La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.
La séance est reprise.
Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 5312-6 du code du travail, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de solliciter l’avis de la commission compétente sur le projet de désignation de M. Jean Bassères aux fonctions de directeur général de Pôle Emploi.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires sociales.
Acte est donné de cette communication.
Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée et je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet, Philippe Bas, Henri Tandonnet, René Vandierendonck, Philippe Kaltenbach, Christian Favier ;
Suppléants : MM. Yannick Botrel, Éric Doligé, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Michel Mercier, Jacques Mézard et Jean-Pierre Sueur.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
II va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a été publiée conformément à l’article 12 du règlement. Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Bas, André Reichardt, Mme Élisabeth Lamure, MM. Jean-Marc Gabouty, Martial Bourquin, Alain Richard, Mme Cécile Cukierman ;
Suppléants Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Pierre-Yves Collombat, Gérard Cornu, Philippe Dominati, Jean-Jacques Filleul et Mme Catherine Procaccia.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Éric Bocquet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors même que nous allons examiner le projet de loi de finances pour 2015 à partir de demain dans cet hémicycle, puis, dans quelques semaines, le projet de loi sur la transition énergétique pour une croissance verte, voici que notre attention est légitimement sollicitée par nos collègues écologistes sur les enjeux de santé publique afférents à nos déplacements et aux véhicules utilisés à cette fin.
Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, cela fait, en effet, quelques décennies que l’on accorde, sous la forme d’une fiscalité incitative, une sorte de prime à l’utilisation de véhicules à motorisation diesel rendant le prix du carburant utilisé moins coûteux. Il me souvient d’un temps où l’un de nos grands constructeurs utilisait ce slogan : « Avec le diesel, le kilomètre à moitié prix » !
C’était le temps « heureux » où la France ne comptait pas encore six millions de personnes privées d’emploi, où les inégalités sociales n’avaient pas trouvé de traduction spatiale et où, surtout, les préoccupations liées aux changements climatiques ne s’étaient pas invitées dans le débat public, comme c’est le cas aujourd’hui.
Les enjeux du débat sont aujourd’hui connus.
L’industrie automobile française, largement internationalisée, produit aujourd’hui l’essentiel de ses véhicules à traction diesel loin de nos frontières.
Pour faire bonne mesure, comme le gazole appelle un raffinage particulier, on aura noté qu’une part importante du carburant concerné est tout simplement importée, les raffineries françaises – lesquelles connaissent, par ailleurs, un sérieux déclin, organisé par les compagnies pétrolières existantes – n’étant pas en situation de répondre à la demande.
Lorsque le groupe Total a fermé la raffinerie des Flandres, dans mon département du Nord, pour des raisons internes de rentabilité, il est évident qu’il ne s’est pas inquiété plus que de raison des conséquences de cette fermeture sur l’approvisionnement du marché domestique en carburants et autres produits raffinés. Et c’est bien dommage, car, au moment de sa fermeture, cette raffinerie produisait, entre autres, du gazole dit « sans soufre ».
Quelle est donc, pour l’heure, la situation ? Ni les capacités de production automobile ni les capacités de production de carburant ne permettent à notre pays de faire face à la demande et le « rattrapage » fiscal lié au relèvement de la taxation du gazole est en cours.
À ce point du débat, ces enjeux de caractère économique et fiscal rencontrent l’intéressante question de la santé publique, les particules fines émises par les moteurs diesel participant de la dégradation de la qualité de l’air – cela a été dit, prouvé et illustré abondamment – et, par voie de conséquence, de l’accroissement des risques sanitaires ainsi que, singulièrement, de la prévalence de certaines affections.
Comme il est de coutume en matière environnementale ou écologique, nous sommes donc au cœur d’un conflit systémique particulièrement intéressant qui concerne la place de notre pays dans le monde en termes d’économie, de société, de déplacements, de santé publique, etc.
Au miroir tendu devant nous par l’usage du diesel, nous pouvons appréhender bien d’autres sujets fondamentaux, et poser d’emblée une question que la commission des finances escamote un peu trop rapidement à notre goût en proposant de ne retenir aucun des articles de la proposition de loi : le véhicule fiscal est-il le bon quand il s’agit de réfléchir à la transition énergétique ?
En clair, le développement de la fiscalité dite « écologique », ou « verte », est-il le bon outil pour mener la transition énergétique, laquelle est au demeurant inévitable pour qui se préoccupe un minimum du devenir de l’humanité et de l’environnement que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants ?
Aujourd’hui, la fiscalité « écologique » rapporte plusieurs dizaines de milliards d’euros et touche singulièrement la consommation de produits pétroliers et énergétiques, qui en constitue l’élément moteur, si je puis dire. Le problème, c’est que la stratégie fiscale de moyen terme est calibrée à raison de deux impératifs : premièrement, la réduction des déficits publics ; deuxièmement, la mutation de notre système de prélèvements obligatoires, ensemble qui comprend la baisse des prélèvements effectués à partir de l’entreprise et la recherche de recettes de substitution.
Le processus est, de fait, bien connu : la fiscalité écologique sert à peu près de « couteau suisse » – la Suisse ne se contente donc pas de rendre des services fiscaux à certains de nos compatriotes !
Sourires.
Autant dire que la proposition de loi de nos collègues écologistes doit plutôt nous inciter à poser, pour le moins, la question de la qualité des alternatives modales à l’usage de la voiture pour les déplacements professionnels ou personnels des salariés. Nous devrions ainsi nous demander s’il ne conviendrait pas, plutôt que de majorer le prix du gazole – un prix qu’il nous faudra ensuite détaxer pour les taxis ou les entreprises de transport, sous la pression des « réalités économiques » –, de mettre en œuvre dès maintenant une politique un tant soit peu plus audacieuse en matière de transport collectif.
Augmenter le prix du gazole sans accroître, par exemple, les ressources du Syndicat des transports d’Île-de-France ou des autres autorités organisatrices d’un réseau de transport public de voyageurs, c’est prendre le risque de repousser plus encore la mise en œuvre des solutions réelles.
La protection de l’environnement, pour aujourd’hui et pour l’avenir, n’est pas affaire de « révolution fiscale », mais bel et bien de dépenses publiques, de choix d’aménagement du territoire, de respect du droit à la ville, de rejet des ségrégations urbaines et professionnelles qui sont au cœur des enjeux de déplacement.
On ne peut pas vouloir lutter contre le réchauffement climatique et le recours modal à l’automobile en continuant à favoriser, par une législation orientée au bénéfice des investisseurs et des seuls bailleurs, la spéculation immobilière et la montée constante des prix du logement dans ce que l’on appelle « les zones tendues ».
De la même manière, quand on repousse la réalisation du prolongement d’une ligne de métro, quand on s’interroge sur la faisabilité d’une liaison fluviale à grand gabarit, pourtant utile pour le transport de moult marchandises à faible valeur ajoutée, on rejette les possibilités de report modal, solution qui pourrait répondre en grande partie aux impératifs de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Changer les politiques publiques du transport peut se faire, mes chers collègues, sans recourir à la moindre augmentation de nos prélèvements obligatoires. Il convient simplement que nous ayons, en qualité de législateur, la volonté et la détermination nécessaires pour que l’argent public, dont nous décidons de l’utilisation - outre le fait que nous en contrôlons l’usage -, soit effectivement orienté vers la satisfaction des besoins de la collectivité.
Nous devons faire reculer l’usage de l’automobile et, dans cet ensemble, celui du diesel ? Fort bien ! Alors, mettons en œuvre dès maintenant avec audace, détermination et lucidité, les politiques publiques d’investissement nécessaires au report modal sur le rail, les voies d’eau et les transports publics !
Nationalisons les autoroutes, comme nous le proposions ici même en mai dernier, par exemple pour financer l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF ! Et, s’il faut permettre le recyclage professionnel des « travailleurs du diesel », comme le suggérait Aline Archimbaud, ne tardons pas à solliciter leurs employeurs respectifs pour mettre en place un vaste plan national assorti d’objectifs précis, de formation et de qualification !
Pour synthétiser notre position, je dirai que nous sommes fondamentalement défavorables à l’article 1er de cette proposition de loi, mais tout à fait favorables à ses articles 2 et 3.
Je conclurai mon propos en saluant la pertinence de ce débat suscité par nos collègues écologistes.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis que, en 2012, le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé, a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel comme « cancérogènes certains », de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le soutien des pouvoirs publics au diesel, qui passe encore par une fiscalité favorable à ce dernier.
Ce constat n’est pas propre à la France puisque d’autres pays européens, tels que l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore la Belgique, pratiquent un écart de taxation plus fort entre les deux carburants.
Les automobilistes roulant au diesel ayant acquis leur véhicule à un moment où l’on vantait leurs faibles émissions de dioxyde de carbone ont soudainement basculé, à leur insu, du côté des « pollueurs ». Dès lors s’est posée la question de la meilleure solution à mettre en œuvre pour supprimer les avantages fiscaux en faveur du diesel, tout en tenant compte des évolutions récentes des moteurs à essence qui émettent désormais moins de CO2, mais, pour certains, plus de particules fines.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a envisagé l’alignement de la fiscalité des deux carburants, ce qui s’est traduit par l’intégration d’une « composante carbone » dans la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, ou par l’introduction d’une composante liée aux émissions de polluants atmosphériques dans la taxe sur les véhicules des sociétés, la TVS. Le projet de loi de finances pour 2015 poursuit cette tendance, avec l’augmentation de 2 centimes d’euro de la TICPE par litre de gazole.
Ainsi, en proposant d’instaurer une taxe additionnelle à la taxe sur les immatriculations de véhicules, assise sur le nombre de grammes d’oxydes d’azote et de particules fines, les auteurs de la proposition de loi alourdissent une nouvelle fois la fiscalité sur le gazole.
Outre le caractère inconstitutionnel de cette taxe, l’absence de barème ne permet pas de se prononcer sur la pertinence du dispositif tel qu’il est soumis à notre examen.
La nouvelle version de la proposition de loi, proposée par voie d’amendement, vient corriger cette erreur de manière, il faut le dire, alambiquée en appliquant un taux, variable selon les normes Euro, au malus automobile reposant sur les émissions de CO2.
Le barème fixé renforce, de surcroît, le malus pour l’acquisition de véhicules équipés d’un filtre à particules, ce qui ne me semble pas utile, dans la mesure où les émissions ont été largement réduites.
En plus de l’alourdissement de la fiscalité sur le diesel, cette mesure aurait pour conséquence de bloquer le marché de l’occasion en décourageant les ventes de véhicules diesel anciens, sans pour autant les extraire de la circulation.
Or, pour réduire les émissions de particules et d’oxydes d’azote, l’objectif est bien évidemment le renouvellement de la flotte des véhicules diesel anciens, soit 7 millions d’unités.
Par conséquent, si ce texte venait à être adopté, les inconvénients resteraient supérieurs aux avantages ; quant aux coûts sociaux et économiques et aux risques pesant sur les constructeurs automobiles, ils ne se justifieraient pas.
La prime à la casse prévue pour l’année prochaine, limitée aux automobiles de plus de treize ans, est loin de prendre en compte l’ensemble des véhicules diesel les plus polluants, ce qui demeure compréhensible, au regard des coûts que cela entraînerait pour les finances publiques.
Enfin, non seulement la proposition de loi serait inefficace, mais elle révélerait aussi un manque de cohérence dans la politique énergétique, le transport routier n’étant pas le premier émetteur de particules fines.
Des efforts devront particulièrement porter sur le résidentiel tertiaire, premier émetteur de particules, qui est à l’origine de 44, 5 % des particules PM2, 5.
Les enjeux de santé publique méritent, certes, d’être pris en considération au plus vite. Toutefois, l’affirmation selon laquelle 15 000 à 42 000 décès prématurés seraient dus au diesel constitue un raccourci un peu trop rapide.
M. Yvon Collin opine.
Plutôt que de procéder à la création de nouvelles taxes, à l’heure où le Président de la République lui-même s’est engagé à ce qu’il n’y ait plus aucune hausse d’impôt – et nous entendons le soutenir dans cet effort ! –, mieux vaudrait, mes chers collègues, poursuivre la recherche sur les véhicules du futur.
De plus, le projet de loi sur la transition énergétique est, à notre sens, le véhicule législatif le plus approprié, pour ne pas dire le plus propre
Sourires.
J’ai apprécié le discours de Mme Aline Archimbaud, car il était plus rond, moins tranché, en un mot plus « radical » que celui tenu habituellement par les écologistes.
M. Jean-Claude Requier. Toutefois, les sénateurs du groupe du RDSE étant opposés à la fiscalité « punitive » et résolument favorables à la remise à plat de la fiscalité dans son ensemble, n’apporteront pas leur soutien à la présente proposition de loi, et expliqueront leur position article par article.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais partager avec vous une certaine forme d’agacement.
Nous débattons de ce sujet depuis des mois.
En juillet, nous avons eu ce débat, mais il a avorté ; il a été rouvert de nouveau lors de l’examen de la loi de finances rectificative ; il nous revient en ce mois de novembre. Or le Gouvernement n’a fait à cet égard aucune proposition !
Je suis d’autant plus agacée que les études et les expertises s’accumulent : celles de l’OMS, de l’InVS, de l’ADEME.
On connaît les enjeux de santé publique : 30 % de la population souffre aujourd’hui d’allergies et de problèmes respiratoires ; cette proportion atteindra 50 % en 2030.
Or il n’y a pas une ligne – pas une ! - sur ce sujet dans le projet de loi de santé. Et, monsieur le secrétaire d’État, la ministre de la santé n’aurait-elle pas eu sa place à vos côtés, au banc du Gouvernement, pour l’examen de cette proposition de loi ?
Allons-nous continuer à traiter cette question au gré de mesures anecdotiques ou de débats ? Je me demande à quoi nous servons, nous, femmes et hommes politiques ! Face à des enjeux de santé publique qui concernent nos enfants, nous devrions plutôt nous faire leurs avocats et ceux des causes qui nous dépassent.
Nous ne pouvons pas nous abriter derrière notre ignorance ou notre incompétence. Le sujet, nous le connaissons par cœur ! Les particules fines, nous le savons, proviennent en grande partie du diesel, du fuel, de la biomasse. On sait aussi que l’apparition des oxydes d’azote, les fameux NOx, est liée à 56 % au transport, c’est-à-dire très majoritairement au diesel. Enfin, dans son avis de juin dernier, l’ADEME a clairement mis l’accent sur la nécessité de remplacer les véhicules diesel anciens.
Alors je vois certains sourire, considérant sans doute qu’il s’agit d’une lubie d’écologistes. Vision ô combien franco-française ! Il faut en effet savoir que le Japon a d’ores et déjà interdit le diesel, et que le Danemark taxe les véhicules à hauteur de 1 100 euros. Il y a donc bien là un véritable sujet...
Je sais qu’il existe des implications en termes de transition industrielle. Les coupables ne sont pas les constructeurs automobiles, pas plus que les Français qui ont acheté ces véhicules. Les responsables, ce sont les politiques qui ont favorisé cette stratégie de filière et qui ont incité au développement du diesel.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Aujourd'hui, les responsables que nous sommes doivent s’engager dans une politique de long terme. Il n’est pas question de tout bouleverser du jour au lendemain – il faut au moins dix ans pour qu’une filière industrielle s’adapte –, mais il importe de donner une orientation claire sur le long terme. Ce n’est pas ce que nous faisons : nous nous contentons de débattre !
Il est exact que cette proposition de loi – Aline Archimbaud, son auteur, n’en disconvient pas – souffre de limites tenant à sa construction.
