Séance en hémicycle du 24 novembre 2005 à 11h00

Résumé de la séance

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  • messieurs

La séance

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.

Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 98, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour la première fois depuis le début de la Ve République, la discussion du projet de loi de finances que nous entamons aujourd'hui se fera suivant le schéma rénové de la loi organique relative aux lois de finances, communément appelée la LOLF.

Ce nouveau cadre renforce la portée de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement - il s'agit d'un acte important ! - et enracine la culture de la performance et du résultat au coeur de la gestion publique.

Cette grande réforme, cette « nouvelle Constitution financière » fut conçue, en son temps, par deux assemblées aux colorations politiques différentes. Sur ce point, un total consensus a été trouvé.

Je fais confiance, aujourd'hui, à la commission des finances, aux commissions saisies pour avis et aux groupes politiques, de la majorité comme de l'opposition, pour faire vivre ces règles, que nous avons adoptées ensemble, et pour en respecter l'esprit, notamment par la maîtrise des temps de parole. Il s'agit d'une condition incontournable pour assurer le bon déroulement de la discussion budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'appelle chacun à faire preuve de discipline lorsqu'il interviendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Cette recommandation est également valable pour le Gouvernement, monsieur le président de la commission des finances. J'en appelle d'ailleurs à ce dernier, pour que les ministres ne dépassent pas les limites de temps fixées en conférence des présidents en accord avec M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.

Chacun est donc invité à respecter rigoureusement le temps de parole qui lui est imparti, si nous voulons que cette nouvelle méthode de débat se pérennise.

Ensemble, remplaçons le triptyque du président Edgar Faure, « litanie, léthargie, liturgie », par la devise, « clarté, lisibilité, efficacité », qui doit devenir la « clé » de la LOLF !

Je vous rappelle que la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances, a prévu, dans le cadre de l'examen des articles de la première partie, quatre débats.

Le débat sur les recettes des collectivités territoriales aura lieu le mardi 29 novembre, à seize heures. À la suite de la réforme constitutionnelle engagée par la Haute Assemblée, les textes relatifs à l'organisation des collectivités territoriales doivent être déposés en priorité sur le bureau du Sénat, ce dernier étant, je le rappelle, le représentant constitutionnel des collectivités territoriales.

Le débat sur le prélèvement au profit des Communautés européennes interviendra le mercredi 30 novembre, à neuf heures trente.

Enfin, à l'occasion du vote de l'article d'équilibre, rénové et enrichi, sont prévus deux nouveaux débats thématiques portant respectivement sur les effectifs de la fonction publique et sur l'évolution de la dette de l'État.

La discussion de la deuxième partie, mission par mission, nous donnera ensuite - je l'espère ! - la possibilité de débattre, dès le premier euro, des grandes politiques publiques de l'État.

Enfin, cette année, la deuxième partie comportera des dispositions fiscales particulièrement importantes et exigera plus de temps que les années précédentes. C'est la raison pour laquelle la commission des finances s'est résolue à nous proposer - ce qui a été accepté par la conférence des présidents - de siéger le samedi 10 décembre et, éventuellement, le dimanche 11 décembre.

M. le président de la commission des finances acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

De la sorte, je pense que nous pourrons procéder le mardi 13 décembre, à une heure raisonnable, au scrutin public à la tribune sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2006.

Telles sont les différentes recommandations que je souhaitais vous adresser, aux uns et aux autres, afin que ce débat budgétaire ait, si vous me permettez cette expression, de l'allure !

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d'être présent aujourd'hui pour introduire ce débat sur le projet de loi de finances pour 2006. Jean-François Copé, qui participait ce matin au congrès des maires, nous rejoindra dans un instant. Ce débat s'annonce particulièrement riche, comme l'a été celui que nous venons d'avoir à l'Assemblée nationale.

Permettez-moi, en préambule à nos discussions, de remettre en perspective ce projet de budget pour 2006 et de souligner à mon tour le contexte institutionnel tout à fait particulier dans lequel il s'inscrit. En effet, l'année budgétaire 2006 est une année charnière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2006 est le premier à être soumis à la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Le budget que nous vous présentons est donc le premier « au format LOLF ».

Certes, le changement réside essentiellement cette année dans un énorme effort de présentation, mais c'est bien la première étape, indispensable, d'une ambition nouvelle en matière de rationalisation de la dépense publique et de réforme de l'État.

Il relève aujourd'hui de notre responsabilité politique, de ma responsabilité, pour redonner des marges de manoeuvre à notre politique fiscale, d'être encore plus exigeants sur la gestion des finances publiques que nous ne l'avons été au cours des trois dernières années.

La LOLF doit nous permettre - j'en suis convaincu -, dès 2007, d'aller plus loin et, par exemple, de converger graduellement vers une stabilisation en valeur du budget de l'État, c'est-à-dire vers une enveloppe stable d'une année sur l'autre. C'est en tout cas ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que je suis appelle de ses voeux.

Ce n'est d'ailleurs pas un voeu pieu ! Nous avons les moyens de cette ambition.

Depuis 2003, la dépense budgétaire est stabilisée. Cela paraissait impossible voilà quatre ans. Pourtant, la norme « zéro volume » est aujourd'hui bien ancrée dans notre paysage budgétaire. C'est bien la preuve que nous sommes désormais prêts à aller plus loin.

Le budget pour 2007 sera le premier à pouvoir pleinement tirer profit de l'application de la LOLF. Les indicateurs de performance auront été mesurés et les conclusions auront été tirées. Nous avons lancé, avec Jean-François Copé, dix-sept audits pour aider les ministères à accomplir ce travail.

Je reviens maintenant plus précisément sur le projet de loi de finances pour 2006, que vous présente aujourd'hui le Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis haut et fort, ce budget est un budget responsable, sincère et transparent. §

Ce budget, c'est d'abord notre vision, à Jean-François Copé et à moi-même, des évolutions des recettes, des dépenses et donc du déficit public, et ce de la manière la plus loyale et la plus transparente possible. Cette loyauté et cette transparence, je les revendique !

Mais c'est aussi notre engagement politique de tout mettre en oeuvre pour tenir les objectifs de dépense et de solde. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet engagement, je le prends devant vous !

Loyauté et transparence, c'est d'abord présenter à la représentation nationale des perspectives économiques crédibles. En entamant ce débat à l'Assemblée nationale voilà maintenant un mois, d'aucuns critiquaient les prévisions de croissance du Gouvernement. La croissance en 2005 ne pouvait dépasser 1, 5 % - que n'ai-je entendu ! -, et celle de 2006 ne serait certainement pas beaucoup plus élevée !

En ce qui me concerne, j'ai défendu ces perspectives budgétaires comme étant raisonnablement ambitieuses. D'ailleurs, les comptes du troisième trimestre que l'INSEE a publiés voilà dix jours nous ont largement donné raison, vous l'avez tous remarqué.

C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens devant vous aujourd'hui avec les mêmes prévisions et la même conviction que l'économie française a redémarré. Je tiens à le souligner, le taux de croissance du troisième trimestre, qui s'établit à 0, 7 %, est le taux le plus élevé de tous les grands pays européens pour cette période. Ce résultat, vous vous en doutez bien, n'est pas uniquement le fait du hasard. Il confirme, ce que je soutiens depuis plusieurs mois maintenant, que la croissance est repartie.

Certes, nous pouvons et nous devons faire mieux. Mais, en tout état de cause, après le creux d'activité subi à la fin de 2004 et au début de 2005, la tendance est à la reprise. Celle-ci est d'ailleurs confirmée par les performances du troisième trimestre et, d'après les indications en notre possession, se poursuivra sans doute au quatrième trimestre. Cela nous a conduits à inscrire dans le projet de budget une fourchette de croissance de 2 % à 2, 5 % pour 2006.

Nous pouvons en tirer plusieurs conclusions.

Nous avons d'abord la certitude que nous terminerons cette année au coeur de la fourchette annoncée par le Gouvernement, avec un taux de croissance situé entre 1, 5 % et 2 % pour 2005, et non au-dessous de 1, 5 %, comme certains l'affirmaient. Je le rappelle, à la fin du troisième trimestre, nous avons déjà pratiquement atteint le bas de cette fourchette.

Nous avons aussi la démonstration de la solidité de la reprise. Outre la consommation qui reste très dynamique, les deux autres moteurs de la croissance que sont l'investissement et les exportations montent en puissance.

D'une part, l'investissement devrait avoir progressé cette année de plus de 3 %. L'accélération est très nette par rapport au taux de 2004, qui était de 2, 4 %, et surtout par rapport à celui de 2003, puisque chacun se rappelle qu'il était de 0 %.

D'autre part, avec Christine Lagarde, je vous annonce que les exportations « explosent » au troisième trimestre puisqu'elles progressent de 3, 1 %, en apportant, pour la première fois depuis deux ans, une contribution positive à la croissance estimée à 0, 2 % !

Si ces résultats ne sont évidemment pas suffisants, il faut tout de même retenir que la tendance est positive et que nous allons dans le bon sens.

Enfin, avec la bonne tenue des enquêtes de conjoncture, nous avons la confirmation que nous abordons l'année 2006 en excellente position, comme nous l'espérions. §Selon les informations publiées ce matin, le moral des industriels progresse ce mois-ci encore au-dessus de sa moyenne de long terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le moral des Français, lui, n'arrête pas de baisser !

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Le climat des affaires dans les services et le bâtiment demeure très bon.

Les premiers indicateurs disponibles sur le quatrième trimestre vont dans le même sens, et je me dois de partager ces informations avec la représentation nationale.

Si la consommation de produits manufacturés a légèrement baissé en octobre, elle reste à un niveau très élevé après avoir connu une progression tout de même exceptionnelle au cours de l'été. Sur les douze derniers mois, la consommation aura augmenté de 3, 2 % par rapport aux douze mois précédents. Il faut le souligner, c'est une performance extraordinaire.

Les prix ont continué à baisser en octobre et l'inflation n'atteindra vraisemblablement que 1, 8 % sur un an, et ce malgré la hausse du pétrole, qui n'aura donc pas produit d'effets « de second tour » sur le plan économique, notamment, sur l'inflation.

Les créations d'entreprises se maintiennent à un niveau proche de leur plus haut niveau historique. Nous atteindrons certainement les 220 000 créations d'entreprises que nous escomptions en 2005.

En résumé, malgré, bien sûr, certaines difficultés persistantes, l'économie de notre pays donne des signes évidents de reprise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de ces seules tendances conjoncturelles, notre projet de budget est aussi la traduction de la politique conduite avec détermination par le Gouvernement, avec le soutien de la représentation nationale, en faveur de la croissance et de l'emploi.

Vous auriez pu à bon droit nous critiquer, Jean-François Copé et moi-même, si nous nous étions réfugiés derrière le consensus, pour définir une prévision de croissance conservatrice. §Nous n'aurions alors pas rempli notre rôle, qui est de prendre loyalement en compte l'ensemble des éléments à notre disposition. Je pense, en particulier, aux effets de toutes les mesures que nous avons proposées et que vous avez adoptées.

Oui, ce budget a été construit pour soutenir le rebond de l'activité. Oui, nous sommes convaincus qu'il permettra à notre croissance de s'inscrire l'an prochain entre 2 % et 2, 5 %.

Pour autant, aucune prévision n'est évidemment infaillible, et je ne sous-estime pas les risques du scénario que je viens de vous présenter, notamment ceux qui pèsent sur notre environnement international. Le pétrole, le taux de change, notamment de l'euro par rapport au dollar, la conjoncture chez nos principaux partenaires européens sont autant de variables que nous ne contrôlons pas et avec lesquelles il nous faudra vivre, quoi qu'il arrive. Mais c'est la loi du genre.

Le pétrole et le taux de change sont, à l'évidence, favorablement orientés depuis quelques semaines. Il reste à mieux mesurer l'impact d'une hausse éventuelle des taux d'intérêt dans la zone euro. À l'instar de mes homologues européens, je suis toujours aussi peu convaincu de la nécessité d'une telle hausse aujourd'hui. Je l'ai souvent répété, je ne vois aucun risque de résurgence de l'inflation ni en France ni dans la zone euro. Il convient de ramener les perspectives de hausse de taux à leur juste proportion. Le président de la Banque centrale européenne, la BCE, a lui-même précisé qu'elles n'annonçaient pas un cycle de resserrement monétaire dans les mois à venir, ce qui, évidemment, nous rassure quant aux futures décisions de la BCE, notamment en 2006.

