Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 6 novembre 2014 à 9h30
Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Parlement examine un projet de loi de programmation des finances publiques pour la quatrième fois depuis 2008. Votre commission des affaires sociales s’en est bien évidemment saisie pour avis, en raison de la part que prennent les finances sociales au sein des finances publiques.

En 2013, les dépenses des administrations de sécurité sociale représentent 27 % de notre richesse nationale, 46, 5 % des dépenses publiques, 53, 6 % des prélèvements obligatoires et un déficit de 10 milliards d’euros – seulement, allais-je dire, au regard des dizaines des milliards d’euros de déficit du budget de l’État.

Les lois de programmation sont devenues, pour le Parlement, l’outil de vérification des engagements européens de la France qui sont, je le rappelle, des objectifs que nous nous sommes fixés collectivement.

Je serai bref sur la partie programmatique de ce texte, que notre collègue Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, a très bien décrite. Je partage son analyse. Notre commission a principalement examiné les variables qui intéressent les finances sociales que sont la croissance du PIB et l’évolution de la masse salariale du secteur privé.

Si nous considérons la période postérieure à la première année de programmation, le projet de loi de programmation repose sur l’hypothèse d’une croissance de 1, 9 % en moyenne à compter de 2016, avec une progression annuelle de 4 % de la masse salariale privée. Ce sont effectivement les niveaux de croissance de la masse salariale constatés avant la crise, sur la période 1998-2007.

Nous observons, par un simple contrôle de cohérence, que, pour une hypothèse de croissance plus élevée, le Gouvernement avait retenu le même taux d’évolution de la masse salariale au cours de la précédente programmation. Comme si nous devions invariablement revenir à ce taux d’évolution, sans préjudice des dégâts qu’une crise persistante a pu causer à notre appareil productif !

Quel est notre point d’entrée en programmation ?

Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint 0, 5 point de PIB en 2013, soit environ 10, 1 milliards d’euros. Je rappelle que ce solde comprend des administrations de sécurité sociale qui, par nature, sont en excédent, soit parce qu’elles ont vocation à couvrir des engagements futurs, comme le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, soit parce qu’elles sont chargées d’amortir la dette, comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

Hors CADES et FRR, le solde est négatif, de moins 20, 6 milliards d’euros, soit 1 point de PIB et 3, 65 % des dépenses.

Le déficit social n’est bien sûr comparable ni en volume ni en part de la richesse nationale avec celui de l’État, mais la nature des dépenses n’est pas non plus identique. Le déficit et, surtout, la dette sociale constituent bien une anomalie. J’ajoute que l’équilibre de la sécurité sociale n’est pas hors de portée : l’exercice 2008 a ainsi révélé un excédent de 0, 7 point de PIB.

Par rapport à ce point d’entrée, le projet de loi vise un redressement très significatif du solde des administrations de sécurité sociale sur la période de la programmation : l’équilibre des comptes sociaux serait retrouvé en 2016, et un excédent de 0, 3 point de PIB serait dégagé en 2017.

Là où l’effort était réparti sur toute la période de programmation dans la loi précédente, il est désormais plutôt concentré et accéléré sur la fin de la période. C’est évidemment plus facile !

Un croisement des courbes de recettes et de dépenses interviendrait ainsi en 2016, à la faveur d’une trajectoire assez spectaculaire de réduction des dépenses de 0, 5 point de PIB en trois ans.

Le principal instrument de pilotage est l’ONDAM, l’Objectif national de dépenses de l’assurance maladie, avec une progression de 2 % en moyenne et une augmentation de 3, 8 milliards d’euros chaque année. Cet objectif est tenable ; votre commission des affaires sociales pense même qu’il est possible de ralentir davantage la dépense, sans porter atteinte à la performance de notre système de soins, à condition, bien sûr, de ne pas s’interdire les réformes nécessaires. Pour renforcer ce pilotage, elle a proposé d’élever le taux de mise en réserve pour le porter au niveau de celui des dépenses de personnel de l’État.

Si l’on regarde la trajectoire financière dans le détail, nous passerions d’un déficit social de 10, 1 milliards d’euros en 2013 à un excédent de 6, 5 milliards d’euros à l’horizon de 2017 pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale.

L’évolution des autres administrations de sécurité sociale hors du champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas détaillée. Elle comprend, par exemple, des organismes aussi divers que l’IRCANTEC, l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, ou la Caisse de retraite de l’Opéra. Cette évolution reste l’angle mort de la vision du Parlement.