D’abord, le malus devrait être fonction non pas du carburant, mais de la technologie, c'est-à-dire de l’émission réelle de particules fines. Tel qu’il est imaginé, ce malus toucherait les plus défavorisés, qui sont les premiers à rouler avec des véhicules de ce type.
Ensuite, ce malus devrait s’étendre au fuel et à la biomasse. Politiquement, c’est moins facile...
Enfin, comme l’a rappelé Christian de Perthuis ce matin lors de son audition, il aurait été plus pertinent de conserver l’écotaxe et ses portiques. On aurait ainsi pu avoir un ciblage extrêmement fin de la taxation en fonction de la technologie.
Plutôt que de balayer d’un revers de la main cette proposition de loi, le Gouvernement devrait accompagner le législateur.
Pardon de le dire ainsi, mais les niches parlementaires ressemblent de plus en plus à des débats de témoignages. On se fait plaisir, alors que nous sommes là pour construire la loi et pas seulement pour attester notre intérêt sur un sujet donné.
Or, sur des questions qui suscitent également un vrai débat technique, le Gouvernement ne nous accompagne pas, nous renvoyant systématiquement à un autre projet de loi, à un autre débat, à un autre groupe de travail, qu’on ne voit jamais, d’ailleurs.
Débattons donc aujourd'hui, puisque nous sommes réunis. Nous ne nous connaissons pas bien, monsieur le secrétaire d'État, mais vous découvrirez que je dépose les mêmes amendements chaque année : nous en débattons chaque année, mais ils ne sont jamais votés.
L’un de ces amendements vise à prévoir un alignement sur cinq ans ou dix ans de la fiscalité du diesel et de l’essence, pour éviter de favoriser un carburant par rapport à un autre.
Un autre amendement tend à supprimer les avantages fiscaux liés aux flottes diesel des entreprises. Un autre encore a pour objet de taxer les émissions de NOx afin de rendre le régime réellement dissuasif, ce qui fait encore plus débat.
Nous pourrions également débattre de la fiscalité écologique et, plus globalement, d’une réforme en profondeur de la fiscalité. Ce ne sera pas simple, car Christian de Perthuis a démissionné de son poste et il semblerait que, par nature, la fiscalité écologique soit punitive.
La fiscalité en France est trop lourde. Dans ces conditions, ne peut-on débattre d’une baisse globale des prélèvements obligatoires et, surtout, d’un changement d’assiette ? L’enjeu est de basculer d’une assiette reposant massivement sur les outils de production vers une assiette fondée sur la pollution ainsi que sur la consommation.
À cet égard, nous avons un long chemin devant nous. En effet, en termes de fiscalité environnementale rapportée au PIB, la France est avant-dernière de l’Union européenne. On me rétorque souvent que les taxes sur l’énergie sont importantes, mais, pour ce qui est des prélèvements sur les carburants rapportés au PIB, la France est en deçà de la moyenne européenne, et ce en raison de nombreuses exemptions.
De cela aussi, nous pourrions débattre. Nous ne le faisons jamais !
Malheureusement, monsieur le secrétaire d'État, je sais que vous aurez bien du mal à nous apporter une réponse positive, puisque la ministre de l’écologie considère que toute forme de fiscalité écologique est par nature punitive.
Mme Chantal Jouanno. Je ne doute donc pas que, dans votre réponse, vous nous renverrez à d’autres textes ou à un énième groupe de réflexion. Je n’attends d’ailleurs pas grand-chose d’autre, même si je tiens sincèrement à vous remercier de votre présence.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est tout naturellement que les écologistes apportent leur soutien à la proposition d’Aline Archimbaud.
Monsieur le secrétaire d'État, il est judicieux que, sur la modulation d’un mécanisme d’incitation, vous apportiez toute votre compétence financière, tout comme la commission des finances du Sénat apporte sa précieuse expertise. Mais c’est avant tout de santé que nous parlons, c'est-à-dire de personnes âgées qui finissent avec une bouteille d’oxygène sur le dos et un tuyau pour respirer, nous parlons des petits qui ont des bronchiolites et n’arrivent plus à remplir leurs poumons.
Dès la mise en place du bonus-malus, il est apparu que la focalisation sur le seul critère du C02 allait avoir un effet pervers : la promotion du diesel. En effet, pour bénéficier du bonus à l’achat d’une voiture, il fallait choisir des véhicules peu gourmands, donc peu émetteurs de C02. Seulement voilà, cela concernait le plus souvent des véhicules diesel !
Ainsi, sur le site de l’ADEME, ceux qui consultaient le tableau des véhicules éligibles voyaient d’abord défiler tous les modèles à motorisation diesel. La faille du bonus était flagrante !
Nathalie Kosciusko-Morizet s’en était alors émue et notre collègue Philippe Richert, dans cet hémicycle, avait fait des démonstrations accablantes.
Effectivement, il devenait absurde de protéger la planète aux dépens des poumons de tous et de la survie des plus fragiles.
Il devenait si gênant d’afficher ce paradoxe que l’ADEME ne tarda pas à modifier son moteur de recherche, brouillant les pistes. Il fallait d’abord saisir le nom du constructeur, puis le modèle, pour que s’affiche le bonus ou le malus du seul véhicule en consultation.
Cette proposition de loi permet une correction salutaire : éviter d’encourager la surcharge en particules fines et polluantes de l’air que nous respirons, sans créer la moindre dépense publique, bien au contraire. Afin de ne pas prendre au dépourvu les automobilistes, elle prévoit une application différée.
Je voudrais ici vous rapporter la mobilisation des scientifiques. Ce n’est pas un hasard si, le 3 avril dernier, l’INSERM a choisi ce sujet pour fêter ses 50 ans, en présence du Président de la République.
Rappelant qu’il y a dix ans les 6 000 morts liés aux accidents de la route avaient suscité une mobilisation sans précédent – ceintures de sécurité, contrôles-radars, limitations de vitesse –, les scientifiques se sont étonnés devant le Président de la République de l’inertie des pouvoirs publics devant les 20 000 à 40 000 morts annuels liés à la pollution de l’air, pour un coût estimé à 30 milliards d’euros par an.
En outre, monsieur le secrétaire d’État, la Commission européenne a adopté le 18 décembre dernier le programme « Air pur pour l’Europe », prévoyant des mesures destinées à garantir la réalisation des objectifs existants à court terme et établissant de nouveaux objectifs de qualité de l’air, dont les particules fines et les NOx, pour la période allant jusqu’à 2030.
Avec cette proposition de loi, nous disposons d’un outil permettant d’amorcer une véritable transition. Pour une fois, nous n’aurions pas de pénalités à payer : nous serions en avance sur la transposition !
L’urgence sanitaire à laquelle nous sommes confrontés doit nous inciter à arrêter de tout repousser au lendemain. L’argument des poussières des freins qu’a avancé Mme la rapporteur pour avis, loin de plaider contre ce texte, nous invite au contraire à cesser de rajouter dans l’air de ces particules fines.
Décidée dans les années quatre-vingt-dix en France, l’interdiction du plomb dans l’essence a permis une chute spectaculaire du taux d’exposition des enfants au plomb. Cela a également eu un impact positif sur l’économie, en permettant, par exemple, le développement des pots catalytiques. L’industrie automobile a su s’adapter et développer de nouveaux champs d’activité.
À Tokyo, des actions fortes ont permis de faire baisser de 44 % en dix ans le taux de concentration de particules fines dans l’air, alors que, sur la même période, celui de Paris est resté stable, malgré les efforts de la maire.
Enfin, j’invite ceux qui craindraient que cette mesure n’entame la compétitivité d’une particularité française, à savoir l’engouement industriel pour la motorisation diesel, à observer les mutations stratégiques déjà à l’œuvre, pour des raisons de marché à l’exportation.
Le groupe PSA s’est malencontreusement engagé dans une impasse : la voiture hybride diesel, que j’appelle la voiture « propre-sale », celle dont les écologistes ne veulent pas à cause du diesel et celle dont les consommateurs ne veulent pas à cause de son prix. Le groupe automobile planche désormais, avec son partenaire chinois, sur une technologie hybride rechargeable essence. Au mois d’octobre dernier, une revue automobile faisait état de ce revirement, arguant du coût – on ne peut pas tout mener de front –, mais aussi du peu d’appétence des étrangers pour le diesel.
Vous en conviendrez, chers collègues, on ne peut laisser en l’état des mesures de protection du climat de la planète qui seraient néfastes à la santé humaine, et même au commerce extérieur !
C’est pourquoi notre groupe soutient cette proposition de loi et encourage solennellement chacun à le faire. Comme vient de le dire notre collègue, il est regrettable que nous soyons tous d’accord sur les dégâts, mais si peu nombreux à vouloir résolument faire bouger les choses !
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste . – Mme Chantal Jouanno applaudit également.
Monsieur le président, monsieur secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’évidence, nous sommes tous très intéressés par la proposition de loi que nous soumet ce soir notre collègue Aline Archimbaud. Nous sommes même presque d’accord sur tout : il est assez frappant de constater, depuis le début des débats, combien les analyses convergent.
Oui, nous sommes d’accord sur le fait que les particules fines, surtout les plus fines, et les NOx sont une catastrophe pour la santé.
Nous avons tous lu les très intéressantes études Aphekom, qui analysent l’impact de la pollution de l’air sur la santé dans nos villes ; nous avons tous lu les études de l’OMS, dans leur intégralité ou sous forme de synthèses. Les premières expliquent que, selon les villes de France, l’espérance de vie est raccourcie de trois mois à huit mois et les autres que la mauvaise qualité de l’air serait responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts.
Il n’est qu’à prendre l’exemple de Strasbourg. On estime qu’environ 11 % de la population respire un air très fortement dégradé. Évidemment, dans toutes nos agglomérations, cela ne concerne plus les centres-villes, parce que l’on y a développé des transports urbains ; cela touche plutôt les quartiers en périphérie, en particulier près des grandes infrastructures routières et là où les bouchons sont les plus importants.
Nous sommes donc tous d’accord, et l’Europe avec nous, ce qui explique que nous soyons sous le coup d’un contentieux ancien. Depuis plusieurs années – la commission des finances a rendu de superbes rapports sur le sujet –, nous risquons plusieurs centaines de millions d’euros de sanctions financières parce que nous ne respectons pas la directive européenne sur la qualité de l’air. Rappelons, au passage, que la totalité des villes françaises est poursuivie à ce titre.
Nous sommes d’accord sur le constat et, monsieur le secrétaire d’État, nous aurions pu avoir le plaisir de voir à vos côtés les ministres de la santé et de l’environnement. En effet, c’est une action conjointe qui serait efficace sur ces sujets de protection de la santé.
Le texte que nous examinons ce soir prévoit la création d’une taxe ciblant les polluants automobiles pour leurs conséquences sanitaires.
Il s’agit là d’une belle idée, mais qui présente l’immense inconvénient de cibler ceux qui n’ont pas trop le choix, ceux qui circulent avec un vieux véhicule, parce qu’ils n’arrivent pas à dégager les finances pour le renouveler. Qui plus est, pour peu qu’ils ne roulent pas beaucoup, leur moteur est mal entretenu.
Au regard de ces différents constats, cette taxe apparaît peu efficace, même si je mesure les contraintes de notre collègue pour élaborer une proposition de loi financièrement raisonnable au regard de l’objectif retenu, à savoir l’amélioration des émissions dues au transport. Chantal Jouanno a brillamment rappelé tout à l’heure que c’était la première contribution pour les poussières et qu’elle était très importante pour les NOx.
Pire que cela, cette taxe aurait l’effet inverse, puisqu’elle pourrait ralentir le renouvellement du parc automobile français : cela a été rappelé, le nouveau parc diesel aux normes Euro 5 et Euro 6 n’a plus rien à voir avec l’ancien.
Enfin, cela n’encouragerait pas à ce qui devrait être notre objectif ultime, c'est-à-dire l’utilisation de véhicules écologiques – c’est à dessein que je ne parle pas de « voitures » –, le recours à des modes de transport écologiques divers, qui pourraient se substituer à ces voitures émettrices de polluants dangereux pour la santé.
Bien sûr, il faut prendre en compte l’industrie automobile française, mais celle-ci est parfaitement consciente des mutations en cours. Ayant rédigé un rapport sur le nouveau véhicule écologique au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, je peux vous dire que ce secteur réfléchit beaucoup, mais que cette industrie lourde a besoin de prévisibilité en matière de fiscalité et de marché.
Le débat est plus large, car il porte sur des questions plus comportementales, à savoir les formes de déplacements : les déplacements individuels et collectifs, mais aussi les déplacements intermédiaires que sont le covoiturage ou les autres formules coopératives de transport.
D’autres l’ont dit avant moi, cette disposition législative aurait plus naturellement sa place dans le projet de loi plus global relatif à la transition énergétique.
Toutefois, comme d’autres, je suis découragée par le report éternel des décisions en matière de fiscalité incitative. Quelle déception depuis deux ans ! Après la malheureuse annulation de la taxe carbone, il y a déjà cinq ans, l’écotaxe, qui avait, je le rappelle, fait consensus dans le cadre du Grenelle de l’environnement, est aujourd'hui abandonnée, et avec elle les portiques et un investissement de un milliard d’euros. Aucun autre dispositif n’est mis en place pour favoriser des comportements qui ne soient pas à l’origine d’émissions dangereuses.
Notre impuissance collective, notre difficulté sur ce sujet à passer des discours, qui font consensus, aux actes nous apparaissent clairement ce soir. C’est tout le mérite de cette proposition de loi, chère Aline Archimbaud, que de pointer notre incapacité collective à avancer fortement dans ce qui relève de l’intérêt général. Ce ne sont pas seulement les directives européennes qui nous le disent, c’est le bon sens aussi, surtout quand on vit en ville ; ce sont les normes sanitaires d’ores et déjà applicables dans les établissements destinés aux plus jeunes et aux plus âgés.
L’article 1er, même si l’objectif qui le sous-tend peut être compris, fonctionne à l’envers. En outre, il ne serait pas constitutionnel. Le groupe UMP n’y est donc pas favorable.
L’article 2 prévoit la remise au Parlement d’un rapport portant sur l’indépendance de l’expertise technique. Ce point ne pose pas de difficulté particulière.
Enfin, l’article 3 prévoit de rendre obligatoire la réalisation d’un diagnostic d’éco-entretien lors de la cession des véhicules diesel d’occasion de plus de quatre ans. Pourquoi pas ? Mais, sur ce dispositif comme sur d’autres, le diable pourrait être dans les détails. Il faut que les prescriptions soient mises en œuvre de manière efficace eu égard à l’objectif fixé. Les contrôles ne doivent pas être de pure forme, inutiles ou excessivement tatillons et coûteux pour les usagers.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera ni l’article 1er ni l’ensemble de la proposition de loi, même si les articles 2 et 3 ne font pas problème.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici amenés à débattre de la proposition de loi présentée par Mme Aline Archimbaud. C’est un texte important, dont l’objectif est de répondre à un problème sanitaire réel et aux préoccupations de nos concitoyens, qui sont aujourd’hui légitimement inquiets du niveau de pollution de l’air.
Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je n’y reviendrai pas, afin de gagner un peu de temps.
Plusieurs de nos collègues ont, à juste titre, laissé transparaître leur exaspération : les alertes sont nombreuses, mais nous éprouvons de grandes difficultés à passer aux actes.
Si cette exaspération est légitime, elle s’explique à mon sens par le caractère incontestable du problème, sur lequel nous sommes tous d’accord, et par la complexité de la situation française.
