle de parlementaires, parce que nous sommes les représentants du peuple souverain. Malgré cela, nous votons selon les recommandations de Bruxelles, sans quoi nous serons sanctionnés. Où est donc notre liberté ?

Pour s'en tenir aux questions économiques, après la perte de notre souveraineté monétaire et de notre souveraineté commerciale, nous perdons notre souveraineté budgétaire ! Pouvez-vous me dire quels outils il nous reste pour proposer à notre pays une politique économique véritable ? Il ne faut pas s’étonner du désamour que les Français pourraient avoir de la classe politique : depuis des années, vous leur promettez tant de choses, alors que vous n’avez même plus sous votre contrôle les outils permettant de réaliser ces promesses !

Ce texte souligne une nouvelle fois que vous préférez mettre un emplâtre sur une jambe de bois plutôt que de vous attaquer aux causes de la gangrène.

Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je reviens au sujet : nous examinons aujourd’hui ce qui sera la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Pourtant, les orientations pluriannuelles de nos finances sont d’ores et déjà encadrées – de 2012 à 2017 – par la précédente loi de programmation, que nous avons votée il y a deux ans. Sachant que l’esprit d’une programmation est de se projeter dans la durée pour y fixer un cadre, réviser ce cadre avant même d’avoir couvert ne serait-ce que la moitié de la période annoncée affaiblit quelque peu, vous en conviendrez, le concept de programmation...

Toutefois, on comprend mieux la démarche du Gouvernement lorsque l’on réalise que cette résiliation de la loi de programmation en vigueur permet de porter au processus d’ajustement structurel un coup aussi discret qu’efficace.

En effet, la loi organique transposant le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance a érigé la loi de programmation en véritable pivot du pilotage de nos finances publiques vers leur objectif de moyen terme. C’est par rapport à la loi de programmation que le Haut Conseil des finances publiques doit évaluer la cohérence des projets de loi de finances. C’est également par rapport à cette loi que le Haut Conseil doit identifier les écarts dits « importants » des exécutions budgétaires, ceux qui sont à même de déclencher le mécanisme de correction.

Or, en mai dernier, dans son avis sur le projet de loi de règlement pour 2013, le Haut Conseil avait précisément mis en évidence un écart important de l’exécution par rapport à la programmation. Il avait donc appelé à une correction.

Désireux d’échapper à ce traitement – ce que l’on peut tout à fait comprendre, par ailleurs –, le Gouvernement a préféré modifier le thermomètre en annulant la loi de programmation. Ce contournement de nos engagements européens ne s’est toutefois pas opéré sans avoir préalablement sollicité, et obtenu, la mansuétude de la Commission et du Conseil européens.

Certes, comme Michel Sapin le rappelait hier devant notre commission des finances, pour ce qui est des errements entourant les prévisions de croissance économique en France, la Commission européenne n’est pas innocente. En effet, elle prévoyait elle-même, il n’y a pas si longtemps, une reprise de l’activité dans la zone euro courant 2014 et son amplification en 2015…

Malheureusement, les concessions qui nous été récemment accordées par le Conseil et la Commission ne sont pas gratuites. En l’occurrence, elles nous coûtent même un peu plus de 40 milliards d’euros par an…

Dans le rapport annexé au présent projet de loi, le Gouvernement explique en effet que, s’il peut se permettre de modifier son objectif de moyen terme et sa trajectoire d’ajustement structurel, c’est parce qu’il a introduit cette réforme structurelle d’ampleur qu’est le pacte de compétitivité – il consiste, rappelons-le, à diminuer les impôts et les cotisations sociales de toutes les entreprises, sans poser véritablement de conditions ni de critères.

Les bénéfices attendus de cette mesure sont pourtant assez hypothétiques.

Alors qu’au deuxième trimestre les dividendes versés par les entreprises françaises s’établissaient à 40, 7 milliards de dollars, en hausse de 30 %, le Gouvernement, après avoir initialement parlé de 300 000 emplois créés, puis seulement de 150 000, n’ose désormais plus s’engager sur les retombées. Le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, a récemment laissé entendre qu’il n’y aurait finalement pas de lien direct et automatique entre CICE et emploi.

En attendant, les recettes de l’État et de la sécurité sociale sont profondément grevées par ce manque à gagner fiscal. Pourtant, pour faire face au déficit, on préfère toujours stigmatiser et incriminer les dépenses publiques et le modèle social plutôt que la fonte des recettes.

C’est ainsi que, forts d’une vieille collusion, austérité et libéralisme excessifs se justifient et se renforcent, dans un cercle vicieux assez mortifère. C’est de l’excès de libéralisme, en l’occurrence financier, que provient la stagnation actuelle de nos économies en Europe. Rappelons en effet que c’est bien la crise financière qui a provoqué la crise de la dette publique : au sein de la zone euro, la dette publique stagnait autour de 70 % du PIB en 2008, alors qu’elle atteint près de 93 % en 2014. Aujourd’hui, le balancier revient, et c’est désormais l’austérité qui nous impose le libéralisme...

Après le financement des entreprises par les ménages, voilà que se profilent ou se poursuivent une baisse des prestations sociales, un durcissement des conditions d’indemnisation des chômeurs, une révision des seuils sociaux et une réduction des protections environnementales. Nous n’en sommes donc pas sortis !

Les hypothèses que nous propose le Gouvernement dans la nouvelle loi de programmation, censée nous porter jusqu’en 2019, semblent à peine plus crédibles que celles qui avaient présidé à l’élaboration de l’ancienne.

Le Haut Conseil juge en effet ces hypothèses « trop favorables », notamment en ce qui concerne le scénario d’une reprise internationale qui viendrait démultiplier la demande et l’empressement supposé des entreprises françaises à investir – on vient de voir ce qu’il en était à propos des dividendes…

La Commission européenne a, quant à elle, évalué la croissance française à 0, 7 % en 2015, là où le projet de loi de programmation et le projet de loi de finances à venir tablent sur 1 %.

Compte tenu de la grande sensibilité des finances publiques à ces hypothèses, il est à craindre, pour l’année prochaine et la suivante, que ne se reproduise le même cycle : de nouveaux écarts, de nouvelles mesures, une nouvelle loi de programmation et ainsi de suite...

Nous nous enferrons, et l’Europe avec nous, dans une logique dont le FMI lui-même a reconnu avant-hier – pour la deuxième fois – qu’il s’était laissé prendre à ses effets néfastes. Cette situation est un désastre pour l’Europe ! Et c’est un désastre pour l’image qu’en ont nos concitoyens ! Faut-il rappeler qu’ils ont placé en tête du dernier scrutin européen le parti le plus europhobe de notre échiquier politique ?

La Suède vient également de connaître une poussée historique de son extrême droite, tandis que le débat public en Grande-Bretagne a rarement été aussi hostile à l’Union européenne.

Si je me suis toujours défié des méfaits de l’austérité, j’ai néanmoins fait partie, au sein de ma famille politique, des rares parlementaires à avoir voté pour le traité sur la stabilité, la cohérence et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Il me semblait alors que refuser ce traité, négocié de longue date et déjà ratifié par plusieurs pays, aurait durablement brisé la construction européenne.

À l’inverse, j’espérais qu’en l’adoptant nous serions en mesure de restaurer la confiance avec l’Allemagne et d’engager avec elle un dialogue constructif. J’ai cru qu’il nous permettrait de regagner du leadership politique sur la scène européenne en mobilisant nos partenaires sur de nouveaux axes, de nouvelles dynamiques. Hélas, force est de constater, plus de deux ans après, que nous n’avons pas su réellement emprunter ce chemin !

