Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après des années de coupes budgétaires et de stigmatisation, le ministère de la justice se doit de présenter un budget conforme à ses objectifs en matière de réforme et d’amélioration du fonctionnement de la justice.
Le budget de la mission « Justice » pour 2013 était en augmentation de 4, 2 %, avec 500 emplois créés ; la hausse en 2014 a été de 1, 7 %, avec 555 emplois créés. La hausse sera équivalente en 2015, même si l’augmentation du budget se limite, pour l’essentiel, aux crédits de l’administration pénitentiaire.
Sur ce dernier point, je souhaite vous faire part d’un regret : l’absence de financement de postes d’aumônier musulman dans nos prisons. En effet, j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, notamment lors des débats sur les différentes lois relatives à la lutte contre le terrorisme, il est urgent, si l’on ne veut pas que les textes que nous votons ici soient vains, de s’attaquer à l’une des causes de la radicalisation de certains de nos jeunes, à savoir l’endoctrinement en prison, sur fond d’ignorance, avec conversion à un islam fondamentaliste.
Le rôle des aumôniers musulmans agréés par l’État intervenant en prison, qui sont les plus aptes à constituer – s’ils sont formés comme il se doit, bien entendu – un rempart contre le fanatisme, est capital. Or le constat est sans équivoque : les aumôniers musulmans en prison sont trop peu nombreux. En 2004, ils étaient 69, dont 30 indemnisés, sur un total de 918 aumôniers. Dix ans plus tard, le nombre d’aumôniers musulmans a certes presque triplé, puisqu’il est passé à 178 en 2014, sur un total de 1 470 aumôniers, mais il reste insuffisant au regard du nombre de détenus musulmans : selon un sondage récent, quelque 50 % des détenus seraient musulmans. Par comparaison, on compte, en 2014, 684 aumôniers catholiques, 346 aumôniers protestants et 71 aumôniers juifs.
Nous ne pouvons donc que regretter que, contrairement aux deux années précédentes, aucun poste d’aumônier supplémentaire ne soit prévu, alors même que le budget de l’administration pénitentiaire connaît une hausse significative.
Si l’on parle de l’administration pénitentiaire, on ne peut pas faire l’économie d’évoquer le problème de la surpopulation carcérale et de l’encellulement individuel. En onze ans, le poids de l’administration pénitentiaire dans le budget du ministère de la justice est passé de 29 % à 43 %. Cette hausse s’explique par l’augmentation continue du nombre de places : plus de 10 000 en dix ans.
Malgré ces nouvelles places et la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, la surpopulation carcérale reste un véritable fléau dans notre pays. Cette situation nourrit de nombreuses tensions et aggrave les conditions de détention : au 1er novembre 2014, 1 065 détenus dormaient sur un matelas posé à même le sol. Aujourd’hui, le taux d’occupation des maisons d’arrêt est de 134 % ; ce taux est relativement stable depuis 2012. On dénombre en moyenne 1, 31 détenu par cellule. Nous sommes donc très loin de l’objectif d’un détenu par cellule.
Faut-il rappeler que le principe de l’encellulement individuel a été affirmé pour la première fois en 1875 ? Depuis lors, son application n’a cessé d’être repoussée. Si l’on ne peut assurer des conditions de détention décentes, nous devons prendre nos responsabilités et imaginer des alternatives. C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste a soutenu et défendu avec vous, madame la garde des sceaux, la réforme pénale.
Pour conclure, je dirai que le groupe écologiste salue les progrès accomplis et les changements politiques apportés pour sortir de la politique du « tout-carcéral » et du « tout-répressif », que nous avons pendant longtemps dénoncée. Malgré un budget très contraint, la justice reste une priorité du Gouvernement. Nous nous en félicitons et nous voterons, par conséquent, les crédits de cette mission. §