Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 13 novembre 2014 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 12 quinquies nouveau

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

Je vais utiliser les cinq minutes qui me sont imparties pour convaincre M. Roche...

Mes chers collègues, allons plus loin dans la réflexion !

On se trompe de cible avec cet article, tout d’abord en ce qui concerne les consommateurs, en termes sociaux et sanitaires.

Les cigares et cigarillos représentent moins de 3 % des volumes de tabac achetés en France. Qui plus est, la quasi-totalité de cette niche de produits est constituée de cigarillos, et non de « barreaux de chaise », qui représentent moins de 1 % du chiffre d’affaires du segment.

Ces cigarillos sont consommés, non par les Bettencourt, pour reprendre la métaphore de l’auteur de l’amendement à l’Assemblée nationale, mais par les classes populaires.

Avec un paquet de vingt cigarillos passant de 7 euros à près de 18 euros, il est évident qu’on n’en vendra plus un seul en France et que, malgré son objectif louable, la mesure sera tout à fait vaine. En effet, certains consommateurs se reporteront sur la cigarette, quand les autres iront s’approvisionner sur le marché noir ou dans les pays voisins, lesquels, je le rappelle, captent déjà environ 20 % de nos taxes sur le tabac.

On se trompe de cible, ensuite, en ce qui concerne la politique de santé publique.

Les consommateurs sont pour la plupart des hommes de plus de 35 ans qui ne fument pas tous les jours, et non, comme chacun le sait, des lycéens. Or les publics prioritaires visés par le Programme national de réduction du tabagisme sont, à juste titre, les jeunes et les femmes enceintes.

On se trompe de cible, aussi, en rayant définitivement de la carte des PME, des commerçants indépendants et tous les emplois induits. Ils représentent peu, certes, en comparaison avec le marché de masse du tabac, mais tout de même 3 000 emplois répartis sur tout le territoire.

D’ici à la fin de l’année 2014, on prévoit déjà la fermeture d’environ 1 000 points de vente, soit 2 500 emplois, principalement aux frontières et en milieu rural. Avec cette hausse vertigineuse des taxes sur les cigarillos, 1 000 nouveaux bureaux de tabac spécialisés qui mettront la clé sous la porte durant les premiers mois de 2015, c’est-à-dire autant de couples de buralistes. Ceux-ci vont non seulement perdre leur gagne-pain et leur patrimoine du jour au lendemain, mais se retrouveront incapables de rembourser de lourds emprunts, grâce auxquels ils ont acheté leurs fonds de commerce et leurs stocks, mais aussi réalisé des investissements massifs dans l’aménagement de leurs boutiques et de leurs caves humidifiées ; sans compter le licenciement de leurs employés, très spécialisés, et d’une partie du personnel des autres buralistes du réseau, qui subiront une nouvelle baisse d’activité.

Chez les fabricants, importateurs et distributeurs, les entreprises sont pour l’essentiel des PME ; on en compte une vingtaine, qui sont bien souvent familiales. Elles emploient directement quelque 400 personnes.

Il y a aussi la distribution, via Logista France, dont les directions régionales emploient 1 500 salariés ; l’antenne de Nice approvisionne ainsi les buralistes de la circonscription. Avec la baisse du volume d’activité due au marché parallèle, ces trois dernières années, le distributeur a déjà dû fermer le site de Nancy, près de la frontière, et a globalement réduit ses effectifs de 20 %, sans compter les emplois indirects. Avec la disparition de l’activité de cigarillos, le distributeur devra supprimer 50 emplois directs supplémentaires.

Enfin, on se trompe de cible en termes de produits.

Le fait que le droit de consommation des cigares et cigarillos soit inférieur à celui des cigarettes se justifie avant tout, fiscalement parlant, par la nature même des produits et de leurs coûts de fabrication et de distribution. La fabrication d’un cigare fait à la main prend cinq minutes et celle des cigarillos se fait à un rythme de quarante unités par minute, alors que l’on peut produire vingt mille cigarettes par minute. Les acteurs du segment des cigares et des cigarillos ne profitent pas pour autant d’une fiscalité différente pour rendre leurs produits plus attractifs en termes de prix, puisqu’ils ne vendent jamais leurs marchandises en dessous du prix des cigarettes.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous invite à adopter ces amendements de suppression.

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