De nombreuses indications ont été données sur la réalité du problème. L’impact sanitaire et environnemental négatif du diesel n’est pas contestable. Certains d’entre vous l’ont rappelé, l’OMS a reconnu le caractère cancérigène certain des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote. Je n’insisterai pas sur les pathologies pulmonaires qui en sont la conséquence.
La situation en France est cependant objectivement différente de celle qui prévaut dans de nombreux autres pays. À cet égard, je ne partage pas tout à fait le jugement qu’a porté notre collègue Chantal Jouanno, rendant les politiques responsables de la « diésélisation » du parc automobile, qui est l’une de ses caractéristiques les plus saillantes : 60 % du parc actuel fonctionne au diesel et les véhicules diesel représentent encore 67 % des ventes de véhicules.
Pour ma part, je pense que cette situation résulte également de choix industriels et technologiques, qui ont été faits à un moment où les connaissances sur ces questions étaient très différentes de celles d’aujourd'hui. Certes, des choix fiscaux ont été faits, mais je ne pense pas pour autant que l’on puisse imputer à des décisions politiques la réalité actuelle.
Nous sommes donc dans une situation complexe. Alors que 7 millions de véhicules seulement sont équipés d’un filtre à particules, que 12 millions de véhicules anciens n’en disposent pas, je ne suis pas certain que l’on puisse facilement basculer d’un système à l’autre. C’est la raison pour laquelle, bien que, partant d’un diagnostic commun, nous soyons tous d’accord sur l’urgence qu’il y a à agir, nous avons des difficultés pour avancer concrètement.
La France présente également une particularité fiscale. Il y a en effet un différentiel de taxation entre le gazole et l’essence de 17 centimes par litre, soit une dépense fiscale de 7 milliards d’euros en faveur du gazole.
On ne peut donc pas régler ces questions aussi rapidement qu’on le voudrait. Cela ne doit cependant pas nous empêcher d’essayer, comme nous y incite ce texte, même si, à mon sens, il n’est pas totalement convaincant.
Pour ma part, il me semble préférable de mettre fin rapidement au différentiel de fiscalité entre le diesel et les autres carburants, comme le propose d’ailleurs le Comité pour la fiscalité énergétique. De même, il est essentiel de transformer le parc automobile existant plutôt que d’agir uniquement sur les véhicules neufs. C’est en jouant sur ces deux leviers que nous pourrons paradoxalement être le plus efficaces.
À cet égard, force est de constater que le texte qui nous est aujourd'hui proposé n’est pas tout à fait satisfaisant. Cela a été dit, l’article 1er pose des problèmes de constitutionnalité. Il est essentiellement punitif puisqu’il prévoit un malus, mais pas de bonus pour les véhicules plus performants. Or, encore une fois, il porte sur le parc neuf, alors que, objectivement, ce n’est pas le problème le plus urgent à traiter si nous voulons être efficaces.
L’article 2 prévoit la remise d’un rapport portant sur l’indépendance de l’expertise technique. Cela peut effectivement être utile. Nous y sommes donc favorables.
L’article 3 vise à rendre obligatoire au 1er janvier 2016, lors de la cession de tout véhicule d’occasion de plus de quatre ans, la remise d’un certificat de diagnostic d’éco-entretien portant sur l’ensemble des émissions polluantes du véhicule. Nous ne sommes pas défavorables à cette mesure sur le principe, mais, sur le plan de la méthode, il nous paraît difficile de l’examiner dans le cadre de la présente proposition de loi, alors qu’une disposition similaire figure dans un texte plus large, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nous sera très prochainement soumis.
En définitive, vous l’aurez compris, nous sommes réservés sur cette proposition de loi. Il est toujours délicat de traiter de manière spécifique, isolément, un problème qui, dans les faits, a des conséquences sanitaires graves, mais dont la solution exige aussi des évolutions décisives de notre appareil industriel ainsi que de notre conception de la fiscalité. Un texte ne comprenant que trois articles n’est pas suffisant pour traiter de ces sujets.
Même si nous partageons les préoccupations sanitaires et environnementales des sénateurs écologistes, même si nous sommes conscients de la nécessité d’avancer rapidement, nous ne pouvons pas approuver ce texte.
M. Maurice Vincent. Cette proposition de loi aborde des questions très importantes, qui demandent des réponses rapides et efficaces. Pour notre part, nous souhaitons une approche globale de la fiscalité et de la transition énergétique, ce qui ne signifie pas que nous considérions indispensable de perdre du temps, bien au contraire.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe écologiste.
Nous pensons que ce texte est utile et qu’il constitue un point d’appui pour une approche plus large, que nous souhaitons privilégier. Nous n’approuverons pas la proposition de loi, même si nous considérons malgré tout que l’article 2 est acceptable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Nouvelles exclamations ironiques sur les travées du groupe écologiste.
Finalement, il vaut mieux que vous ne soyez pas d’accord, mais que vous votiez !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe écologiste que nous examinons porte un titre explicite qui se suffit à lui-même.
Cette proposition de loi part à l’évidence d’un bon sentiment. Au-delà de cette réaction immédiate, ce texte suscitera de notre part deux commentaires, sur le fond d’abord, puis sur la forme, et une conclusion.
J’évoquerai premièrement le fond.
Le secteur des transports est le premier responsable des émissions de gaz à effet de serre. Il représentait en 2011 27 % des émissions devant l’agriculture, le résidentiel ou même l’industrie. Cependant, il est à remarquer que le secteur automobile a fait de grands progrès, puisque la moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs a baissé de 25 grammes en cinq ans pour atteindre 124 grammes par kilomètre en 2012.
En ce sens, notre pays a respecté ses engagements européens dans ce domaine.
Pour autant, le parc automobile français est « diésélisé » à plus de 60 %. La France atteint même le taux record de 67 % s’agissant de la vente de véhicules neufs.
Cette surreprésentation des moteurs thermiques diesel par rapport au parc des pays européens – et je ne parle pas du Japon – a des conséquences qui ne peuvent qu’interpeller. En effet, dans les fumées émises par ces moteurs, outre du dioxyde de carbone, on trouve des particules fines dont les plus petites, très pathogènes, pénètrent profondément dans l’organisme.
De même, plus de la moitié des émissions d’oxydes d’azote, autres polluants reconnus, proviennent du secteur des transports.
Ces substances entraînent une pollution de l’air qui, à son tour, a un impact significatif sur la santé de nos concitoyens.
Ainsi, en juin 2012, le Centre international de recherche sur le cancer, qui est un organe de l’OMS, a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel dans le groupe des agents cancérogènes certains pour l’homme.
Selon une estimation figurant dans un rapport du programme « Air pur pour l’Europe », l’aggravation de la mortalité liée à ces polluants se traduirait par plus de 40 000 morts prématurées chaque année. Cette prévision confirme la gravité du problème.
L’Institut de veille sanitaire confirme à son tour que, lorsque les concentrations de PM2, 5 augmentent, la mortalité augmente elle aussi.
Les risques issus de cette pollution sont admis également par une étude du programme européen Aphekom, qui reconnaît la réduction de l’espérance de vie dans ces conditions.
En 2013, une étude publiée à son tour par The Lancet, revue scientifique de rang international, a confirmé les effets néfastes pour la santé humaine de ce type de pollution.
Il est donc désormais avéré que la pollution due aux émissions de particules fines et d’oxydes d’azote doit non seulement être prise en considération, mais que, en plus, elle a des effets incontestablement néfastes sur la santé, notamment sur celle des plus faibles, c'est-à-dire les plus jeunes et les plus âgés d’entre nous.
Et je n’évoquerai que pour mémoire, au-delà du problème sanitaire, l’importance considérable des pénalités financières européennes, qui se chiffreraient en dizaines de millions d’euros, …
… venant aggraver la dette publique, ou le déséquilibre de notre modèle économique du raffinage, qui accentue le déficit de notre commerce extérieur.
En conséquence, cette proposition de loi soulève une véritable question, qui doit être traitée par la représentation nationale.
Marques d’approbations sur les travées du groupe écologiste.
Je ferai maintenant un commentaire sur la forme, quant à elle beaucoup plus discutable, madame Archimbaud.
En effet, instaurer la taxe supplémentaire proposée aurait pour conséquence d’augmenter la fiscalité pesant sur les automobilistes et d’inciter, paradoxalement, à ne pas remplacer le plus rapidement possible le parc diesel vieillissant.
De plus, l’article 1er de la proposition de loi est contraire au cinquième alinéa de l’article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la fixation « des impositions de toutes natures ».
L’article 2 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur l’indépendance de l’expertise technique, ce qui constitue une proposition intéressante.
Par ailleurs, la création, prévue par l’article 3, d’un certificat de diagnostic d’éco-entretien est, je le rappelle, mes chers collègues, d’ores et déjà intégrée à l’article 17 bis du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte que nous aurons à examiner prochainement.
En conclusion, la commission du développement durable à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir a rendu sur ce texte un avis défavorable, auquel je m’associe. Cela étant, je pense que nous devons nous saisir tous ensemble du problème soulevé par ce texte d’appel. §
Je me félicite de la richesse de ce débat, dont chacun a reconnu la pertinence.
La fiscalité doit-elle être incitative, punitive ou de rendement ? Cette question, que se pose tout gouvernement, tout législateur, a été soulevée par plusieurs orateurs, directement ou en creux. Le dispositif de cette proposition de loi rentre-t-il dans l’une de ces catégories ? On pourrait certainement en discuter longtemps. Pour ma part, j’ai tendance à penser que, dès lors que la fiscalité est différenciée, en l’occurrence suivant le type de carburant ou de véhicule, elle a forcément des vertus incitatives.
Pour autant, on ne peut pas nier non plus a priori, même si l’évaluation a été difficile s’agissant d’un texte dont nous n’avons pris connaissance que tardivement, que le dispositif de l’amendement n° 1 serait de nature à produire un rendement si le Sénat adoptait le barème tel qu’il est présenté.
Pour ma part, en tout cas, je ne considère pas que, par principe, toute forme de fiscalité serait nécessairement punitive. J’ai toutefois remarqué que, en ce moment, toute forme de fiscalité semble perçue ainsi…
C’est un peu facile, monsieur le sénateur !
J’ai perçu une forme de manque de confiance, de lassitude chez certains orateurs, qui disaient en substance : « on est tous d’accord sur les constats, mais rien ne se fait ».
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame Jouanno, vous nous avez dit que, compte tenu de la complexité et de l’ampleur du problème, il fallait commencer à agir très tôt pour étaler la mise en œuvre des mesures sur une longue durée. Mais que n’avez-vous commencé lorsque vous étiez ministre !
Mme Chantal Jouanno s’exclame.
Je vous signale quand même que c’est bien le gouvernement actuel qui, avec responsabilité et courage, a instauré une contribution climat-énergie, madame Jouanno !
J’entends bien les reproches qui sont adressés, ici et là, à la contribution climat-énergie : en particulier, elle ferait augmenter de manière importante le prix du gazole. Eh bien oui, c’est vrai, et nous l’assumons ! La première année, l’effet fut quasiment nul, mais, dès la deuxième année, elle a engendré un produit substantiel et, la troisième année, ce produit atteint quelque 3, 5 milliards d’euros, ce qui est tout de même loin d’être anodin !
N’est-ce pas ce gouvernement qui a proposé récemment une augmentation des prix du gazole ? Vous me répondrez que c’est parce qu’il fallait dégager du rendement. Certes, mais avoir choisi ce support est néanmoins un signe !
J’ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’ai pas vu grand monde se dresser contre les hordes de « bonnets rouges » qui venaient détruire les portiques ; bien au contraire, j’ai plutôt vu certains parlementaires, siégeant d’un certain côté de l’hémicycle, tenir la tête des manifestations !Je reconnais, madame Keller, que ce n’est pas votre cas…
En tant qu’élu lorrain, je connais la position des Alsaciens sur le sujet ; à mon sens, elle est tout à leur honneur.
En tout cas, il est tout de même un peu curieux d’entendre dire que le Gouvernement serait d’une inertie totale sur ce dossier, que les parlementaires se révéleraient impuissants, bloqués tantôt par l’article 40 de la Constitution, tantôt par telle ou telle autre disposition constitutionnelle, et que, en conséquence, il reviendrait au Gouvernement de prendre toutes les initiatives.
Après m’être exprimé avec la franchise qui, je crois, m’est habituelle, je vous assure de la disponibilité du Gouvernement, qui est prêt à engager le débat sur la base de ces travaux.
Il reste encore un certain nombre d’étapes à franchir, ne serait-ce que pour la raison que j’ai évoquée à la tribune tout à l’heure : comme on ne dispose pas à l’heure actuelle d’une méthodologie fiable permettant de quantifier les volumes de particules fines rejetés par les véhicules afin de les mentionner sur les cartes grises et sur les documents de certification technique, le dispositif paraît très difficile, pour le moins, à mettre en œuvre en l’état.
Certes, nous avons encore, collectivement, du chemin à parcourir pour aboutir à un système parfaitement vertueux, mais il faut tout de même reconnaître qu’il y a eu, en matière de fiscalité environnementale, de réglementation, de dispositifs incitatifs – je pense notamment à des systèmes de crédit d’impôt, d’encouragement, de bonus-malus – évoluant au fil du temps, des avancées significatives, et pas seulement depuis deux ans. On ne peut donc pas prétendre que rien n’a été fait, sauf à provoquer une réaction un peu vive de ma part ! §
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
I. – Il est instauré une taxe additionnelle à la taxe prévue à l'article 1011 bis du code général des impôts.
II. – La taxe est assise :
a) Pour les véhicules de tourisme au sens de l'article 1010 du même code qui ont fait l'objet d'une réception communautaire au sens de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 sur le nombre de grammes d'oxydes d'azote et de particules fines émis par kilomètre ;
b) Pour les véhicules de tourisme au sens de l'article 1010 autres que ceux mentionnés au a, sur la puissance administrative.
III. – Le barème de l’imposition ainsi que les modalités d'application sont définis par décret.
Nous proposerons tout à l’heure une réécriture complète de cet article 1er, au travers de l’amendement n° 1, élaboré afin de tenter de répondre à différentes suggestions et critiques formulées par des collègues.
Nous avons ainsi renoncé à instaurer une taxe – j’ai beaucoup entendu parler de matraquage fiscal, de hausses d’impôts –, pour instituer à la place un système de bonus-malus. Le dispositif comporte désormais un barème, pour répondre à une objection d’ordre constitutionnel.
Ensuite, concernant l’argument du monopole fiscal des lois financières, nous nous sommes renseignés : un tel monopole n’existe pas dans la loi, comme l’explique très bien un rapport du Sénat publié cette année. Aux termes de ce rapport, « une loi ″ ordinaire ″ peut comporter des mesures relatives aux ressources de l’État […], et ce même si elles ont une incidence sur l’équilibre budgétaire dès lors qu’elles ne ″ bouleversent ″ pas ce dernier ». Il me semble que cette proposition de loi s’inscrit dans ce cadre.
Enfin, le dispositif ne propose certes pas une politique globale, mais je ne vois pas comment une proposition de loi pourrait le faire : une initiative parlementaire est par définition limitée ; par conséquent, nous reprocher de ne pas couvrir toutes les formes de pollution automobile ne me semble pas fondé.
Je précise que le malus ne porte que sur les véhicules neufs. À cet égard, je suis très heureuse d’avoir entendu tout à l’heure M. le secrétaire d’État nous indiquer que Mme Royal, ministre de l’écologie, avait annoncé la création prochaine d’un fonds pour aider les propriétaires de vieux véhicules diesel, particulièrement polluants, à les remplacer par des véhicules plus propres. Cette mesure gouvernementale est très intéressante, mais pourquoi l’opposer à notre initiative, de nature à la fois dissuasive et incitative ?
