Intervention de Maurice Vincent

Réunion du 19 novembre 2014 à 21h45
Prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Maurice VincentMaurice Vincent :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici amenés à débattre de la proposition de loi présentée par Mme Aline Archimbaud. C’est un texte important, dont l’objectif est de répondre à un problème sanitaire réel et aux préoccupations de nos concitoyens, qui sont aujourd’hui légitimement inquiets du niveau de pollution de l’air.

Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je n’y reviendrai pas, afin de gagner un peu de temps.

Plusieurs de nos collègues ont, à juste titre, laissé transparaître leur exaspération : les alertes sont nombreuses, mais nous éprouvons de grandes difficultés à passer aux actes.

Si cette exaspération est légitime, elle s’explique à mon sens par le caractère incontestable du problème, sur lequel nous sommes tous d’accord, et par la complexité de la situation française.

De nombreuses indications ont été données sur la réalité du problème. L’impact sanitaire et environnemental négatif du diesel n’est pas contestable. Certains d’entre vous l’ont rappelé, l’OMS a reconnu le caractère cancérigène certain des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote. Je n’insisterai pas sur les pathologies pulmonaires qui en sont la conséquence.

La situation en France est cependant objectivement différente de celle qui prévaut dans de nombreux autres pays. À cet égard, je ne partage pas tout à fait le jugement qu’a porté notre collègue Chantal Jouanno, rendant les politiques responsables de la « diésélisation » du parc automobile, qui est l’une de ses caractéristiques les plus saillantes : 60 % du parc actuel fonctionne au diesel et les véhicules diesel représentent encore 67 % des ventes de véhicules.

Pour ma part, je pense que cette situation résulte également de choix industriels et technologiques, qui ont été faits à un moment où les connaissances sur ces questions étaient très différentes de celles d’aujourd'hui. Certes, des choix fiscaux ont été faits, mais je ne pense pas pour autant que l’on puisse imputer à des décisions politiques la réalité actuelle.

Nous sommes donc dans une situation complexe. Alors que 7 millions de véhicules seulement sont équipés d’un filtre à particules, que 12 millions de véhicules anciens n’en disposent pas, je ne suis pas certain que l’on puisse facilement basculer d’un système à l’autre. C’est la raison pour laquelle, bien que, partant d’un diagnostic commun, nous soyons tous d’accord sur l’urgence qu’il y a à agir, nous avons des difficultés pour avancer concrètement.

La France présente également une particularité fiscale. Il y a en effet un différentiel de taxation entre le gazole et l’essence de 17 centimes par litre, soit une dépense fiscale de 7 milliards d’euros en faveur du gazole.

On ne peut donc pas régler ces questions aussi rapidement qu’on le voudrait. Cela ne doit cependant pas nous empêcher d’essayer, comme nous y incite ce texte, même si, à mon sens, il n’est pas totalement convaincant.

Pour ma part, il me semble préférable de mettre fin rapidement au différentiel de fiscalité entre le diesel et les autres carburants, comme le propose d’ailleurs le Comité pour la fiscalité énergétique. De même, il est essentiel de transformer le parc automobile existant plutôt que d’agir uniquement sur les véhicules neufs. C’est en jouant sur ces deux leviers que nous pourrons paradoxalement être le plus efficaces.

À cet égard, force est de constater que le texte qui nous est aujourd'hui proposé n’est pas tout à fait satisfaisant. Cela a été dit, l’article 1er pose des problèmes de constitutionnalité. Il est essentiellement punitif puisqu’il prévoit un malus, mais pas de bonus pour les véhicules plus performants. Or, encore une fois, il porte sur le parc neuf, alors que, objectivement, ce n’est pas le problème le plus urgent à traiter si nous voulons être efficaces.

L’article 2 prévoit la remise d’un rapport portant sur l’indépendance de l’expertise technique. Cela peut effectivement être utile. Nous y sommes donc favorables.

L’article 3 vise à rendre obligatoire au 1er janvier 2016, lors de la cession de tout véhicule d’occasion de plus de quatre ans, la remise d’un certificat de diagnostic d’éco-entretien portant sur l’ensemble des émissions polluantes du véhicule. Nous ne sommes pas défavorables à cette mesure sur le principe, mais, sur le plan de la méthode, il nous paraît difficile de l’examiner dans le cadre de la présente proposition de loi, alors qu’une disposition similaire figure dans un texte plus large, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nous sera très prochainement soumis.

En définitive, vous l’aurez compris, nous sommes réservés sur cette proposition de loi. Il est toujours délicat de traiter de manière spécifique, isolément, un problème qui, dans les faits, a des conséquences sanitaires graves, mais dont la solution exige aussi des évolutions décisives de notre appareil industriel ainsi que de notre conception de la fiscalité. Un texte ne comprenant que trois articles n’est pas suffisant pour traiter de ces sujets.

Même si nous partageons les préoccupations sanitaires et environnementales des sénateurs écologistes, même si nous sommes conscients de la nécessité d’avancer rapidement, nous ne pouvons pas approuver ce texte.

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