Face à ces risques, nous sommes prêts à réagir et à adapter l'exécution du budget autant que possible pour tenir nos engagements, qui portent donc sur le niveau des dépenses et du solde public, mais pas sur celui de la croissance. La preuve de notre résolution apparaît notamment dans les orientations affichées dans le projet de loi de finances rectificative, présenté hier matin en Conseil des ministres, et qui nous permettra de contenir le déficit à 3 %, alors même que la croissance est nettement moins forte que ce qui avait été prévu il y a un an.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous sommes engagés, Jean-François Copé et moi-même, à respecter cette année, une fois de plus, l'autorisation parlementaire initiale, le fameux « zéro volume », à l'euro près. L'ensemble des ouvertures de crédits demandées est plus que gagé par des annulations de crédits.

Pour arriver à ce résultat, après avoir mis en réserve un montant global de 7, 4 milliards d'euros, le Gouvernement a décidé d'annuler 6 milliards d'euros, la différence ayant été dédiée à des besoins sociaux, urgents pour l'essentiel.

Soyez sûrs, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ferons preuve de la même résolution pour mettre en oeuvre le budget pour 2006, en utilisant notamment tous les moyens que nous offre dorénavant la LOLF.

À l'appui des éléments que je viens de rappeler, je puis dire que notre projet de budget pour 2006 fait sans ambiguïté le choix de la responsabilité.

Or c'est bien ce que requiert aujourd'hui la situation de nos finances publiques. C'est bien ce problème que j'ai voulu prendre à bras-le-corps en indiquant, en juin, que la France vivait au-dessus de ses moyens.

Certains ont trouvé que j'étais excessivement alarmiste. Avec Jean-François Copé, nous n'avons pourtant pas ce sentiment ! Je revendique d'avoir voulu provoquer une véritable prise de conscience, non pas en affirmant que les Français vivaient au-dessus de leurs moyens, mais en soulignant que c'était la France elle-même qui vivait au-dessus des siens ! Je n'ai pas peur des mots, il faut absolument corriger cette trajectoire dramatique prise par nos finances publiques. Je crois avoir ainsi créé, au moment décisif, en plein accord avec le Premier ministre, les marges de manoeuvre dont nous avions besoin, pour éviter des dépenses inutiles et concentrer nos moyens sur la croissance et l'emploi.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes bien au rendez-vous de la responsabilité.

Les résultats sont là. Pour la première fois, depuis plusieurs années, notre endettement sera stabilisé en 2006. Tout en honorant les différentes lois de programmation, qui concernent la sécurité, la justice, la défense, mais aussi les nécessités immédiates, notamment le budget de la ville, qui vient d'être augmenté de 200 millions d'euros à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettent de stabiliser le ratio d'endettement public l'année prochaine. Tout cela est possible grâce à la réduction progressive du déficit public et à l'affectation au désendettement d'une partie significative du produit des cessions de participation.

Ces résultats sont la concrétisation de la reprise en main du budget de la France depuis trois ans. Bien sûr, je le dis en toute sincérité devant vous, il n'y a pas là de quoi se réjouir exagérément, mais il s'agit en tout cas d'un premier pas dans la bonne direction. La poursuite de l'assainissement des finances publiques me semble l'une des conditions nécessaires à la revitalisation durable de notre économie, à sa « respiration ».

Cette stabilisation passe, bien évidemment, par la réduction de notre déficit public. C'est l'engagement que nous avons tenu en 2004, en ramenant le déficit public de 4, 2 % à 3, 6 % du produit intérieur brut ; c'est l'engagement que nous tiendrons en 2005 et en 2006, en repassant sous la barre des 3 %, puis en revenant à 2, 9 % en 2006.

Dans son rapport annuel sur la situation en France, publié en octobre, le Fonds monétaire international, après avoir intégré les mesures correctrices que nous avons ajoutées dans le projet de loi de finances pour 2006, a très clairement indiqué que nous étions capables de ramener notre déficit à 3 % du PIB dès cette année, en saluant, au passage, nos efforts pour redynamiser le marché du travail. Il envisage, pour 2006, avec des hypothèses de croissance effectivement moins favorables, qui n'intègrent pas les statistiques que nous avons publiées pour le troisième trimestre, un déficit de 3, 3 %. Cela correspond à notre objectif de 2, 9 %, si l'on procède à un ajustement de l'acquis de croissance sur l'année 2006 et si l'on inclut l'impact de certaines mesures ponctuelles non prises en compte par le FMI.

Certains ont relevé que les prévisions d'automne de la Commission européenne, qui viennent d'être publiées, semblaient moins optimistes. Elles ont cependant été élaborées avant la présentation du projet de loi de finances et la publication des chiffres confirmant la tendance que nous annoncions depuis plusieurs mois. C'est la raison pour laquelle je rencontrerai, à sa demande, le commissaire Almunia, pour discuter précisément de la situation et des nouvelles mesures, afin qu'il puisse les intégrer dans le modèle de calcul de la Commission européenne. Nous serons alors en mesure de le convaincre, tout comme nous l'avons fait avec le FMI, que les prévisions contenues dans ce projet de loi de finances sont sincères et réalistes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre ambition, à mon sens très claire, pour 2006 est de poursuivre notre effort budgétaire en 2006, afin de revenir à un déficit de 2.9 %, ce qui est, je ne vous le cache pas, un objectif ambitieux.

A cet égard, quelles sont les clefs d'une telle équation ?

D'abord, les recettes fiscales et sociales profiteront de l'accélération de la croissance, qui devrait donc se situer entre 2 % et 2, 5 %. Pour autant, le taux des prélèvements obligatoires n'augmentera pas sensiblement puisqu'il devrait être de 44 % du PIB en 2006, contre 43, 9 % du PIB cette année, soit 0, 1 point de plus.

Ensuite, le ralentissement des dépenses publiques sera accentué. Pour l'État, je l'ai souligné en préambule, ce projet de loi de finances prévoit, pour la quatrième année consécutive, une stabilité des dépenses en volume. Pour la sécurité sociale, la montée en charge des effets de la réforme de l'assurance maladie ainsi qu'un certain nombre de mesures complémentaires devraient permettre de ralentir d'au moins un point la progression des dépenses de santé. Par ailleurs, la baisse du chômage permettrait d'améliorer la situation financière de l'UNEDIC, l'Union interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce.

Enfin, dans nos prévisions, seules les dépenses locales continueraient de progresser rapidement puisque nous nous attendons à une augmentation de plus de 3 % en volume en 2006.

Mesdames, messieurs les sénateurs, d'un côté, nous entendons assumer notre responsabilité financière, c'est le cadre de travail incontournable du Gouvernement. De l'autre, nous souhaitons afficher nos ambitions économiques : c'est la priorité pour l'emploi et la préparation de l'avenir. Ce projet de budget pour 2006 sert ces deux grandes orientations de notre politique économique.

Ce projet de budget, le Premier ministre n'a eu de cesse de le rappeler, est au service de notre première priorité, l'emploi.

Jean-François Copé et moi-même avons consacré la totalité des marges de manoeuvre budgétaires, soit environ 4, 5 milliards d'euros, à l'emploi. Ce projet de budget « met en musique » les mesures du plan d'urgence pour l'emploi annoncées par le Premier ministre dès sa prise de fonctions.

Il s'agit du « contrat nouvelles embauches », dont le succès, constaté dès son démarrage, est désormais incontestable, avec plus de 170 000 contrats signés depuis le mois d'août.

Il s'agit de la montée en puissance des allégements de charges sociales sur les bas salaires imposés par la dernière étape de la réunification des SMIC.

Il s'agit de la neutralisation des contraintes financières liées au dépassement du seuil de dix salariés, mesure que je considère personnellement comme une ouverture déterminante pour le développement des très petites entreprises.

Il s'agit des orientations données sur le retour au travail des seniors. Alors que nous constatons aujourd'hui ce progrès exceptionnel qu'est l'allongement de la durée de vie, je me réjouis du succès des négociations menées sur ce sujet entre les partenaires sociaux.

Il s'agit, enfin, de la montée en charge des contrats d'avenir et des contrats d'accompagnement vers l'emploi.

Mais ce projet de loi de finances pour 2006 consacre surtout le deuxième acte de la stratégie du Gouvernement pour l'emploi et pour une croissance sociale, qui est de faire en sorte enfin que le travail paie plus que l'inactivité, en renforçant le pouvoir d'achat des salariés.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

C'est, d'abord, le sens des différentes incitations financières à la reprise d'emploi. Ainsi, sont prévus un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes qui reprennent un emploi dans un secteur connaissant des difficultés de recrutement, une prime de 1 000 euros pour les titulaires de minima sociaux qui retrouvent du travail et un crédit d'impôt de 1 500 euros en faveur des chômeurs qui reprennent un emploi à plus de deux cents kilomètres de leur domicile.

Nous proposons également de renforcer significativement la prime pour l'emploi. En deux ans, cette mesure portera la prime maximale à plus de 800 euros au niveau du SMIC, prime à laquelle s'ajoutera un supplément mensuel de 250 euros, dans le cadre de la réforme de l'actuel intéressement.

Mais ce projet de budget est aussi celui de la réforme fiscale d'envergure dont la France a tant besoin. Jean-François Copé et moi-même avons proposé au Premier ministre le principe d'une réforme majeure de l'imposition des personnes à travers trois dispositifs équilibrés.

Il s'agit, tout d'abord, de l'institution d'un plafonnement du prélèvement fiscal. Désormais, aucun contribuable ne pourra plus être taxé au-delà de 60 % de son revenu au titre des impôts directs, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, et les impôts directs locaux.

Il s'agit, ensuite, du plafonnement des avantages fiscaux à 8 000 euros, auquel s'ajoute un forfait porté à 1 000 euros par enfant à charge par l'Assemblée nationale.

Il s'agit, enfin, de la refonte en profondeur du barème de l'impôt sur le revenu. Le nombre de tranches du barème de cet impôt est réduit de sept à cinq et les taux sont abaissés du fait de l'intégration dans le barème de l'abattement de 20 %.

La refonte du barème de l'impôt sur le revenu, couplée à l'amélioration de la prime pour l'emploi, la PPE, est une réforme juste, d'abord, parce qu'elle récompense le travail et, ensuite, parce qu'elle soulage le fardeau fiscal pesant sur les classes moyennes. Ainsi, 80 % de l'effort global concernant la baisse des impôts bénéficiera directement aux ménages moyens et modestes.

Mais cette réforme de l'impôt sur le revenu renforce aussi la compétitivité et l'attractivité de notre pays. Avec la mise en place d'un plafonnement fiscal à 60 % du revenu, la France se situe enfin au même niveau que ses partenaires qui ont conservé un impôt sur la fortune. En affichant le barème réel de l'impôt sur le revenu et en simplifiant son calcul, nous permettons à notre pays d'attirer de nouveau les talents et les investisseurs privés dont nous avons besoin pour développer l'emploi et l'activité.

Vous l'avez compris, c'est un budget pour répondre à l'urgence afin de faire baisser le chômage et de remettre la France au travail. Les perspectives de poursuite de la baisse du chômage d'ici à la fin de l'année montrent que le terreau est bon ; c'est le moment d'enclencher le cercle vertueux travail-consommation-croissance-travail.

En même temps, il serait irresponsable de ne pas anticiper et de ne pas préparer notre pays aux enjeux de demain, l'irruption rapide des pays émergents, les mutations technologiques majeures, la montée en puissance d'une économie de l'immatériel et de la connaissance. Pour que cette baisse du chômage soit durable, nous devons aussi préparer les emplois de demain, en incitant nos entreprises à réinvestir dans l'avenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens à la troisième partie de mon intervention. Le projet de budget que nous vous présentons prépare l'avenir

Je veux parler, d'abord, du second volet de la réforme fiscale que nous proposons dans ce projet de loi de finances pour 2006.

Nous devons poursuivre l'amélioration de l'environnement fiscal de nos entreprises en le rendant encore plus favorable à l'investissement.

