Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que présidente de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, je ne pouvais manquer de venir m’exprimer ce soir.
J’irai droit au but, monsieur le ministre : ce serait un bon budget si nous étions en période normale. Dans les circonstances présentes, il faut plus de moyens, plus d’hommes, plus de matériels. Comprenez-moi bien, je ne cherche pas à critiquer votre action, et encore moins celle des forces de police et de gendarmerie, auxquelles tous ceux qui m’ont précédée à cette tribune ont rendu hommage à juste titre, mais j’exprime une inquiétude.
Dimanche dernier, M6 a diffusé un reportage sur les réseaux djihadistes en France. L’équipe de journalistes est parvenue à remonter une filière de vente de drapeaux à la gloire de Daech, dont le cœur était dans le département de l’Ain. En dépit des précautions prises par les journalistes pour masquer le nom des rues, ce sont les habitants du village concerné qui ont prévenu les forces de l’ordre, après avoir eux-mêmes reconnu les lieux à la télévision.
Cette anecdote pourrait s’arrêter là si elle ne venait malencontreusement renforcer ma conviction que nous ne consacrons pas assez de moyens à la lutte contre les réseaux djihadistes. Je connais votre détermination et vous connaissez la nôtre à cet égard. Il n’y a donc aucune d’ambiguïté. Simplement, il existe un décalage grandissant entre nos moyens de lutte contre ces réseaux et leurs récentes mutations. Nous avons aujourd’hui sur notre territoire des filières qui font l’apologie du terrorisme et qui travaillent à son financement. Ces mêmes filières se sont imposées comme la direction des ressources humaines de l’ennemi que nous sommes partis affronter en Irak et en Syrie.
J’ai lu avec beaucoup d’attention les rapports budgétaires. Pas un seul ne comporte le mot « terrorisme ». Pas un seul ne mentionne les enjeux auxquels nous devons faire face. Or ces moyens doivent bien servir à quelque chose. Certes, il s’agit de rapports budgétaires, mais nous ne sommes pas dans un cas de figure tout à fait classique à une époque tout à fait tranquille. Appelons un chat un chat : la délinquance de tous les jours n’est pas la délinquance djihadiste !
Dans le cadre de l’État de droit, auquel nous sommes tous attachés, nous avons voté avec plus ou moins de bonne humeur, le 13 novembre dernier, un texte relatif à la lutte contre le terrorisme, qui prévoit l’interdiction administrative de sortie du territoire, le blocage – qui a été obtenu avec beaucoup de difficultés – des sites internet faisant l’apologie du terrorisme, la création d’un délit d’entreprise terroriste individuelle. Mais toutes ces mesures ne suffiront pas !
Ce matin, j’ai demandé à votre collègue François Rebsamen s’il s’était assuré que ces djihadistes étaient bien répertoriés, notamment par les services de l’ANPE. En effet, des informations que nous pouvons avoir montrent que ces gens fraudent obstinément et avec beaucoup d’entrain nos services sociaux. Même si les sommes ne sont pas très importantes, il n’y a aucune raison que nous financions par les assurances sociales ou les indemnités chômage ceux qui s’apprêtent à commettre des actions terroristes et criminelles en Syrie ou en Irak.