J'ai l'honneur de vous présenter, pour la première fois, l'avis budgétaire relatif au programme 181 « Prévention des risques », au programme 170 « Météorologie » et au programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ». Ils sont dotés au total de 2,9 milliards d'euros, soit 43 % des 6,65 milliards ouverts au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Sans surprise, ces crédits diminuent, le ministère de l'écologie n'étant pas prioritaire dans ce projet de loi de finances.
Le programme 181 rassemble les crédits attribués aux politiques de prévention des risques naturels, des risques technologiques, des risques pour la santé d'origine environnementale et du devenir des sites miniers. En 2015, ce programme sera doté de 304 millions d'euros en autorisations d'engagement et 249 millions en crédits de paiement, en baisse respectivement de 20,4 % et 0,1 %. Les autorisations d'engagement diminuent fortement car les fonds affectés aux plans de préventions des risques technologiques (PPRT) après la loi de 2003 faisant suite à la catastrophe d'AZF à Toulouse ont été diminués : les besoins avaient été initialement surévalués. La première action du programme, 55 % des crédits, comprend les mesures destinées à prévenir les risques technologiques et finance les PPRT. Les crédits étaient supérieurs aux besoins, sans doute, mais le retard pris dans la mise en place des PPRT du fait des coûts d'expropriation et des travaux de consolidation du bâti explique aussi l'évolution du montant des crédits.
Réduire le risque à la source a impliqué de revoir les études de dangers avec les industriels. Cette phase a permis de réduire l'emprise des PPRT sur les territoires - de 350 kilomètres carrés dans les zones urbanisées. Au 1er août 2014, sur les 407 PPRT à réaliser, la quasi-totalité a été prescrite et 76 %, soit 311 plans, ont été approuvés. L'objectif est d'avoir approuvé 90 % des PPRT fin 2014 et 95 % fin 2015.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, (Anses) est financée à hauteur de 7,4 % par le programme 181. Cette agence est née de la fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Le projet de budget prévoit d'allouer à l'Anses 94 millions d'euros, comme en 2014. Le plafond d'emplois de l'agence sera de 1 281 ETP. En revanche, les missions vont s'élargir en 2015, puisque la loi d'avenir pour l'agriculture du 13 octobre 2014 a prévu le transfert à l'Anses des délivrances des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les produits phytopharmaceutiques et matières fertilisantes. Avec ses onze laboratoires, l'agence dispose en effet d'une solide expérience en matière d'évaluation scientifique des dossiers de demande d'AMM, reconnue en France et en Europe. Elle sera demain en charge de délivrer, retirer et modifier ces AMM. L'agence ne risque-t-elle pas d'être à la fois juge et partie ? Ce transfert de missions et de responsabilités va modifier son positionnement : l'organisation interne devra être revue afin que l'évaluation et la gestion du risque pesticides se fassent de manière transparente et performante.
La loi d'avenir pour l'agriculture a également confié à l'Anses le pilotage d'un nouveau réseau de phyto-pharmacovigilance à l'échelle du territoire, qui fonctionnera sur le modèle des réseaux de pharmacovigilance en médecine humaine. Le réseau devra faire remonter les signaux, même faibles, comme cela se pratique pour le médicament.
En raison de ces nouvelles missions, le plafond d'emplois de l'agence augmente de 10 ETP pour deux ans. C'est encourageant. Mais 2016 et 2017 seront marquées par deux baisses successives de 5 ETP, ce qui signifie que la prise en charge des nouvelles missions de l'Anses devra se faire par réorganisation interne sur l'effectif existant. Le directeur général adjoint chargé des ressources a indiqué qu'il manquait 4 millions d'euros pour boucler le financement du dispositif. Pourquoi ne pas envisager une taxe additionnelle à la taxe sur le chiffre d'affaires pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, proportionnelle au volume des ventes et à très faible taux, à l'image de ce qui se fait pour les médicaments vétérinaires ? L'Anses le propose et cette mesure pourrait être opportunément votée dans la loi de finances rectificative.