Pendant trop longtemps, la France n’a pas été assez présente ni assez active sur la scène politique européenne. Quant à la relation franco-allemande, il suffit, pour se faire une idée de son caractère déséquilibré, de savoir que l’Allemagne a demandé à la Commission un contrôle encore plus strict des budgets nationaux, et ce pas plus tard que le 20 octobre dernier, le jour même où les ministres de l’économie et des finances allemands recevaient, monsieur le secrétaire d’État, leurs homologues français !

Nous ne pouvons pas accepter que la réduction des dépenses publiques, la libéralisation effrénée du modèle social et la course sans fin à la baisse du prix du travail constituent le ciment irréfragable de la politique européenne. Contre cette Europe sans véritable projet, il nous faut construire ensemble l’Europe de la solidarité et de la coopération.

Monsieur le secrétaire d’État, demande-t-on à la région Lorraine de réduire ses services publics afin d’être compétitive avec la région d’Île-de-France ? Cela n’aurait aucun sens et il en va évidemment de même à l’échelle de l’Union.

C’est bien l’Europe de la coopération qu’il nous faut aujourd’hui construire. Comment peut-on sérieusement envisager de bâtir un projet commun quand certains États, qui ne sont d’ailleurs pas les derniers à réclamer le respect des ratios de déficit, organisent tranquillement l’évasion fiscale des multinationales au détriment de leurs voisins ?

Ne pourrait-on pas imaginer, monsieur le secrétaire d’État, que le dialogue entre la Commission et les États aborde la question de l’harmonisation fiscale avec autant d’énergie que celle du solde budgétaire ?

Il nous faut reconstruire l’idée d’une intégration européenne fondée sur une véritable gouvernance stratégique commune en matière économique, dotée d’un budget propre et prenant en compte les spécificités des États, leurs forces et leurs faiblesses. Mener dans ce cadre une transition écologique et énergétique de notre modèle de développement permettrait de construire de grandes filières industrielles européennes d’avenir, notamment dans l’énergie et les transports, et d’éviter une catastrophe climatique au coût exorbitant.

Autant de chantiers qui permettraient, mieux que l’austérité, de conduire l’Europe sur la voie d’une économie durable et solidaire, la seule qui puisse emporter l’adhésion des peuples.

La toute récente entrée en fonctions de la nouvelle Commission européenne, qui s’accompagne de la remise en marche concrète de l’ensemble des institutions de l’Union, nous offre justement l’occasion institutionnelle et politique de formuler de semblables propositions.

Ce projet de loi de programmation, monsieur le secrétaire d’État, n’est malheureusement pas le reflet d’une telle vision. C’est pourquoi les écologistes ne sont pas prêts à le voter.

Pour autant, nous pouvons nous accorder sur le fait que, jusqu’à présent, la nouvelle majorité sénatoriale ne nous aura pas particulièrement éclairés sur sa propre vision de la trajectoire de nos finances publiques. Peut-être trouvera-t-elle l’occasion, lors du débat sur le projet de loi de finances, de nous expliquer comment elle compte réduire les dépenses publiques de 100 milliards d’euros tout en préservant les ressources des collectivités territoriales…

Quoi qu’il en soit, en attendant, elle ne nous propose qu’un texte bancal, vidé de ses éléments constitutifs. Cette alternative, vous l’aurez compris, ne nous satisfait pas davantage que le projet présenté par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je dois vous confier ma déception – un Anglais parlerait de « lassitude » – celle-là même que beaucoup de Français que je croise me confient également, quand ce n’est pas de la colère.

Depuis que j’ai été élu sénateur, voilà trois ans, de loi de programmation en programme de stabilité, de budget en budget, la seule prévision qui ait été vraiment vérifiée, de texte en texte, c’est celle que nous avons faite à l’UDI, certains que nous étions que vos objectifs ne seraient pas tenus, car ils péchaient systématiquement par optimisme. Et, chaque fois, les scénarios émis pour bâtir un projet de budget ont été démentis par les suivants. Je crains malheureusement que ce texte ne déroge pas à la règle.

Si je reprends les chiffres d’il y a six mois, ceux du dernier programme de stabilité – on ne pas peut dire que cela soit vieux ; six mois, depuis avril 2014, ce n’est pas une éternité ! – l’écart de croissance, l’écart de déficit nominal, l’écart de déficit structurel, bref, quel que soit le bout par lequel on prend le problème, ils sont tous revus à la baisse ou à la hausse. L’objectif est repoussé de deux ans – excusez du peu ! –, à peine six mois après qu’un retour à l’équilibre en 2017 a été affirmé.

Non, la seule prévision qui tienne, monsieur le secrétaire d’État, c’est que nous ne tiendrons pas nos engagements, cette fois-ci pas plus que les précédentes, et que nous pouvons préparer dès aujourd’hui les documents qui nous seront fournis dans six mois – ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Haut Conseil des finances publiques, que vous avez créé et qui juge « optimistes » vos prévisions de croissance, notamment sur 2016 et 2017. Et, avant même d’être examiné par le Parlement, votre projet de loi de finances est déjà contredit par la Commission de Bruxelles, qui révise la croissance à la baisse et le déficit à la hausse !

Depuis trois ans, quatre lois de finances, deux lois de programmation, trois programmes de stabilité, et autant d’aveux que ce gouvernement – je suis triste d’en faire le constat ici – n’a de prise sur rien. Et, pendant ce temps, le Président fait comme Pénélope qui attendait Ulysse, il regarde la mer, se disant que la croissance finira bien par rentrer au port…

Bon nombre de Français, pour ceux qui s’intéressent encore à ce type de débat – s’il y en a ! – doivent se demander : « À quoi bon ? » À quoi bon tant de débats, tant de mots, tant de courbes, tant de temps passé en vain, quand chacun sait bien que la réalité nous échappe et qu’aucune des mesures qui ont été prises par ce gouvernement n’a permis d’inverser la courbe du chômage, pas plus qu’elles n’ont réussi à améliorer l’état économique du pays ou le moral des Français !

La vraie question qui se pose à nous est de savoir comment reprendre la main, comment trouver ce qui peut redonner confiance aux Français et leur faire dire que, oui, cette fois, les prévisions affichées sont justes et que nous avons des chances de les réaliser.

D’abord, il ne faut pas leur mentir ! Il est fini ce temps où prévalait le principe selon lequel l’optimisme entraînait l’optimisme tandis qu’un surcroît de croissance provoquait un sursaut de consommation et d’élan entrepreneurial. Il est fini le temps de la méthode Coué !

Bien au contraire, les Français attendent qu’on leur tienne un langage de vérité. Ils attendent que les prévisions, même modestes, se réalisent enfin.

Mieux vaut donc un excès de prudence, mieux vaut de bonnes surprises à la fin qu’un excès d’optimisme et des déceptions supplémentaires, qui sont, chaque fois, un coup de plus sur la tête des Français, un coup de plus qui fait beaucoup plus mal que le précédent !

Renoncez donc, monsieur le secrétaire d’État, à la stabilité des emplois publics. Ce n’est pas en vous contentant de maintenir stables des dépenses qui représentent à elles seules 40 % des dépenses du budget général de l’État que nous pourrons amener les dépenses publiques à passer en dessous d’un niveau aujourd’hui élevé au point d’en être insupportable. Le bon sens commande de réduire les effectifs de l’État en ne rendant pas tabou le retour aux 39 heures dans la fonction publique.

