Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 6 novembre 2014 à 9h30
Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

…car la tâche sera rude, après deux années et demie d’une politique sans cap et sans vision, sans résultat, dont le bilan se résume assez vite : c’est l’échec !

Échec sur la croissance, tout d’abord, que la nouvelle majorité espérait certainement voir revenir, comme par enchantement, dès l’automne 2012, tant il est manifeste qu’elle n’avait pas compris la nature profonde de cette crise et le problème du manque de compétitivité de nos entreprises.

Échec sur le chômage, ensuite, corollaire du premier, reconnu avec une belle sincérité – et peut-être un peu de candeur ! - par notre ancien collègue François Rebsamen, aujourd’hui ministre du travail.

Échec, enfin, sur la maîtrise des déficits publics et de la dette, qui dérapent, année après année, s’éloignant toujours plus des objectifs affichés.

L’exercice de ce soir sera donc, à coup sûr, extrêmement délicat pour le Président de la République, qui cherchera à redonner confiance au pays, confiance sans laquelle nos entrepreneurs n’investiront pas, sans laquelle les Français ne consommeront pas plus, sinon moins, confiance qui, seule, pourrait nous garantir que le paradoxe extraordinaire que nous vivons – une dette colossale et des taux d’intérêt historiquement bas – pourrait durer encore un peu, nous mettant à l’abri de graves difficultés si les taux d’intérêt remontaient brutalement.

Le Président François Hollande n’a de chance de réussir son grand oral qu’à deux conditions : dire la vérité aux Français, toute la vérité, et en tirer les conséquences. Vérité sur la situation de notre économie et de nos entreprises. Vérité également sur les comptes de la Nation : ceux de l’État, de la sécurité sociale, des régimes de retraite, des entreprises publiques, de nos collectivités locales.

Oui, il est plus que temps pour le Gouvernement de dire la vérité aux Français et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, même si elles sont douloureuses. C’est le seul moyen de voir revenir la confiance et de sortir notre pays de la situation dans laquelle il s’enfonce !

Voilà pourquoi l’examen de ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019 tombe à point nommé. Au fond, elle nous apporte, avant même que nous ayons entendu le Président de la République, la réponse à cette question cruciale : dira-t-il la vérité aux Français et en tirera-t-il les bonnes conclusions ? La réponse est malheureusement non, car, en ce cas, ce projet de loi de programmation serait tout autre.

Encore une fois, il est probable qu’il tentera de gagner du temps, de retarder les échéances que nous devrons tôt ou tard affronter pour remettre notre pays sur la voie de la croissance et du redressement de ses comptes publics. Mais, pour cela, encore faudrait-il avoir le courage de regarder la réalité en face et, manifestement, à la lecture de ce projet de loi, ce n’est pas le cas.

Vous ne dites pas la vérité aux Français et pourtant je suis persuadé, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez parfaitement conscience de l’urgence de la situation. Vous savez que les hypothèses et les prévisions inscrites dans cette loi de programmation sont trop optimistes, mais vous ne voulez manifestement pas le dire.

Peut-être pensez-vous que cela « désespérerait un peu plus Billancourt », comme disaient certains, ou que les marchés financiers s’affoleraient. Je crois exactement le contraire. De toutes les manières, les Français sont maintenant comme saint Thomas : ils ne croient plus que ce qu’ils voient et ils jugent désormais sur pièces.

Quant aux acteurs économiques, ils sont trop au fait de ces sujets pour se laisser tromper par des prévisions peintes en rose, et la commission de Bruxelles encore moins.

Quant aux marchés financiers, dont nous dépendons, quoi que nous en pensions, pour refinancer les quelque 200 milliards d’euros dont nous avons maintenant besoin chaque année, ils ne sont pas plus dupes de ces prévisions, qui n’ont d’autre vocation que d’être démenties par les faits, contribuant ainsi un peu plus à ancrer l’idée que, décidément, les Français sont incapables de regarder la réalité telle qu’elle est et de se réformer.

Oui, monsieur le secrétaire d’État, en termes de calendrier électoral, nous sommes au milieu du gué, mais l’eau monte dangereusement et la rive d’en face – celle des pays ayant fait les efforts nécessaires pour redresser leurs comptes publics, celle des pays européens tenant leurs engagements -, cette rive, que nous sommes censés rejoindre, s’éloigne de plus en plus.

La comparaison entre ce projet de loi de programmation et celui que nous avions adopté il y a deux ans, à la fin de 2012, est éloquente et cruelle pour votre majorité.

Arrivés au pouvoir en mai, sous-estimant, pour ne pas dire niant le problème de compétitivité de nos entreprises, vous avez fait les mauvais choix, pris les mauvaises décisions, puis vous avez passé toute l’année 2013 à nous expliquer qu’il fallait attendre que votre politique porte ses fruits. Alors que, cette année-là, dès le printemps, au vu de la chute des rentrées fiscales, nous vous demandions de corriger le tir par une loi de finances rectificative, MM. Moscovici et Cazeneuve nous ont inlassablement répété qu’il fallait laisser jouer les stabilisateurs économiques.

Le résultat, nous le connaissons maintenant. Alors que vous aviez alourdi les impôts de 30 milliards d’euros, les sommes attendues ne sont pas rentrées et vous avez tout simplement étouffé la croissance. En 2013, vous avez battu un record historique, celui du nombre d’entreprises ayant déposé le bilan : 65 000 !

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