Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 19 novembre 2014 à 21h45
Prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est tout naturellement que les écologistes apportent leur soutien à la proposition d’Aline Archimbaud.

Monsieur le secrétaire d'État, il est judicieux que, sur la modulation d’un mécanisme d’incitation, vous apportiez toute votre compétence financière, tout comme la commission des finances du Sénat apporte sa précieuse expertise. Mais c’est avant tout de santé que nous parlons, c'est-à-dire de personnes âgées qui finissent avec une bouteille d’oxygène sur le dos et un tuyau pour respirer, nous parlons des petits qui ont des bronchiolites et n’arrivent plus à remplir leurs poumons.

Dès la mise en place du bonus-malus, il est apparu que la focalisation sur le seul critère du C02 allait avoir un effet pervers : la promotion du diesel. En effet, pour bénéficier du bonus à l’achat d’une voiture, il fallait choisir des véhicules peu gourmands, donc peu émetteurs de C02. Seulement voilà, cela concernait le plus souvent des véhicules diesel !

Ainsi, sur le site de l’ADEME, ceux qui consultaient le tableau des véhicules éligibles voyaient d’abord défiler tous les modèles à motorisation diesel. La faille du bonus était flagrante !

Nathalie Kosciusko-Morizet s’en était alors émue et notre collègue Philippe Richert, dans cet hémicycle, avait fait des démonstrations accablantes.

Effectivement, il devenait absurde de protéger la planète aux dépens des poumons de tous et de la survie des plus fragiles.

Il devenait si gênant d’afficher ce paradoxe que l’ADEME ne tarda pas à modifier son moteur de recherche, brouillant les pistes. Il fallait d’abord saisir le nom du constructeur, puis le modèle, pour que s’affiche le bonus ou le malus du seul véhicule en consultation.

Cette proposition de loi permet une correction salutaire : éviter d’encourager la surcharge en particules fines et polluantes de l’air que nous respirons, sans créer la moindre dépense publique, bien au contraire. Afin de ne pas prendre au dépourvu les automobilistes, elle prévoit une application différée.

Je voudrais ici vous rapporter la mobilisation des scientifiques. Ce n’est pas un hasard si, le 3 avril dernier, l’INSERM a choisi ce sujet pour fêter ses 50 ans, en présence du Président de la République.

Rappelant qu’il y a dix ans les 6 000 morts liés aux accidents de la route avaient suscité une mobilisation sans précédent – ceintures de sécurité, contrôles-radars, limitations de vitesse –, les scientifiques se sont étonnés devant le Président de la République de l’inertie des pouvoirs publics devant les 20 000 à 40 000 morts annuels liés à la pollution de l’air, pour un coût estimé à 30 milliards d’euros par an.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, la Commission européenne a adopté le 18 décembre dernier le programme « Air pur pour l’Europe », prévoyant des mesures destinées à garantir la réalisation des objectifs existants à court terme et établissant de nouveaux objectifs de qualité de l’air, dont les particules fines et les NOx, pour la période allant jusqu’à 2030.

Avec cette proposition de loi, nous disposons d’un outil permettant d’amorcer une véritable transition. Pour une fois, nous n’aurions pas de pénalités à payer : nous serions en avance sur la transposition !

L’urgence sanitaire à laquelle nous sommes confrontés doit nous inciter à arrêter de tout repousser au lendemain. L’argument des poussières des freins qu’a avancé Mme la rapporteur pour avis, loin de plaider contre ce texte, nous invite au contraire à cesser de rajouter dans l’air de ces particules fines.

Décidée dans les années quatre-vingt-dix en France, l’interdiction du plomb dans l’essence a permis une chute spectaculaire du taux d’exposition des enfants au plomb. Cela a également eu un impact positif sur l’économie, en permettant, par exemple, le développement des pots catalytiques. L’industrie automobile a su s’adapter et développer de nouveaux champs d’activité.

À Tokyo, des actions fortes ont permis de faire baisser de 44 % en dix ans le taux de concentration de particules fines dans l’air, alors que, sur la même période, celui de Paris est resté stable, malgré les efforts de la maire.

Enfin, j’invite ceux qui craindraient que cette mesure n’entame la compétitivité d’une particularité française, à savoir l’engouement industriel pour la motorisation diesel, à observer les mutations stratégiques déjà à l’œuvre, pour des raisons de marché à l’exportation.

Le groupe PSA s’est malencontreusement engagé dans une impasse : la voiture hybride diesel, que j’appelle la voiture « propre-sale », celle dont les écologistes ne veulent pas à cause du diesel et celle dont les consommateurs ne veulent pas à cause de son prix. Le groupe automobile planche désormais, avec son partenaire chinois, sur une technologie hybride rechargeable essence. Au mois d’octobre dernier, une revue automobile faisait état de ce revirement, arguant du coût – on ne peut pas tout mener de front –, mais aussi du peu d’appétence des étrangers pour le diesel.

Vous en conviendrez, chers collègues, on ne peut laisser en l’état des mesures de protection du climat de la planète qui seraient néfastes à la santé humaine, et même au commerce extérieur !

C’est pourquoi notre groupe soutient cette proposition de loi et encourage solennellement chacun à le faire. Comme vient de le dire notre collègue, il est regrettable que nous soyons tous d’accord sur les dégâts, mais si peu nombreux à vouloir résolument faire bouger les choses !

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