Il faut également sans tarder remettre le débat des retraites sur la table. Il y a deux ans, vous n’avez pas eu le courage d’aller assez loin et nous savons tous qu’il faudra y revenir. Pourquoi attendre ?

Il faut remettre en discussion les conditions d’attribution des allocations chômage. Tout le monde sait qu’il faudra y venir. Pourquoi attendre ?

Le Président de la République s’était engagé pendant la campagne à fusionner l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée.

M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Il s’était engagé pour un impôt sur les sociétés modulé selon le chiffre d’affaires. Il s’était engagé à une remise à plat du système fiscal. Pourquoi attendre ?

En réalité, cinq réformes structurelles fondamentales sont à mener : la réforme du marché du travail ; la réforme des retraites, pour tendre à la convergence du public et du privé et instituer la retraite à points ; la réforme de l’État et de la carte administrative territoriale ; la réforme de la formation, de l’enseignement et de la recherche, pour adapter nos savoirs à l’évolution d’une économie mondialisée ; la réforme fiscale, pour des impôts lisibles, simples, à assiette large et à taux faibles, prélevés à la source.

C’est sur la base de ces réformes qu’une véritable programmation peut être construite. Sans ces réformes, pas de baisse de la dépense, pas de retour de l’initiative privée, pas de vivier de croissance, donc, pas de recettes fiscales dynamiques et un déficit et une dette qui se creusent inexorablement.

Pourquoi attendre, monsieur le secrétaire d’État ?

Vous avancez des circonstances exceptionnelles pour retarder de deux ans le retour à un petit équilibre, qui était l’objectif. Pour ma part, je ne vois pas ces circonstances « exceptionnelles » : la faible inflation était tout à fait prévisible. Il est parfaitement normal qu’avec une croissance aussi faible, les prix soient tirés vers le bas. C’est l’inverse qui serait surprenant ! Comment avoir de la croissance avec 57 % de dépenses publiques, un poids qui est beaucoup trop lourd pour notre économie !

Vous prétendez poursuivre, dans cette loi de programmation, l’assainissement budgétaire. C’est faux, monsieur le secrétaire d’État ! Pour le poursuivre, il faudrait qu’il ait commencé ! En fait, depuis deux ans et demi, vous avez maintenu à un niveau élevé le déficit de nos finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

On est toujours entre 75 ou 80 milliards d’euros – en tout cas, dans ces eaux-là !

Vous indiquez que la baisse, souhaitable, de nos impôts et de nos taxes proviendra de la maîtrise de la dépense publique. C’est faux aussi ! C’est la baisse de la dépense publique et non sa maîtrise qui permettra de faire baisser les impôts de façon réelle et durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Non, la dépense publique ne baisse pas, sauf pour les collectivités locales, auxquelles on demande des efforts démesurés ! Et nous ferons des propositions sur ce sujet pour revenir à des normes plus correctes.

Nous sommes pour les efforts, mais pour des efforts équitables et partagés par tous !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. Vincent Delahaye. Pour tous ces efforts, pour toutes ces réformes, il faut du courage, monsieur le secrétaire d’État. Nous ne voyons malheureusement venir ni le courage ni les réformes. Il est grand temps d’en prendre conscience et de changer d’attitude. Sinon, ces prévisions seront comme les précédentes, bonnes à jeter, et nous aurons, les uns et les autres, perdu notre temps !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, hasard du calendrier, nous sommes aujourd’hui très exactement à mi-mandat, à la moitié du quinquennat, à la moitié de la législature, c’est-à-dire au milieu du gué. Et, ce soir, le Président de la République s’exprimera pour tenter de convaincre les Français que la politique conduite par son gouvernement, sous son autorité, est la bonne.

Nous lui souhaitons bon courage, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

…car la tâche sera rude, après deux années et demie d’une politique sans cap et sans vision, sans résultat, dont le bilan se résume assez vite : c’est l’échec !

Échec sur la croissance, tout d’abord, que la nouvelle majorité espérait certainement voir revenir, comme par enchantement, dès l’automne 2012, tant il est manifeste qu’elle n’avait pas compris la nature profonde de cette crise et le problème du manque de compétitivité de nos entreprises.

Échec sur le chômage, ensuite, corollaire du premier, reconnu avec une belle sincérité – et peut-être un peu de candeur ! - par notre ancien collègue François Rebsamen, aujourd’hui ministre du travail.

Échec, enfin, sur la maîtrise des déficits publics et de la dette, qui dérapent, année après année, s’éloignant toujours plus des objectifs affichés.

L’exercice de ce soir sera donc, à coup sûr, extrêmement délicat pour le Président de la République, qui cherchera à redonner confiance au pays, confiance sans laquelle nos entrepreneurs n’investiront pas, sans laquelle les Français ne consommeront pas plus, sinon moins, confiance qui, seule, pourrait nous garantir que le paradoxe extraordinaire que nous vivons – une dette colossale et des taux d’intérêt historiquement bas – pourrait durer encore un peu, nous mettant à l’abri de graves difficultés si les taux d’intérêt remontaient brutalement.

Le Président François Hollande n’a de chance de réussir son grand oral qu’à deux conditions : dire la vérité aux Français, toute la vérité, et en tirer les conséquences. Vérité sur la situation de notre économie et de nos entreprises. Vérité également sur les comptes de la Nation : ceux de l’État, de la sécurité sociale, des régimes de retraite, des entreprises publiques, de nos collectivités locales.

Oui, il est plus que temps pour le Gouvernement de dire la vérité aux Français et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, même si elles sont douloureuses. C’est le seul moyen de voir revenir la confiance et de sortir notre pays de la situation dans laquelle il s’enfonce !

Voilà pourquoi l’examen de ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019 tombe à point nommé. Au fond, elle nous apporte, avant même que nous ayons entendu le Président de la République, la réponse à cette question cruciale : dira-t-il la vérité aux Français et en tirera-t-il les bonnes conclusions ? La réponse est malheureusement non, car, en ce cas, ce projet de loi de programmation serait tout autre.

Encore une fois, il est probable qu’il tentera de gagner du temps, de retarder les échéances que nous devrons tôt ou tard affronter pour remettre notre pays sur la voie de la croissance et du redressement de ses comptes publics. Mais, pour cela, encore faudrait-il avoir le courage de regarder la réalité en face et, manifestement, à la lecture de ce projet de loi, ce n’est pas le cas.

Vous ne dites pas la vérité aux Français et pourtant je suis persuadé, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez parfaitement conscience de l’urgence de la situation. Vous savez que les hypothèses et les prévisions inscrites dans cette loi de programmation sont trop optimistes, mais vous ne voulez manifestement pas le dire.

Peut-être pensez-vous que cela « désespérerait un peu plus Billancourt », comme disaient certains, ou que les marchés financiers s’affoleraient. Je crois exactement le contraire. De toutes les manières, les Français sont maintenant comme saint Thomas : ils ne croient plus que ce qu’ils voient et ils jugent désormais sur pièces.

Quant aux acteurs économiques, ils sont trop au fait de ces sujets pour se laisser tromper par des prévisions peintes en rose, et la commission de Bruxelles encore moins.

Quant aux marchés financiers, dont nous dépendons, quoi que nous en pensions, pour refinancer les quelque 200 milliards d’euros dont nous avons maintenant besoin chaque année, ils ne sont pas plus dupes de ces prévisions, qui n’ont d’autre vocation que d’être démenties par les faits, contribuant ainsi un peu plus à ancrer l’idée que, décidément, les Français sont incapables de regarder la réalité telle qu’elle est et de se réformer.

