Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 24 novembre 2005 à 11h00
Loi de finances pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

...en ce que de louables efforts ont été déployés dans la plupart des administrations pour respecter les objectifs et les modalités de la LOLF.

Observons, toutefois, que l'engagement des ministères est contrasté. Ainsi, si certains méritent des compliments, d'autres ont fait preuve d'inertie. L'analyse des crédits par mission et par programme a, de ce point de vue, livré son lot d'informations utiles. Une floraison d'indicateurs fait vivre l'espérance d'une pratique nouvelle, privilégiant l'efficacité de la dépense publique.

Cela étant, trois ombres au tableau nous amènent à nuancer notre appréciation.

Il s'agit, tout d'abord, du quasi-remplacement des départs en retraite des fonctionnaires. Ce sont, en effet, neuf postes rendus vacants sur dix qui seront pourvus.

Certes, j'en conviens, en termes d'affichage immédiat, la politique volontariste n'est pas gratifiante dans ce domaine. En effet, de telles mesures, courageuses, lucides et déterminées ne produisent pas de résultats budgétaires significatifs avant plusieurs années, monsieur le ministre délégué au budget. Mais sommes-nous à ce point soumis à la tyrannie du court terme que nous soyons conduits à renoncer à ce qui est durable ?

Ma deuxième préoccupation a trait à la multiplication, au fil des semaines, d'annonces qui, toutes, impliquent de nouvelles dépenses publiques, alors même que, de toute part, il nous est signalé que les arriérés d'engagements antérieurs restent à financer.

Enfin, j'évoquerai une dernière ombre au tableau, à savoir que le système d'information comptable, budgétaire et financière de l'État est en attente de réforme. Autrement dit, il va falloir, avec tous les risques d'inévitable opacité, procéder à de multiples retraitements et ajustements afin de respecter, en apparence tout au moins, les prescriptions de la LOLF.

Notre vrai défi commun, à vous messieurs les ministres comme à nous, membres du Parlement, est de démontrer que la LOLF n'est pas une nouvelle couche de peinture superficielle destinée à faire croire que la réforme de l'État serait bien engagée.

Pour ma part, je reste confiant, d'abord, parce qu'il n'y a pas d'alternative et, surtout, parce que la multiplication des signes tangibles d'adhésion à la démarche constitue un bel encouragement. En d'autres termes, je dirai que le mouvement est lancé.

Troisième question : le projet de budget pour 2006 peut-il stimuler la croissance et résorber le chômage ?

Les articles de la première partie comportent peu de mesures susceptibles d'affecter la conjoncture économique. Tout a déjà été décidé dans des lois antérieures, ainsi que l'a fort justement rappelé notre rapporteur général lorsqu'il nous a suggéré de revoir notre méthode.

Les réformes fiscales de poids que vous nous proposez, messieurs les ministres, viendront en discussion dans les articles non rattachés de la seconde partie. Elles n'auront d'effets que sur le budget pour 2007 et au-delà ; de ce fait, elles suscitent un large débat où se mêlent inquiétudes et satisfactions.

La réforme du barème de l'impôt sur le revenu et l'institution d'un bouclier fiscal limitant à 60 % du revenu le montant global des prélèvements au titre des impôts locaux, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, répond à une exigence de compétitivité fiscale du territoire français.

Pouvons-nous nous satisfaire plus longtemps de l'exil d'un nombre croissant de contribuables que les pays voisins de la France qualifient de « réfugiés fiscaux » ? Les délocalisations fiscales sont, certes, réelles, mais, si elles sont extrêmement préjudiciables, elles ne sont pas pour autant une fatalité. Le courage consiste à reconnaître qu'il est possible d'y porter remède, et c'est ce que fait le Gouvernement, puisque le dispositif proposé représente incontestablement un correcteur d'excès et une simplification.

Subsistent, toutefois, certaines scories non négligeables. Le Gouvernement, après avoir conçu, dans un premier élan tout à fait louable, de lutter fermement contre toutes les fameuses « niches », vient de mettre hors champ certaines d'entre elles à l'Assemblée nationale.

Qu'il me soit permis de m'étonner de ce renoncement qui, à mes yeux, offense l'équité. Je suis prêt à m'en expliquer et j'ose espérer que le Sénat y mettra bon ordre.

Hormis cette critique, la réforme est globalement bien orientée, pour motiver l'investissement productif, pour encourager le travail et pour rendre du tonus à notre économie. Notre barème, comparé aux barèmes en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne, cessera de faire de la France une anomalie.

Mais il subsiste une réforme majeure, qui ne reçoit qu'une timide et bien incomplète réponse. À l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires, nous nous sommes efforcés de convaincre le Gouvernement que certaines contributions, assises sur le travail, détruisent l'emploi dans la sphère marchande. Dans une économie globalisée, il n'est plus possible de demander aux entreprises de financer la solidarité, notamment le système de santé et la politique familiale. Ces charges salariales constituent de véritables « droits de douane à l'envers », auxquels échappent tous ceux, de plus en plus nombreux, qui vont produire hors du territoire national.

Dès lors, demandons aux entreprises de s'occuper de la créativité, de l'innovation, de l'investissement productif, de la production de biens et de services, de la création d'emplois, mais cessons de les charger du financement de la solidarité, qui incombe à la nation, c'est-à-dire à l'ensemble des familles et des citoyens.

De là vient la proposition d'instituer un autre mode de financement de la santé et de la politique familiale. Si nous taxons la production, elle franchira nos frontières pour rester compétitive. Nous proposons, vous le savez bien, messieurs les ministres, d'assurer un financement de substitution par la « TVA sociale ». Or rien n'est prévu, dans ce budget, pour avancer dans cette voie, et pourtant le temps presse !

Monsieur le ministre délégué au budget, j'ai pris bonne note de votre engagement, de même, je pense, que de celui de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous me répondez que cette réforme est difficile. C'est vrai ! Néanmoins, est-ce que nous n'osons pas parce que c'est difficile ou est-ce c'est difficile parce que nous n'osons pas ?

Reconnaissons toutefois que la réforme de la taxe professionnelle que nous soumet le Gouvernement est de nature à satisfaire en partie l'une des attentes des entreprises. En revanche, ce dispositif suscite de réelles inquiétudes parmi les élus des collectivités territoriales.

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