Nous abordons un sujet trop souvent vu à travers le prisme médiatique réducteur des « bons » et des « méchants ». Seulement, nous ne devons pas en oublier l’aspect humain : pour les fumeurs, d’abord, qui ne peuvent ignorer les conséquences de leur geste ; pour celles et ceux, ensuite, qui sont dûment habilités par l’État à distribuer ces produits, c’est-à-dire les buralistes.
Comme l’a rappelé mon collègue Christophe-André Frassa, nous sommes en présence d’une disposition, votée sur l’initiative d’un député, qui a pour conséquence de tripler le prix des cigarillos, pour le porter à 17 euros.
Nul ne conteste qu’une politique de santé publique et de prévention doive être menée de façon vigoureuse, ce qu’ont fait tous les gouvernements depuis 2003, le prix des paquets de cigarettes étant passé de 4 euros à 7 euros en dix ans. Toutes ces hausses ont été accompagnées par la mise en place de contrats d’avenir pour permettre à la profession de buraliste de travailler à sa diversification afin d’absorber ce choc.
Que se passera-t-il si l’article 12 quinquies, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, n’est pas supprimé ?
Nous risquons d’assister à une explosion des achats transfrontaliers : M. le secrétaire d’État au budget, qui était avec nous hier soir, le sait bien, car il est originaire de Longwy. Il y aura également une augmentation des achats par des canaux prohibés, notamment des sites internet basés à l’étranger.
Il s’agit aussi d’un problème de santé publique en raison des doutes sur la traçabilité des produits ainsi acquis. Notre collègue Bruno Gilles me signalait ainsi l’arrivée à Marseille de marchandises venant de Chine qui pouvaient poser de graves problèmes de santé publique.
J’ajoute que les buralistes tiennent souvent les derniers commerces en milieu rural, qui sont de véritables lieux de services au public. En dix ans, environ 6 500 fermetures sont intervenues à la suite d’un certain nombre d’augmentations de prix. La profession a fait de son mieux pour encaisser le choc, mais cette nouvelle mesure, prise de façon non concertée, sans mesures d’accompagnement, risquerait de porter un coup fatal à ces lieux de convivialité et de services au public, grâce notamment aux « points poste », lesquels permettent aussi de retirer de l’argent dans les toutes petites communes.
Le Gouvernement l’a d’ailleurs compris, me semble-t-il, puisque M. le secrétaire d’État au budget déclarait, dans un article du journal Le Figaro paru ce week-end, qu’il était défavorable à un triplement brutal et que le Gouvernement serait « attentif à ce que la navette parlementaire permette de revenir à des mesures plus raisonnables ».
J’espère que Mme la secrétaire d’État pourra éclairer le Sénat sur ce qu’envisage le Gouvernement pour revenir sur cette disposition extrême.