Voilà pourquoi la réforme de la taxe professionnelle que nous vous soumettons est cruciale. Elle vient en complément de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés adoptée par le Parlement l'an dernier et dont la deuxième tranche est financée dans ce projet de loi de finances.

Pour mener à bien cette réforme ambitieuse, deux objectifs ont guidé le Gouvernement, qui a voulu alléger la charge fiscale des entreprises pour préserver leur compétitivité, mais également responsabiliser les collectivités locales.

La réforme de la taxe professionnelle comprend deux volets. Elle garantit aux entreprises de ne plus jamais être imposées au-delà de 3, 5 % de leur valeur ajoutée et elle instaure l'allégement de la charge fiscale des entreprises sur les investissements nouveaux, de sorte que l'investissement ne soit plus taxé avant qu'il n'ait commencé à produire sa valeur escomptée.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Mais l'État doit aussi être acteur de ce réinvestissement dans l'avenir. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a fait siens les objectifs de Lisbonne, notamment celui de consacrer 3 % de notre richesse nationale à la recherche et au développement, et ce à l'horizon 2010. Ce doit être un moteur pour encourager les entreprises qui investissent trop peu dans l'innovation et comptent trop sur l'État pour le faire à leur place, et pour les inciter à relever leur contribution.

Le projet de budget pour 2006 prévoit que l'État y contribue de manière déterminante et concrète dès l'an prochain.

Après avoir mis en place, cette année, les outils nécessaires, notamment la mise en oeuvre coordonnée des pôles de compétitivité, de l'Agence de l'innovation industrielle, de l'Agence nationale de la recherche, de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, l'État va y affecter une partie très substantielle des recettes de privatisations pour financer des plans ambitieux de relance des investissements publics et de la recherche.

Sur les années 2005 et 2006, 4 milliards d'euros seront ainsi affectés à l'AFITF pour le financement des infrastructures terrestres, 2 milliards d'euros à l'Agence de l'innovation industrielle et un milliard d'euros à l'Agence nationale de la recherche. J'en attends un effet de levier substantiel sur l'investissement privé.

Par ailleurs, le crédit d'impôt recherche, principal outil, et au demeurant performant, de soutien public à la recherche réalisée dans les entreprises, que le Gouvernement propose de renforcer, sera assis plus largement sur le volume des dépenses de recherche et de développement des entreprises, ce qui rendra le dispositif plus efficace en améliorant la rentabilité directe de l'investissement en matière de recherche et de développement et favorisera I'attractivité de la France pour ce qui est des centres de recherche et de développement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances que nous vous présentons aujourd'hui, modifié et adopté par l'Assemblée nationale, est sans conteste un budget de croissance, c'est-à-dire porteur de croissance. Il est responsable financièrement, de façon à conforter la confiance de nos concitoyens. Il est prioritairement ciblé sur l'emploi, de manière à amorcer un enchaînement vertueux de la croissance, car c'est bien l'emploi qui crée l'emploi, comme l'activité qui crée l'activité. Enfin, il offre des perspectives d'avenir pour encourager résolument nos entreprises à investir.

En synthèse, le projet de budget pour 2006 a pour ambition de faire évoluer notre modèle social afin de mieux le préserver par la mise en oeuvre d'orientations politiques conformes aux valeurs de la majorité parlementaire

Ces valeurs, ce sont d'abord celles d'un État régalien fort pour assurer à tous sécurité et justice.

Les événements récents qui sont survenus dans les quartiers difficiles de nos banlieues nous ont brutalement rappelé que notre premier devoir de solidarité est d'assurer à tous nos concitoyens une France plus sûre, plus juste, où chacun peut faire respecter ses droits. Il ne faut jamais l'oublier.

C'est pourquoi nous assurons, à l'euro près, pour 2006, le financement intégral des engagements pris devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre des différentes lois de programmation pour la sécurité intérieure, pour la justice et pour la défense nationale.

Ces valeurs, ce sont aussi celles de l'efficacité économique comme fondement de la bataille pour l'emploi.

C'est ce qui fonde, face au chômage, notre refus d'engager des crédits pour un assistanat sans avenir ; c'est, au contraire, le choix résolu d'activer au maximum les dépenses de la politique de l'emploi, pour ce qui concerne, par exemple, les contrats d'avenir, la prime pour l'emploi, la prime de 1 000 euros pour les secteurs en pénurie, la prime pour la mobilité géographique.

C'est enfin, et surtout, après avoir réinscrit les emplois aidés dans une logique nouvelle et indispensable de droits et de devoirs dans le cadre de parcours réellement individualisés, le choix prioritaire pour notre gouvernement de la croissance, de l'investissement et de la réforme du marché du travail pour faire réellement et durablement décoller l'emploi marchand.

Ces valeurs, ce sont encore celles de la baisse des impôts et de la réforme fiscale pour que le travail paie plus que l'inactivité.

Oui, je le dis sans état d'âme, comme la majorité d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous croyons à la baisse des impôts pour dynamiser la croissance, le pouvoir d'achat et l'investissement dans notre pays.

C'est pourquoi, au-delà de la stabilisation des prélèvements obligatoires, ce projet de loi de finances prévoit, pour les particuliers comme pour les entreprises, la réforme fiscale tout à la fois la plus juste et la plus ambitieuse depuis longtemps en faveur des classes moyennes et de la compétitivité du territoire français. Il apporte des réponses structurelles, comme le plafonnement fiscal ou la réforme de la taxe professionnelle, à des handicaps majeurs de notre système d'imposition.

Ces valeurs, ce sont enfin celles de la maîtrise résolue des dépenses publiques.

Par la maîtrise de nos finances publiques, que met en oeuvre ce projet de loi de finances pour 2006, nous exprimerons clairement notre refus de financer plus longtemps à crédit ce modèle social auquel nous sommes tous si profondément attachés et, ce faisant, nous marquerons ensemble cette conviction, que je sais être la plus profonde et la plus partagée par notre majorité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai toute confiance dans la qualité du débat que nous allons maintenant conduire ensemble. Je serai plus que jamais, tout comme Jean-François Copé, à l'écoute de votre appréciation et de vos propositions, dans l'intérêt de nos compatriotes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Monsieur le ministre, soyez assuré que le débat au Sénat sera de grande qualité, comme le veut la tradition.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, presque jour pour jour, j'avais pris au pied levé mes fonctions de ministre délégué au budget et à la réforme de l'État en plein débat budgétaire au Sénat.

Revenant aujourd'hui dans cette enceinte, je suis heureux de vous présenter, aux côtés de M. Thierry Breton, un projet de budget comportant pour notre pays des avancées majeures, dont nombre d'entre elles étaient loin d'être gagnées voilà un an.

Trois points caractérisent le projet de loi de finances que nous vous soumettons.

Tout d'abord - raison pour laquelle ce projet de budget ne ressemble à aucun autre - nous sommes au rendez-vous de cette nouvelle Constitution budgétaire, dont nous avons tant parlé ensemble depuis ces dernières années. Le pari est tenu. Puisque ce projet de budget, pour la première fois, est entièrement construit sur le nouveau modèle de la Constitution budgétaire, nous allons parler de modernité, de performance, de productivité, de résultat, vocabulaire nouveau pour la gestion publique.

Par ailleurs, nous sommes au rendez-vous de tous les engagements pris devant les Français qu'ils concernent l'emploi ou la restauration de l'autorité de l'État. De ce point de vue, le projet de budget tient compte des événements qui se sont produits dans les banlieues ces dernières semaines.

Enfin, Thierry Breton l'a rappelé à l'instant, ce projet de budget met en oeuvre l'une des plus importantes réformes fiscales engagées au cours de ces vingt dernières années. Je vais développer ce point dans un instant.

Sur la forme, ce projet de loi de finances ne ressemble à aucun autre.

Être au rendez-vous de la LOLF, c'est d'abord vous présenter des documents totalement nouveaux. Comme nous nous y étions engagés, il n'y a plus de bleu budgétaire, c'est un souvenir. Aujourd'hui, nous parlons de projet annuel de performance, le PAP, comportant des programmes, des objectifs, des indicateurs.

C'est aussi vous garantir une vraie transparence, car désormais le budget va être une maison de verre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons vous faire part, ainsi qu'aux Français, des effectifs réels de la fonction publique et du budget des ministères, programme par programme. De la même manière, nous vous indiquerons le pourcentage des crédits destinés à être mis en réserve au cours de l'exercice grâce à la modification que je vous ai proposée, avec le concours actif d'Alain Lambert, que j'ai le plaisir de saluer, et de Didier Migaud.

L'un et l'autre ont été parlementaires en mission auprès de moi et ont travaillé tout au long de l'année à la mise en oeuvre de cette Constitution budgétaire.

Cela étant, nous n'allons pas nous payer de mots aujourd'hui, ni demain ! La Constitution budgétaire est écrite ; il faut la faire vivre. Le travail qui reste à accomplir est immense. Ne nous y trompons pas ! La LOLF pourrait se solder par un échec total : il suffirait d'en maintenir le caractère technocratique et abscons et de ne parler qu'entre spécialistes.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Autant vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce n'est pas du tout dans cette voie que j'entends m'engager.

J'ai, comme vous, j'imagine, les yeux rivés sur ce qui se passe à l'étranger. Nous devons, les uns et les autres, sans cesse regarder ce qui se fait de mieux ailleurs pour en faire bénéficier notre pays.

Voilà quelques semaines, lors d'un déplacement aux États-Unis - M. Thierry Breton s'y était d'ailleurs rendu quelques jours auparavant - j'ai pu, en y rencontrant mes homologues, mesurer tous les progrès que nous pouvons réaliser pour améliorer encore la lisibilité du budget. Je leur ai emprunté quelques idées dont j'aurai l'occasion de vous faire part au cours de cette discussion budgétaire.

J'ai, à cette fin, retenu deux pistes.

Je souhaite, en premier lieu, que notre pays puisse disposer des outils les plus performants en la matière.

Je suis en train de mettre en place, au sein du ministère du budget et de la réforme de l'État, un pôle de référence qui fera ce que l'on appelle, en anglais, du benchmarking, c'est-à-dire des études comparatives internationales dans le domaine de la gestion publique, si bien qu'à chaque fois qu'une bonne idée sera trouvée ailleurs, elle sera retenue, expérimentée et, éventuellement, gardée.

De la même manière, nous allons fédérer, au sein du ministère des finances, toutes les structures ou organismes qui concourent aujourd'hui de manière dispersée à cette activité d'observation de ce qui se passe à l'étranger et favoriser l'éclosion d'une recherche universitaire dans le domaine de la gestion publique.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Je vois que le groupe CRC a l'air d'accord !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Venez travailler avec nous, madame Borvo !

Je veux, en second lieu, renforcer le débat démocratique sur la performance.

Nous allons, dès le mois de janvier, ouvrir sur Internet un forum de la performance, sur lequel les Français pourront trouver la description des politiques publiques à travers tous les aspects budgétaires - combien cela coûte ? - les aspects performances - quels objectifs et quels indicateurs ? - mais également les aspects de la réforme de l'État - que faire pour améliorer les choses ?

Tous les projets annuels de performance seront mis en ligne sur Internet avec un effort particulier pour rendre l'information compréhensible par tous les citoyens. Tous les indicateurs seront renseignés en temps réel dès que l'information sera disponible.

De la même manière, seront accessibles sur ce site de la performance toutes les études comparatives, tous les audits que nous allons réaliser pour moderniser l'État. Cela permettra à chaque Français de prendre connaissance de ces questions et d'en débattre avec nous. J'en rendrai compte ici même devant vous régulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le travail qui reste à accomplir est immense, je l'ai dit. Nous devons aussi essayer de voir comment mettre en oeuvre les engagements qui ont été pris par le Premier ministre, comme M. Thierry Breton le rappelait voilà un instant.

Cela se vérifie, tout d'abord, pour l'emploi. Toutes les marges de manoeuvre budgétaires disponibles cette année sont consacrées à l'emploi, avec, en particulier, la revalorisation de la prime pour l'emploi et la neutralisation financière du franchissement du seuil de dix salariés, ainsi que l'achèvement de la montée en puissance des allégements de charges.