Oui, monsieur le secrétaire d’État, en termes de calendrier électoral, nous sommes au milieu du gué, mais l’eau monte dangereusement et la rive d’en face – celle des pays ayant fait les efforts nécessaires pour redresser leurs comptes publics, celle des pays européens tenant leurs engagements -, cette rive, que nous sommes censés rejoindre, s’éloigne de plus en plus.

La comparaison entre ce projet de loi de programmation et celui que nous avions adopté il y a deux ans, à la fin de 2012, est éloquente et cruelle pour votre majorité.

Arrivés au pouvoir en mai, sous-estimant, pour ne pas dire niant le problème de compétitivité de nos entreprises, vous avez fait les mauvais choix, pris les mauvaises décisions, puis vous avez passé toute l’année 2013 à nous expliquer qu’il fallait attendre que votre politique porte ses fruits. Alors que, cette année-là, dès le printemps, au vu de la chute des rentrées fiscales, nous vous demandions de corriger le tir par une loi de finances rectificative, MM. Moscovici et Cazeneuve nous ont inlassablement répété qu’il fallait laisser jouer les stabilisateurs économiques.

Le résultat, nous le connaissons maintenant. Alors que vous aviez alourdi les impôts de 30 milliards d’euros, les sommes attendues ne sont pas rentrées et vous avez tout simplement étouffé la croissance. En 2013, vous avez battu un record historique, celui du nombre d’entreprises ayant déposé le bilan : 65 000 !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Le 31 décembre dernier, le Président de la République, dans ses vœux aux Français, a dû implicitement reconnaître l’échec de cette politique et annoncer ce que certains ont appelé un « tournant social-libéral ».

Depuis, nous avons passé plusieurs mois – enfin, surtout à gauche ! – à débattre de cette notion un peu abstraite : le social-libéralisme. Les uns l’assumaient, les autres la repoussaient, horrifiés, donnant naissance au mouvement des frondeurs, et les troisièmes – c’était encore plus comique ! – essayaient de nous faire croire que, finalement, ce n’était que l’approfondissement de la même politique...

Il aura fallu attendre la débâcle de la majorité lors des élections municipales et la nomination du nouveau Premier ministre pour tourner la page sur cette querelle sémantique sans grand intérêt et, surtout, pour que le Gouvernement assume enfin, dans le discours tout du moins, son virage idéologique.

Mais, dix mois après les vœux du Président de la République, aucune entreprise n’a encore ressenti le moindre effet de ces annonces. Le pacte de responsabilité, c’est encore pour demain, et le CICE, dans sa version première, n’a pas donné les résultats attendus. La preuve, il coûtera moins cher que prévu, ce dont, pour une fois, il est difficile de se réjouir.

Que de temps perdu pour la France, pour ses entreprises, pour les Français !

Cette histoire-là, nous pouvons justement la retracer dans la comparaison des deux lois de programmation des finances publiques, celle qui a été adoptée à la fin de 2012 et celle que nous examinons aujourd’hui.

Que constatons-nous ? Que le temps passe, que les déficits se creusent, comme la dette, et que les horizons radieux promis en 2012 s’éloignent. L’atteinte de l’équilibre structurel attendra, au mieux, 2016, et le retour à un déficit public sous la barre des 3 % est repoussé à 2017, après un premier report à 2015 négocié avec Bruxelles. Quant à l’atteinte du très hypothétique équilibre de nos finances publiques, il n’est plus envisagé qu’à l’horizon de 2019, autant dire aux calendes grecques !

Voilà où nous en sommes après deux années et demie de présidence Hollande.

Si encore, monsieur le secrétaire d’État, nous avions le sentiment que les objectifs que vous nous proposez aujourd’hui étaient réalistes, nous ne nous en contenterions pas, mais nous serions moins sévères. Mais voilà, nous ne le croyons pas, pas plus que le Haut Conseil des finances publiques ne croit à votre hypothèse de croissance pour 2015, ni à votre capacité à réaliser les 21 milliards d’euros d’économies annoncées, d’ailleurs pas toutes documentées.

La Commission européenne a émis les mêmes réserves sur le projet de budget 2015, et vous n’avez échappé à un avis négatif qu’en ayant recours à un savant tour de passe-passe, sortant opportunément de votre chapeau 3, 6 milliards d’euros, qui sont d’ailleurs constitués non pas d’économies budgétaires, mais de recettes supplémentaires loin d’être certaines, et encore moins pérennes.

La Commission, dans un premier temps, a semblé se contenter de cette réponse, dont on sent bien qu’elle avait dû être âprement négociée, à haut niveau. Mais voilà qu’avant-hier, patatras, la même Commission, en la personne de Pierre Moscovici, rendait publiques ses prévisions de croissance et de déficit pour la zone euro.

Que dit la Commission pour la France ? Tout simplement qu’elle ne croit pas à vos prévisions de croissance et de réduction du déficit public pour l’année qui s’achève, pas plus qu’elle n’y croit pour 2015 ou pour 2016.

Alors que le projet de loi de programmation que nous examinons retient les hypothèses de 4, 3 % de déficit en 2015, 3, 8 % en 2016 et 2, 8 % en 2017, la Commission anticipe un dérapage continu de 4, 5 % en 2015 et de 4, 7 % en 2016. Quant à 2017, si la Commission ne donne pas de chiffres, elle redoute, année électorale oblige, que la situation ne se dégrade encore. Si tout cela se confirmait, cela ferait de la France le plus mauvais élève de la classe, autant dire l’homme malade de l’Europe.

Principale responsable de cette situation, selon la Commission, la faiblesse de la croissance prévisionnelle, qu’elle anticipe à 0, 7 % en 2015 et à 1, 5 % en 2016, alors que le Gouvernement retient les hypothèses de 1 % et 1, 7 %.

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce que prévoit Bruxelles, par la bouche de Pierre Moscovici qui, changeant de fonction, rappelle maintenant à l’ordre le gouvernement français, alors qu’il porte une lourde part de responsabilité dans la situation actuelle de la France. Il est donc vérifié que l’habit fait bien le moine : laxiste à Paris, père la rigueur à Bruxelles !

Alors, au bout du compte, qui aura raison ? C’est toute la question. Cependant, lorsqu’il y a de tels écarts d’appréciation, la prudence ne voudrait-elle pas que nous retenions les hypothèses les plus prudentes...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

... et que nous adaptions notre politique en conséquence ?

C’est ce que fait le gouvernement allemand, qui ajuste chaque année sa politique économique et budgétaire en fonction du scénario le plus défavorable. En France, et cela ne date pas d’hier – je le reconnais bien volontiers –, le Gouvernement retient les hypothèses qui lui conviennent.

Cet optimisme forcené, qui confine à l’insincérité, nous le retrouvons dans les propos du ministre des finances, qui, il y a deux jours encore, jugeait, avec un certain dédain, que la prévision de la Commission européenne, trop pessimiste à son goût, « ne signifie rien » !

Pourtant, jamais notre pays n’a connu un tel niveau de chômage, jamais le pessimisme, des particuliers comme des entrepreneurs, n’a été aussi général. Il paraît que les Français sont plus pessimistes que les Irakiens ou les Afghans... C’est tout dire !

