Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 19 novembre 2014 à 21h45
Prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors même que nous allons examiner le projet de loi de finances pour 2015 à partir de demain dans cet hémicycle, puis, dans quelques semaines, le projet de loi sur la transition énergétique pour une croissance verte, voici que notre attention est légitimement sollicitée par nos collègues écologistes sur les enjeux de santé publique afférents à nos déplacements et aux véhicules utilisés à cette fin.

Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, cela fait, en effet, quelques décennies que l’on accorde, sous la forme d’une fiscalité incitative, une sorte de prime à l’utilisation de véhicules à motorisation diesel rendant le prix du carburant utilisé moins coûteux. Il me souvient d’un temps où l’un de nos grands constructeurs utilisait ce slogan : « Avec le diesel, le kilomètre à moitié prix » !

C’était le temps « heureux » où la France ne comptait pas encore six millions de personnes privées d’emploi, où les inégalités sociales n’avaient pas trouvé de traduction spatiale et où, surtout, les préoccupations liées aux changements climatiques ne s’étaient pas invitées dans le débat public, comme c’est le cas aujourd’hui.

Les enjeux du débat sont aujourd’hui connus.

L’industrie automobile française, largement internationalisée, produit aujourd’hui l’essentiel de ses véhicules à traction diesel loin de nos frontières.

Pour faire bonne mesure, comme le gazole appelle un raffinage particulier, on aura noté qu’une part importante du carburant concerné est tout simplement importée, les raffineries françaises – lesquelles connaissent, par ailleurs, un sérieux déclin, organisé par les compagnies pétrolières existantes – n’étant pas en situation de répondre à la demande.

Lorsque le groupe Total a fermé la raffinerie des Flandres, dans mon département du Nord, pour des raisons internes de rentabilité, il est évident qu’il ne s’est pas inquiété plus que de raison des conséquences de cette fermeture sur l’approvisionnement du marché domestique en carburants et autres produits raffinés. Et c’est bien dommage, car, au moment de sa fermeture, cette raffinerie produisait, entre autres, du gazole dit « sans soufre ».

Quelle est donc, pour l’heure, la situation ? Ni les capacités de production automobile ni les capacités de production de carburant ne permettent à notre pays de faire face à la demande et le « rattrapage » fiscal lié au relèvement de la taxation du gazole est en cours.

À ce point du débat, ces enjeux de caractère économique et fiscal rencontrent l’intéressante question de la santé publique, les particules fines émises par les moteurs diesel participant de la dégradation de la qualité de l’air – cela a été dit, prouvé et illustré abondamment – et, par voie de conséquence, de l’accroissement des risques sanitaires ainsi que, singulièrement, de la prévalence de certaines affections.

Comme il est de coutume en matière environnementale ou écologique, nous sommes donc au cœur d’un conflit systémique particulièrement intéressant qui concerne la place de notre pays dans le monde en termes d’économie, de société, de déplacements, de santé publique, etc.

Au miroir tendu devant nous par l’usage du diesel, nous pouvons appréhender bien d’autres sujets fondamentaux, et poser d’emblée une question que la commission des finances escamote un peu trop rapidement à notre goût en proposant de ne retenir aucun des articles de la proposition de loi : le véhicule fiscal est-il le bon quand il s’agit de réfléchir à la transition énergétique ?

En clair, le développement de la fiscalité dite « écologique », ou « verte », est-il le bon outil pour mener la transition énergétique, laquelle est au demeurant inévitable pour qui se préoccupe un minimum du devenir de l’humanité et de l’environnement que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants ?

Aujourd’hui, la fiscalité « écologique » rapporte plusieurs dizaines de milliards d’euros et touche singulièrement la consommation de produits pétroliers et énergétiques, qui en constitue l’élément moteur, si je puis dire. Le problème, c’est que la stratégie fiscale de moyen terme est calibrée à raison de deux impératifs : premièrement, la réduction des déficits publics ; deuxièmement, la mutation de notre système de prélèvements obligatoires, ensemble qui comprend la baisse des prélèvements effectués à partir de l’entreprise et la recherche de recettes de substitution.

Le processus est, de fait, bien connu : la fiscalité écologique sert à peu près de « couteau suisse » – la Suisse ne se contente donc pas de rendre des services fiscaux à certains de nos compatriotes !

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