Les accords de Matignon et de Nouméa ont fait du rééquilibrage du territoire un objectif central, compte tenu de l'inégalité de développement des provinces. La réalisation de certains équipements, tels que la route transversale de la province Nord, y contribue.
L'instauration d'une clé de répartition des moyens financiers des provinces établit une solidarité entre elles. Les dotations versées par l'État sont ainsi réparties non en fonction du poids démographique mais de façon à corriger les déséquilibres. Les dotations en fonctionnement profitent pour 50 % à la province Sud, pour 32 % à la province Nord et pour 18 % aux îles ; 40 % des dotations d'équipement sont versées à la province Sud, 40 % à la province Nord et 20 % aux îles Loyauté. Cette clé de répartition est contestée par la province Sud qui connait une importante croissance démographique (les trois quarts de la population calédonienne habitent le grand Nouméa). Toutefois son maintien s'avère nécessaire, d'autant que les dispositifs de défiscalisation bénéficient au Sud et que la province des îles Loyauté demeure pénalisée par la distance, la division en trois îles et le coût des transports. Le maintien de ce correctif apparaît légitime.
Une politique active de formation constitue une seconde voie de rééquilibrage. La nécessité de préparer l'accès des jeunes aux fonctions d'encadrement figure dès les accords de Matignon. Les programmes « 400 cadres » et « cadres avenir », élargis au secteur privé, ont favorisé l'insertion d'une élite locale. Ces efforts doivent être renforcés, notamment dans le domaine des professions juridiques qui restent l'apanage des non calédoniens. La préférence locale étant difficile à mettre en oeuvre dans la fonction publique d'État en raison des règles constitutionnelles, appelle imagination et souplesse, notamment pour les postes d'encadrement.
La Nouvelle-Calédonie réalise 6 % des extractions mondiales de nickel et disposeraient de 17 % des réserves mondiales de ce minerai. L'exploitation de cette richesse, dont l'encadrement relève de la compétence des provinces, doit être organisée de manière équitable afin de contribuer au développement territorial. Le secteur est très concentré au niveau mondial. La consommation de nickel augmente. En Nouvelle-Calédonie, quatre sociétés majeures se partagent le marché, dont la SLN est la plus ancienne. Une stratégie commune de l'ensemble de ces acteurs devrait être mise en oeuvre. En outre, afin d'éviter les dangers d'une mono-industrie, Mme Anne Duthilleul a plaidé pour que les ressources financières du nickel servent aussi à la diversification économique.
La construction de l'usine de Koniambo, portée avec conviction et persévérance par M. Paul Néaoutyine, répond à une attente de tous les Calédoniens. Nous avons constaté l'ampleur impressionnante du projet et la bonne insertion du chantier dans l'environnement. L'emploi local y a été privilégié. L'environnement n'a pas été oublié.
Le rééquilibrage est en marche. Il est loin d'être achevé. Les défis de la « vie chère » restent à l'origine d'inégalités sociales. La Nouvelle-Calédonie pâtit de son insularité, du faible nombre de ses habitants - 250 000 - de l'habitude prise par ces derniers de consommer des produits métropolitains comme de sa situation à l'écart des grands circuits de distribution. Les prix très élevés qui en résultent ont provoqué des mouvements sociaux durs en 2011 et 2013. Les négociations entamées entre le patronat et les syndicats, sous l'égide de l'État, y ont mis fin. En 2013, un protocole d'accord a prévu le gel immédiat des prix, la baisse de 10 % du prix des produits de première nécessité et des mesures de contrôle des prix. Une autorité locale de la concurrence a été créée. Une loi du pays « anti-trust » a été adoptée. Selon les représentants syndicaux, les progrès sont dus à la forte mobilisation sociale. La question sociale est plus importante pour l'opinion que la question institutionnelle qui mobilise tant la classe politique.
Les fortes inégalités sociales se superposent aussi aux différences ethniques. L'accès au logement est au coeur des difficultés, notamment dans l'agglomération de Nouméa. La conférence économique, sociale et fiscale tenue les 20 et 21 août 2014 à Nouméa a élaboré un agenda des réformes nécessaires. Le chantier, qui concerne la fiscalité, les frais bancaires, la protection de l'emploi local, est immense. Des lois du pays devront être votées. Un travail considérable attend les institutions calédoniennes et l'État qui les épaule.
Ce déplacement a été l'occasion d'évaluer sur place le devenir de la Nouvelle-Calédonie. Des progrès importants ont été effectués depuis 1988 et surtout 1998. La Nouvelle-Calédonie a retrouvé la paix civile. Elle a posé les jalons pour construire le destin commun de la société calédonienne. Le rééquilibrage en cours produit ses premiers effets tangibles ; un vivier d'élus locaux, actifs et compétents a émergé dans toutes les provinces. Par-delà la question institutionnelle, la Nouvelle-Calédonie doit affronter de nouveaux enjeux économiques ainsi que le défi social et ethnique du processus de décolonisation. Le respect de l'identité kanak est une composante essentielle du destin commun. La jeunesse kanak est attirée par les modes de vie urbains. Les formations politiques locales devront prendre en compte ses aspirations. L'éducation et la formation professionnelle seront déterminantes pour l'avenir et le partage du territoire. Les Calédoniens doivent prendre le chemin de la réconciliation et bâtir ensemble les conditions de la concorde.