Sans doute, monsieur le sénateur, mais je lisais ce matin qu’un organisme – que ce soit l’OCDE, la Commission européenne, l’INSEE, le FMI, la Banque de France, telle ou telle agence, tous emploient des spécialistes plus qualifiés les uns que les autres ! – avait diminué de 0, 1 point les prévisions pour la France. Et de telles annonces s’enchaînent tous les huit jours !
Or nous vous présentons une loi de programmation pour les trois, voire pour les cinq prochaines années. Nous ne révisons pas nos chiffres tous les huit jours ! Mais l’INSEE, lui, publie des prévisions révisées très régulièrement.
Il est facile de prévoir le passé. Monsieur Delahaye, vous avez affirmé tout à l'heure que le faible niveau d’inflation que nous connaissons actuellement était prévisible. Bravo ! Vous êtes le seul à l’avoir prévu ! Voilà un an, ou même six mois, aucun organisme, si éminent fût-il, n’avait annoncé que l’inflation en Europe serait aussi faible aujourd'hui. Sur la croissance, oui, on nous faisait des remarques, mais personne n’avait écrit dans une note de conjoncture que la faible inflation serait une caractéristique de la période que nous traversons aujourd'hui. À part vous, peut-être !
À l’avenir, il faudra que je demande aux uns et aux autres de mettre dans une enveloppe cachetée leurs prévisions de croissance et d’inflation pour les années 2017, 2018 et 2019 ! §Car il est un peu facile de nous reprocher, après coup, de nous être trompés dans les prévisions quant au niveau de l’inflation !
Je le dis avec beaucoup d’humilité, mesdames, messieurs les sénateurs, au poste que j’occupe, avec tous les techniciens et spécialistes qui nous entourent, que ce soit au Trésor ou dans les services des grandes administrations de l’État, nous annonçons des prévisions parce que les lois organiques nous y obligent et pour nous donner de la lisibilité. Mais, de grâce, comparons avec ce qui s’est fait dans toutes les lois de finances précédentes !
Dans l’avis du Haut Conseil des finances publiques, sur lequel certains aiment à s’appuyer aujourd'hui - et qui sont d'ailleurs tout aussi prompts à revendiquer les prérogatives du Parlement par rapport aux autorités indépendantes, y compris le Haut Conseil –, vous lisez la phrase qui vous arrange suivant que vous vous trouvez d’un côté ou de l’autre de l’hémicycle. Reconnaissez tout de même – et certains membres de la majorité sénatoriale y ont consenti – que les prévisions de croissance du projet de loi sont probablement plus proches que jamais de ce que l’on appelle le « consensus des prévisionnistes », que j’évoquais précédemment avec un peu d’ironie.
Monsieur le rapporteur général, vous avez, avec une grande précision, qui vous honore et qu’il faut saluer, détaillé l’ensemble des questions.
S’agissant de la méthode, avec d’autres, vous nous avez reproché d’avoir préféré changer la loi parce que nous avions été mis en demeure d’utiliser la procédure de correction des écarts. Monsieur le rapporteur général, avec tout le respect que je vous dois, je vous rappellerai que cette procédure a été clairement inscrite dans la loi organique du 17 décembre 2012, loi qui a d'ailleurs été votée dans un large consensus au Parlement.
Dès lors, comment peut-on nous reprocher d’avoir eu recours à cette procédure ? Ayant constaté que la conjoncture évoluait de façon significativement différente de ce qui était attendu, nous avons fait ce choix et nous l’assumons. Bien sûr, on peut avoir un avis tout à fait différent, et tout aussi respectable, sur l’appréciation de la situation. Pour notre part, nous constatons que la croissance semble durablement atone en France, comme partout ailleurs en Europe.
La baisse de l’inflation, qui est le fait nouveau que personne n’avait prévu – à l’exception d’un seul ! – change la donne. Nous assumons le choix de reporter dans le temps l’atteinte des objectifs que nous avions pu nous fixer dans un contexte différent. Le contexte ayant changé, le principe de réalité et le pragmatisme nous imposent de procéder à certaines modifications.
M. le sénateur Rachline a parlé d’un déficit public de l’ordre de 2 000 milliards d’euros ; j’ai d’ailleurs eu le sentiment que beaucoup d’entre vous avaient tiqué en entendant ce chiffre… Je pense qu’on peut mettre sur le compte de l’inexpérience le fait de confondre le déficit et la dette. Nous dirons que c’est un péché de jeunesse ! Non, Dieu merci, le déficit public n’atteint pas un tel montant !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat est légitime. Cela étant, adopter une loi de programmation des finances publiques sans les « articles de chiffres », comme votre commission le propose, nous paraît tout de même assez inconcevable. C’est pourquoi le Gouvernement vous proposera de les rétablir.
En tout cas, je remercie chacune et chacun de sa contribution au débat.