Il s’agit, pour notre commission, du principal enjeu de la deuxième partie du texte, qui porte sur des mesures de pilotage des finances publiques et de bonne gouvernance.

J’en viens donc à cette deuxième partie du projet de loi de programmation.

Pour ce qui concerne particulièrement les administrations de sécurité sociale, le Gouvernement propose de renforcer le contrôle des agences régionales de santé, les ARS, sur les établissements de santé soumis à un plan de redressement. Nous partageons cet objectif.

Le Gouvernement se propose également de remettre un rapport au Parlement sur l’évolution des dépenses de personnel des hôpitaux, en détaillant les mesures catégorielles. Votre commission des affaires sociales a souhaité enrichir ce rapport d’éléments relatifs aux autres déterminants de la dépense hospitalière et détailler leur impact sur l’ONDAM.

Dans un second article spécifique, le Gouvernement se propose une fois encore de remettre un rapport au Parlement, alors que le texte en prévoit déjà un certain nombre de ces documents. Il s’agit cette fois d’un rapport sur l’assurance chômage dont votre commission avait recommandé la suppression.

En effet, autant les déterminants de la dépense hospitalière sont mal connus, autant les données sur la situation financière de l’UNEDIC, qui publie ses chiffres trois fois par an, ne font pas défaut. Au demeurant, rien n’empêche le Gouvernement de faire connaître son analyse de la situation financière de l’assurance chômage en l’absence de rapport.

Si la situation financière de l’UNEDIC nous est connue, la façon dont le Gouvernement l’intègre, non seulement dans la programmation, mais encore dans le solde des administrations de sécurité sociale, ne l’est en revanche pas clairement.

Cette même question se pose à propos des 9, 6 milliards d’euros d’économies en 2015, pour lesquelles la part de l’assurance chômage et des retraites complémentaires est aussi significative que mal identifiée.

Nous avons donc besoin d’une décomposition du solde structurel des différentes administrations publiques, y compris des administrations de sécurité sociale, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, et pas seulement dans le projet de loi de programmation. Il s’agit là d’un élément essentiel du pilotage des finances publiques. Quelle est la contribution des administrations de sécurité sociale à l’effort structurel, à l’effort en recettes, à l’effort en dépenses ? Voilà ce que nous souhaiterions pouvoir suivre, année après année.

Au sein même des administrations de sécurité sociale subsistent des angles morts qui gênent la vision du Parlement. C’est pourquoi nous souhaitons pouvoir bénéficier du détail des dépenses, des recettes, du solde et de la dette de l’ensemble des administrations de sécurité sociale. En l’absence de texte spécifique, le Gouvernement pourrait enrichir les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatives au financement, qui contiennent un certain nombre d’éléments essentiels sur le solde structurel. Ce n’est certes pas la loi de finances sociales dont la Cour des comptes suggère la création, mais cela offrirait tout de même au Parlement un élément indispensable à son information.

Concernant toujours l’information du Parlement, et dans la continuité du rapport qui nous a été remis par la Cour des comptes sur les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé, nous avons souhaité que le Parlement soit informé des orientations de ces négociations. Ces relations sont en effet le vecteur de diffusion de l’ONDAM « soins de ville ».

Si ces éléments sont maintenus, nous aurons progressé dans le contrôle démocratique des finances sociales et votre commission considérera ce texte comme une véritable avancée.

Sous le bénéfice de ces observations, il nous a semblé que la programmation pluriannuelle proposée par le Gouvernement reposait sur des hypothèses trop optimistes, qui font peser des incertitudes très fortes et des aléas trop importants sur son exécution. Les recettes ne seront vraisemblablement pas au rendez-vous.

Malgré ces hypothèses, les objectifs de retour à l’équilibre sont pourtant repoussés, sans que les mesures fortes qui seraient nécessaires à un véritable redressement soient identifiées.

En revanche, la partie relative au pilotage comporte des avancées intéressantes, qui vont dans le sens d’une gestion plus rigoureuse. Notre commission y voit l’occasion d’enrichir l’information du Parlement et de nous permettre d’acquérir une vision plus complète du sous-secteur des administrations de sécurité sociale, pour la partie située hors du périmètre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

C’est pourquoi votre commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur la partie programmatique du projet de loi et favorable sur la partie relative au pilotage des finances publiques.

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