Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 novembre 2014 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « outre-mer » - examen du rapport pour avis

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Notre rapporteur a souligné, de manière argumentée la dysfonctionnalité de notre système Le principe de spécialité législative trouve ses sources dans l'histoire de la colonisation française, et plus spécifiquement dans l'histoire de la République colonisatrice qui a voulu, en permanence, adapter les principes républicains à des réalités sociales et des modes de pensée radicalement opposés. Si l'on retrace l'histoire institutionnelle de la colonisation française, ce que l'on ne fait pas suffisamment, on constate que le législateur républicain a fait le choix, par exemple en 1905, de ne pas appliquer partout dans l'empire colonial le principe de séparation de l'Église et de l'État. On a appliqué le protectorat pour protéger des institutions non républicaines, à la fois une royauté et une théocratie au Maroc, par exemple. Nous avons une responsabilité d'État qui fait que l'on ne peut pas balayer cela d'un geste de la main. Nous avons des intérêts nationaux et une volonté de la population de ces territoires d'être dans un ensemble français. Nous rencontrons trois obstacles.

D'abord, nous demandons à ces territoires de construire un système de droit complet à partir de rien. Cela pose un problème de disproportion écrasante des moyens entre l'État central et ces collectivités. Qui, dans les administrations locales de territoires aussi petits, peut participer à la construction d'un système aussi abouti ? Comment demander à ces territoires de construire aussi rapidement un système de droit que nous avons mis deux cents ans à construire.

Ensuite, se posent des problèmes conceptuels. Ces systèmes de représentation de la société sont radicalement opposés au système français traditionnel. En même temps, il me semble que la piste de la révision constitutionnelle n'est pas à ouvrir. En revanche, il faudrait appliquer le principe de spécialité avec moins de dommages. Je me demande s'il ne faut pas chercher du côté des modalités de décision des assemblées délibérantes de ces collectivités. J'avance une piste. Si, dans un délai donné, l'assemblée délibérante ne s'est pas prononcée sur un texte législatif national qui vient d'être adopté, alors seulement le législateur national se substituerait à elle. On demanderait en fait à la collectivité éventuellement de renoncer à adapter plutôt que de demander au législateur national de tout régler.

Enfin, les territoires de la collectivité concernée ne parviennent pas à construire le droit qui serait nécessaire. Quand le droit n'est plus repérable, c'est la voie de fait, donc la raison du plus fort, qui l'emporte. Si on laisse ce « droit à trous » se développer, on créera de la conflictualité.

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