Je m’attendais à des dizaines de prises de parole sur cet article, qui nous amène au cœur du sujet.
J’ai entendu de grandes déclarations sur le caractère incontestable des ravages sanitaires causés par les particules fines. Il est donc temps que la représentation nationale se mobilise sur ce sujet, consciente que des dizaines de milliers de personnes, appartenant principalement aux classes populaires, comme l’a relevé Mme Keller, sont victimes de ces pollutions.
Une première proposition formulée par le groupe écologiste consiste à recourir à un système de bonus-malus. On a bien vu qu’il s’agit d’un outil incitatif intéressant, permettant de modifier les comportements. D’ailleurs, le Gouvernement utilise à plein ce dispositif à cette fin, ainsi que pour agir sur les filières de l’industrie automobile.
Il reste certainement à discuter du volet « bonus », qui est moins présent dans le dispositif. J’espère que nos collègues feront des propositions sur ce point. Étant donné la gravité du sujet, nous nous grandirions si nous arrivions à une position partagée ici au Sénat. Néanmoins, la proposition de loi ne se limite pas à l’instauration d’un malus ; elle prévoit aussi une forme de bonus pour les véhicules dont les émissions de particules fines ont été fortement réduites. En ce sens, le dispositif comporte une prime à la modernisation. En tout état de cause, s’agissant du malus, il est plus que temps qu’il prenne en compte les émissions de particules fines.
M. le secrétaire d’État a dit un peu rapidement que le Gouvernement, à travers le bonus existant actuellement, avait fait le choix du véhicule propre. Ce n’est pas si vrai. Il a surtout fait le choix de promouvoir une filière unique, la filière électrique. Le bonus concerne aujourd’hui des véhicules plutôt chers, achetés par des gens a priori aisés. Pour ma part, je regrette profondément la décision, prise cette année, de supprimer le bonus pour les petits véhicules thermiques, alors qu’inciter les ménages modestes à l’achat de tels véhicules aurait aujourd’hui une incidence très forte en termes de lutte contre la pollution atmosphérique.
Ce serait de surcroît parfaitement cohérent avec ce que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait annoncé voilà deux ans – c’est-à-dire il y a un siècle ! – lors de la conférence environnementale, à savoir qu’il privilégierait l’évolution de la filière industrielle française. Je le souligne, car je ne voudrais pas que l’on pense que les écologistes sont des irresponsables qui ne se soucient pas des filières industrielles. Je crois même que, sur cette question, nous avons probablement plus discuté avec les constructeurs automobiles que d’autres qui multiplient aujourd’hui les déclarations sur le caractère incontestable des ravages sanitaires des particules fines.
Il s’agit donc d’instaurer un bonus, évidemment financé par un malus, qui permette de développer de nouveau des véhicules thermiques ne fonctionnant pas au diesel. Les constructeurs automobiles français renoncent d’ailleurs au diesel pour les petites cylindrées : nous voudrions les aider à aller encore plus vite en réintroduisant un bonus pour les petits véhicules thermiques.
La proposition d’Aline Archimbaud, qui sera, je l’espère, complétée par nos collègues, permettra d’évoluer vers un dispositif plus cohérent. C’est aussi dans l’intérêt des filières industrielles françaises, qui sont très présentes sur le segment des petits véhicules. Il ne s’agit donc absolument pas d’une proposition qui arrive de nulle part !
Mme la rapporteur pour avis a dit que l’abrasion des plaquettes de frein représentait un plus grave danger que l’émission des gaz d’échappement. Si c’est le cas, il faut s’en préoccuper, lancer d’urgence une étude pour orienter l’action, puisque nous nous accordons tous, à l’exception des radicaux, à reconnaître que les particules fines sont une menace pour la santé ! Sinon, cet élément n’a rien à faire dans notre débat.
Par ailleurs, certains parlent d’« écologie punitive ». Mais l’amende de 100 millions d’euros infligée par l’Union européenne à la France, ce n’est pas une punition ? Qui va payer au final, sinon les contribuables ? Moi, je veux bien que l’on fasse de l’écologie bienfaitrice, par exemple en accordant des subventions à l’agriculture biologique pour favoriser une production plus respectueuse de l’environnement.
On peut faire de tels choix, mais je ne sais pas s’ils vous plairaient, mes chers collègues ! À cet égard, j’ai apprécié que M. le secrétaire d’État précise qu’une taxation pouvait, selon les cas, être punitive, incitative ou signifier une interdiction.
Qu’est-ce qui est punitif, monsieur Requier ? Les particules fines portent atteinte à la santé : n’est-ce pas punitif pour nos concitoyens, tant sur le plan sanitaire que sur le plan financier ? La taxation a pour fonction moins de punir les gens que de prévenir et de réparer les dégâts provoqués par un modèle polluant et néfaste pour la santé, comme tout le monde s’accorde à le reconnaître. En l’occurrence, l’écologie vise à protéger la santé de nos concitoyens. Je ne trouve donc pas qu’elle soit punitive.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez remis les choses en perspective. La mise en place de la contribution climat-énergie a effectivement été un choix politique, que nous, écologistes, avons approuvé, et il est naturel que vous renvoyiez dans les cordes la droite, qui n’a pas fait assez. Cependant, le milliard d’euros d’augmentation de la fiscalité sur le gazole ne provient pas de la mise en œuvre d’un plan conçu pour réduire la part du diesel. En effet, loin d’être davantage taxé que l’essence, le gazole est aujourd’hui favorisé ! Là est le problème ! Par exemple, les taxis peuvent récupérer la TVA sur le gazole, mais pas sur l’essence : ils s’équipent donc de véhicules diesel.
Par conséquent, afin de traiter un problème que l’on voit poindre depuis longtemps, il faut élaborer un plan sur cinq ou dix ans, visant d’abord à rapprocher progressivement les régimes fiscaux des deux types de carburants, puis à rendre la taxation du gazole plus lourde que celle de l’essence, afin d’inciter à l’achat de véhicules fonctionnant à l’essence. Il s’agit de tracer des perspectives, et non pas de prendre une mesure brutale d’augmentation des taxes sur le gazole : il est plus intéressant de mettre en place un véritable plan de développement.
En 2005 déjà, jeune sénateur, j’avais assisté à une réunion avec les constructeurs automobiles. Au lieu d’anticiper les évolutions, de concevoir des véhicules plus propres, plus économes en carburant, ils demandaient la suppression des normes européennes, qui selon eux leur causaient trop de problèmes. Si, à l’époque, la puissance publique et le législateur avaient affirmé nettement qu’il fallait réduire la pollution et la consommation des véhicules, les constructeurs auraient eu le temps de se préparer et d’engager une mutation industrielle.
Effectivement, on sait maintenant que les particules fines peuvent provoquer, dans certains cas, des problèmes pulmonaires. On sait aussi que la bronchiolite est causée par un virus, et non par la pollution.
Je rappelle que les véhicules neufs ont fait de très gros progrès et qu’ils polluent beaucoup moins. Voilà seulement quelques années, on faisait encore beaucoup de publicité pour le diesel. En outre, les gens rémunérés au SMIC ne peuvent pas se permettre d’acheter un véhicule neuf et veulent continuer à rouler avec leur voiture d’occasion. Or si l’on commence à instaurer des taxes sur les véhicules neufs, cela s’étendra bientôt aux véhicules d’occasion.
Je pense qu’il faut faire évoluer le parc progressivement, mais je suis contre la mise en place d’une taxation. C’est pourquoi je voterai contre cet article.
J’ajoute que si dans certaines régions, comme l’Alsace, tout le monde était apparemment pour l’écotaxe, ce n’était pas le cas dans beaucoup d’autres territoires, comme la Bretagne ou le Limousin, dont les habitants y étaient résolument opposés.
Par ailleurs, vous n’avez pas parlé des emplois dans les sociétés de transport. Certes, il faut développer progressivement l’utilisation des camions roulant à l’essence, mais pour l’instant on n’en voit pas. En Limousin, pour les petites entreprises de transport régional, l’écotaxe aurait coûté 10 000 euros par an et par camion. Il faut parler de la pollution, mais aussi des emplois que les taxes vont menacer.
L’article 1er introduit une forme de modulation de la taxation en fonction du volume des émissions de particules fines, mais il semblerait qu’il ne soit pas techniquement si simple d’évaluer le volume de ces émissions.
Au-delà de cet aspect, presque secondaire, nous restons réservés sur la philosophie de cet article.
Le problème posé par nos collègues écologistes est double.
D’une part, le dispositif servirait surtout à alimenter un compte d’affectation spéciale structurellement en déficit. Il est donc à craindre que les considérations budgétaires, qui dominent très nettement ces temps-ci, ne l’emportent sur les préoccupations environnementales.
D’autre part, il nous semble nettement préférable de mobiliser la dépense publique dans sa globalité en matière de protection de l’environnement.
Cela étant, nous voulons être positifs et avancer des propositions de long terme, car les problèmes ne vont pas se résoudre d’un coup de baguette magique.
Dans cet esprit, pourquoi ne pas bonifier des emprunts destinés à financer la recherche en matière de motorisation, en vue d’améliorer encore les performances des moteurs en termes de consommation de carburant et d’émissions de particules ? Pourquoi ne pas lancer dès maintenant une véritable politique de reclassement des salariés du secteur automobile aujourd’hui employés à la construction de véhicules diesel ? Pourquoi ne pas consacrer une part significative du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, au développement du report modal ? Au demeurant, je note que le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une mesure de ce type, tendant à attribuer plus de 1 milliard d’euros provenant de cette taxe à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
La TICPE représente en effet une ressource très importante. En 2015, son rendement devrait s’élever à 26, 5 milliards d’euros en valeur brute, auxquels s’ajouteront 5, 3 milliards d’euros de TVA, soit près de 32 milliards d’euros au total, montant qui n’est pas très éloigné du produit attendu de l’impôt sur les sociétés, alors même alors que les exemptions fiscales atteignent 3, 8 milliards d’euros en valeur brute et 4, 56 milliards d’euros en valeur TTC.
Il y a là, selon nous, du grain à moudre pour mettre en place une vraie politique de protection de l’environnement. Encore une fois, nous maintenons nos réserves sur la philosophie de l’article 1er.
Sur cet article, assez technique, il serait très intéressant de pouvoir bénéficier de l’expertise du Gouvernement… Mais celui-ci a-t-il réellement l’intention de faire quelque chose ? En effet, sur la question des particules, rien n’a été fait ! La contribution carbone ne concerne pas les particules, car les émissions de gaz à effet de serre ne constituent pas une pollution au sens propre du terme.
Si les considérations environnementales avaient prévalu sur les considérations budgétaires, l’écotaxe n’aurait pas été abandonnée – je précise que je n’ai pas manifesté contre l’écotaxe, bien au contraire ! –, les ZAPA, les zones d’actions prioritaires pour l’air, n’auraient pas été abandonnées, la surveillance de la qualité de l’air dans les crèches et les écoles n’aurait pas été abandonnée.
Sur cet article, il serait extrêmement intéressant, je le redis, que le Gouvernement nous fasse profiter de son expertise et nous livre ses propositions.
J’ai dit qu’il était difficile de connaître le taux de particules émises par kilomètre, et par conséquent d’évaluer le dispositif de l’amendement déposé à l’article 1er par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste. Je suis en effet incapable de dire quels véhicules ressortissent à telle ou telle tranche du barème proposé. Comme l’a indiqué M. Bocquet, en l’état, le dispositif présenté semble techniquement inapplicable, sauf à exiger de l’ensemble des constructeurs que soit mentionnée, sur les cartes grises, la quantité de particules fines émises par kilomètre, comme c’est le cas pour les émissions de CO2. Sinon, sur quelle base allons-nous taxer ?
En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale bonus-malus, je précise que s’il a été largement déficitaire dans le passé, il est aujourd'hui quasiment équilibré.
L'amendement n° 1, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 1011 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa du II, après le mot : « carbone », sont insérés les mots : «, le nombre de grammes d’oxydes d’azote et le nombre de particules fines » ;
2° Au premier alinéa du III, après le mot : « taxe », sont insérés les mots : «, pour sa part relative au dioxyde de carbone, » ;
3° Après le III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le tarif de la taxe est obtenu par l’application au tarif pour la part relative au dioxyde de carbone, définie au III, d’une modulation, définie au présent paragraphe, dépendant des caractéristiques d’émission du véhicule. Si un véhicule relève de plusieurs catégories, c’est la catégorie la plus favorable au redevable de la taxe qui est retenue.
« 1° Si le véhicule respecte la norme euro 6, qu’il émet moins de 55 mg/km d’oxydes d’azote et moins de 5x1011 particules fines par kilomètre, alors le tarif défini au III est minoré de 5 % ;
« 2° Si le véhicule respecte la norme euro 6 et qu’il émet moins de 6x1011 particules fines par kilomètre, alors le tarif défini au III est appliqué sans modification ;
« 3° Si le véhicule respecte la norme euro 6, alors le tarif défini au III est majoré de 5 % ;
« 4° Si le véhicule respecte la norme euro 5, alors le tarif défini au III est majoré de 10 % ;
« 5° Si le véhicule respecte la norme euro 4, alors le tarif défini au III est majoré de 15 % ;
« 6° Si le véhicule respecte la norme euro 3, alors le tarif défini au III est majoré de 20 % ;
« 7° Si le véhicule respecte la norme euro 2, alors le tarif défini au III est majoré de 25 % ;
« 8° Si le véhicule respecte la norme euro 1, alors le tarif défini au III est majoré de 30 % ;
« 9° Dans tous les autres cas, le tarif défini au III est majoré de 35 %. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends vos réticences, mais que nous proposez-vous ? Tout le monde convient que nous sommes confrontés à un risque de drame sanitaire : de 20 000 à 40 000 morts par an, ce n’est tout de même pas rien ! Il doit bien être possible de développer des techniques permettant de mesurer les quantités de particules émises ! Que fait-on pour avancer ?
La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons.
Premièrement, cet amendement tend à alourdir la fiscalité pour la quasi-totalité des automobilistes, alors que l’augmentation de la taxe sur le gazole prévue dans le projet de loi de finances pour 2015 pénalise déjà leur pouvoir d’achat. Je rappelle tout de même que, avec le schéma proposé, même les véhicules les moins polluants, c'est-à-dire ceux qui respectent la norme euro 6, seraient pénalisés.
Deuxièmement, le dispositif de l’amendement reste construit comme une majoration du malus frappant les véhicules fortement émetteurs de CO2. Par conséquent, il ne vise pas les véhicules émettant peu de dioxyde de carbone, mais une grande quantité de particules.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je m’en suis déjà longuement expliqué : le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Nous entendons bien les critiques formulées contre notre amendement : je rappelle que la navette sert à remédier aux éventuelles imperfections d’un dispositif. J’invite nos collègues à donner une chance à ce texte.
Par ailleurs, M. le secrétaire d’État nous objecte l’impossibilité, en l’état actuel des technologies, de mesurer les quantités de particules fines émises. Or, sur le site psa-peugeot-citroen.com
Mme Marie-Christine Blandin brandit une tablette numérique.