Pourquoi les allégements de charges augmentent-ils de 1, 8 milliard d'euros dans ce projet de budget ? Tout simplement parce qu'en juillet dernier le SMIC a, de nouveau, massivement augmenté, comme ce fut le cas en juillet 2003 et en juillet 2004. Parallèlement, le dispositif d'allégement des charges issu de la loi Fillon, pour neutraliser les conséquences de cette augmentation du SMIC, a achevé sa montée en puissance. Personne n'aurait compris qu'on fasse payer cette hausse par les entreprises, à un moment où nous mettons tout en oeuvre pour renouer avec la croissance et la création d'emplois.

C'est ce que j'avais dit, monsieur le président de la commission des finances, vous vous en souvenez, lors de notre débat nocturne, mais si intéressant sur les prélèvements obligatoires.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

C'est un supplément massif de pouvoir d'achat qui a été financé par ce biais. Ici encore, notre objectif est bien l'accroissement du pouvoir d'achat, notamment des salariés modestes, tout autant que la compétitivité des entreprises.

Lors de l'élaboration de toutes ces mesures, nous avons pensé aussi à ceux qui sont éloignés de l'emploi, en développant à leur intention un plan de cohésion sociale et en prévoyant des contrats aidés.

Dans tout cela se retrouve la « marque de fabrique » de notre économie. Elle repose sur trois idées simples.

Tout d'abord, nous refusons d'opposer sans cesse, de manière idéologique, l'économique et le social et donc, au final, d'opposer les Français les uns aux autres.

Ensuite, nous rompons avec la logique de l'assistance, qui a si longtemps tenu lieu de politique sociale à notre pays.

Enfin, nous nous engageons à accompagner chaque Française et chaque Français, aussi longtemps qu'il le faudra, sur le chemin du retour à l'emploi, à la condition, bien entendu, que ce soit dans un esprit de responsabilité, chacun respectant ses droits et ses devoirs.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Vous l'avez compris, le travail est bien au coeur de notre modèle de croissance.

La commission des finances souhaite qu'à cette occasion nous ayons un débat sur ce que l'on appelle communément la « TVA sociale ».

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit de substituer à des prélèvements obligatoires assis sur les facteurs de production une imposition assise sur la consommation afin de mieux répartir la charge fiscale entre les biens produits à l'étranger et ceux qui sont produits en France.

Souriressur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Ce débat est hérissé de difficultés de toute nature et très compliqué. C'est là, en réalité - nous le savons bien, les uns et les autres - une nouvelle approche de notre modèle de société que d'intégrer la TVA sociale, mais il est légitime, passionnant.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Le fait de débattre ne signifie pas pour autant que nous nous acheminons à coup sûr vers une réponse. Le sujet est beaucoup trop complexe ! Chacun sait qu'il faudra sans doute passer beaucoup de temps à y travailler, mais le fait que vous ayez souhaité en débattre, monsieur le président de la commission des finances, est suffisamment légitime pour que nous acceptions cette discussion. Sachez qu'elle ne suscite, de ma part, non plus que de celle de M. Thierry Breton, aucune hostilité.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

La deuxième priorité de ce budget est la restauration de notre État régalien. Pour la quatrième année consécutive, nous respectons les engagements pris dans les lois de programmation sur la sécurité, la justice et la défense. C'est tout à fait inédit !

Après les trois semaines que nous venons de vivre, marquées par la prolongation de l'état d'urgence sur notre territoire, qui pourrait songer à nous le reprocher ? Nous avons évidemment une obligation absolument majeure de ce point de vue, qui est de répondre aux attentes des Français, de donner à l'État les moyens d'assurer ses missions les plus essentielles, au premier rang desquelles se trouve la garantie de la sécurité des biens et des personnes.

La troisième priorité est de préparer la France aux défis de l'avenir.

Nous sommes au rendez-vous pour la recherche, avec un milliard d'euros pour la deuxième année consécutive et 3 000 emplois nouveaux.

Nous nous étions engagés sur la création de pôles de compétitivité.

Nous avions annoncé la création de l'Agence pour l'innovation industrielle. Le pari, là aussi, est tenu avec 2 milliards d'euros qui lui seront consacrés d'ici à 2007.

J'évoquerai à présent la réforme fiscale que M. Thierry Breton et moi-même allons vous soumettre.

C'est une réforme qui repose sur trois mots clés : la justice, la simplicité et la compétitivité.

C'est, avant tout, une réforme juste, qui profite à tous, aux foyers moyens et modestes.

Je citerai quelques chiffres pour vous en persuader. Les personnes bénéficiaires de cette réforme seront les Français qui gagnent entre 1 000 et 3 500 euros par mois et par personne contribuable. Ce sont eux qui vont principalement bénéficier de 75 % du produit de la réforme de l'impôt.

C'est un vrai choix politique et nous l'assumons. Ce sont bien les classes moyennes qui gagneront le plus, en pourcentage, à la réforme : la baisse moyenne est de 10 % pour les revenus inférieurs à 42 000 euros par mois et de 5 % au-delà.

Valoriser l'effort de ceux qui travaillent, c'est cela être juste, et c'est bien ce que pensent les Français. Dans un sondage CSA réalisé au début du mois de novembre, 79 % des Français se déclarent favorables au principe de faire bénéficier les classes moyennes en priorité de la réforme de l'impôt sur le revenu et 81 % des personnes interrogées soutiennent la hausse de la prime pour l'emploi, qui fera enfin une vraie différence entre les revenus du travail et ceux de l'assistance.

Sur ce sujet, il y a matière à débat. Cependant, sachant que, lorsque les sondages sont mauvais pour l'activité gouvernementale, ils sont toujours mis en exergue, il nous a semblé, à M. Thierry Breton et à moi-même, voyant que ledit sondage était excellent pour la réforme fiscale que nous proposons, qu'il valait peut-être la peine, exceptionnellement, d'en faire la promotion nous-mêmes. Je vous en ai adressé un exemplaire à toutes et à tous. Je suis persuadé que vous saurez en faire le meilleur usage.

Être juste, c'est aussi faire une réforme qui vise à maintenir et même à accroître la progressivité de l'impôt.

Avant la réforme, les 2 % de foyers aux revenus les plus élevés contribuaient à hauteur de 40, 6 % au produit global de l'impôt. Après la réforme, ils contribueront à 42, 1 %, soit une augmentation de leur contribution à l'impôt de 1, 5 point.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Cela serait sans doute de nature à inviter l'opposition à regarder aussi, de son côté, cette réforme avec un regard attentif et peut-être même souriant.

Cette réforme, à cet égard, est beaucoup plus juste que celle qui fut engagée par la gauche en 2001.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, pour un même coût budgétaire, M. Laurent Fabius, qui, à l'époque était moins versé dans le trotskisme qu'aujourd'hui

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

C'est sûr !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

...avait fait une réforme beaucoup moins progressive que la nôtre.

Être juste, c'est, enfin, mettre en place un mécanisme totalement inédit de double plafonnement : un plafonnement de la charge fiscale à 60 % du revenu, d'une part, et un plafonnement des avantages fiscaux, d'autre part.

Je dirai tout d'abord quelques mots sur le plafonnement à 60 %. Il a vocation, comme vient de le dire M. Thierry Breton, à empêcher l'impôt d'être confiscatoire.

Vous aurez noté que, sur les 93 000 personnes concernées par le plafonnement, près de 90 % figurent parmi les contribuables les plus modestes. C'est donc un élément de plus au service de la justice de notre réforme fiscale.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Sur les modalités de mise en oeuvre, l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le dispositif sur deux points. Lorsque le seuil de 60 % est dépassé du seul fait des impôts d'État, que sont l'IR et l'ISF, le financement du dispositif est uniquement à la charge de l'État ; au cas contraire, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale maintient une contribution des collectivités locales, mais celle-ci est prélevée de façon globale sur l'ensemble de la DGF pour un montant qui est globalement très faible, puisqu'il est de 43 millions d'euros.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Pour 21 milliards d'euros !

Grâce à ces adaptations, nous avons désormais un dispositif qui satisfait à toutes les attentes.

J'en viens maintenant au plafonnement à 8 000 euros, plus 1 000 euros par enfant à charge, du cumul des différents avantages fiscaux, autrement dénommé « plafonnement des niches », qui a suscité des débats approfondis à l'Assemblée nationale.

Au terme de ces débats, la méthode choisie par le Gouvernement a été validée. Nous aurons l'occasion d'en reparler longuement - pas trop j'espère, mais ne nous faisons pas d'illusion ! - ici même.

Cette méthode a consisté à établir des critères précis pour intégrer ou non les avantages fiscaux dans le plafonnement. Si le dispositif de défiscalisation des investissements en faveur de l'outre-mer en a été exclu, c'est uniquement en raison du dispositif particulier d'évaluation prévu par la loi d'orientation pour l'outre-mer et de la spécificité de nos territoires ultramarins, consacrée par la Constitution. Un rendez-vous d'évaluation de la loi Girardin est prévu au mois de juin prochain.

Le deuxième mot clé de cette réforme, c'est la simplicité. Elle caractérise la refonte totale de l'impôt sur le revenu : cinq tranches au lieu de sept, quatre taux au lieu de six, qui intègrent la suppression de l'abattement de 20 % et la baisse du barème. C'est une opération « vérité des prix » très cohérente avec la volonté d'attractivité fiscale de la France que nous voulons mettre en oeuvre.

La simplicité est aussi à l'origine de la suppression des deux impôts, ce qui n'est pas fréquent, que sont la contribution sur les revenus locatifs des particuliers et la vignette automobile sur les véhicules de société.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Enfin, la compétitivité est le troisième mot clé de cette réforme fiscale.

Ce mot est parfois considéré comme un peu barbare mais il revient, au fond, à un seul sujet : les larmes que nous versons quand nos entreprises se délocalisent, quand nos usines ferment et quand nos emplois quittent la France, laissant des centaines de salariés sur le carreau. C'est un drame humain pour les familles et pour les territoires qui sont touchés et c'est pour l'ensemble de notre nation un véritable constat d'échec.

Le mot compétitivité n'appartient ni aux théoriciens, ni aux technocrates. C'est la responsabilité majeure des hommes et des femmes politiques. Il serait irresponsable de considérer ce sujet comme second ou médiocre alors qu'il se doit d'être au coeur de toute politique économique.

C'est dans cet esprit que s'inscrivent trois mesures de ce projet de loi de finances.

D'abord, la réforme de la taxe professionnelle. Je reviens du congrès de l'Association des maires de France, où j'étais très impatient de me rendre.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

J'étais à l'Assemblée nationale lors des deux premiers jours de ce congrès et je bouillais d'impatience, non seulement parce que c'est ma nature profonde, mais aussi parce que mes oreilles sifflaient terriblement. J'avais donc hâte de pouvoir y aller, le troisième jour, afin de tordre le cou aux fausses informations qui circulaient et de m'expliquer directement devant les maires.

Je parle sous le contrôle de M. le président du Sénat, qui était à mes côtés, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué...

il me semble que j'ai été compris.

Que la réforme de la taxe professionnelle fasse l'objet de critiques, ce n'est pas une surprise pour moi ! On parle pudiquement de cette réforme dans les colloques, dans les salons et dans les réunions locales depuis des années, sans que personne ne prenne le risque de la présenter et de l'assumer devant vous.

Cet impôt est totalement inadapté à la réalité économique d'aujourd'hui. Alors même que, dans ce pays, comme Thierry Breton le rappelait tout à l'heure, nous nous mobilisons tous pour l'emploi et l'investissement, nous avons « sur les bras » un impôt qui taxe d'abord l'emploi et l'investissement ! On peut comprendre que cela suscite des difficultés.

Fallait-il pour autant ne pas en parler ? Évidemment non ! Nous sommes là, Thierry Breton et moi-même, non pour accumuler de l'ancienneté sans déranger personne, mais pour assumer nos responsabilités : on appelle cela le courage politique. Il nous faut essayer de trouver ensemble des solutions, tout en écoutant les messages des uns et des autres.

Selon les textes, aucune entreprise n'a vocation à être taxée à plus de 3, 5 % de sa valeur ajoutée. Or, en réalité, ce sont près de 200°000 entreprises qui sont aujourd'hui taxées à hauteur de 4°%, 5°%, 6°%, et même jusqu'à 10°% de leur valeur ajoutée !

