Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 19 novembre 2014 à 21h45
Prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Le texte que nous examinons ce soir prévoit la création d’une taxe ciblant les polluants automobiles pour leurs conséquences sanitaires.

Il s’agit là d’une belle idée, mais qui présente l’immense inconvénient de cibler ceux qui n’ont pas trop le choix, ceux qui circulent avec un vieux véhicule, parce qu’ils n’arrivent pas à dégager les finances pour le renouveler. Qui plus est, pour peu qu’ils ne roulent pas beaucoup, leur moteur est mal entretenu.

Au regard de ces différents constats, cette taxe apparaît peu efficace, même si je mesure les contraintes de notre collègue pour élaborer une proposition de loi financièrement raisonnable au regard de l’objectif retenu, à savoir l’amélioration des émissions dues au transport. Chantal Jouanno a brillamment rappelé tout à l’heure que c’était la première contribution pour les poussières et qu’elle était très importante pour les NOx.

Pire que cela, cette taxe aurait l’effet inverse, puisqu’elle pourrait ralentir le renouvellement du parc automobile français : cela a été rappelé, le nouveau parc diesel aux normes Euro 5 et Euro 6 n’a plus rien à voir avec l’ancien.

Enfin, cela n’encouragerait pas à ce qui devrait être notre objectif ultime, c'est-à-dire l’utilisation de véhicules écologiques – c’est à dessein que je ne parle pas de « voitures » –, le recours à des modes de transport écologiques divers, qui pourraient se substituer à ces voitures émettrices de polluants dangereux pour la santé.

Bien sûr, il faut prendre en compte l’industrie automobile française, mais celle-ci est parfaitement consciente des mutations en cours. Ayant rédigé un rapport sur le nouveau véhicule écologique au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, je peux vous dire que ce secteur réfléchit beaucoup, mais que cette industrie lourde a besoin de prévisibilité en matière de fiscalité et de marché.

Le débat est plus large, car il porte sur des questions plus comportementales, à savoir les formes de déplacements : les déplacements individuels et collectifs, mais aussi les déplacements intermédiaires que sont le covoiturage ou les autres formules coopératives de transport.

D’autres l’ont dit avant moi, cette disposition législative aurait plus naturellement sa place dans le projet de loi plus global relatif à la transition énergétique.

Toutefois, comme d’autres, je suis découragée par le report éternel des décisions en matière de fiscalité incitative. Quelle déception depuis deux ans ! Après la malheureuse annulation de la taxe carbone, il y a déjà cinq ans, l’écotaxe, qui avait, je le rappelle, fait consensus dans le cadre du Grenelle de l’environnement, est aujourd'hui abandonnée, et avec elle les portiques et un investissement de un milliard d’euros. Aucun autre dispositif n’est mis en place pour favoriser des comportements qui ne soient pas à l’origine d’émissions dangereuses.

Notre impuissance collective, notre difficulté sur ce sujet à passer des discours, qui font consensus, aux actes nous apparaissent clairement ce soir. C’est tout le mérite de cette proposition de loi, chère Aline Archimbaud, que de pointer notre incapacité collective à avancer fortement dans ce qui relève de l’intérêt général. Ce ne sont pas seulement les directives européennes qui nous le disent, c’est le bon sens aussi, surtout quand on vit en ville ; ce sont les normes sanitaires d’ores et déjà applicables dans les établissements destinés aux plus jeunes et aux plus âgés.

L’article 1er, même si l’objectif qui le sous-tend peut être compris, fonctionne à l’envers. En outre, il ne serait pas constitutionnel. Le groupe UMP n’y est donc pas favorable.

L’article 2 prévoit la remise au Parlement d’un rapport portant sur l’indépendance de l’expertise technique. Ce point ne pose pas de difficulté particulière.

Enfin, l’article 3 prévoit de rendre obligatoire la réalisation d’un diagnostic d’éco-entretien lors de la cession des véhicules diesel d’occasion de plus de quatre ans. Pourquoi pas ? Mais, sur ce dispositif comme sur d’autres, le diable pourrait être dans les détails. Il faut que les prescriptions soient mises en œuvre de manière efficace eu égard à l’objectif fixé. Les contrôles ne doivent pas être de pure forme, inutiles ou excessivement tatillons et coûteux pour les usagers.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera ni l’article 1er ni l’ensemble de la proposition de loi, même si les articles 2 et 3 ne font pas problème.

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