Je n’aime pas les malentendus, madame la sénatrice. Je n’ai pas dit qu’il était impossible de mesurer les émissions de particules fines. J’ai simplement souligné que ce renseignement ne figurait pas, jusqu’à présent, sur les certificats d’immatriculation des véhicules, ce qui soulève une difficulté technique pour appliquer le dispositif de l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er n'est pas adopté.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Jouanno, M. Capo-Canellas, Mlle Joissains et MM. Roche, Médevielle et V. Dubois, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le a du 1° du 4 de l’article 298 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … À compter du 1er janvier 2017, les gazoles utilisés comme carburants mentionnés au tableau B de l’article 265 du code des douanes, à l’exception de ceux utilisés pour les essais effectués pour les besoins de fabrication de moteurs ou d’engins à moteurs ; »
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Il s’agit d’un amendement récurrent, visant à supprimer, pour les véhicules d’entreprise, la déductibilité de la TVA sur les gazoles, afin d’aligner le régime fiscal de ces carburants sur celui de l’essence. Pour l’heure, la TVA sur l’essence n’étant pas déductible, 96 % des véhicules d’entreprise sont équipés de moteurs diesel.
Afin que le dispositif proposé ne s’applique pas de manière brutale, une entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2017 est prévue. Je suis tout à fait disposée, si le Sénat en exprime le souhait, à reporter d’un an cette échéance : cela donnera trois ans aux professionnels pour prendre en compte l’évolution de la législation, délai qui correspond à la durée habituelle des contrats de location de véhicules d’entreprise.
L’objet est donc que l’utilisation de véhicules diesel n’ouvre plus droit à un avantage fiscal spécifique.
La commission des finances a relevé que l’adoption de cet amendement entraînerait une hausse de la fiscalité pesant sur les entreprises. Il serait donc bon de disposer d’une étude d’impact très précise, afin de pouvoir en mesurer les conséquences économiques, notamment pour les petites entreprises, les artisans et les commerçants.
Par ailleurs, s’agissant d’une disposition de nature fiscale, la commission des finances pense qu’il serait plus judicieux de la présenter lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, que nous entamerons dès demain.
Par conséquent, la commission des finances demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Je voudrais signaler à Mme Jouanno que la mesure qu’elle propose est tout à fait incompatible avec le droit communautaire.
La TVA grevant les dépenses de gazole supportées par les entreprises n’est aujourd'hui, dans certaines situations, que partiellement déductible, la France bénéficiant dans ce domaine, depuis 1979, d’un régime dérogatoire institué sous la forme d’une clause de gel issue de la directive communautaire régissant la TVA. Une disposition qui viendrait renforcer ces restrictions du droit à déduction irait à l’encontre de cette clause de gel et serait alors en contradiction avec le droit communautaire.
J’ajoute que la Commission européenne et le juge communautaire sont très vigilants sur ce point. En effet, par le passé, notamment en 2001, la Cour de justice de l’Union européenne a déjà été amenée à sanctionner la France parce que le législateur avait précisément entendu limiter la déductibilité de la TVA pesant sur le gazole.
Par conséquent, je suggère à Mme Jouanno de retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
J’ai déposé aujourd'hui un amendement de même objet sur le projet de loi de finances pour 2015, mais je préférerais que celui de Mme Jouanno soit adopté maintenant, car cela constituerait un vrai signal.
Aujourd'hui, s’agissant des taxis et des véhicules d’entreprise, la TVA est déductible pour le gazole, mais pas pour l’essence. C’est tout de même formidable ! Il semblerait logique que les régimes de ces deux types de carburants soient alignés.
Si vous voulez conserver un peu de déductibilité, monsieur le secrétaire d’État, sachez que l’un des amendements que je présenterai lors de l’examen du projet de loi de finances prévoit que l’on puisse déduire la TVA pour les véhicules hybrides. Mais je trouve stupéfiant que vous affirmiez que l’Europe favorise le gazole par rapport à l’essence ! Pour notre part, nous proposons de supprimer la déductibilité de la TVA sur le carburant pour les véhicules diesel. Il n’est tout de même pas normal, alors que le gazole est nocif, qu’il soit favorisé par rapport à l’essence, par le biais de la déductibilité de la TVA ! Et cela dure depuis des années ! Quand va-t-on mettre fin à cette aberration ?
Nous l’avons démontré tout à l’heure, il s’agit là d’une véritable aberration fiscale !
L’exemple des taxis est tout à fait significatif. Avec le système actuel, on oblige quasiment les professionnels, qui ne roulent qu’en ville, à acheter des véhicules diesel. Pourtant, on sait que c’est en ville, dans les rues canyons, que les risques pour la santé publique sont le plus aigus.
Mme la rapporteur a émis un avis défavorable au seul motif que l’adoption de cet amendement augmenterait la fiscalité pesant sur les entreprises. Il s’agit là d’une position quelque peu pavlovienne : même si la situation actuelle est aberrante, même si elle emporte des conséquences désastreuses en termes de santé publique, on ne bouge pas !
Je rappelle tout de même que les entreprises de ce pays ne sont pas en tout point maltraitées par le Gouvernement, puisqu’un certain nombre de redéploiements fiscaux en leur faveur ont été décidés. Il ne serait pas scandaleux que, en regard, quelques correctifs viennent remédier à certaines aberrations fiscales.
Qui plus est, il me semble que Mme la rapporteur est plutôt favorable à la réduction du déficit budgétaire que connaît notre pays. Or la suppression d’une mesure de déductibilité de TVA apporterait un surcroît de recettes au budget de l’État. Cela permettrait donc à la fois de réduire le déficit budgétaire et de répondre à un problème de santé publique.
Si M. le secrétaire d’État estime qu’il n’est pas opportun d’adopter aujourd’hui une telle disposition, qu’il nous dise comment il compte procéder pour mettre un terme à l’aberrante situation actuelle ! Il faut avancer ! Nous aimerions donc entendre vos propositions, monsieur le secrétaire d’État.
Nous serions prêts à voter cet amendement, mais le délai prévu nous semble un peu court, notamment pour permettre aux PME-PMI de s’adapter. Pour autant, sur le fond, nous sommes d’accord.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je l’ai déjà dit, notre assemblée doit aussi se préoccuper de l’emploi. Il faut certes réorienter progressivement le parc des poids lourds vers l’utilisation de l’essence, mais, pour l’instant, nous n’en sommes pas là. Supprimer la déductibilité de la TVA sur le gazole serait catastrophique pour les entreprises de transport !
Je souhaite proposer une rectification de l’amendement, monsieur le président, pour faire suite à la réserve que j’ai exprimée. À l’instar de ce que prévoit déjà un autre amendement de Mme Jouanno, nous suggérons que l’échéance pour l’application du dispositif soit reportée au 1er janvier 2020. Le groupe CRC serait prêt à voter l’amendement ainsi modifié.
Madame Jouanno, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
Je l’accepte tout à fait. L’essentiel est de fixer un délai permettant de donner aux acteurs économiques une visibilité, une orientation de long terme : 2020 me semble très bien.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, M. Capo-Canellas, Mlle Joissains et MM. Roche, Médevielle et V. Dubois, et ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le a du 1° du 4 de l’article 298 du code général des impôts, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Les gazoles utilisés comme carburants mentionnés au tableau B de l’article 265 du code des douanes, à l’exception de ceux utilisés pour les essais effectués pour les besoins de fabrication de moteurs ou d’engins à moteurs ; ».
II. - Le I s'applique à compter du 1er janvier 2020.
Je le mets aux voix.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Jouanno, M. Capo-Canellas, Mlle Joissains, M. Kern, Mme Gatel et MM. Roche, Médevielle et V. Dubois, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1609 quater A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
b) Au quatrième alinéa, les mots : « dans la limite d'un seuil défini par décret en Conseil d'État » sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa du II, les mots : « par décret en Conseil d'État » sont remplacés par les mots : « par délibération des collectivités ou groupements de collectivités intéressés ».
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Cet amendement a trait à la question des péages urbains, sujet sans doute moins consensuel.
Pour que les collectivités puissent mettre en place un péage urbain, il faut systématiquement recourir à une forme d’habilitation législative. Dans notre parti, nous sommes très décentralisateurs, et nous estimons qu’il appartient aux collectivités de prendre la décision ; libre ensuite aux électeurs de reconduire ou non l’équipe en place !
Sur cette question des péages urbains, je vous invite à consulter deux très bonnes études. La première, datant de 2009, émane du Centre d’analyse stratégique, devenu le Commissariat général à la stratégie et à la prospective. La seconde a été réalisée en 2014 par l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Ces études montrent qu’un péage urbain peut répondre à différents objectifs : la décongestion d’une agglomération – c’était le cas du péage de Londres, qui n’est pas forcément le meilleur exemple à suivre – ou la modulation de l’accès aux villes pour limiter les nuisances environnementales, comme à Oslo, à Milan ou à Stockholm.
Il s’agit donc, par cet amendement, de laisser la liberté aux collectivités locales d’expérimenter ou non les péages urbains. Honnêtement, je ne pense pas qu’il incombe au législateur d’en décider.
L’avis de la commission est défavorable.
En fait, cet amendement vise à rendre plus facile le recours à l’expérimentation des péages urbains par les collectivités intéressées.
L’article 1609 quater A du code général des impôts prévoit la possibilité, pour les collectivités, de recourir à l’expérimentation d’un péage urbain, en la soumettant à autorisation par décret en Conseil d’État.
Il est vrai que le processus est assez lourd pour les collectivités concernées, mais, du point de vue de la commission des finances, le dispositif existant est pertinent : l’encadrement du recours à l’expérimentation par une autorisation par décret en Conseil d’État a plus vocation à protéger les collectivités locales qu’à les empêcher de s’engager dans cette voie.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Sénat vient d’adopter un amendement introduisant un dispositif dont il ne fait aucun doute, pour le Gouvernement, qu’il est contraire au droit de l’Union européenne. Le présent amendement est, lui, contraire à la Constitution… Mais on peut se lâcher !
Sourires.
L’article 37-1 de la Constitution prévoit la possibilité de recourir à des dispositifs expérimentaux dans la mesure où ceux-ci ont un objet et une durée limités. Or la mesure proposée tend à supprimer la durée de trois ans prévue pour l’expérimentation visée.
Par ailleurs, en supprimant tout encadrement, l’adoption de l’amendement est susceptible de créer une situation d’incompétence négative du législateur. Ce serait un deuxième motif d’inconstitutionnalité. L’amendement, qui vise à pérenniser l’expérimentation, ne comporte pas de mesure garantissant l’effectivité du recouvrement, qu’il s’agisse de sa gestion, de son contrôle ou des sanctions.
Le Gouvernement estimant que cet amendement est contraire à des principes constitutionnels, en particulier à l’article 37-1 de la Constitution, son avis est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Jouanno, M. Capo-Canellas, Mlle Joissains et MM. Roche, Médevielle et V. Dubois, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En 2020, les taux de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques supercarburants sans plomb et gazoles sont équivalents.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
À propos de l’amendement précédent, que je présente pourtant tous les ans, j’observe que c’est bien la première fois que l’on m’oppose l’argument constitutionnel !
Le présent amendement, lui aussi récurrent, vise à aligner la fiscalité du gazole et celle de l’essence. M. le secrétaire d’État me dira que la convergence a déjà commencé. C’est une bonne chose, mais il faut poursuivre dans cette voie, de façon prudente et progressive, en donnant de la visibilité aux acteurs. Ainsi, il est proposé de réaliser l’alignement sur cinq ans, d’ici à 2020. Là encore, libre à mes collègues de proposer un calendrier un peu plus long.
L’annulation de l’écart de taxation entre le gazole et l’essence permettrait la suppression d’une niche fiscale anti-écologique qui, selon un rapport d’avril 2011 du ministère du budget, grèverait les comptes publics à hauteur de 6, 9 milliards d’euros par an.
L’avis est défavorable. Aligner, même progressivement, la fiscalité pesant sur le gazole et celle pesant sur l’essence reviendrait à alourdir encore les taxes sur le gazole à l’horizon de 2020, alors qu’elles augmenteront déjà de 4 centimes par litre en 2015. La loi de finances pour 2014 a en effet fixé une trajectoire, certes modeste, de hausse de la fiscalité du gazole par rapport à celle de l’essence dans le cadre de la mise en place de la contribution climat-énergie, qui couvre la période 2014-2016.
De plus, sur la forme, un tel amendement aurait davantage sa place lors de l’examen du projet de loi de finances. En outre, je ne suis pas sûre que sa rédaction soit opérante, car elle est très imprécise, se bornant à fixer un objectif général sans définir de trajectoires de hausse et de baisse de la fiscalité des carburants concernés.
Le groupe écologiste s’abstiendra sur cet amendement.
Il est probable que les consommations de carburants des véhicules vont continuer de baisser au cours des cinq ans à venir. Si nous sommes bien entendu pleinement d’accord sur le principe d’un réajustement de la fiscalité du gazole, nous considérons que, dans la situation budgétaire actuelle, il faut absolument éviter que les recettes de l’État, et partant sa capacité d’action, ne se trouvent réduites. Or c’est ce à quoi l’adoption de cet amendement mènerait. En se bornant à rééquilibrer les fiscalités, sans baisser les taxes sur l’essence, on maintiendra les recettes.
Je tiens cependant à redire à Mme la rapporteur qu’un pays qui ne se pose pas la question des flux pour se moderniser n’avance plus. En s’opposant par principe à toute hausse des recettes fiscales, on fait exactement l’inverse de ce que font les grands pays du nord de l’Europe. Aujourd’hui, un pays comme la Suède, qui a instauré une taxe carbone très élevée sur les carburants, est beaucoup plus égalitaire que le nôtre et dispose de capacités de modernisation bien plus grandes.
Nous devons aujourd’hui recréer des flux maîtrisés par l’action publique, qui permettent la modernisation du pays. En l’espèce, nous avons la possibilité de mobiliser à cette fin plusieurs milliards d’euros en supprimant un cadeau fiscal aberrant.
Cette proposition nous paraît intéressante, mais, faute d’étude d’impact permettant de déterminer précisément ses incidences en termes de recettes et de dépenses fiscales, nous ne pouvons pas la voter en l’état, même si sa logique est pertinente.
L’idée originelle, madame la rapporteur, était de mettre en place, parallèlement, une baisse de la fiscalité pesant sur l’essence et une hausse progressive de la fiscalité pesant sur le gazole, afin d’aboutir à la neutralité fiscale, sachant que le rôle du législateur n’est pas nécessairement, loin de là, de faire de la fiscalité de rendement.
Nous voulons délivrer un message politique : il n’y a aucune raison aujourd’hui de favoriser un carburant plutôt qu’un autre. L’objectif doit être la parité. Je rejoins en cela les conclusions du rapport de 2005 de la Cour des comptes, laquelle estimait que les niches fiscales en faveur du diesel n’avaient aucune justification et devraient être supprimées.
Simple sénatrice, ne disposant ni des moyens de la commission des finances ni de ceux du Gouvernement, je veux bien récrire l’amendement dans le détail et réaliser l’étude d’impact, mais cela demandera un certain temps ! J’avais déjà déposé cet amendement l’an dernier, en espérant qu’il puisse inspirer un travail gouvernemental sur le sujet. Cela n’a malheureusement pas été le cas.
Je soutiens cet amendement, qui a sa logique. Souvenons-nous de l’époque, pas si lointaine, où des campagnes de communication à destination du grand public expliquaient que le gazole était moins polluant que l’essence. Il convient donc de mener une politique incitative et progressive, afin que les acteurs économiques ne se sentent pas piégés. À cet égard, le dispositif de l’amendement, qui prévoit un alignement de la fiscalité sur le gazole et de la fiscalité sur l’essence à l’horizon de 2020, me semble pertinent.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Jouanno, M. Capo-Canellas, Mlle Joissains et MM. Roche, Médevielle et V. Dubois, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La septième ligne de la dernière colonne du tableau constituant le dernier alinéa du B du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes est ainsi rédigée :
« 160, 8 (500 à compter du 1er janvier 2017, 1 000 à compter du 1er janvier 2019) »
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Il s’agit encore une fois d’un amendement récurrent, que je défendrai d’ailleurs aussi lors de l’examen du projet de loi de finances. Il est encore moins consensuel que les précédents, puisqu’il vise à augmenter le taux de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, pour les émissions d’oxyde d’azote, conformément aux engagements pris lors du Grenelle de l’environnement. Il avait alors été décidé de la porter en 2010 à 107, 2 euros la tonne, puis, à partir de janvier 2012, à 160, 8 euros la tonne. Malgré ce triplement de la taxe, nous sommes encore très loin du compte au regard du coût sanitaire induit par les oxydes d’azote. En Suède, pays qui a priori n’est pas sous-développé et fait plutôt rêver, le montant de la taxe s’élève à 4 400 euros la tonne.