Fallait-il continuer à prononcer de grands discours à la télévision et devant les parlementaires, avec des trémolos dans la voix, en faveur de l'emploi, de l'investissement et des entreprises et, dans le même temps, refuser d'admettre que cet impôt est inadapté ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Certes, chacun a bien conscience des difficultés que risquent de connaître les collectivités locales. En effet, cet impôt a au moins le mérite de leur permettre de mener une politique de développement économique sur leur territoire, dans la mesure où existe un lien entre l'activité économique et la vie locale, et où elles bénéficient de ces recettes. Enfin, normalement, parce que, il faut bien le dire, le premier assujetti à la taxe professionnelle, aujourd'hui, c'est l'État !

Nous nous trouvons donc dans un vaste jeu de rôles dont chaque protagoniste feint, en public, de ne pas s'apercevoir qu'un problème se pose. Or tout le monde, ici, sait qu'il fallait trouver des réponses.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Thierry Breton et moi-même avons imaginé des réponses autour de quelques principes simples.

Selon le premier principe, aucune entreprise ne doit être taxée au-delà de 3, 5°% de sa valeur ajoutée.

Le deuxième principe porte sur la réforme du dégrèvement pour les investissements nouveaux. L'exonération de ces investissements sera pérennisée et rendue plus efficace : elle sera totale la première année, des deux tiers la deuxième année, d'un tiers la troisième année, ce qui incitera au renouvellement des investissements.

L'Assemblée nationale, enfin, a retenu 2005 comme année de référence pour la prise encharge du plafonnement par les collectivités locales, à condition que la variation de taux entre 2004 et 2005 n'excède pas 4, 5°%, de telle sorte qu'aucune commune -°et aucun département°- ne devrait être concernée.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Pour le reste, chacun assume les impôts qu'il vote !

Cette modification majeure est, me semble-t-il, de nature à apaiser la plupart des craintes que ce dispositif a pu susciter chez les élus locaux. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler, car je souhaite mener de ce point de vue un travail approfondi avec les membres de votre assemblée.

Ce mécanisme doit être juste. Il faut donc tenir compte des effets pervers que cette réforme pourrait induire, notamment pour les collectivités, dont une partie très importante des bases est plafonnée et qui ont veillé, en même temps, à maîtriser leurs taux ; les dégrèvements refacturés pourraient peser lourd sur leurs recettes fiscales globales.

Je souhaite que votre Haute Assemblée aide le Gouvernement à atténuer cette difficulté. Je sais que votre commission des finances travaille activement sur ce sujet : la contribution du Sénat sera la bienvenue.

S'agissant du plafonnement fiscal, le taux de 60°% a fait l'objet de nombreuses discussions. Les taux de 50°% et de 70°% avaient ainsi été proposés. On peut toujours discuter longuement mais, à la fin, il faut faire un choix !

Ce taux de 60°% n'est pas tombé du ciel ! Avec Thierry Breton, nous avons les yeux rivés sur ce qui se passe en dehors de notre pays et nous avons constaté qu'un grand nombre de pays européens adoptaient, les uns après les autres, ce plafonnement à 60°% : l'Espagne, le Danemark, la Suède, l'Allemagne - qui connaît un taux de 50°%, mais pour le seul impôt sur le revenu°-, sans oublier les pays qui envisagent d'y recourir, comme la Grande-Bretagne.

Pourquoi serions-nous toujours les derniers à faire les réformes ? Pourquoi toujours attendre de voir si cela marche ailleurs avant de tenter quoi que ce soit ? Nous aussi, nous avons le droit d'expérimenter et d'essayer !

De ce point de vue, le taux de 60°%, qui s'applique à la fois aux impôts d'État et aux impôts locaux, a une bonne tenue et devrait mettre la France en conformité avec le standard européen.

J'en viens à la question de la compétitivité, liée à celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF.

Thierry Breton et moi-même l'avons dit à plusieurs reprises : nous ne souhaitons pas réformer l'ISF pour réformer l'ISF. Cela n'aurait aucun sens. En revanche, il est légitime de se pencher sur tous les impôts qui pénalisent la croissance et l'emploi, et éventuellement de les corriger.

À cet égard, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui exonère à hauteur de 75°% les actions, notamment celles qui sont détenues par les salariés, sous réserve d'un engagement de conservation, est bon, car il favorisera la stabilité de l'actionnariat de nos sociétés.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

En 1988, la gauche avait prévu une exonération en faveur des dirigeants, mais elle avait complètement oublié les salariés, madame Bricq !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Dans cet esprit, il nous a semblé que cela valait la peine de s'intéresser à l'actionnariat populaire et de combler cette lacune.

Ce dispositif de réforme fiscale est donc extrêmement ambitieux.

Monsieur Arthuis, j'ai le regret de vous dire - mais je voulais vous présenter auparavant ce projet de réforme°- que la TVA sociale que vous préconisez trouve difficilement sa place dans notre système. Certes, je souhaite que nous ayons un débat sur ce sujet, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

... car vous y tenez beaucoup, mais vous devez comprendre qu'il y a loin de la théorie à la mise en oeuvre.

Néanmoins, ce débat doit avoir lieu et nous y participerons, dans cet esprit.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Pour notre part, nous émettons les plus vives réserves sur ce dispositif. J'attire votre attention sur ce point, afin que vous mesuriez la place que tient cette réforme fiscale dans notre réflexion.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Naturellement !

J'en viens à ma conclusion.

L'ensemble du projet de loi de finances pour 2006 a été conçu dans une logique de responsabilité et nous avons eu à coeur, Thierry Breton et moi-même, de connaître le coût de chacun de ses éléments sur nos finances publiques.

Nous avons dû construire ce budget dans des conditions difficiles, en raison d'une forte accumulation de contraintes : un prix du pétrole qui a doublé en six mois, un ralentissement de la croissance économique en Europe et la concurrence de plus en plus marquée des pays émergents.

S'y sont ajoutées des contraintes budgétaires lourdes : une progression spontanée moins soutenue des recettes, une forte augmentation des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales, la perte par l'État d'une recette de 3°milliards, puisque la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, cessera, à compter du 1er janvier prochain, ses versements au budget général.

C'est dans ce contexte que nous avons travaillé à bâtir ce budget. Nous vous présentons une copie qui a deux caractéristiques : d'une part, le déficit budgétaire est totalement stabilisé à 46, 8° milliards d'euros, c'est-à-dire au même niveau qu'en 2005 et, d'autre part, les dépenses n'augmentent pas en volume, et ce pour la quatrième année consécutive.

Je sais qu'il est de tradition, pour l'opposition, de dénoncer le caractère « insincère » -°c'est le mot passe-partout !°- de tout nouveau budget : un gouvernement enthousiaste présente un budget fantastique, et le premier mot que trouve l'opposition, lorsqu'elle est de gauche, pour qualifier ce budget, c'est « insincère » !

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Thierry Breton a fait, de ce point de vue, une démonstration éclairante.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Les prévisions économiques, il faut les lire, les étudier et, ensuite, il convient de travailler et d'assumer ses choix !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Nous pensons que les mesures que nous avons prises, Thierry Breton et moi-même, pour stimuler la politique économique de notre pays lui permettront d'atteindre les objectifs de croissance.

J'en veux pour preuve un seul chiffre, celui de la croissance pour le troisième trimestre de 2005, qui s'élève à 0, 7°%. Ce message fort peut se conjuguer avec les dispositions que nous annonçons et avec celles que nous avons déjà prises, comme le contrat « nouvelles embauches », qui connaît un succès fantastique.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Cela devrait conduire chacune et chacun à réfléchir sur le principe si important du divorce entre l'économie et l'idéologie.

Le deuxième élément de sincérité est le collectif budgétaire ; Thierry Breton et moi-même l'avons présenté, hier matin, en conseil des ministres.

Traditionnellement, tous les projets de loi de finances sont complétés par des collectifs budgétaires pléthoriques, sortes de « matchs retours » de tous les arbitrages qui ont été considérés comme non satisfaisants par les ministres gestionnaires.

Le collectif budgétaire que nous avons présenté hier ne comporte pas une seule ouverture de crédits destinée à être reportée sur la gestion 2006. En cohérence avec l'esprit de la LOLF, le Gouvernement a veillé à restaurer la fonction initiale de la loi de finances rectificative de fin d'année, qui consiste à conclure la gestion budgétaire de l'année et non à compléter les crédits de la loi de finances de l'année suivante.

Monsieur le président de la commission des finances, je vous sais très attentif à cette question. Mes premiers souvenirs de ministre du budget défendant le collectif de l'année précédente sont restés gravés dans ma mémoire !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Certes, j'étais plein d'enthousiasme - comment ne pas être fier, heureux et honoré d'être le ministre du budget de son pays ?°-, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

... mais, en même temps, quel bizutage ! Je me rappelle des termes terribles que vous aviez employés pour qualifier le collectif de l'année précédente ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il le méritait !

Nouveaux sourires

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Celui que nous vous présentons aujourd'hui ne comporte aucun défaut de ce point de vue !

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. Lambert approuve bruyamment, et je m'en réjouis !

Souriressur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

J'en viens à un sujet essentiel en termes de sincérité : les cessions immobilières de l'État. Sur cette question, les sénateurs comme les députés ont eu l'occasion de « mettre les pieds dans le plat », et ils ont eu raison de le faire.

Quel était le problème ? L'État ne gérait pas son parc immobilier. Et, de ce point de vue, il y avait fort à faire !

Je veux rendre hommage, ici, au travail accompli par Alain Lambert qui, le premier, a osé dire que l'État devait connaître son patrimoine et a en a lancé le recensement. Nous savons aujourd'hui qu'il se compose de 26°000 immeubles, représentant une valeur de 33°milliards d'euros.

À cet égard, le rapport du député Georges Tron est éclairant sur l'incapacité de l'État à gérer correctement, jusqu'à présent, son patrimoine immobilier, et notamment les bureaux de ses fonctionnaires.

Nous avons donc, nous aussi, décidé de « mettre les pieds dans le plat »et de prendre ce dossier « à bras-le-corps ».

Pour la première fois, l'État atteindra l'objectif qu'il s'est fixé en matière de cession immobilière. J'avais dit devant votre assemblée, il y a quelques mois, que nous allions procéder à la vente d'une partie du patrimoine immobilier de l'État, représentant un montant de 600 millions d'euros. J'ai le plaisir de vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet objectif sera tenu. Les prix de vente sont conformes aux prix du marché : les intérêts du contribuable sont donc bien défendus.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Enfin, la politique immobilière de l'État va disposer désormais d'un opérateur. En effet, le service des Domaines va être totalement transformé et modernisé pour devenir le service France Domaines, un service dont les fonctionnaires partagent notre objectif d'une gestion active et dynamique du domaine de l'État, soucieuse des intérêts du contribuable.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

L'État va se doter également d'outils pour gérer son patrimoine immobilier, avec un compte d'affectation spécial, nouvelle technique empruntée à nos amis canadiens -°je vous disais que je regardais ce qui se passe ailleurs !°-, qui identifie les opérations et les loyers budgétaires.

Désormais, chaque mètre carré occupé sera évalué par rapport à son équivalent en loyer. Chaque ministère disposera donc d'une enveloppe qu'il pourra utiliser à bon escient. Si ses occupants souhaitent déménager dans un endroit où le loyer budgétaire est moins cher, le ministère conservera tout ou partie de la différence, afin d'améliorer les conditions de travail de ses agents.

Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, nous modernisons l'État. L'exemple de la gestion du patrimoine immobilier me paraît tout à fait représentatif de ce que nous souhaitons faire pour que les Français « en aient pour leurs impôts ».

Ce projet de loi de finances pour 2006 intègre aussi, et c'est le dernier élément, un plan en faveur des banlieues d'un montant de près de 400°millions d'euros, financé intégralement par des redéploiements de crédits.

En conclusion, je souhaite vous dire le plaisir qui est le mien, aujourd'hui, de débuter avec vous l'examen de ce projet de budget.

Les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'avancer sur plusieurs points. Je souhaite désormais poursuivre ce travail d'amélioration avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour parvenir au meilleur équilibre possible sur ce texte.