L'année 2013 a été marquée pour l'Anses par un effort budgétaire considérable, avec une diminution brutale de 50 ETP, ce qui avait entraîné la restructuration des laboratoires de recherche. Or, le lien entre recherche et expertise est important dans le domaine de la santé publique. Nous devons donc être prudents : de nouvelles contraintes budgétaires feraient perdre de vue certains risques sanitaires et affaibliraient la réaction de la France en cas de crise. Les responsables de l'agence estiment leur retard sur des dossiers d'évaluation de pesticides - dont certains extrêmement toxiques - à un an et demi.
La prévention des risques naturels est dotée de 40 millions d'euros, en progression de 6 %, afin de poursuivre les actions menées dans la prévention des inondations : mise en oeuvre du plan national submersions rapides, appel à projets des programmes d'actions de prévention des inondations (Papi), mise en oeuvre de la directive sur les inondations et l'élaboration de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI). La loi métropoles a créé une nouvelle compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), confiée aux communes et leurs groupements. Les premières dispositions entreront en vigueur au 1er janvier 2016. L'année qui vient sera mise à profit pour organiser l'exercice de la nouvelle compétence et préparer l'instauration de la taxe prévue. Nous en reparlerons l'année prochaine. En juin 2013, les Pyrénées ont subi de graves inondations et certaines communes et EPCI n'ont plus aucun moyen propre pour financer des travaux, reconstruire des murs de rétention par exemple, malgré l'aide de l'État à 80 %. J'ai demandé au sous-préfet et au préfet de région d'accepter que les chantiers commencent avec la part apportée par l'État.
Le contrôle de la sûreté nucléaire, confié à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), représente 18 % des crédits du programme. Les crédits consacrés au contrôle de la sûreté nucléaire et à la radioprotection sont en très légère hausse de 0,04 %. Je suis très inquiet, après l'audition de M. Chevet, responsable de l'ASN. Le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection augmentera dans les années à venir. Les exigences sociétales s'accroissent : nos concitoyens exigent de plus en plus de transparence. L'activité de l'ASN va se développer. L'accident de Fukushima rehausse les normes de sûreté. De nombreuses centrales françaises arrivent en fin de vie et la question se posera de savoir s'il faut les prolonger de dix ans ou plutôt financer des équipements de type EPR, alors que celui de Flamanville est arrêté depuis un an. L'Autorité devra examiner le projet mené par l'Andra de stockage profond de déchets radioactifs, Cigeo. Enfin, le projet de loi relatif à la transition énergétique, en cours de discussion, pose le problème du démantèlement de certaines installations.
L'activité de l'ASN va s'accroître dans les années à venir, que l'on ferme certaines centrales ou que l'on prolonge leur durée de vie. L'Autorité devra y faire face, tout en maintenant une exigence maximale pour la sécurité des populations. C'est pourquoi il est impératif de réformer le financement de la sûreté nucléaire. Depuis la loi de finances pour 2000, la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) est affectée au budget général. Les crédits correspondant à la mission de contrôle des installations nucléaires, financés par cette taxe, ont été inscrits au budget. Pour autant, quand la taxe collecte 576 millions d'euros, l'ASN n'en reçoit qu'un peu plus de 300. Nous connaissons les numéros de jonglage de Bercy, mais il est regrettable que le nucléaire en soit victime : le produit de cette taxe doit revenir à l'ASN.
Dans son rapport d'information de juin dernier sur la sûreté nucléaire, notre collègue de la commission des finances, Michel Berson, relevait que les budgets des autorités belge, espagnole et anglaise sont abondés, partiellement ou en totalité, par des taxes ou des redevances supportées par les exploitants. Une contribution versée par chaque exploitant pourrait être déterminée par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. Ces coefficients seraient fixés par le Parlement, qui piloterait ainsi les ressources consacrées à la sûreté nucléaire. Un plafonnement éviterait toute augmentation non contrôlée de la dépense publique - l'excédent serait reversé au budget général. L'Autorité serait ainsi dotée de moyens pérennes.