Nous proposons donc, au travers de cet amendement, certes provocateur mais raisonné, d’augmenter la taxe sur les oxydes d’azote, jusqu’à 1 000 euros la tonne à compter du 1er janvier 2019.
Je n’ai aucune illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, mais je tiens à alerter sur la gravité du danger présenté par les oxydes d’azote, sur leurs effets sanitaires et sur le fait que d’autres pays ont pris à bras-le-corps ce sujet.
Madame la sénatrice, cette proposition n’est pas raisonnée, elle est disproportionnée ! En effet, si l’on vous suivait, la taxe augmenterait de 521 % en deux ans, ce qui n’est tout de même pas très raisonnable…
L’amélioration de la qualité de l’air est un vrai sujet de santé publique, nous l’avons tous dit ce soir, mais on ne peut pas tout régler par l’alourdissement de la fiscalité. En outre, la TGAP air a déjà été modifiée en 2013 et en 2014, dans le sens d’un renforcement.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Les termes me semblent un peu contradictoires, cela étant l’imagination créative est de mise ce soir… Quoi qu’il en soit, le Gouvernement retient surtout le côté provocateur de cet amendement. Pour sa part, ne souhaitant provoquer personne et souhaitant au contraire rassembler tout le monde autour d’un projet raisonné, il émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Jouanno, M. Capo-Canellas, Mlle Joissains, Mme Gatel et MM. Roche, Kern, Médevielle, V. Dubois et Longeot, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 122-4 du code de la voirie routière est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La convention de délégation et le cahier des charges doivent prévoir une tarification réduite pour les véhicules d’un poids total autorisé en charge de moins de 3, 5 tonnes et émettant moins de 50 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre. »
II. - Les modalités d’application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d’État.
III. - Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par l’allongement de la durée des concessions autoroutières.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Cet amendement est beaucoup plus simple, puisqu’il s’agit de prévoir une tarification préférentielle sur autoroutes pour les véhicules les moins polluants, en se fondant sur la norme d’émission de CO2 de 50 grammes par kilomètre, qui couvre l’électrique, mais aussi l’hybride rechargeable et l’électrique à prolongateur d’autonomie.
Cette proposition reprend une recommandation de la mission Hirtzman sur le véhicule électrique. Le Gouvernement avait d’ailleurs annoncé la mise en place d’un tel tarif préférentiel : c’est pour l’aider que j’ai déposé cet amendement.
La commission n’est pas du tout certaine que l’adoption de cet amendement aiderait le Gouvernement. Elle estime au contraire que cela lui compliquerait les choses. L’État doit déjà renégocier avec les sociétés d’autoroutes, notamment depuis l’abandon de l’écotaxe. Le dossier est très lourd… L’avis de la commission est défavorable.
Madame la rapporteur, je vous remercie de votre aide.
Vous dites, madame Jouanno, qu’adopter votre proposition permettrait de simplifier les choses ? Si j’ai bien compris cet amendement, lorsqu’un véhicule se présentera au péage, une personne ou un lecteur automatique devra reconnaître le type de ce véhicule, identifier le niveau de ses émissions de CO2…
La difficulté à laquelle nous étions confrontés pour les particules fines n’existe pas ici, mais il faudra multiplier les classes de tarifs, car il faudra distinguer en outre entre les véhicules de tourisme, les poids lourds, avec ou sans remorque, les camping-cars, etc. Prétendre comme vous le faites, madame la sénatrice, qu’il s’agit d’une mesure de simplification ne me semble donc pas très sérieux.
Une majorité précédente que vous connaissez bien a passé avec les sociétés d’autoroutes des contrats sur lesquels je travaille depuis un certain temps, pour les raisons qu’a indiquées en creux Mme la rapporteur. Ces contrats ont été si bien ficelés qu’ils incluent des clauses en vertu desquelles, en cas de variation de la fiscalité ou de la législation conduisant à modifier les tarifs, la société d’autoroutes sera en droit de réclamer des compensations, tel un allongement de la durée de concession. Voilà quelles seraient les conséquences de l’adoption de votre amendement, madame la sénatrice !
En conclusion, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je suis d’accord avec Mme Jouanno : les portiques auraient parfaitement permis de discriminer n’importe quel type de véhicule. Cet aspect technique n’est donc pas vraiment gênant.
En revanche, comme vient de le dire M. le secrétaire d’État, par pitié, n’allongeons pas encore la durée des concessions autoroutières ! Un groupe de travail a été créé, au sein de la commission du développement durable, pour auditionner les exploitants d’autoroutes et tous les acteurs de ces contrats mirifiques ayant assuré des rentes extraordinaires aux géants du secteur du BTP.
Par conséquent, nous voterons résolument contre cet amendement.
Eu égard aux négociations en cours avec les sociétés d’autoroutes, on peut comprendre que le calendrier pose problème. Soit dit en passant, monsieur le secrétaire d’État, j’ai beau avoir un certain âge, j’étais très loin d’être au Gouvernement à l’époque de la signature des contrats en question…
En revanche, l’argument de la complexité technique du dispositif ne tient vraiment pas la route, c’est le cas de le dire ! Des systèmes de tarification différentielle existent déjà pour les péages ou, à Paris, pour le stationnement, celui-ci étant gratuit pour les véhicules électriques.
Excusez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais nous sommes en train de parler d’écologie, de chercher des solutions ensemble, en reprenant des propositions que le Gouvernement a lui-même formulées. Ce n’est pas le moment, ce soir, de faire de la politique : ce débat de santé publique mérite autre chose.
Madame la sénatrice, vous avez affirmé que l’adoption de cet amendement permettrait de simplifier les choses.
Je ne l’ai pas inventé ! Je ne vous ai pas répondu que mettre en œuvre votre proposition était techniquement impossible, comme c’était le cas tout à l’heure à propos des émissions de particules fines, j’ai simplement dit que cela conduirait à multiplier les critères et à complexifier les tarifications des péages autoroutiers. Je ne suis pas forcément un adversaire de la complexification, mais je réponds à l’argument de simplification que vous avez avancé tout à l’heure. Le compte rendu des débats nous départagera, puisque vous semblez nier l’avoir employé.
Monsieur le secrétaire d’État, depuis tout à l’heure, vous avancez des arguments tout à fait logiques et légitimes : en béton, allais-je dire !
En l’espèce, on ne peut pas parler de simplification, je vous rejoins sur ce point. Pour autant, je regrette l’attitude défensive du Gouvernement. Certes, le sujet est complexe, mais il s’agit d’un problème de santé publique. Je ne crois pas que l’on en soit suffisamment conscient. Je vous suggère de discuter avec les pneumologues, de vous rendre dans les hôpitaux : ce sont les plus âgés et les plus jeunes d’entre nous, soumis à des taux de pollution très élevés, qui souffrent au premier chef. Certes, tout est compliqué et difficile, dans ce pays, mais en tirer argument pour ne pas agir ne me semble pas à la hauteur des circonstances.
Il s’agit ici d’un amendement d’appel. Aux États-Unis, par exemple, le covoiturage est pris en compte sur certaines autoroutes. Il est très compliqué de déterminer le nombre de personnes à bord de chaque véhicule, mais les Américains y arrivent !
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, c’est d’une volonté politique dont nous avons besoin pour faire bouger les lignes dans ce domaine. Je ne demande pas la révolution ; je souhaiterais simplement que la santé de nos concitoyens ne soit pas considérée comme une simple variable d’ajustement. §
L'amendement n'est pas adopté.
Avant le 31 mai 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles. –
Adopté.
I. – À partir du 1er janvier 2016, un certificat de diagnostic d'éco-entretien, datant de moins d'un an, est fourni par le vendeur à l'acquéreur lors de la cession de tout véhicule diesel d'occasion de plus de 4 ans. Le diagnostic d'éco-entretien porte sur l'ensemble des émissions polluantes du véhicule.
II. – Un décret précise les modalités d'application du I.
L'amendement n° 2, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Préalablement à la vente d’un véhicule particulier ou utilitaire léger de quatre ans ou plus, le vendeur fait effectuer par un professionnel de l’automobile un diagnostic thermodynamique du moteur et de ses émissions suivantes : monoxyde de carbone, hydrocarbures imbrûlés, oxydes d’azote, dioxyde de carbone, oxygène et particules fines.
Le vendeur remet à l’acheteur potentiel un rapport détaillé indiquant les résultats des mesures effectuées.
Le rapport ne doit pas être antérieur de plus de trois mois à la date de la vente.
Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret avant le 1er janvier 2016.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Il a été dit que les dispositions de cet article figuraient déjà dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Toutefois, ce texte ne mentionne ni les particules fines ni les oxydes d’azote. Le présent amendement le reprend, en comblant cette lacune. Il nous semble préférable que le Sénat vote cette mesure dès aujourd’hui.
La commission des finances a jugé inutile d’avoir une double navette. Je note que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, que la Haute Assemblée aura bientôt à examiner, est encore susceptible d’être modifié. On ne peut donc pas affirmer aujourd’hui que son texte sera identique à celui qui nous est soumis ce soir. La commission émet un avis défavorable.
Cette disposition figure déjà dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. Ajouter la mention des particules fines ne pose aucun problème au Gouvernement, qui s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement aurait préféré que l’échéance prévue soit repoussée au 1er janvier 2017, mais cette modification pourra être apportée au cours des deux navettes à venir. Je note moi aussi, à ce propos, que les doubles navettes ne sont pas souhaitables.
L'amendement est adopté.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le secrétaire d’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si l’amendement n° 4 rectifié bis de Mme Jouanno n’avait pas été adopté, le Gouvernement n’aurait pas été défavorable à l’adoption de la proposition de loi, mais la disposition introduite est contraire, je le maintiens, au droit de l’Union européenne. Dès lors, le vote de cette proposition de loi ainsi modifiée mettrait dans l’embarras le Gouvernement.
On l’a bien compris, il n’y a pas consensus sur l’article 1er, qui n’a pas été adopté, seuls les écologistes l’ayant voté. Dont acte ! À l’évidence, un grand travail reste à accomplir. Le texte qui subsiste est donc extrêmement ouvert, il ne dit pas la fin de l’histoire.
Exception faite de notre collègue radical, tous les orateurs ont souligné que le risque sanitaire est incontestable. Il me semble que nous avons fait un premier pas ce soir pour ouvrir le débat. Le processus législatif n’en est qu’à son début. Une représentation nationale responsable qui souligne l’existence d’un risque sanitaire majeur permet la continuité du travail parlementaire. Il est de notre responsabilité, aujourd’hui, d’affirmer que nous nous engageons collectivement à trouver une solution au cours de la navette.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien la réserve que vous émettez quant à la déductibilité de la TVA, mais comprenez que le vote intervenu ce soir est, de fait, un vote d’appel, dans la perspective de la deuxième lecture. Nous savons tous que cette question de la déductibilité de la TVA devra également être traitée.
Ce soir, nous sommes, me semble-t-il, dans une situation assez favorable pour définir ensemble le meilleur mécanisme financier, qu’il s’agisse d’une taxe, d’un bonus-malus ou d’un autre dispositif, afin de traiter un problème de santé publique. Nous avons tout à fait le temps d’organiser un groupe de travail pluraliste pour approfondir la réflexion.
Ce problème est très grave et n’a rien de théorique. Il s’agit d’une pollution qui cause des dizaines de milliers de morts. Il y a vingt ans, j’ai été confronté, en tant que jeune père de famille, à un cas de bronchiolite. À l’époque, cette pathologie était rare. Elle est liée à un virus, mais elle est également provoquée par la pollution. La conjonction des facteurs a provoqué le pic de bronchiolites que nous connaissons aujourd’hui. Désormais, cette affection touche de nombreux Français.
Mes chers collègues, si, ce soir, le Sénat repousse ce texte, alors que le Gouvernement n’a, à aucun moment, offert la moindre esquisse de solution, il enverra un signal tout à fait désastreux. Cela reviendrait à dire que nous ne nous saisissons pas d’un problème dont l’extrême gravité a pourtant été reconnue par tous.
Je sais qu’il existe des consignes de groupe.
Cela étant, la manière dont nous avons débattu de ce texte indique clairement que nous lançons aujourd’hui un processus de travail collectif. En votant cette proposition de loi, nous dirons aux Français que nous ne nous contentons pas de déclamer de grandes phrases à la tribune, mais que nous travaillons sérieusement à dégager un véritable consensus !
On ne le dira jamais assez, les risques pour la santé liés à l’utilisation des moteurs diesel sont avérés : la pollution induite cause entre 42 000 et 50 000 morts prématurées par an, multiplie les risques d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral, d’infection respiratoire et même de cancer des voies aériennes, entraîne des centaines de milliers d’hospitalisations pour des problèmes cardiaques et respiratoires.
Sur le plan économique, le tableau est également très sombre : chaque année, la pollution de l’air coûte environ 50 milliards d’euros et entraîne 650 000 journées d’arrêt de travail. Cerise sur le gâteau, le diesel bénéficie d’un cadeau fiscal de l’ordre de 7 milliards d’euros.
Un consensus existe sur le constat de la nocivité du diesel, dénoncée depuis trente ans par des travaux de l’Organisation mondiale de la santé et nombre de rapports médicaux. Pour autant, nous n’avançons pas ! En ce qui me concerne, je comprends que, devant notre inertie, les organisations non gouvernementales, les représentants de la société civile prennent l’initiative de saisir les juridictions pour placer l’État face à ses responsabilités.
J’ai été l’une des premières avocates à attaquer l’État au titre de la pollution de l’air, il y a plus de quinze ans. Force est d’admettre que, aujourd’hui, en 2014, nous ne progressons que très difficilement sur ce sujet.
Ce qui me frappe ce soir, c’est que nous nous sommes tous accordés, à une exception près peut-être, sur un constat : la situation sanitaire est extrêmement grave, alarmante. Ce consensus est déjà, en soi, un point important.
Le processus législatif est loin d’être achevé et demeure très ouvert : plusieurs réécritures sont déjà intervenues, sur la base de suggestions émanant des uns et des autres. Conservons cette dynamique. Personne ne comprendrait que les parlementaires, après avoir dressé un constat aussi alarmant, ne prennent pas leurs responsabilités pour travailler à des solutions.
Le sujet est certes compliqué, ardu, mais on ne peut pas renoncer. C’est impossible ! La navette permettra de faire encore évoluer le texte : donnons-nous la chance d’œuvrer, dans la durée, à l’émergence de solutions concrètes. Ne concluons pas sur un constat d’impuissance !
Il existe un risque de santé publique, c’est indéniable, mais, dans le monde rural, on a besoin de voitures ! Pour ma part, j’aime bien ma voiture diesel, elle est à la fois souple et puissante…
Sourires.
On ne peut pas changer les modes de motorisation du jour au lendemain : il y faut du temps et des incitations fiscales. On a longtemps critiqué le diesel, parce que ça polluait, ça sentait mauvais, …
M. Jean-Claude Requier. … mais son image a tout de même changé. Aujourd’hui, il y a même une marque de vêtements qui a pris pour nom « Diesel » !