Soyez assurés de ma totale disponibilité pour répondre à toutes vos questions, et pour examiner sereinement et très attentivement l'ensemble des amendements que vous voudrez bien nous présenter.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'actualité financière et budgétaire européenne est contrastée.

D'un côté, nous recevons des critiques ou faisons l'objet de marques de scepticisme de la part de la Commission européenne. Le commissaire Joaquin Almunia estimait ainsi, le 17 novembre dernier, dans les prévisions économiques d'automne de la Commission, que le déficit public français devrait être excessif en 2005 et le rester jusqu'en 2007.

D'un autre côté, nous prenons connaissance avec plaisir des bons chiffres de la croissance pour le troisième trimestre, et ces courants ascendants renforcent, messieurs les ministres, la crédibilité de vos prévisions.

Face à de tels contrastes, quel comportement devons-nous adopter ? La commission des finances vous propose, mes chers collègues, une démarche en trois temps : d'abord, restons modestes ; ensuite, soyons ambitieux bien que réalistes ; enfin, plus que toute chose, soyons courageux...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est en trois parties ordonnées autour de ces trois axes que je vais m'efforcer de définir l'attitude de la commission des finances à l'égard du projet de budget qui nous est soumis.

En premier lieu, soyons modestes.

Cette modestie doit valoir pour les économistes d'abord, pour la commission elle-même ensuite et, naturellement, pour le Gouvernement enfin.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pour un gouvernement modeste, il verse facilement dans l'autosatisfaction !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le consensus des économistes n'est pas infaillible, les années 2004 et 2005 sont là pour le démontrer. S'agissant de 2004, le volontarisme de Nicolas Sarkozy quant à l'objectif de fin d'année aura gagné, mais grâce aux dividendes de la prudence d'Alain Lambert.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

S'agissant des années 2005 et 2006, ayons la lucidité d'observer que le redressement du troisième trimestre et l'acquis de croissance qu'il crée pour toute l'année 2005 rendent plus crédible la prévision pour 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si nous avions manifesté, voilà quelques mois, du scepticisme quant à l'écart entre la prévision gouvernementale et le consensus des conjoncturistes, les courants ascendants semblent aujourd'hui porter votre prévision, messieurs les ministres.

La modestie n'en doit pas moins toujours guider nos pas, car de nombreux aléas peuvent jouer dans des sens contraires : actuellement, le prix du pétrole baisse - tant mieux -, mais le dollar monte.

Par ailleurs, l'augmentation des taux d'intérêt peut aussi susciter quelques inquiétudes.

Je citerai à ce sujet la déclaration du 18 novembre du gouverneur de la Banque centrale européenne : « Nous allons réduire quelque peu le caractère accommodant de la politique monétaire actuelle, afin de maintenir sous contrôle les anticipations d'inflation. »

Je voudrais aussi rappeler qu'outre-Atlantique la FED a relevé à 4 % son taux directeur le 1er novembre et qu'il s'agit du douzième relèvement successif.

Les aléas doivent donc être attentivement considérés.

En tout état de cause, il semble aujourd'hui à la commission que le pari du Gouvernement peut être gagné, en termes de croissance et de réalisation des hypothèses économiques.

Au demeurant, s'agissant du niveau des recettes fiscales et de leur estimation, un bref retour en arrière s'impose.

Je le reconnais, la commission a été pessimiste dans ses appréciations du début de l'été dernier, mais elle a droit, me semble-t-il, au bénéfice des circonstances atténuantes, car nul ne pouvait prévoir le retournement de tendance dû aux fameux courants ascendants. Surtout, on a observé, en 2005, des élasticités des recettes fiscales inhabituellement fortes qui ne se retrouvent dans aucun modèle.

En termes de méthode, je persiste à penser, mes chers collègues, que le principe de précaution doit toujours nous guider et qu'il convient de ne surtout pas confondre l'objectif de croissance, qui est un objectif mobilisateur et de nature politique, et le taux de croissance de référence, taux à partir duquel les variables du budget sont calculées et les objectifs en termes de solde budgétaire déterminés.

Au total, le cadrage macroéconomique du budget pour 2006 nous semble volontariste, mais ce volontarisme ne paraît pas de nature à entacher la sincérité globale de l'exercice.

Enfin, messieurs les ministres, si la commission des finances du Sénat et son homologue de l'Assemblée nationale ne vous appellent à la prudence, qui le fera ? Et qui vous soutiendra lorsque vous aurez à défendre une approche rigoureuse face à certains de vos collègues dépensiers, et même beaucoup trop dépensiers, du Gouvernement ?

J'en viens au volet de l'ambition.

Trouvons le bon équilibre entre l'ambition et le réalisme. L'ambition est indispensable, ...

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

...car, sans elle, on est marginalisé dans le monde d'aujourd'hui. Où se manifeste donc l'ambition dans les documents budgétaires ?

Tout d'abord, nous trouvons dans ces documents l'amorce, pour 2007, d'une première réforme de notre modèle fiscal. Il faut prendre l'approche du Gouvernement pour ce qu'elle est. C'est une direction qu'il indique, direction dans laquelle nous ne pouvons que l'encourager à aller : simplification du barème, opération vérité à l'égard de l'étranger, encadrement des niches, en attendant, nous l'espérons, leur suppression, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous n'y croyez pas vous-même, monsieur le rapporteur général !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

...car, mes chers collègues, laisser subsister des législations complexes et virtuelles n'est d'aucune utilité et d'aucun intérêt.

Si la commission des finances appuiera donc le Gouvernement dans ses efforts pour réduire toute une série de corporatismes et d'intérêts catégoriels et particuliers, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les petits intérêts catégoriels, mais pas les gros intérêts capitalistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

...elle le fera dans l'esprit d'aboutir ultérieurement à quelque chose de plus clair, de plus net, de plus simplificateur encore.

C'est donc un premier pas dans la bonne direction : vous faites ce qu'il vous est sans doute possible de faire pour 2007, mais, bien entendu, il faudra aller plus loin.

Le « bouclier fiscal » est assurément un excellent concept. C'est à la fois une initiative de portée pédagogique et une garantie pour le contribuable, qui aura ainsi la certitude de ne pas avoir à sortir de sa poche plus d'une certaine proportion de ses revenus taxables à l'impôt sur le revenu.

Bien sûr, nous en débattrons dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi de finances - ce sera un des obstacles du steeple-chase qui nous attend -, mais qu'il me soit d'emblée permis de dire que la commission aura une vision globale du prélèvement et s'intéressera peut-être davantage au calcul du numérateur et du dénominateur qu'au taux lui-même, car, si un taux est intéressant, la réalité définie sans ambiguïté par les deux termes d'une fraction l'est encore bien davantage.

Il faut aussi être ambitieux en termes de maîtrise de la dépense. À cet égard, je veux complimenter le ministre délégué au budget, qui, dans les documents qu'il nous a adressés, laisse entendre à juste titre qu'il faudra probablement passer du « zéro volume » au « zéro valeur ».

Je salue sa lucidité, car le « zéro volume » s'interprète en tenant compte des changements de périmètres que nous avons déjà commentés. Les exonérations de charges sociales ou le financement des infrastructures de transport par l'agence que préside notre excellent collègue Gérard Longuet sont des opérations que nous ne contestons pas ; nous nous bornons à dire que, si l'on avait raisonné à méthodologie complètement inchangée, nous n'aurions pas été au rendez-vous du « zéro volume ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je suis convaincu, mon cher collègue, que vous ferez des propositions pour aller dans le sens d'une approche encore plus rigoureuse !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ne vous inquiétez pas : des propositions, on en a !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

S'agissant toujours de la maîtrise de la dépense, la commission approuve également la lucidité du Gouvernement quant à la nécessité de renouveler le processus des réserves de précaution et de contrôler les reports.

Elle souhaite, par ailleurs, que le Gouvernement s'appuie davantage encore sur l'outil qu'est la nouvelle loi organique pour rechercher la meilleure performance possible. Elle aura de nombreuses occasions de l'encourager à le faire lors de l'examen des crédits des différents programmes et missions.

Les chantiers à ouvrir, messieurs les ministres, doivent aussi refléter notre ambition commune.

De ce point de vue, la commission des finances réaffirme l'importance structurelle et stratégique qu'il faut bien attacher au débat sur la TVA sociale. Oui, mes chers collègues, c'est un pari à tenter, et nous le démontrerons, tant à l'égard de la concurrence extérieure qu'en termes de levier pour faire évoluer le modèle fiscal français, qui n'est à vrai dire qu'un reflet du modèle sociopolitique français.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Beaucoup ici considèrent que des changements, des sauts qualitatifs sont nécessaires pour assurer le devenir de ce modèle.

Par ailleurs, la prime pour l'emploi est améliorée cette année, mais nous tracerons sans doute des perspectives encore plus ambitieuses pour le futur afin de mieux la cibler, car, comme le disait très justement le ministre délégué au budget, elle doit constituer l'un des moyens de réelle incitation à la reprise du travail et à la sortie des dispositifs d'assistance qui sont à notre disposition.

Au titre des ambitions, messieurs les ministres, la commission estime que l'impôt sur les sociétés doit lui aussi être profondément réformé : la démarche qui est la vôtre dans ce projet de loi de finances pour l'impôt sur le revenu devrait et aurait pu être étendue à l'impôt sur les sociétés lui-même.

Meilleure visibilité de l'extérieur, réduction pour aller vers la suppression des « niches » fiscales, ces deux principes s'appliquent tout aussi bien, voire encore mieux, à l'impôt sur les sociétés qu'à l'impôt sur le revenu.

Enfin, au titre des ambitions, je voudrais évoquer, messieurs les ministres, un chantier institutionnel qu'il va bien nous falloir ouvrir.

Nous observons, dans cette loi de finances, que l'essentiel des mesures fiscales que nous allons voter, j'allais dire entériner, proviennent de lois sectorielles diverses et variées qui ont été votées par le Parlement tout au long de l'année. Cela représente moins 3, 8 milliards d'euros de recettes fiscales, alors que les mesures propres de la loi de finances ne représentent que plus 200 millions d'euros de recettes fiscales, et ce grâce à vous, monsieur le ministre du budget, qui avez dû quasiment in extremis, sur un certain nombre de points, rechercher les quelques formules nécessaires pour garantir l'équilibre au niveau qu'il fallait atteindre.

Notre sentiment est que la loi de finances comme voiture balai ou comme variable d'ajustement de toutes les lois sectorielles de l'année, franchement, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce n'est pas supportable !

M. Jean-Jacques Jégou applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Institutionnellement parlant, ce n'est pas supportable !

Si Michel Debré avait imaginé, lorsqu'il a rédigé l'article 40 de la Constitution, ce que l'on pouvait faire avec une dépense fiscale, à mon avis, la Constitution de la Ve République aurait été rédigée autrement et on y aurait inclus non seulement les dépenses supplémentaires, mais aussi les moins-values de recettes.

Or ce n'est pas le cas et, mes chers collègues, par un exercice de lucidité collective, dans le respect des principes de la Ve République, il faudra bien que nous y réfléchissions et que les initiatives nécessaires soient prises pour l'avenir.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mais, pour autant, nous devons rester pragmatiques. La politique est l'art du possible. Donc, messieurs les ministres, vous avez raison d'équilibrer les budgets pour satisfaire aux critères du pacte de stabilité et de croissance avec des éléments comme les soultes. Ce n'est pas la commission des finances du Sénat qui vous le contestera tout en faisant remarquer que, bien entendu, ce sont des opérations unitaires, qui ne peuvent se répéter. Cependant, elles sont bonnes à prendre : vous les prenez, nous les prenons et on ne saurait le contester.

De la même façon, j'y faisais allusion, monsieur le ministre du budget, les quelques opérations de reprise de trésorerie dormante, par exemple, vont assurément dans le sens de l'opportunité budgétaire. Ces mesures de rendement, vous avez raison de les prendre et de nous les proposer.

Toujours au titre du pragmatisme, j'évoquerai le rééquilibrage de plusieurs éléments de notre panoplie fiscale.

