Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l’avis de la commission des affaires sociales porte essentiellement sur la politique d’hébergement et de réinsertion des personnes sans abri, dont les crédits sont regroupés dans le programme 177.
Si, comme l’a rappelé le rapporteur spécial, les crédits alloués à l’hébergement progressent de près de 5 % en 2015, on peut s’attendre à ce qu’ils soient, comme chaque année, insuffisants pour faire face à des besoins qui augmentent de manière soutenue, en raison de circonstances économiques que chacun connaît.
Tous les ans, en effet, des crédits supplémentaires doivent être débloqués en cours d’année afin de corriger une sous-évaluation initiale qui est récurrente. Au demeurant, si les crédits consacrés à l’hébergement augmentent par rapport à la loi de finances initiale de l’année dernière, ils demeurent inférieurs aux crédits réellement exécutés en 2013.
Cette sous-évaluation est problématique, car elle empêche les acteurs de l’hébergement – les collectivités territoriales et le monde associatif notamment – de bénéficier d’une visibilité suffisante pour mener à bien leurs missions dans un climat de sérénité.
Elle est aussi le signe d’une politique tournée vers la gestion de l’urgence plus que vers la recherche de solutions pérennes, et la répartition proposée des crédits ne peut que confirmer cette lecture.
On constate en effet que ce sont les crédits destinés à l’hébergement d’urgence qui progressent, alors que ceux qui bénéficient au logement adapté ou aux centres d’hébergement et de réinsertion diminuent ou stagnent.
Il est également préoccupant de constater que le recours à l’hôtel, qui doit être subsidiaire, demeure important, alors que ce mode de logement, qui conduit souvent à financer des marchands de sommeil que l’on veut par ailleurs combattre, ne permet pas la réinsertion des personnes concernées.
Cette priorité accordée à l’urgence a également pour conséquence de remettre en question l’objectif, affiché par le Gouvernement, de sortir de la gestion saisonnière de l’hébergement, qui consiste à ouvrir des places temporaires au moment des grands froids pour les refermer au printemps sans proposer de solution pérenne aux personnes accueillies.
J’aimerais aussi aborder deux problématiques qui viennent alourdir la charge des dispositifs financés par le programme 177, alors qu’elles ont leurs logiques propres.
Premièrement, une partie des crédits du programme est destinée à financer le fonctionnement des aires d’accueil pour les gens du voyage. La réforme qui doit entrer en vigueur en 2015 prévoit de moduler l’aide versée aux communes et aux EPCI en fonction de l’occupation réelle de ces aires.
Cette modulation des aides versées aux collectivités en fonction de l’occupation risque, à terme, de diminuer la participation de l’État et, par voie de conséquence, d’augmenter celle des collectivités.
Par ailleurs, le contexte international a conduit à un accroissement spectaculaire de la pression migratoire au cours des dernières années, et le nombre de demandeurs d’asile a presque doublé depuis 2007.
Les dispositifs d’hébergement dits « généralistes » doivent ainsi faire face à la saturation des structures d’accueil des demandeurs d’asile et à l’explosion du nombre de personnes déboutées dans leur demande, mais qui ne quittent pas pour autant le territoire. Ces personnes sont hébergées dans ces centres d’urgence, voire à l’hôtel, sans qu’une insertion dans l’emploi et le logement puisse être envisagée, faute de régularisation de leur situation administrative.
La réforme du droit d’asile prévue en 2015 pourrait améliorer les délais de traitement des demandes, mais l’effet à court terme pourrait être une augmentation du nombre de déboutés, et donc de la charge qui pèse sur les dispositifs d’hébergement.
Si un certain nombre d’efforts sont mis en œuvre pour améliorer la prise en charge des sans-abri, la politique en la matière s’inscrit davantage dans une logique humanitaire que dans une logique sociale.
De plus, les crédits proposés sont largement insuffisants pour couvrir les besoins.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission que nous examinons. §