Rires.
Nous étions contre l’article 1er. Celui-ci ayant été supprimé, nous nous abstiendrons.
Il faut essayer d’améliorer les choses, mais aussi laisser aux constructeurs de camions et de voitures le temps de faire évoluer leur production. Sur le plan économique, l’application des dispositions du présent texte serait très mauvaise pour l’emploi. Je voterai donc contre.
Il serait à mon sens difficile d’expliquer à nos concitoyens que l’on puisse voter contre un texte prévoyant d’une part la remise d’un rapport, d’autre part la suppression de la déductibilité de la TVA sur le gazole pour les véhicules d’entreprise… en 2020 !
Nous allons bientôt débattre du projet de loi de finances, du projet de loi de santé publique, du projet de loi relatif à la transition énergétique… Cela nous permettra de corriger ce dispositif ou de l’intégrer dans un autre texte, mais, au moins, ne fermons pas le débat ! Vraiment, je vois mal comment on pourrait expliquer demain que l’on a voté contre ce texte ! Avant la suppression de l’article 1er, on pouvait justifier un tel vote, mais il est maintenant politiquement plus difficile de fermer le ban.
J’entends bien que l’on se préoccupe de l’aspect économique, mais, au cours de l’élaboration de la loi de finances, on ne cesse de proposer de supprimer en partie les cotisations sociales ou d’introduire une fiscalité écologique. Il faut donc opérer ce mouvement de bascule que tout le monde réclame et s’accorde à trouver légitime. De telles mesures ne sont jamais votées !
Demandons-nous comment, demain, nous expliquerons à nos concitoyens que nous avons voté contre un texte finalement assez soft, qui ne prévoit que la remise d’un rapport et un engagement à l’horizon de 2020 !
Ce texte ne tiendra pas ! Il tombera à la première question prioritaire de constitutionnalité !
Ce texte soulève un véritable problème et a le mérite, à mon avis, d’accélérer non seulement la réflexion, mais aussi la prise de décision.
L’article 1er bis peut être vu comme un article d’alerte. Il pose le principe de la fin de la déductibilité de la TVA sur le gazole en 2020, mais il ne me semble pas évident d’annoncer cela de but en blanc à toutes les professions concernées, qui prendront inévitablement ce vote non comme une orientation pour l’avenir, mais comme une quasi-décision. Nous entrerions alors, que nous le voulions ou non, dans un processus bouleversant brutalement l’ensemble de notre système fiscal. C’est la raison pour laquelle, tout en soulignant l’intérêt des propositions qui ont été faites, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Nous ne souhaitons pas fermer la porte à toutes les améliorations possibles, mais nous nous refusons à déstabiliser tout un ensemble de professions, qui pourraient mal réagir à une annonce pour le moins imprévue.
Sourires.
Durant la discussion générale, vous parliez d’urgence, mais il semble que, pour vous, l’urgence, ce soit 2020 ! À ce rythme, on n’est pas près de régler les problèmes de la France !
Jusqu’en 2020, on ne doit surtout pas toucher aux avantages fiscaux dont bénéficie le diesel. Bien entendu, il est encore moins question de taxer davantage le gazole que l’essence à cause de sa nocivité…
On aurait pu considérer qu’il s’agit d’un objectif, d’une indication donnée aux constructeurs, mais non ! Franchement, vous les socialistes, vous n’êtes pas pressés ! §Pourquoi avez-vous passé accord avec nous ? Vous saviez que nous étions écologistes et que nous avions la volonté de changer les choses en matière d’environnement ! Vous nous félicitez à chaque fois d’aborder un vrai problème, mais quand il s’agit d’apporter des solutions, 2020, c’est trop tôt : ce sera peut-être pour 2025, si vous êtes encore au pouvoir ! Mais enfin, ce n’est pas sérieux !
Monsieur Chasseing, vous vous trompez en pensant qu’il faut défendre aujourd’hui des industries polluantes dont personne ne veut plus. Bientôt, nous ne parviendrons plus à écouler nos véhicules diesel au niveau mondial. Si, aujourd’hui, nous ne réfléchissons pas à la mise en place de filières nouvelles, économes, respectueuses de l’environnement et de la santé, nous ne développerons rien et nous continuerons à nous enfoncer !
M. Daniel Chasseing s’exclame.
Les filières industrielles doivent s’appuyer sur l’innovation, le respect de l’environnement. Ceux qui font un choix contraire condamnent le pays à ne pas se développer. Entre vous, qui défendez des filières sans avenir, et les socialistes, qui ne sont pas pressés, nous ne sommes pas sortis de l’auberge !
Sourires.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 30 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue le jeudi 20 novembre 2014, à zéro heure dix, est reprise à zéro heure quinze.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe écologiste, de la proposition de loi relative à l’instauration d’une journée des morts pour la paix et la liberté d’informer, présentée par Mme Leila Aïchi (proposition n° 231 [2013-2014], résultat des travaux de la commission n° 577 [2013-2014], rapport n° 576 [2013-2014]).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Leila Aïchi, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis fière que ce texte visant à instaurer une journée en hommage aux morts pour la paix et à ceux qui œuvrent chaque jour pour la liberté d’information, fondement même de nos valeurs et de notre modèle démocratique, soit – enfin ! – examiné par la Haute Assemblée.
Son objet est des plus simples. Dans le cadre de la Journée internationale de la paix, fixée au 21 septembre par l’Organisation des Nations unies, je propose que la France rende officiellement hommage aux journalistes et aux travailleurs humanitaires morts dans l’exercice de leurs activités sur le terrain. Il s’agit là de reconnaître et d’encourager le travail de tous les défenseurs des droits humains et des libertés fondamentales, partout où ils se trouvent.
Ce texte s’inscrit dans la continuité de la résolution 36/37 du 30 novembre 1981, aux termes de laquelle l’Assemblée générale des Nations unies considère que « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix » et que, pour être solide, la paix doit « être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité ». C’est dans ce même esprit que je vous invite, mes chers collègues, à examiner cette proposition de loi.
Voilà deux ans, lors de l’examen du projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la paix, notamment les soldats décédés en opérations extérieures, j’avais déjà exposé devant vous le principe de non-discrimination des morts. J’avais alors proposé de ne pas céder à la précipitation et d’engager un débat approfondi, apaisé, sur un sujet très délicat.
Je vous avais également invités à repenser le sens que nous donnons au mot « héros » : les hommes et les femmes concernés aujourd’hui par cette proposition de loi sont tous des héros ! Nous nous étions alors entendus sur l’importance de rendre hommage à tous les morts pour la France. Ce n’est nullement mon intention de remettre en cause ce devoir de mémoire. Loin de là ! Il s’agit, au contraire, de reconnaître l’évolution des acteurs et la nature même des conflits et, ainsi, de rendre hommage aux civils qui, à leur manière, combattent au quotidien la barbarie et la violence.
C’est pourquoi, voilà deux ans, je vous avais présenté un amendement visant à instaurer une journée de commémoration des « morts pour la paix et la liberté d’informer ». D’un commun accord avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et à la demande expresse de son ancien président, M. Carrère, j’avais retiré mon amendement pour permettre un vote conforme. D’ailleurs, M. Carrère, reconnaissant l’intérêt d’un tel amendement, avait estimé « plus judicieux qu’il soit déposé sous forme d’une proposition de loi ».
Forte de cet engagement, c’est ce que je fais, deux ans plus tard ! Mais peut-être ai-je été naïve ?...
Oui, je l’ai été ! J’aurais dû faire miens les propos, fort pertinents, d’un ancien sénateur, avec lequel on ne saurait un seul instant me prêter une quelconque affinité politique, je veux parler de Charles Pasqua, qui déclarait avec réalisme que « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » !
La proposition de loi que je soumets aujourd'hui à la sagesse de la Haute Assemblée est fondée sur le principe de « gagner la paix ». Les conflits actuels ne peuvent être réduits à la seule approche sécuritaire. Une guerre n’est vraiment gagnée que si la paix est préparée au travers de processus d’assistance, de stabilisation et de reconstruction.
En mai 2013, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait, à juste titre : « Nous sommes en train de gagner la guerre au Mali, il faut maintenant gagner la paix. » Il existe donc deux temps dans un conflit. Et c’est bien là que les acteurs de la société civile sont indispensables : il ne s’agit pas uniquement de sécuriser une zone, mais bel et bien d’apporter une aide, la plus complète qui soit, pour permettre un apaisement politique, économique et social global.
Chers collègues, vous l’admettrez, gagner la paix semble désormais tout aussi difficile que de gagner la guerre. Les exactions et les violences commises en Irak témoignent de l’inefficacité du « tout sécuritaire ». Nous en avons la triste preuve tous les jours : la nouvelle donne géopolitique se caractérise par des conflits inter- et infra-étatiques, où les populations civiles sont les premières victimes. Ces dernières, livrées à elles-mêmes, doivent faire face à des situations de précarité et de détresse intenses. C’est précisément dans ce contexte de grande souffrance que les travailleurs humanitaires assistent les populations et se retrouvent, de fait, en première ligne, à l’instar des journalistes, qui s’exposent directement afin de relayer l’information auprès des opinions publiques.
Tous sont engagés au service de la paix. Tous sont des défenseurs de la démocratie. Tous jouent un rôle central dans l’édification de sociétés moins violentes et plus justes dans les régions sensibles du monde. Aussi nous faut-il rendre hommage à ceux qui font la guerre à la guerre et aux nouveaux Jaurès, acteurs de la paix. Pourtant, la France ne leur rend pas officiellement hommage !
Ces activistes de la paix sont parties prenantes de notre politique de prévention des conflits. Ils participent au combat que la France mène au nom de la paix, partout dans le monde.
Les chiffres sont éloquents. Depuis 2008, 665 journalistes ont été assassinés dans l’exercice de leur métier. En 2013, parmi les journalistes tués, quatre sur dix ont été victimes de conflits. Aujourd’hui, près de 176 journalistes sont emprisonnés. En mai dernier, lors de la première inscription du présent texte à l’ordre du jour des travaux du Sénat, 26 journalistes avaient été tués depuis le début de l’année 2014, contre 58 aujourd'hui. En l’espace de six mois seulement, ce chiffre a plus que doublé !
La présence des journalistes sur les théâtres d’opérations difficiles et les informations qu’ils collectent permettent d’interpeller l’opinion, de réveiller les consciences et d’engager un débat éclairé.
Sans ce travail de fond, il serait difficile de faire face, en toute connaissance de cause, aux défis actuels. Ces chiffres, ainsi que les récents assassinats de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, au Mali, et celui de Camille Lepage, en Centrafrique, nous rappellent combien les journalistes paient un lourd tribut.
La France doit, sans détour, condamner fermement ceux qui assassinent, attaquent, agressent ces travailleurs de la paix. Récemment, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré de façon pertinente que « quand un journaliste est assassiné, finalement c’est un double assassinat, à la fois c’est une personne qu’on tue, mais en même temps c’est la liberté de la presse qu’on veut faire taire, qu’on veut assassiner ». Dont acte.
Accueillir les survivants sur le tarmac d’un aéroport, devant les caméras, ou recevoir les familles des victimes ne suffit plus. Il s’agit d’être cohérents, d’être exemplaires, d’être justes.
À cet égard, je salue l’instauration par l’ONU d’une journée internationale de lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, le 2 novembre. Au niveau national, je me félicite également de l’hommage rendu aux soldats tombés à l’étranger. Alors, pourquoi ne pas faire de même pour les journalistes et les travailleurs humanitaires ?
Nul ne doute qu’ils portent et défendent aussi nos valeurs partout dans le monde. Nul ne doute qu’ils sont aussi présents dans des zones de conflits, souvent au péril de leur vie. Enfin, nul ne doute non plus qu’ils contribuent eux aussi au rayonnement international de la France, en portant les idéaux de justice et de liberté de notre pays.
À l’instar des journalistes, les travailleurs humanitaires sont également, à leur manière, des ambassadeurs de notre pays, porteurs des valeurs fondatrices de la nation, la patrie des droits de l’homme.
D’ailleurs, nous avons récemment examiné la politique de développement et de solidarité internationale de la France. À cette occasion, nous avons pu constater la concordance entre, d’une part, les zones de conflits, et, d’autre part, les zones où le besoin d’aide au développement est le plus fort.
Les travailleurs humanitaires répondent à une réelle urgence. La FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, a estimé que, au niveau mondial, 842 millions de personnes souffraient aujourd’hui de faim chronique. Il y a actuellement plus de 27 millions de personnes déplacées dans le monde. Aujourd’hui encore, 1, 3 milliard d’hommes et de femmes vivent avec moins d’un euro par jour.
Ce sont ces situations de détresse et de précarité extrêmes qui nourrissent les conflits d’aujourd’hui et qui nourriront, à n’en pas douter, ceux de demain.
Les travailleurs humanitaires sont des acteurs essentiels de la prévention des conflits, mais aussi de l’assistance et de la reconstruction.
Faisant face à des défis toujours plus nombreux, près de 700 travailleurs humanitaires ont perdu la vie entre 1990 et 2000. Des milliers d’autres ont subi des bombardements, des enlèvements, des attaques, des détournements et des viols.
Dans ces conditions, mes chers collègues, le groupe écologiste ne comprend pas la distinction qui peut être faite entre l’hommage rendu aux militaires et celui qui devrait être rendu aux journalistes et aux humanitaires. Certes, leur engagement ne pourrait être rapproché de celui des militaires ; ils ne sont pas des soldats. Pour autant, pouvons-nous hiérarchiser la valeur des vies ?
Nous, écologistes, considérons que l’engagement des journalistes et des travailleurs humanitaires doit être salué par la France au niveau national. Il s’agirait là d’un symbole fort, s’inscrivant dans le cadre du devoir de mémoire, qui a toujours été érigé en principe fédérateur dans notre pays. Un tel hommage doit être rendu au plus proche des gens. Il doit permettre un travail de sensibilisation, de pédagogie et d’enseignement dans nos écoles.
Cette proposition de loi, qui ne représente aucune charge supplémentaire pour l’État et nos concitoyens, a pour objet de chercher à éveiller les consciences des générations futures.
D’ailleurs, la commission des affaires étrangères souscrit dans son rapport à cette approche, en précisant que « la proposition de loi […] n’aura, au fond, qu’un faible effet normatif : il s’agit avant tout d’un geste symbolique, ou politique, d’une opération de sensibilisation et de mobilisation de l’opinion publique, tout autant qu’une reconnaissance solennelle de la contribution apportée à la paix par les humanitaires et les journalistes ».
Vous comprendrez, mes chers collègues, que, à la lecture de ces lignes, je m’étonne de la position défavorable exprimée par la commission, qui, de manière certaine, n’a pas tiré les conclusions de ces analyses. Je ne comprends toujours pas qu’une telle proposition ne recueille pas le soutien unanime de la représentation nationale.
Je m’étonne encore que le rapport de la commission mette en avant l’argument de « l’inflation commémorative », considérant que ce texte viendrait alourdir un peu plus un dispositif déjà très dense.
Me référant à la grande diversité des journées reconnues aujourd’hui par l’ONU, je m’interroge. Oui, mes chers collègues, je m’interroge… En quoi une journée d’hommage aux morts pour la paix et la liberté d’informer, le 21 septembre, serait-elle moins noble que la journée mondiale de la poésie, le 21 mars, la journée mondiale du bonheur, le 20 mars, ou la .semaine mondiale de l’allaitement maternel, du 1er au 7 août ? §
Si l’on considère le niveau national, je reste interloquée. Oui, mes chers collègues, je reste interloquée. Comment peut-on refuser cette proposition de loi, alors qu’il existe une journée nationale des pôles de compétitivité, une journée nationale du sommeil, une fête de la gastronomie ou encore une journée nationale du sport scolaire ?