D'abord, la fiscalité locale sur laquelle nous reviendrons abondamment dans cet hémicycle. Je crois que l'on a à peu près trouvé le point d'équilibre pour faire évoluer la taxe professionnelle. Nous vous soumettrons quelques correctifs, quelques ajustements, quelques améliorations, messieurs les ministres, mais, sincèrement, par rapport à la boîte de Pandore que l'on avait ouverte en ce domaine, par rapport aux préconisations impossibles de la commission Fouquet, je crois que vous avez trouvé - pardonnez-moi de me répéter - le juste équilibre et des formules raisonnables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

S'agissant de la fiscalité écologique ensuite, vous allez bien faire progresser les choses avec la taxation des voitures en fonction de leur degré de pollution. Il me semble que cette décision est tout à fait substantielle.

En ce qui concerne, enfin, la fiscalité de l'épargne, l'initiative que prend la commission des finances de vous convier, mes chers collègues, à réexaminer le régime des intérêts versés sur les plans d'épargne logement de plus de dix ou douze ans doit nous conduire à rééquilibrer certains dispositifs et à rechercher l'efficacité dans l'affectation de l'épargne vers les besoins prioritaires de l'économie

Restant dans le pragmatisme, j'estime que vous avez raison, messieurs les ministres, de poursuivre dans le sens de l'arbitrage des actifs publics. L'ouverture du capital d'EDF à hauteur de 15 % est un excellent départ. Les opérations qui ont été réalisées, en particulier sur GDF, sont les bienvenues en termes de compétitivité et d'ouverture de notre économie.

Sur le dossier un peu plus complexe des autoroutes, nous souhaiterions, dans le cours du débat, être bien éclairés tant sur les procédures que sur les valorisations.

Si je reprends les études de nos collègues de l'Assemblée nationale, d'un côté, Gilles Carrez utilise un taux d'actualisation de 4 % des dividendes à verser par les sociétés d'autoroutes et il arrive à une estimation de 23 milliards d'euros ; de l'autre, Hervé Mariton estime, lui, que cette valorisation devrait se situer entre 12 milliards et 13 milliards d'euros en se fondant sur un taux d'actualisation compris entre 6 % et 6, 5 %.

J'espère donc, messieurs les ministres, que vous nous apporterez, au cours du débat, des éléments qui, en termes de gestion patrimoniale de l'État, nous permettront de souscrire sans aucune réserve à cette privatisation, par ailleurs certainement utile, des sociétés d'autoroutes.

Enfin, vous l'avez dit, monsieur le ministre du budget, les ventes d'immeubles de l'État doivent se poursuivre. Il n'y a aucune espèce de raison que les ministères thésaurisent de l'immobilier. Les loyers d'usage sont certainement un bon levier pour faire évoluer les habitudes et la gestion.

J'achèverai mon propos par un bref appel au courage.

M. Aymeri de Montesquiou s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Qu'est-ce que le courage ? Vous allez nous le dire ! Pour nous, ce serait d'affronter les problèmes des gens, le chômage, le pouvoir d'achat !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le courage, c'est une attitude, chère madame.

Nous en avons la profonde conviction, au sein de la commission des finances, notre modèle fiscal et social est inadapté. Il faut oser se remettre en question pour que, face à la compétition internationale, la France continue à occuper son rang, sa place, et à faire entendre sa voix. Une France affaiblie, trop endettée ou dont la gestion serait trop contestable, serait une France dont la voix ne porterait plus.

Debut de section - Permalien
Jean-François Copé, ministre délégué

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faut en avoir bien conscience : entre la finance et la politique, voire la politique internationale, il y a des liens plus étroits qu'on ne le pense parfois. Ce ne sont pas des mondes séparés, c'est un seul et même monde, souvent cruel mais il est ainsi.

Essayons d'être courageux. Je vais vous donner deux exemples : les dépenses de personnel, d'un côté, et la dette, de l'autre.

S'agissant des emplois budgétaires, on a créé l'outil avec la loi organique. L'outil, ce sont les équivalents temps plein travaillé. C'est donc le nouveau mode de calcul des crédits de masse salariale. Mais il faut avoir la volonté de s'en servir : l'outil, c'est la condition objective.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ensuite, naturellement, interviennent les éléments volontaristes. La commission a rappelé, à la suite de bien d'autres, que l'opportunité des grosses annuités de départ en retraite n'est pas suffisamment mise à profit.

M. Jean-Jacques Jégou applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Et il aura fallu, messieurs les ministres, quatre années depuis 2002 pour simplement compenser les créations nettes d'emplois de la dernière année du gouvernement Jospin.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me permets toujours de rappeler cette comparaison quand on nous parle des contraintes qui s'exercent sur le niveau des effectifs publics. Il a été très facile, au cours d'un dernier budget électoral, de créer 17 214 emplois, mais il aura fallu quatre budgets successifs, et dans la douleur, pour simplement compenser cette augmentation électorale et d'opportunité.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Un autre élément de préoccupation sur ce plan est relatif aux revalorisations salariales. Nous le savons bien, un point de rémunération de la fonction publique représente 800 millions d'euros et, dans le jeu de rôles traditionnel à ce sujet, les marges de manoeuvre, même celles qui seront nécessaires dans le dialogue social, ne sont jamais budgétées.

La loi organique permettra sans doute aux gestionnaires d'exercer davantage leur sens des responsabilités. Elle fixe des plafonds de crédits affectés à la masse salariale et elle donnera la possibilité aux ministres qui le voudront bien de se situer en dessous. C'est notamment en fonction de cela que nous apprécierons leurs performances de gestion dans un an.

Nous souhaitons que les modes de rémunération s'adaptent progressivement à la recherche de l'efficacité du service public. Nous aurons l'occasion d'y revenir fréquemment dans cette discussion budgétaire.

Autre élément, la dette, qui est en quelque sorte la drogue des États. Je vous propose cette formule car l'accoutumance à la dette permettrait de tout faire. L'État endetté est un État qui s'adonne à une conduite addictive.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les réveils n'en seront que plus difficiles. L'État drogué, c'est l'État qui voudrait continuer à tout faire et ne saurait pas choisir ses priorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Or la France, je le rappelle, est exposée à un risque en matière de taux. En effet, vous savez qu'une augmentation de deux points du taux d'intérêt moyen de la dette représente, quatre ans plus tard, 9 milliards d'euros d'intérêts supplémentaires. Je parle sous le contrôle de Paul Girod, qui nous a également fait remarquer, il n'y a pas si longtemps, que la CADES, que l'on met à part, comptabilise 37 milliards d'euros de dettes. Son appel au marché est identique à celui de l'Espagne. Merci, monsieur Paul Girod, de ce rappel !

La France est le premier émetteur de la zone euro. Pour la première fois, mes chers collègues, nous allons avoir un débat spécifique sur le recours à l'emprunt et nous aurons à approuver ou à rejeter - je pense plutôt à approuver - le plafond de variation de la dette, fixé à 41 milliards d'euros. Ce sera une excellente opportunité pédagogique de reprendre toute cette problématique.

Gouverner, c'est choisir, construire un budget, c'est arbitrer : grâce à la loi organique et à l'examen des programmes en base zéro, nous pourrons être plus conscients de cette réalité mais, en même temps, elle nous impose à tous, notamment aux parlementaires et donc aux sénateurs, des responsabilités nouvelles. En effet, nous pouvons amender, mais amender pour habiller Pierre en déshabillant Paul, c'est évidemment plus difficile que de faire un amendement gagé par l'augmentation fictive de la taxe sur les tabacs !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Ce n'est pas vrai ! Vous nous avez ôté le véritable moyen de faire des amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En conclusion, mes chers collègues, espérons que de nos débats naisse un progrès de cette loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Merci par avance, messieurs les ministres, de votre écoute. Merci de l'attitude constructive que vous-mêmes et vos collaborateurs ont vis-à-vis des propositions de la commission. Tâchons tous ensemble de faire en sorte que notre État, l'État dont nous allons voter le budget, demeure, sans doute dans les limites du raisonnable, un État providence, mais ne se transforme pas en un État de sollicitude au sens de Michel Schneider, c'est-à-dire un État qui, par ses mauvaises habitudes et les mauvaises habitudes de ceux qui s'adressent à lui, ne cesse de multiplier des promesses et de se réfugier dans un jeu d'illusions...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

... qui appelle nécessairement de fortes réactions du tissu social.

Mes chers collègues, vous pouvez le constater, c'est donc dans un esprit très constructif, mais tout en restant très vigilante, que la commission des finances aborde l'examen de ce projet de budget pour 2006, qui apporte de réels progrès.

Tâchons d'aller plus loin encore, grâce à vous, messieurs les ministres et aussi grâce à vous, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Vous l'avez rappelé en ouvrant cette séance, monsieur le président, la discussion que nous entamons aujourd'hui revêt un caractère historique, puisque, pour la première fois, le Gouvernement présente devant le Parlement son projet de loi de finances initiale conformément aux dispositions de la LOLF.

Pour la première fois, mes chers collègues, nous allons voter les crédits par mission, et non plus par ministère ; nous allons les voter au premier euro, et non plus pour les seules dépenses nouvelles, qui ne représentaient guère plus de 5 % du budget ; enfin, nous allons voter par référence à des objectifs de performance, et non plus seulement par référence à des moyens.

Une nouvelle culture est à l'oeuvre, voulue et conçue par la représentation nationale, votée dans un consensus supra- partisan, dictée par la nécessité de mettre un terme aux dysfonctionnements de l'État, à l'impéritie de la gestion publique ainsi qu'à l'immobilisme de la sphère étatique.

Alors que le « modèle français » paraît être à bout de souffle, ou en tout cas soumis à rude épreuve, comme en témoignent le niveau du chômage, les déficits abyssaux et les montagnes de dettes publiques, sans parler des violences urbaines, le renouveau est attendu. Il n'est plus question de jouer les prolongations dans l'attente des secours de la providence.

S'il est vrai que la LOLF n'est pas en soi une politique, elle doit cependant constituer désormais l'instrument de la lucidité de tous ceux qui prennent des décisions politiques. Certes, la LOLF n'est qu'un levier, un éclairage, un mode de gouvernance ; elle sous-entend la transparence et met l'accent sur l'obligation pour tout agent public de rendre compte de sa gestion. A sa façon, elle nous invite à rompre avec nos procédés approximatifs, puisque, dorénavant, les comptes publics devront être lisibles, vérifiables et sincères.

Allant jusqu'au bout de sa logique, notre nouvelle Constitution financière charge la Cour des comptes de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État. Mes chers collègues, la révolution est en marche !

Il n'y a plus de place pour la créativité conceptuelle, les petits arrangements de présentation budgétaire, les trompe-l'oeil, les petites tricheries convenues pour sauver les apparences et tenter de se mettre à l'abri des remontrances bruxelloises et, en fin de compte, se rassurer à bon compte. Il n'est donc plus question d'abuser les citoyens et de rendre impossible toute tentative de pédagogie, au nom de l'habileté politique.

Une ère nouvelle s'ouvre. C'est donc, messieurs les ministres, l'heure de vérité pour ce premier projet de loi de finances présenté sous l'empire de la LOLF.

Au moment où s'ouvre la discussion budgétaire, je voudrais tenter de répondre à trois questions. Le projet de budget pour 2006 est-il sincère ? Est-il l'expression de la réforme de l'État ? Enfin, les dispositions qu'il contient peuvent-elles stimuler la croissance et résorber le chômage ?

Première question : le budget est-il sincère ?

En juin dernier, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous avez tiré la sonnette d'alarme en affirmant que « la France vit au-dessus de ses moyens ». Votre projet de budget, avec un déficit prévisionnel de 46, 8 milliards d'euros, ne dément pas votre observation, surtout si l'on prend en compte les déficits prévisionnels des régimes obligatoires de protection sociale et l'assurance chômage, qui représentent, au total, plus de 60 milliards d'euros de déficit public - soit près de 2 000 euros de déficit par seconde ! - et qui viendront s'ajouter aux 1 100 milliards d'euros de dette publique.

À cet égard, il est sage de ne pas oublier que l'État supporte également la dette des droits à pension des fonctionnaires, qui est de l'ordre de quelque 800 milliards à 900 milliards d'euros.