Nous venons, par ailleurs, de dépasser le seuil des 2 000 milliards d’euros de dette et nous nous dirigeons lentement, mais, je le crains, sûrement, vers le franchissement de la barre symbolique d’un taux d’endettement équivalent à 100 % du PIB...

Tout cela, monsieur le secrétaire d’État, signifie bien quelque chose : notre pays s’enfonce et les Français n’y croient plus...

Non seulement vous n’avez pas tenu les objectifs de la loi de programmation de 2012, celle que vous aviez fait adopter, mais vous allez probablement réaliser l’exploit en 2014, et cela pour la première fois depuis la crise de 2009, de voir le déficit public augmenter d’une année sur l’autre !

Décidément rien ne va plus, comme on dit dans les casinos. La roue tourne et nul ne sait sur quelle case la boule va s’arrêter.

Notre économie sur laquelle, rappelons-le, repose en partie la zone euro, ne tient plus qu’à la bonne volonté des marchés financiers, qui nous préservent encore d’une explosion de la charge de la dette grâce à des taux d’intérêt historiquement bas. C’est ce que Philippe Marini appelait « l’insoutenable légèreté de la dette ».

On ne peut d’ailleurs que s’inquiéter du fait que le risque d’augmentation de la charge de la dette, lié à une hausse des taux d’intérêt, ne soit pas mieux pris en compte dans ces prévisions, lorsque l’on sait ce que représenterait, en quelques années seulement, une augmentation de seulement 100 points de base des taux. Notre rapporteur général en a fait la démonstration en commission des finances, et je l’en remercie.

Le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinons aujourd’hui est donc, tout à la fois, le symbole de l’échec de la politique que vous avez conduite depuis deux ans et demi et, malheureusement, la démonstration que vous n’aurez pas le courage politique de faire le nécessaire pour inverser le cours des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ainsi, plutôt que de proposer des solutions fortes pour rétablir la situation, par de véritables réformes structurelles et des économies budgétaires, vous poursuivez la fuite en avant en apportant pour seule réponse une nouvelle loi de programmation avec des objectifs beaucoup moins contraignants et décalés dans le temps. C’est effectivement plus facile.

Pourtant, sur le déficit public et la dette, vous avez souvent critiqué les résultats du quinquennat précédent, monsieur le secrétaire d’État. Or permettez-moi de rappeler à cet instant qu’après la crise de 2008-2009 le gouvernement Fillon avait, contrairement au vôtre, respecté et même dépassé ses objectifs de réduction du déficit public.

Rappelons les chiffres : dans la loi de programmation de 2010, le déficit prévisionnel était fixé à 7, 7 % pour 2010... Nous avons fait 7, 1 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En 2011, le résultat fut de 5, 2 % pour un objectif de 6 %.

Aujourd’hui, la situation dramatique que nous connaissons, plutôt que d’en assumer la responsabilité, vous vous en défaussez sur des facteurs extérieurs : faible croissance et faible inflation, qui seraient autant de facteurs importés.

Mais, monsieur le secrétaire d’État, la faible croissance – probablement 0, 4 % en 2014 – et les prévisions pour 2015, qui oscillent entre 0, 7 % et 1 %, sont en grande partie la résultante de la politique de François Hollande depuis 2012 !

La preuve en est que la quasi-totalité des autres pays de la zone euro feront mieux que nous cette année et l’année prochaine, puisque la moyenne devrait se situer, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques et la Banque centrale européenne, entre 0, 8 % et 0, 9 % en 2014, et entre 1, 3 % et 1, 6 % en 2015.

Même monnaie, même inflation, mêmes règles du jeu, et pourtant les résultats seront meilleurs chez la plupart de nos voisins. Cela prouve bien que des facteurs propres à la France, résultant notamment de la politique économique récessive menée depuis 2012, retardent le retour de la croissance dans l’Hexagone.

Nous n’avons pas suffisamment réduit la dépense publique pour alléger de façon suffisante les charges pesant sur nos entreprises : voilà la réalité, voilà le mal ! Car le CICE, même le Gouvernement a fini par en convenir, n’était vraiment pas à la hauteur des enjeux.

Quant à la réduction des dépenses, seul véritable levier pour réduire le déficit public, faute de croissance, vous n’avez pas vraiment voulu y recourir. Nous en payons le prix.

La création de 60 000 postes dans l’éducation nationale obère toute possibilité de diminution des effectifs, sans compter le coût de ces recrutements : 300 millions d’euros par an pendant les quarante prochaines années !

Dans le même temps, alors que nous vivons une période d’extrême tension internationale, on réduit les effectifs de l’armée de terre, qui seront bientôt moins nombreux que ceux de la gendarmerie, et on rogne sur tous les crédits d’équipements, alors que nos soldats sont, eux, de plus en plus nombreux à être envoyés en opérations extérieures.

Pour la période à venir, la stabilisation des effectifs de l’État et de ses opérateurs montre bien que vous vous refusez encore à toucher aux effectifs de la fonction publique.

Quant au taux de prélèvements obligatoires, vous prévoyez une quasi-stabilité d’ici à 2017. La pression fiscale, dans sa globalité, ne va donc pas diminuer, ou très peu.

Je terminerai en disant un mot des collectivités locales et du sort que vous leur réservez.

Le projet de loi de programmation instaure un nouvel objectif indicatif d’évolution de la dépense publique locale, dit « ODEDEL ». Soit, mais il existe déjà de nombreux ratios qui classent les collectivités territoriales par strate et par catégorie. Je n’ai pas le sentiment que cet indice synthétique supplémentaire changera grand-chose...

Le Gouvernement transmettra d’ailleurs, avant le débat d’orientation des finances publiques, un rapport au Comité des finances locales sur le respect de ce nouvel indice censé éclairer le débat.

On voit bien que l’idée est de s’inspirer de ce qui a été fait avec l’ONDAM pour encadrer les dépenses de santé. Mais les choses sont-elles comparables ?

Se pose d’ailleurs la question de la constitutionalité d’une telle mesure. Si cet indice n’était plus seulement indicatif, mais devenait une règle, il irait à l’encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Au-delà de ce problème juridique, la question de la mise en œuvre d’un tel dispositif relèvera certainement du casse-tête et je crains que nous ne soyons capables, pleins de bonnes intentions, de monter une nouvelle usine à gaz, digne, par exemple, de la complexité de nos dotations de péréquation, censées corriger les défauts d’une dotation globale de fonctionnement qui, au fil du temps, ne représente plus rien et ne permet pas de comparer les collectivités entre elles.

Pour tout vous dire, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes très réservés sur ce point, mais l’essentiel n’est pas là ; il réside bien évidemment dans la baisse programmée de 12, 5 milliards d’euros de la DGF entre 2014 et 2017, dont l’impact sur les dépenses d’investissement des collectivités territoriales entraînera, à coup sûr, un effet récessif pour l’économie, notamment dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, qui sont déjà bien mal en point.

Il est certain que nous n’éviterons pas non plus une hausse sensible des impôts locaux, qui reportera ainsi sur les maires et les présidents de conseil général la responsabilité de cette hausse. Cela se traduira probablement par un recours à l’emprunt, peut-être excessif pour certaines collectivités, alors même que la baisse de la dette publique est l’un des objectifs affichés par le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, comprenons-nous bien : je ne suis pas en train de vous dire que les collectivités territoriales doivent s’exonérer de tout effort de réduction de la dépense publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il y a très certainement des économies à faire, mais nous le prouverons certainement quand nous aurons entrepris une véritable réforme des collectivités territoriales, quand nous cesserons d’empiler les strates et que nous aurons rationalisé : cela prendra du temps.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP souhaite attirer votre attention sur le risque que vous faites courir à la croissance du pays par une mesure qui s’appliquera de façon brutale et lourde en un temps trop court, selon nous.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP soutiendra le rejet des articles présentant des objectifs chiffrés.