Ces journées répondent à une demande, je l’entends parfaitement. Il s’agit pour moi non pas de hiérarchiser les causes, mais de procéder à une simple mise en perspective. Comment parler d’inflation commémorative alors que la France vient justement de porter auprès de l’ONU le projet d’instaurer une journée internationale en hommage aux journalistes, le 2 novembre ? En quoi cette proposition de loi serait-elle moins légitime ?
En outre, il ne s’agit pas non plus d’une nouvelle loi mémorielle, au sens des journées de commémoration de notre histoire politique et militaire. Elle ne peut donc pas être assimilée aux journées de commémoration qui existent déjà. Elle n’engendrera pas de nouveau jour férié. Là n’est pas son objet.
Il s’agit simplement d’instaurer une journée en phase avec le contexte mondialisé actuel pour reconnaître la multiplicité des acteurs engagés au service de la paix.
Mes chers collègues, je vous demande de regarder le monde tel qu’il est aujourd’hui. Nous avons la chance que des citoyens s’engagent au quotidien pour le faire évoluer vers plus de paix, plus de justice et plus de démocratie. Au nom de leurs familles et de leurs proches, je vous exhorte à rendre à ces travailleurs l’hommage qui leur est dû, à eux qui ont perdu la vie non au service d’une nation, mais au nom des valeurs humanistes que nous partageons tous.
Qui, parmi nous, aurait eu le courage de partir, au péril de sa vie, pour tout simplement informer ou aider ? Imaginez-vous un seul instant un conflit sans journaliste et sans humanitaire ? Il s’agirait d’un conflit dissimulé, oublié, en quelque sorte d’un conflit fantôme. Sans eux, nous serions totalement incapables de comprendre les enjeux du monde dans lequel nous vivons, et, ce qui est plus grave encore, les générations futures seraient condamnées à l’amnésie.
Mes chers collègues, il y va de votre responsabilité, de votre devoir d’exemplarité en tant qu’élus de la France, nation des droits de l’homme, et de votre devoir de reconnaissance en tant que citoyens français, mais aussi en tant que citoyens du monde : en votant cette proposition de loi, vous rendrez hommage au courage de celles et de ceux qui s’engagent au quotidien au service de la démocratie et du respect des droits de l’homme partout dans le monde.
Comme le proclamait Jean Jaurès, « l’affirmation de la paix est le plus grand des combats » !
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’efforcerai d’être aussi bref qu’il est raisonnable, pour permettre à M. Fekl de prendre la parole ce soir.
Je vous en remercie.
Je tiens à préciser que je supplée notre collègue Jeanny Lorgeoux, qui est l’auteur du rapport présenté en juin dernier devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. En outre, je me permets de vous signaler, madame Aïchi, que la proposition de loi au profit de laquelle Jean-Louis Carrère, alors président de notre commission, vous avait proposé de retirer un amendement a bien été soumise à l’examen du Sénat, puisqu’elle a été débattue en commission et qu’elle l’est ce soir en séance publique.
Notre collègue propose d’instaurer une journée des morts pour la paix et la liberté d’informer, au cours de laquelle seraient honorés les humanitaires et les journalistes qui ont payé du prix de leur vie leur désir de soulager la misère de leurs frères ou de servir la liberté d’expression.
À notre avis, la question qui nous est posée n’est ni juridique ni technique ; elle est, en réalité, hautement politique. La commission en a longuement débattu et, si elle n’a pas approuvé la proposition de Mme Aïchi, plusieurs sujets de convergence importants n’en sont pas moins apparus.
D’abord, la commission a souligné l’importance du travail de mémoire et de son renouvellement. Dieu sait si, de ce point de vue, l’année 2014 est tout à fait particulière.
Ensuite, nous sommes convenus que le tribut payé par les travailleurs humanitaires et par les journalistes était très lourd, en ces temps où des crises d’une violence inouïe éclatent sur tous les continents. Il est évidemment inutile de rappeler quels immenses services rendent les travailleurs humanitaires, en particulier auprès des 27 millions de personnes déplacées et des 10 millions de réfugiés. Songeons, mes chers collègues, qu’une personne sur six dans le monde souffre de la faim.
On estime que sept cents de ces travailleurs sont morts entre 1990 et 2000 – je ne dispose pas de données plus récentes. L’actualité nous a rappelé ce dont sont capables des organisations aussi barbares que Daech, qui s’en prennent aux travailleurs humanitaires et aux journalistes.
Ces derniers jouent évidemment un rôle crucial au service de la liberté ; dans cet hémicycle, nous sommes tous particulièrement soucieux que les conditions d’exercice de cette liberté, toujours menacée, soient préservées. Car l’information est plus qu’une liberté : elle est le seul moyen d’alerter l’opinion publique et de mobiliser la communauté internationale, d’ouvrir la voie à la prise de conscience d’abord, et ensuite à l’action.
Malheureusement, cela fait des journalistes des cibles. Ainsi, le baromètre annuel établi par Reporters sans frontières est édifiant : 71 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions en 2013, principalement en Syrie, en Somalie et au Pakistan ; la même année, 87 autres ont été kidnappés, pour ne citer que ceux-là.
Enfin, nous avons constaté, au cours des dernières années, une inflation commémorative ; c’est sur ce point qu’a porté l’essentiel de nos discussions. Le diagnostic est très net, établi notamment par le rapport rendu en 2008 par la commission Kaspi.
La prolifération est patente pour ce qui est des journées internationales de l’ONU, puisqu’on n’en recense pas moins de cent vingt-sept, de la journée de la mémoire de la Shoah, le 27 janvier, à la journée internationale de la solidarité humaine, le 20 décembre. Je vous fais grâce d’un inventaire à la Prévert, Leila Aïchi ayant déjà signalé quelques dates.
Je rappelle simplement qu’il existe une journée mondiale de la radio, le 13 février, une journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, et une journée mondiale de l’aide humanitaire, le 19 août. Sans oublier la journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, fixée au 2 novembre, qui a été instaurée en décembre dernier, sur l’initiative de la France, à la suite de l’attentat qui a coûté la vie à deux journalistes français de RFI ; par la promotion de cette journée, notre diplomatie a voulu marquer tout le prix qu’elle accorde à la protection des journalistes.
Je n’oublie pas non plus le 21 septembre : cette date, que Mme Aïchi a choisie pour la journée qu’elle propose d’instaurer, est, depuis 1981, la journée internationale de la paix. Or cette journée est déclinée chaque année sur un thème particulier, qui, parfois, ma chère collègue, rejoint le sujet que vous avez soulevé.
À l’évidence, la multiplication nuit à la hiérarchisation. De fait, il peut sembler curieux de mettre sur le même plan la commémoration des victimes de la Shoah et, par exemple, la journée mondiale de l’habitat. Je n’ose même pas faire mention de la journée prévue pour la date d’hier : le 19 novembre, en effet, est la journée mondiale des toilettes… Elle a sûrement une signification, mais je doute qu’elle soit commémorée partout !
Quant au calendrier de commémorations propre à la France, il compte douze dates d’ordre historique, dont la moitié ont été instaurées tout récemment.
Quelle est donc la conséquence de cette inflation ? D’après la commission Kaspi, la banalisation et l’affadissement de ces journées. Nous sommes tombés d’accord avec ce constat.
Un second risque existe, même si cette remarque ne s’applique pas nécessairement à la présente proposition de loi : la communautarisation des commémorations, chaque association promouvant sa date et sa cérémonie, au point que les hommages finissent parfois par diviser au lieu de rassembler.
Nous avons également considéré que cette proposition de loi était faiblement normative, dans la mesure où elle ne prévoit ni jour férié, ni jour chômé, ni obligation de manifestations pédagogiques ; en réalité, sa portée est symbolique.
En définitive, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a tenu à affirmer l’importance du travail d’hommage et de commémoration et à rendre, en notre nom à tous, un hommage appuyé aux humanitaires et aux journalistes, tout en prenant en compte les analyses dont il ressort que l’inflation commémorative peut entraîner des effets négatifs.
Compte tenu de ces considérations, et eu égard au caractère faiblement normatif de la proposition de loi, elle n’a pas souhaité augmenter le nombre de jours légaux de commémorations et d’hommages. Toutefois, elle a souligné que la journée internationale de la paix, fixée par l’ONU le 21 septembre, pourrait constituer le cadre d’un hommage particulier rendu, même sans loi, aux travailleurs humanitaires et aux journalistes.
Mme Bariza Khiari applaudit.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame Aïchi, mesdames, messieurs les sénateurs, trop de journalistes paient de leur vie leur engagement en faveur de la liberté de la presse. Au cours des derniers mois, Ghislaine Dupont, Claude Verlon, Camille Lepage, James Foley et Steven Sotloff ont ainsi perdu la vie.
Bien d’autres noms résonnent encore dans nos mémoires. Ainsi celui de Peter Kassig, assassiné il y a quelques jours par Daech dans les conditions les plus atroces. Il vient allonger encore un peu plus la liste des noms des travailleurs humanitaires tombés sous les coups du terrorisme aveugle et des attaques délibérées de groupes armés ou de régimes oppresseurs.
En 2013, 155 travailleurs humanitaires ont perdu la vie en accomplissant leur mission. L’année 2014 a vu et voit encore un déferlement intolérable de violence qui sème la mort.
Partout dans le monde, des femmes et des hommes œuvrent pour la paix. Partout dans le monde, des journalistes se battent, se mettent en danger et, parfois, meurent, pour informer et pour faire vivre la liberté de la presse, qui est au cœur de la démocratie.
Comme l’a rappelé le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, quand on tue un journaliste, on commet un double assassinat : contre une personne, bien sûr, mais aussi contre la liberté d’information.
Tuer un humanitaire, c’est tuer quelqu’un qui a fait du dévouement aux autres son métier et sa vocation. C’est toujours un acte d’une infinie lâcheté, qui tout à la fois supprime une vie et prive les populations civiles des secours et de la protection dont elles ont besoin pour tout simplement survivre sur les terrains de conflit.
Ces faits, qui figurent parmi les pires violations du droit, sont révoltants pour la conscience humaine. Je crois que c’est aussi cela que vous avez voulu signifier, madame Aïchi, en déposant cette proposition de loi. Si le Gouvernement comprend et partage son inspiration, et s’il souscrit à ses objectifs et à sa philosophie, il est en revanche plus réservé sur son dispositif. Permettez-moi de vous en exposer les raisons.
Je tiens tout d’abord à souligner que, en particulier grâce à l’action déterminée de la France, plusieurs initiatives ont été prises au niveau international, notamment depuis le dépôt de la proposition de loi, pour rendre hommage aux travailleurs humanitaires et aux journalistes et pour mieux protéger, concrètement et sur le terrain, leur travail et leur action. La journée que vous proposez d’instaurer, madame la sénatrice, risquerait donc de recouper d’autres journées et célébrations d’ores et déjà inscrites à l’agenda officiel, tant national qu’international, et de s’y superposer.
Ainsi, c’est sur l’initiative de la France qu’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur la sécurité des journalistes a instauré, à la fin de l’année dernière, une journée internationale pour la lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, célébrée le 2 novembre en mémoire de l’assassinat des journalistes de Radio France internationale.
Cette journée, qui vient d’être commémorée pour la première fois à New York en liaison avec l’UNESCO, s’ajoute à la journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai en France et dans le monde entier.
Il s’agit d’initiatives fortes destinées à rappeler les enjeux et à faire œuvre de mémoire et de souvenir.
Nous agissons aussi sans relâche pour promouvoir, à travers les textes adoptés par les Nations unies, la mise en place de mécanismes d’alerte précoce et de réponse rapide. De tels dispositifs permettent aux journalistes menacés de contacter les autorités afin de bénéficier des protections nécessaires.
Nous avons présenté ce mois-ci, à l’Assemblée générale des Nations unies, avec la Grèce, avec l’Autriche, une résolution qui demande aux États de prendre des mesures concrètes pour diligenter des enquêtes et poursuivre les auteurs de crimes contre les journalistes, dont 90 % restent impunis. En principe, le vote sur ce projet interviendra vendredi prochain, à New York.
Dès 2006, la France avait été à l’initiative de la résolution 1738 du Conseil de sécurité sur la protection des journalistes dans les conflits armés.
Les travailleurs humanitaires, eux aussi, sont malheureusement trop souvent victimes d’attaques ciblées, en nombre croissant partout dans le monde, au mépris des principes d’humanité, d’impartialité et de dévouement qui gouvernent leur engagement.
Ces travailleurs humanitaires bénéficient d’une protection particulière au regard des conventions de Genève qui régissent le droit international humanitaire.
En outre, les attaques délibérées contre les personnels participant à une mission d’aide humanitaire sont considérées comme des crimes de guerre au regard du statut de la Cour pénale internationale, à laquelle la France est partie.
Notre pays se mobilise dans toutes les enceintes pour renforcer leur protection, trop souvent battue en brèche, et faire respecter concrètement le droit international humanitaire.
Elle a œuvré, au Conseil de sécurité de l’ONU, pour l’adoption, le 29 août dernier, de la résolution 2175 sur la sécurité et la protection des travailleurs humanitaires, qui réaffirme les obligations de toutes les parties pour assurer le respect du droit international humanitaire et garantir la protection des travailleurs humanitaires.
En outre, notre pays commémore chaque année la journée mondiale de l’aide humanitaire, le 19 août, en souvenir de l’attentat qui avait frappé le siège des Nations unies à Bagdad.
C’est, chaque année, l’occasion pour la communauté internationale de saluer le dévouement et l’engagement des acteurs humanitaires qui portent secours aux populations dans le besoin et dans la détresse, au péril de leur vie, dans des conditions toujours plus difficiles.
J’ajoute que la France est aussi engagée quotidiennement, conformément à ses valeurs, au travers de l’ensemble de son réseau diplomatique, en faveur des droits de l’homme partout dans le monde.
La journée des droits de l’homme, le 10 décembre, ainsi que le prix des droits de l’homme de la République française, décerné chaque année, est aussi l’occasion de célébrer de grandes personnalités qui œuvrent en faveur des droits de l’homme.
La France continuera avec force à défendre la sécurité des journalistes et des travailleurs humanitaires, témoins des guerres et acteurs de la paix, des principes d’humanité et de dignité de la personne humaine. Les journées internationales pour la paix, la liberté de la presse, l’aide humanitaire, contribuent, par-delà les frontières, à rappeler qu’en exerçant leur mission, c’est la liberté même qu’ils défendent.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en partageant l’inspiration qui a présidé à l’élaboration de cette proposition de loi, le Gouvernement émet donc des réserves quant aux modalités retenues. C’est dans cet état d’esprit qu’il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le rapporteur et Mme Bariza Khiari applaudissent.
Mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition de loi a été inscrite dans le cadre de l’espace réservé au groupe écologiste, d’une durée de quatre heures. Ces quatre heures étant écoulées – elles sont même dépassées –, je me vois dans l'obligation d’interrompre l’examen de ce texte. Il appartiendra donc à une prochaine conférence des présidents d’inscrire la suite de cette proposition de loi à l'ordre du jour d’une prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 20 novembre 2014 :
À onze heures :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2015 (n° 107, 2014-2015) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances (n° 108, 2014-2015).
Discussion générale.
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques sur le thème « Quel financement pour les transports collectifs en France ? ».
À seize heures et, éventuellement, le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 20 novembre 2014, à zéro heure cinquante.