La proposition de loi, dont je ne suis pas signataire, émane du maire de Calais, Madame Natacha Bouchart. La ville compte environ 3 000 personnes en situation irrégulière dont la présence est liée à des bandes organisées de passeurs. Sa situation particulière et médiatisée explique que l'auteur de la proposition de loi ait voulu compléter l'arsenal législatif existant et notamment les dispositions de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo).
La protection du domicile relève traditionnellement du juge judiciaire. La Cour de cassation donne une interprétation extensive de la notion de domicile qu'elle définit comme le lieu où une personne a le droit de se dire chez elle. À côté des procédures judiciaires classiques, au fond, en référé ou sur requête, l'article 38 de la loi Dalo a ouvert la possibilité au propriétaire ou au locataire d'un domicile illégalement occupé de saisir le préfet pour obtenir l'expulsion de l'occupant illégal sans décision de justice. Malgré ce dispositif législatif très complet, les occupations illicites de domiciles se multiplient. À Calais, certains squats comptent jusqu'à 350 occupants. Cela concerne tant les villas que les immeubles.
La proposition de loi a pour objectif d'apporter une réponse rapide à la personne victime de l'occupation de son domicile car plus la situation dure et plus il est difficile d'y mettre fin. À mon sens, les dispositions du texte ne servent pas efficacement cet objectif.
Le premier article de la proposition de loi prévoit de modifier l'article 53 du code de procédure pénale afin d'allonger de 48 à 96 heures la durée pendant laquelle le flagrant délit d'occupation sans titre d'un logement peut être constaté. Mais, ni l'article 53 précité, texte général qui définit la flagrance pour l'ensemble des crimes et délits, ni aucun autre texte ne fixe un délai de flagrance. Est flagrant le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Le délai de 48 heures évoqué par la proposition de loi est un délai prétorien. Introduire un délai légal de flagrance pour le seul délit de violation de domicile est problématique et ne résoudrait pas les difficultés rencontrées sur le terrain. Au-delà de 96 heures, la flagrance n'existerait plus. Les difficultés viennent en réalité d'une ambiguïté dans la rédaction de l'article 226-4 du code pénal qui punit « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». L'interprétation du ministère de la justice est claire : la violation de domicile est un délit continu. Cette interprétation n'a cependant pas été confirmée par la Cour de cassation et la Cour d'appel de Paris, par exemple, l'a écartée dans une décision du 22 février 1999. Et, de fait, le texte semble exiger que les manoeuvres, menaces, voies de fait et contraintes soient utilisées au moment de l'introduction dans les lieux puis ensuite pour s'y maintenir, ce qui est rarement le cas en pratique. Dès lors, si les manoeuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, n'ont été utilisées qu'au moment de l'introduction dans les lieux, la flagrance ne peut alors être invoquée que dans un temps très voisin de l'intrusion dans le domicile.
Plutôt que de toucher à l'article 53 du code de procédure pénale, je propose de modifier l'article 226-4 du code pénal pour lever tout doute sur le caractère continu de l'infraction de violation de domicile et permettre aux forces de l'ordre d'intervenir au titre du flagrant délit tout au long du maintien dans les lieux, quelle que soit sa durée.
Le second article de la proposition de loi autorise le maire qui a connaissance d'une violation de domicile à saisir le préfet d'une demande de mise en demeure à l'occupant de quitter les lieux. En pratique les contacts entre le maire et le préfet existent déjà. Est-il opportun de confier au maire la défense de la propriété privée de ses administrés en dehors de toute considération de sécurité publique ? S'il s'abstient d'agir, ne court-il pas le risque de voir sa responsabilité engagée ? À mon sens, il n'est pas raisonnable d'étendre le dispositif de l'article 38 de la loi Dalo qui est déjà dérogatoire au droit commun. La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) a renforcé les dispositions relatives à la trêve hivernale. Je propose donc de supprimer l'article 2.