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. le rapporteur général applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons a pour objet de fixer des objectifs. Ceux du Gouvernement et des sénateurs qui le soutiennent figurent dans le texte que nous avons reçu de l'Assemblée nationale et dans les amendements que nous défendrons.

Quels sont les objectifs de la nouvelle majorité sénatoriale ? Il y a quelques semaines, celle-ci a indiqué, par la voix de son président, qu’elle souhaitait être une opposition constructive. Que construit-elle ? Quelles sont les propositions constructives que ses représentants ont votées en commission des finances ? Nous l’ignorons, même après votre intervention, monsieur le rapporteur général.

M. Francis Delattre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

L’exercice auquel nous devons nous livrer est important, tout le monde l’a souligné, devant l’opinion publique. Toutefois, lorsque l’on propose plus du double d’économies – entre 100 milliards d'euros et 120 milliards d'euros, c’est le discours récurrent –, on n’est pas dans la nuance ! On doit donc pouvoir indiquer des tendances significatives dans les domaines où les coupes seront décidées pour réaliser une telle économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

L’opposition qui se voulait constructive aura mis moins de deux mois à devenir une opposition incantatrice, amnésique – le bouclier fiscal et les autres mesures du même ordre ne sont pas si loin – et sans imagination. Pourtant, les hypothèses retenues par le Gouvernement pour le cadrage macroéconomique et la crédibilité de la trajectoire des finances publiques sont prudentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et la majorité ont pris leurs responsabilités. Nous avons fait face et avons tenu bon sur une stratégie économique qui repose sur deux piliers.

Le premier pilier, sur lequel des réformes ont été faites et d’autres sont en cours, ce sont les politiques d’emploi, d’investissement et de croissance, vous les connaissez comme moi : la loi de sécurisation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle et le nouveau programme d’investissements d’avenir, les emplois d’avenir.

Nos entreprises ont besoin d’être plus compétitives pour recréer de l’emploi et investir. Elles bénéficient cette année déjà de près de 11 milliards d'euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Nous avons voté la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité avant l’été.

Ainsi, en 2015, avec le pacte et la montée en charge du CICE, ce seront 12 milliards d’euros environ de plus pour les entreprises, soit 23 milliards d'euros sur deux ans. Ce sont autant de marges que les entreprises auront pour conquérir des marchés, embaucher, former leurs salariés, moderniser leur outil de production. C’est cela qui est le plus utile. Nous sommes confiants, dans chaque entreprise, les salariés eux-mêmes et les chefs d’entreprise veilleront à ce que tout cela soit mis en œuvre.

Bien sûr, cela ne peut se faire en quelques mois ni même en une année, monsieur Delahaye. C’est dans deux ans et demi qu’il faudra juger ces mesures.

Le second pilier de notre politique est l’assainissement de nos finances publiques, que nous menons bien évidemment en parallèle à nos efforts de compétitivité. Les mesures que nous avons adoptées depuis 2012 ont déjà produit des effets, même si la faiblesse de la croissance masque en partie les résultats obtenus.

En effet, les chiffres du déficit, surtout ceux de l’année 2014, peuvent laisser penser que les efforts ne paient pas, plusieurs d’entre vous l’ont évoqué. Or rien ne serait plus faux. Si, comme le comprendront les nombreux spécialistes ici présents, on corrige la mesure du déficit des effets du cycle économique, comme vient d’ailleurs de le faire la Commission européenne – on le lira lorsque son avis sur la France comme sur d’autres pays sera rendu public, dans quelques semaines –, il apparaît que le déficit structurel, qui traduit les déséquilibres réels de nos comptes, corrigés du cycle économique actuel, aura été quasiment divisé par deux entre 2011 et 2014.

Ce déficit structurel atteint aujourd’hui son plus bas niveau depuis 2001. Cela ne se traduit peut-être pas dans les chiffres, mais il s’agit bien là de la réalité économique après les efforts réalisés depuis trois ans.

Nous le constaterons, l’effort de maîtrise de la dépense sera intégralement respecté, avec un plan de 50 milliards d’euros d’économies de 2015 à 2017, dont 21 milliards d’euros dès 2015. L’ensemble des mesures annoncées en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’emploi seront mises en œuvre selon le calendrier prévu.

Notre politique économique et notre politique financière sont donc cohérentes.

Faudrait-il alors, monsieur Dallier, monsieur Delahaye dans une situation économique difficile, en particulier avec une inflation très faible, faire plus d’efforts, pour traduire en actes votre « plus d’économies », parce que la mesure de ces efforts se serait dégradée ?

La question de l’adaptation du rythme du déficit doit donc être posée clairement, comme elle est posée d’ailleurs dans l’ensemble de la zone euro. C’est d’ailleurs cette même question que se posent la Commission européenne et ses spécialistes. Le Gouvernement n’a jamais demandé une remise en cause des règles budgétaires européennes. Il en irait de la crédibilité de la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Cependant, il est important de montrer que nous sommes collectivement capables d’utiliser les « flexibilités » qui permettent la prise en compte de la réalité économique dans l’application des règles européennes.

Ce projet de loi de programmation trace une perspective de réduction de nos déficits publics à un rythme qui prend en compte le taux de croissance. La conséquence en est que le déficit baissera, en l’état de nos prévisions de recettes et de dépenses, passant de 4, 4 % en 2014 à 4, 3 % en 2015.

Quant aux objectifs d’économies que nous avons fixés, ils ne sont pas remis en cause. Cet effort est prévu. Nous avons besoin de faire des économies de dépenses, non seulement pour pouvoir baisser les impôts, mais aussi pour retrouver des marges de manœuvre dans les budgets publics.

Sur ces questions, l’avenir tranchera. Toujours est-il que, pour le groupe socialiste, utiliser la flexibilité que nous permet l’Union européenne pour éviter de décider des économies supplémentaires qui viendraient encore ralentir la croissance et augmenter le chômage est une bonne solution.

Je souhaite maintenant insister sur plusieurs aspects du texte que nous a transmis l’Assemblée nationale.

L’article introduit par les députés pour sécuriser le recours aux partenariats publics privés me semble particulièrement bienvenu. Les PPP ont leur utilité et leur raison d’être pour certaines opérations complexes, mais y avoir recours comme solution de facilité quand la complexité vient non de l’opération elle-même, mais de la difficulté du maître d’œuvre à dominer son sujet peut se révéler très dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

La sécurité juridique vient d’une certaine relation d’égalité entre les cocontractants. Il ne faut pas que des collectivités locales et des administrations, croyant trouver une solution facile, se trouvent sous la dépendance de grands groupes privés.

Cette disposition issue des travaux de l’Assemblée nationale vise à introduire un équilibre, à alerter ces maîtres d’œuvre potentiellement vulnérables. Elle est opportune en ce qu’elle permettra d’éviter des catastrophes et du contentieux. En ce sens, elle bénéficie aux partenaires privés des administrations.

Beaucoup ont contesté, en commission ou dans cet hémicycle, l’objectif d’évolution de la dépense locale. Ce dispositif est issu d’une proposition du rapport Malvy-Lambert intitulé Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l’engagement de chacun. Il vise à associer les collectivités à l’élaboration du programme de stabilité.