Pour aller jusqu'au bout de l'exigence de sincérité, il conviendrait, en outre, de tenir compte des engagements souscrits par l'État en faveur d'organismes dont les dettes sont des dettes de l'État. Nous attendons donc les conclusions de la mission que vous avez confiée à Michel Pebereau, monsieur le ministre, pour avoir confirmation de nos analyses à ce sujet.

S'agissant de l'évolution des dépenses publiques, votre proclamation selon laquelle le cap du « zéro volume » est respecté s'expose quelque peu à la critique.

La suppression des crédits alloués à la sécurité sociale en compensation des exonérations de cotisations liées à la réduction du temps de travail constitue un heureux arrangement. En effet, si les crédits en cause étaient restés inscrits au budget général, il eût fallu, du fait de leur poids relatif - 18, 9 milliards d'euros, soit une progression de10 % - faire face à près de 0, 4 % de progression du volume de la dépense publique.

Par ailleurs, la débudgétisation des crédits alloués à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport, l'AFIT, à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR et à l'Agence de l'innovation industrielle, l'AII, par prélèvement sur les ressources de privatisation, permet au Gouvernement, de manière optique, de ne pas avoir à constater une évolution significative du volume des dépenses publiques.

A cet égard, je voudrais dire que, face à une situation donnée, tout gouvernement peut faire le choix d'un supplément de dépense publique. L'option est parfaitement respectable et mieux vaut qu'elle soit assumée comme telle.

En outre, le recours massif aux dépenses fiscales vous dispense, messieurs les ministres, de faire apparaître de nouveaux crédits budgétaires. Ne perdons pas de vue, mes chers collègues, que de telles pratiques « plombent » les recettes des budgets à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Au demeurant, la tendance ou, devrais-je dire, la dérive s'affiche avec une telle vigueur qu'elle s'approche de la sincérité. Mon propos est largement avivé par votre renoncement à débusquer toutes les « niches » fiscales, en contrepartie de votre projet de réforme du barème de l'impôt sur le revenu, grâce à l'institution d'un « bouclier fiscal ».

En particulier, mes chers collègues, la sanctuarisation de la défiscalisation des investissements « ultramarins » me pose un problème de conscience que je souhaiterais vous faire partager.

L'ingéniosité de certains montages, sans doute parfaitement légaux, ne parvient pas à se concilier avec l'idée que je me fais de l'équité fiscale. J'aurai l'occasion, si vous le désirez, de m'en expliquer lorsque les articles en cause viendront en discussion.

A mes yeux, il ne peut être admis d'instituer un « bouclier fiscal », tel que l'a conçu le Gouvernement, sans fixer un seuil pour les revenus les plus élevés, à savoir ceux qui, dans mon esprit, se situent au-delà des limites actuelles ouvrant droit à l'abattement de 20 %, appelé à disparaître, soit 120 000 euros. Je pense, en effet, que, à partir de ce niveau de revenu, nous pourrions maintenir un plafonnement rigoureux des réductions d'impôt du fait des « niches », quelles qu'elles soient.

Enfin, je me garderai de contester la prévision de croissance sur laquelle repose ce projet de budget. Croyez bien, monsieur de ministre de l'économie et des finances, que je forme des voeux pour que le taux effectif soit le plus élevé possible, même si, en matière de prévision de croissance, tout nous porte à l'humilité. Cela dit, vous êtes tout à fait dans votre rôle en faisant preuve d'optimisme, voire de volontarisme.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Un optimisme modéré !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout cela pour dire que votre budget n'est pas insincère, puisque les sujets de reproches auxquels vous l'exposez ne sont en aucune façon dissimulés.

Murmuressur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Deuxième question : le projet de loi de finances pour 2006 est-il l'expression de la réforme de l'État ?

Oui, sans doute, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

...en ce que de louables efforts ont été déployés dans la plupart des administrations pour respecter les objectifs et les modalités de la LOLF.

Observons, toutefois, que l'engagement des ministères est contrasté. Ainsi, si certains méritent des compliments, d'autres ont fait preuve d'inertie. L'analyse des crédits par mission et par programme a, de ce point de vue, livré son lot d'informations utiles. Une floraison d'indicateurs fait vivre l'espérance d'une pratique nouvelle, privilégiant l'efficacité de la dépense publique.

Cela étant, trois ombres au tableau nous amènent à nuancer notre appréciation.

Il s'agit, tout d'abord, du quasi-remplacement des départs en retraite des fonctionnaires. Ce sont, en effet, neuf postes rendus vacants sur dix qui seront pourvus.

Certes, j'en conviens, en termes d'affichage immédiat, la politique volontariste n'est pas gratifiante dans ce domaine. En effet, de telles mesures, courageuses, lucides et déterminées ne produisent pas de résultats budgétaires significatifs avant plusieurs années, monsieur le ministre délégué au budget. Mais sommes-nous à ce point soumis à la tyrannie du court terme que nous soyons conduits à renoncer à ce qui est durable ?

Ma deuxième préoccupation a trait à la multiplication, au fil des semaines, d'annonces qui, toutes, impliquent de nouvelles dépenses publiques, alors même que, de toute part, il nous est signalé que les arriérés d'engagements antérieurs restent à financer.

Enfin, j'évoquerai une dernière ombre au tableau, à savoir que le système d'information comptable, budgétaire et financière de l'État est en attente de réforme. Autrement dit, il va falloir, avec tous les risques d'inévitable opacité, procéder à de multiples retraitements et ajustements afin de respecter, en apparence tout au moins, les prescriptions de la LOLF.

Notre vrai défi commun, à vous messieurs les ministres comme à nous, membres du Parlement, est de démontrer que la LOLF n'est pas une nouvelle couche de peinture superficielle destinée à faire croire que la réforme de l'État serait bien engagée.

Pour ma part, je reste confiant, d'abord, parce qu'il n'y a pas d'alternative et, surtout, parce que la multiplication des signes tangibles d'adhésion à la démarche constitue un bel encouragement. En d'autres termes, je dirai que le mouvement est lancé.

Troisième question : le projet de budget pour 2006 peut-il stimuler la croissance et résorber le chômage ?

Les articles de la première partie comportent peu de mesures susceptibles d'affecter la conjoncture économique. Tout a déjà été décidé dans des lois antérieures, ainsi que l'a fort justement rappelé notre rapporteur général lorsqu'il nous a suggéré de revoir notre méthode.

Les réformes fiscales de poids que vous nous proposez, messieurs les ministres, viendront en discussion dans les articles non rattachés de la seconde partie. Elles n'auront d'effets que sur le budget pour 2007 et au-delà ; de ce fait, elles suscitent un large débat où se mêlent inquiétudes et satisfactions.

La réforme du barème de l'impôt sur le revenu et l'institution d'un bouclier fiscal limitant à 60 % du revenu le montant global des prélèvements au titre des impôts locaux, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, répond à une exigence de compétitivité fiscale du territoire français.

Pouvons-nous nous satisfaire plus longtemps de l'exil d'un nombre croissant de contribuables que les pays voisins de la France qualifient de « réfugiés fiscaux » ? Les délocalisations fiscales sont, certes, réelles, mais, si elles sont extrêmement préjudiciables, elles ne sont pas pour autant une fatalité. Le courage consiste à reconnaître qu'il est possible d'y porter remède, et c'est ce que fait le Gouvernement, puisque le dispositif proposé représente incontestablement un correcteur d'excès et une simplification.

Subsistent, toutefois, certaines scories non négligeables. Le Gouvernement, après avoir conçu, dans un premier élan tout à fait louable, de lutter fermement contre toutes les fameuses « niches », vient de mettre hors champ certaines d'entre elles à l'Assemblée nationale.

Qu'il me soit permis de m'étonner de ce renoncement qui, à mes yeux, offense l'équité. Je suis prêt à m'en expliquer et j'ose espérer que le Sénat y mettra bon ordre.

Hormis cette critique, la réforme est globalement bien orientée, pour motiver l'investissement productif, pour encourager le travail et pour rendre du tonus à notre économie. Notre barème, comparé aux barèmes en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne, cessera de faire de la France une anomalie.

Mais il subsiste une réforme majeure, qui ne reçoit qu'une timide et bien incomplète réponse. À l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires, nous nous sommes efforcés de convaincre le Gouvernement que certaines contributions, assises sur le travail, détruisent l'emploi dans la sphère marchande. Dans une économie globalisée, il n'est plus possible de demander aux entreprises de financer la solidarité, notamment le système de santé et la politique familiale. Ces charges salariales constituent de véritables « droits de douane à l'envers », auxquels échappent tous ceux, de plus en plus nombreux, qui vont produire hors du territoire national.

Dès lors, demandons aux entreprises de s'occuper de la créativité, de l'innovation, de l'investissement productif, de la production de biens et de services, de la création d'emplois, mais cessons de les charger du financement de la solidarité, qui incombe à la nation, c'est-à-dire à l'ensemble des familles et des citoyens.

De là vient la proposition d'instituer un autre mode de financement de la santé et de la politique familiale. Si nous taxons la production, elle franchira nos frontières pour rester compétitive. Nous proposons, vous le savez bien, messieurs les ministres, d'assurer un financement de substitution par la « TVA sociale ». Or rien n'est prévu, dans ce budget, pour avancer dans cette voie, et pourtant le temps presse !

Monsieur le ministre délégué au budget, j'ai pris bonne note de votre engagement, de même, je pense, que de celui de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous me répondez que cette réforme est difficile. C'est vrai ! Néanmoins, est-ce que nous n'osons pas parce que c'est difficile ou est-ce c'est difficile parce que nous n'osons pas ?

Reconnaissons toutefois que la réforme de la taxe professionnelle que nous soumet le Gouvernement est de nature à satisfaire en partie l'une des attentes des entreprises. En revanche, ce dispositif suscite de réelles inquiétudes parmi les élus des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cette problématique illustre l'antagonisme croissant entre les entreprises, confrontées désormais à une concurrence internationale, et les collectivités, enracinées dans un territoire. Gageons que le début de réponse que le Gouvernement nous apporte n'épuisera pas ce sujet et que nous aurons l'occasion, avant longtemps, de revoir la copie.

Pour appréciable qu'elle soit, en effet, cette réforme ne suffira pas à inverser substantiellement la tendance. Je gage que, comme la plupart de nos réformes fiscales, caractérisées par une complexité excessive, celle-ci ouvrira de nouveaux et fructueux espaces aux adeptes de l'optimisation fiscale.

S'agissant de l'emploi, il n'est pas douteux que la loi de finances pour 2006 sortira du chômage nombre de personnes en difficulté. Mais ce sera grâce aux moyens qu'offre la dépense publique ! Cette situation est préférable, bien sûr, au non-emploi, mais cette réponse ne peut être que provisoire, et nous devrons bien vite en sortir, sauf à nous contredire.

Messieurs les ministres, votre budget est à l'image de notre société. Il reste nécessairement marqué par le poids du passé et révèle nos contradictions les plus criantes. S'il n'échappe pas à la critique, il ouvre néanmoins, grâce à la LOLF, quelques perspectives prometteuses pour réformer l'État. Il faudra du temps, et aussi une volonté sans faille, à l'abri de la frénésie d'affichage immédiat qui met à si rude épreuve la crédibilité des acteurs politiques que nous sommes.

Ce projet de budget n'est pas insincère, parce qu'il affiche clairement que la France ne vit pas en dessous de ses moyens. Convenons qu'il s'agit d'un budget de transition. Nous mesurons les limites de la démocratie d'opinion, dont les excès érodent gravement le crédit du mode de gouvernement et des responsables que nous sommes.

Monsieur le ministre de l'économie et des finances, n'attendons pas que les agences de notation suppléent notre indécision par des sanctions coûteuses, car nous aurions alors à supporter un accroissement substantiel de la charge de la dette publique !

Nous avons le devoir, mes chers collègues, de mettre à profit chacun des vingt jours de discussion qui s'offrent à nous pour améliorer le texte que nos collègues députés viennent de voter. Veillons, d'emblée, à faire bon usage de la LOLF. Je sais que chacun, ici, s'y est préparé, tout comme vous, messieurs les ministres, en particulier M. le ministre délégué au budget. Croyez bien que nous sommes prêts à partager tout le plaisir que vous donnera cette discussion.

Mes chers collègues, je forme des voeux pour que notre longue discussion soit riche et fructueuse.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures vingt.