M. Chevet a évoqué, lors de notre entretien, le survol des drones, problème évoqué lundi par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), comme par l'état-major de l'air, par deux généraux de la gendarmerie et par Areva, dont le discours m'évoque irrésistiblement celui de la scientologie, quand l'entreprise cherche à démontrer que les bassins de refroidissement sont d'une sûreté exceptionnelle. Le survol par ces drones est inoffensif, nous dit-on. Et en cas d'attentat terroriste par les airs ? Les responsables de l'ASN, eux, considèrent que ces bassins sont extrêmement vulnérables. Ils ont également évoqué les appareils à rayon gamma qui servent à vérifier l'étanchéité des tuyaux dans les bâtiments : ce sont des machines de guerre redoutables, capables de tuer tous les occupants d'un wagon de train, trois mois après une exposition. Or, il n'est prévu aucune traçabilité de ces appareils.
Le programme 170 « Météorologie » porte sur les crédits alloués à Météo-France. Cet opérateur a pour priorité la sécurité des biens et des personnes : les prévisions météorologiques s'intègrent dans une chaîne d'alerte et participent à la politique de prévention des risques. Il améliore également notre connaissance du climat, rôle crucial au regard des enjeux climatiques. En 2015, Météo-France sera doté de 205 millions d'euros, en baisse de 1,2 % par rapport à 2014. Il s'agit de la troisième année consécutive de baisse des dotations. Météo-France dispose aussi de ressources propres issues de son activité en tant que prestataire de services pour la navigation aérienne. Or, ces ressources propres ont elles aussi connu une contraction ces dernières années. Météo-France se trouve aujourd'hui dans une situation financière extrêmement difficile. Malgré la maîtrise de sa masse salariale et la fermeture programmée de 53 des 108 centres locaux, son président m'a indiqué pouvoir, dans ces conditions, poursuivre sa mission pendant encore deux ou trois ans, guère plus. Or, face au changement climatique, nous devons disposer de systèmes d'observation et de prévision météorologiques précis et fiables. Les politiques de prévention des risques naturels et technologiques - les systèmes d'alerte en particulier - dépendent des données fournies par Météo-France. L'activité de calcul et de prévision repose sur des technologies de plus en plus puissantes et donc coûteuses. Le Royaume-Uni s'est récemment doté d'un supercalculateur quinze fois plus puissant que celui, pourtant récent, utilisé par Météo-France, pour une somme de 120 millions. L'investissement doit être relancé si la France veut maintenir la qualité de sa prévision météorologique. La trajectoire budgétaire de Météo-France est donc préoccupante.
J'en arrive au programme 217 : le budget du ministère de l'écologie est en recul constant depuis trois ans. À périmètre inchangé, il va diminuer de 410 millions d'euros, soit 5,8 %. Au total, l'écologie a perdu 1,65 milliard de crédits depuis 2012, ainsi que 1 641 emplois en trois ans, auxquels s'ajouteront les 723 emplois qui seront supprimés en 2015. Comment maintenir les compétences et l'expertise au sein du ministère ? À moyen terme, ses missions sont remises en cause. Cette évolution a été encore aggravée le 14 novembre dernier par le vote à l'Assemblée d'un amendement qui opère une coupe supplémentaire de 9 millions. J'ai échangé sur le sujet avec Delphine Batho, ancienne ministre de l'écologie, qui partage mes préoccupations.
Pour moi, l'écologie et la prévention des risques constituent une nouvelle mission régalienne de l'État, mission malheureusement appelée à croître du fait du dérèglement climatique. À l'aune de ces enjeux, les crédits alloués à la prévention des risques, à la météorologie, et plus largement au ministère de l'écologie sont largement insuffisants. L'industrie et l'agriculture continuent de s'intensifier : nous devons conserver les capacités d'expertise et d'intervention de l'État, mais aussi augmenter les moyens alloués à la prévention et à la gestion des crises.
Je ne peux donc que proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181, 170 et 217. Les coupes opérées cette année traduisent une gestion purement financière, une vision uniquement à court terme et irresponsable des politiques publiques. À l'heure où les dérèglements climatiques se manifestent de plus en plus fréquemment et avec toujours plus de violence, la poursuite de cette politique pourrait avoir des conséquences désastreuses !