S’agit-il d’une remise en cause de la libre administration des collectivités territoriales ? Pas du tout ! Il s’agit de se parler, d’échanger des évaluations chiffrées d’objectifs souhaités. Il s’agit de la publication des hypothèses de travail de l’État sur ce que pourrait être l’attitude des collectivités territoriales dans le contexte de l’effort général auquel nous sommes appelés.

Faire part d’hypothèses de travail peut-il être assimilé à une injonction insupportable ? Je ne le crois pas. J’y vois au contraire un signe de respect. Certes, les collectivités entendent, à travers cet objectif, des nouvelles qui ne leur plaisent pas, mais depuis quand, dans une démocratie, le langage de vérité est-il inconstitutionnel ?

Pour finir, je veux revenir sur la principale critique que ses adversaires adressent au texte qui nous vient de l’Assemblée nationale et qui traduit la politique du Gouvernement. Selon eux, les efforts ne seraient pas assez rigoureux. Je crois au contraire que les objectifs du Gouvernement sont justes et équilibrés. Ils sont ouverts à des adaptations.

Il y a encore peu de temps, l’Allemagne, gonflée de certitudes, était citée en exemple : elle était austère, et elle l’était franchement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Certains d’ailleurs voulaient qu’on la suive.

Depuis quelque temps, nous voyons les Allemands douter. Les effets attendus…se font attendre, alors que les effets provoqués sont bien là !

Si le chômage est, en Allemagne, deux fois plus bas qu’en France, les travailleurs pauvres y sont deux fois plus nombreux. Et si les chômeurs de longue durée vont, nous dit-on, sortir du chômage, c’est tout simplement parce que, comme il est impossible de ne pas les aider, mais que l’on ne veut pas parler d’allocations, on va leur verser un salaire, payé par l’État !

Ils ne toucheront pas un salaire parce qu’ils sortiront du chômage, mais ils sortiront du chômage parce qu’ils toucheront un salaire. Le ministre du travail allemand vient de débloquer une enveloppe annuelle de 150 millions d’euros pour subventionner ces emplois, au moment même où un rapport de ses services a établi que les fameuses réformes Hartz IV, qui ont libéralisé le marché du travail en 2004, ont coûté 350 milliards d’euros aux caisses de l’État en une décennie.

Parallèlement, le ministre allemand de l’environnement, peu suspect de laxisme dans son domaine, envisage de revenir sur les aides aux énergies dites « renouvelables », comme les éoliennes industrielles, pour lesquelles les Allemands s’étaient enthousiasmés. Les effets en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre se révèlent contre-productifs et les dépenses liées aux subventions d’ici à 2040 se compteront en trillions d’euros, c’est-à-dire en milliers de milliards d’euros, si le modèle n’est pas réformé. Pendant ce temps, la France, avec le projet de loi relatif à la transition énergétique qui est actuellement en navette, fait porter l’effort sur les économies d’énergie.

Le modèle allemand, que certains mettent en avant pour défendre l’austérité, a surtout un vice intrinsèque : il est fondé sur un important excédent commercial. Par définition, ce modèle n’est pas « exportable ». Tous les pays ne peuvent pas se retrouver excédentaires en même temps. Il faut avoir des balances commerciales équilibrées : c’est le sens des messages que le Gouvernement fait passer à l’échelon européen, et nous soutenons son action.

Voilà deux jours, nous apprenions qu’un audit interne du bureau d’évaluation indépendant du Fonds monétaire international critique les mesures d’austérité budgétaires prises après la crise. Selon cette étude, le FMI a certes d’abord apporté une réponse appropriée à la récession mondiale de 2008-2009 en appelant à une relance budgétaire massive dans les pays riches, « mais son appel en 2010-2011 à un basculement vers la consolidation budgétaire dans quelques-unes des plus grandes économies était prématuré ».

Personnellement, je vois dans cette appréciation du bureau d’évaluation du FMI une justification à la fois de l’effort de 50 milliards d’euros d’économies demandé par le Gouvernement et du fait que cet effort ne soit pas plus important. Nous regrettons donc que la nouvelle majorité sénatoriale se mette des œillères §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui, tel qu’il a été remanié par la commission des finances du Sénat, n’a que peu à voir avec une loi de programmation des finances publiques au sens du TSCG – le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – ou de la loi organique.

La majorité sénatoriale a fait le choix d’exprimer son désaccord avec la politique budgétaire du Gouvernement –c’est son droit le plus absolu – en supprimant une grande partie des articles relatifs aux orientations pluriannuelles des finances publiques.

Je regrette néanmoins que, de ce fait, nous ne puissions discuter de l’effort important en matière de maîtrise de la dépense publique et des mesures en faveur de la croissance et de la compétitivité des entreprises que le Gouvernement met en œuvre dans le prolongement du pacte de responsabilité et de solidarité.

Les récentes annonces sur le ralentissement de l’économie allemande accroissent le risque déflationniste dans la zone euro. Nous mesurons la difficulté de fixer la trajectoire budgétaire de notre pays dans cet environnement macroéconomique incertain.

La tentation de privilégier un scénario optimiste, voire irréaliste, fut le péché originel des précédentes lois de programmation des finances publiques, qu’elles aient été l’œuvre de majorités de droite ou de majorités de gauche.

Je ne rappellerai pas l’ampleur des décalages permanents, s’agissant notamment de l’objectif à moyen terme. Le seuil de 0, 5 % de déficit structurel est semblable à l’horizon : plus on avance, plus il s’éloigne !

Le texte du Gouvernement reposait sur une projection de croissance potentielle moyenne de 1, 1 %, conformément aux estimations publiées par la Commission européenne en mai dernier.

En termes de croissance effective, pour les exercices 2014 et 2015, les prévisions du Gouvernement s’accordaient avec celles de l’OCDE ou du FMI et pouvaient être qualifiées de raisonnablement optimistes. Tel est en substance l’avis du Haut Conseil des finances publiques. Plus récemment – nombre des orateurs qui m’ont précédé l’ont rappelé –, la Commission européenne a abaissé sa prévision à 0, 7 %.

En revanche, il faut souligner que les projections gouvernementales pour 2016 et au-delà relevaient plutôt de l’incantation et du vœu pieux de l’arrivée d’une reprise forte dont nous ne voyons pas les prémices.

Mes chers collègues, permettez-moi de m’attarder sur l’article 11, qui prévoit la création de l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, l’ODEDEL. Cet objectif a suscité des interrogations, pour ne pas dire des inquiétudes, en commission et, au-delà, chez nombre d’élus.

Cette prescription, qui a été assouplie lors de l’examen du texte en commission, ne contrevient-elle pas aux principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, si durement conquis par ces dernières ?

La participation des administrations publiques locales au redressement de nos comptes publics est une nécessité largement admise sur l’ensemble de nos travées. Il y aurait cependant beaucoup à dire sur les conséquences des baisses des concours financiers de l’État aux collectivités, notamment sur le risque récessif lié à la diminution des dépenses publiques d’investissement. Nous aurons largement l’occasion d’y revenir lors de l’examen du projet de loi de finances et nous attendons avec intérêt les conclusions du rapport de nos collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard.

S’agissant des articles du titre II, qui fixent les règles relatives à la gestion des finances publiques, nous vous rejoignons, monsieur le rapporteur général, lorsque vous améliorez les mécanismes d’information et de contrôle par le Parlement de l’exécution des lois de finances. Je pense notamment aux informations relatives aux opérateurs de l’État.

D’autres amendements adoptés en commission nous paraissent relever davantage de l’affichage politique. Il en est ainsi du mécanisme de « frein à la dette ».

La majorité des sénateurs du RDSE regrette la suppression des articles du titre Ier. Néanmoins, certaines dispositions adoptées par la commission des finances, au titre II, ne sont pas dénuées d’intérêt. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si, vous l’aurez compris, nous sommes plutôt réservés sur le texte élaboré par la commission des finances et la nouvelle majorité sénatoriale, nous ne déterminerons notre vote qu’à l’issue des débats, car nous sommes adeptes de l’écoute, du dialogue et de la liberté. §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi intervient à un moment clé. Vous devez faire face, monsieur le secrétaire d’État, à la Commission européenne, aux marchés et, surtout, aux entreprises, qui connaissent des difficultés. Le chômage s’aggrave et le mur de la dette se rapproche.

En toute logique, l’objet de ce projet de loi devrait être de nous contraindre à nous inscrire collectivement dans une véritable démarche de réduction des déficits publics, ainsi que de donner une visibilité et une perspective au corps social, aux marchés, aux investisseurs, à l’ensemble du pays.

Or, paradoxalement, on aboutit au résultat inverse, et ce au moment où nous sommes dans le viseur de nos partenaires européens et de la Commission européenne, qui jugent nos efforts insuffisants.

Ce projet de loi est d’abord fragile par construction ; M. le rapporteur général de la commission des finances l’a excellemment rappelé. Je pense aux économies projetées, en particulier à celles qu’il est prévu d’imposer aux collectivités territoriales.

La mise en œuvre des dispositions de ce projet de loi est en outre aléatoire, car trop sensible à la conjoncture. Le scénario proposé pourrait se dégrader fortement si le taux de croissance baissait simplement de 0, 5 point. Or, selon la Commission européenne, la croissance sera systématiquement plus faible que celle qui est prévue par le Gouvernement pour les années 2014 à 2016. Ainsi, notre déficit budgétaire s’établirait à 4, 3 % du PIB en 2014, à 4, 5 % en 2015, enfin à 4, 7 % en 2016. Plus personne ne croit qu’il s’établira à 3 % en 2017. Quant à la dette, selon ce scénario, elle frôlerait les 100 % du PIB en 2016.

Ce projet de loi de programmation, qui devrait s’inscrire dans la durée, nous est paradoxalement présenté dans l’urgence. Vous avez obtenu un répit de Bruxelles, monsieur le secrétaire d’État ; il aura été de courte durée, puisque la Commission européenne a invalidé vos prévisions voilà quelques heures. §

Au-delà, nous devons soulever une question de fond : la priorité affichée de réduire les dépenses est largement contredite par l’ampleur du déficit, qui continue d’augmenter. Nous reconnaissons bien entendu la difficulté de votre tâche, monsieur le secrétaire d’État, mais on a le sentiment que votre stratégie repose sur l’espoir que le retournement économique à l’échelle mondiale profitera à la France. Nous le souhaitons, bien sûr, mais il est permis d’en douter, et ce doute méthodique s’appuie malheureusement sur des indices sérieux.

Certes, faire des prévisions économiques est difficile, et tous les gouvernements sont confrontés à cette difficulté, mais tout de même ! Notre divergence principale est sans doute là : vous poussez les difficultés devant vous et vous faites le pari que la croissance réglera tout.

Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, notre scepticisme et, pour tout dire, notre déception à la lecture de ce projet de loi de programmation. La vertu de l’exercice est, en théorie, de donner de la crédibilité à la trajectoire des finances publiques. Vous espérez des lendemains meilleurs : pourquoi pas, mais encore faut-il que l’hypothèse soit construite et crédible.

Au-delà, ce projet de loi de programmation souffre d’un défaut majeur : il risque de renforcer l’effet d’éviction que subit notre pays, dans une économie mondialisée et dans une Europe ouverte, en raison de l’état de ses finances publiques. Dans cette économie, les capitaux sont investis après une analyse très fouillée de la stabilité financière du pays, et donc de la trajectoire de ses finances publiques. Ces investissements, ce sont les emplois de demain. Les investisseurs regardent nos fondamentaux, mais les marchés, qui financent notre dette, s’intéressent tout autant à cette trajectoire.

Nous souffrons déjà d’un effet d’éviction des investissements. Cet effet peut s’aggraver si les perspectives pour nos finances publiques ne s’améliorent pas. Nous risquons également de souffrir demain d’attaques spéculatives contre notre dette, avec les conséquences désastreuses et prévisibles que cela emportera pour nos finances. À cet égard, les chiffres donnés par M. le rapporteur général lors de la réunion de la commission des finances font froid dans le dos. Je le remercie de nous les avoir donnés, mais je pense que mieux vaut ne pas les reprendre ici…

Ce projet de loi devrait nous rassurer sur ces deux points, mais tel n’est malheureusement pas le cas. S’ajoute aux risques que j’ai évoqués celui d’un décrochage brutal en matière de croissance : la France risque de rester à l’écart de la croissance mondiale qui repart. C’est un risque que nous devons considérer lucidement. Nous ne voyons pas ce qui pourra nous permettre de l’écarter si de véritables réformes structurelles ne sont pas engagées pour rendre notre pays réellement compétitif. Au-delà des mots, il faut des actes.

Il faut entreprendre les réformes structurelles que nos voisins, eux, ont faites : réforme du marché du travail, même si elle est difficile et doit être négociée, redéfinition du périmètre des interventions et des missions de l’État – sachant que nous sommes presque arrivés à l’os, nous ne pourrons plus faire d’économies supplémentaires dans deux ou trois ans si ces missions ne sont pas redéfinies –, réforme de l’assurance chômage, dans la concertation et le dialogue, réforme de la protection sociale… Ce sont là des enjeux majeurs. Toutes ces réformes sont sans cesse reportées ou escamotées : à cet égard, il est vrai que l’on peut jeter la pierre aux différents gouvernements qui se sont succédé. Ce n’est qu’à la condition de mener de telles réformes que nous retrouverons le chemin de la croissance et que nous assainirons durablement nos finances publiques.

Il faut revenir à une vision stratégique de ce que fait l’État et de la trajectoire de ses finances. La France est scrutée, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez fort bien. Nous attendions de ce projet de loi de programmation qu’il redonne une lisibilité et une perspective à votre stratégie financière. Trop d’incertitudes, trop de paris sur l’avenir, trop d’hypothèses fragilisées par les avis du Haut Conseil des finances publiques et la Commission européenne font que ce texte est, à bien des égards, une occasion manquée.

En conclusion, tout repose sur le retour de la croissance et le maintien de taux bas. Nous bénéficions de ce point de vue, monsieur le secrétaire d’État, d’une conjoncture extrêmement favorable aujourd'hui. Nous savons malheureusement que cette conjoncture positive peut être temporaire. Surtout, elle est due à des facteurs totalement extérieurs, en particulier le bien moindre recours aux marchés de l’Allemagne et des pays ayant fait leurs réformes, qui nous est évidemment favorable. Poser ce constat, c’est dire que, faute de véritables réformes, nous sommes entre les mains des marchés.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI-UC soutiendra la rédaction du projet de loi issue des travaux de la commission des finances du Sénat. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 6 novembre 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi de question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 442-3 du code de la construction et de l’habitation (habitations à loyer modéré) (2014-442 QPC et 2014-443 QPC).

Les textes de ces décisions de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, en accord avec le Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.