Intervention de Françoise Férat

Réunion du 4 décembre 2014 à 10h20
Loi de finances pour 2015 — Enseignement scolaire

Photo de Françoise FératFrançoise Férat :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de rapporter le budget de l’enseignement agricole au nom de la commission de la culture pour la quatorzième année consécutive. Vous savez que j’ai toujours eu à cœur de conserver un regard lucide et impartial sur les budgets et les textes ayant trait à l’enseignement agricole.

Je ne vous étonnerai pas en annonçant que le budget 2015 est un budget favorable, du moins en apparence. Les crédits du programme augmentent de 2, 6 % par rapport à la loi de finances pour 2014 ; 140 postes d’enseignant et 25 postes d’auxiliaire de vie scolaire seront créés. Dans le contexte actuel, il pourrait s’agir d’un effort appréciable. Je relève également un effort notable en matière d’accompagnement des élèves handicapés : les crédits dédiés augmentent de 17 %. Ce budget s’inscrit par ailleurs dans le respect des protocoles d’accord conclus en 2013 avec les établissements privés du « temps plein » et du « rythme approprié ».

Toutefois, mes chers collègues, derrière cette hausse apparente des crédits se fait jour une fragilisation croissante de la situation des établissements ainsi que de l’enseignement agricole dans son ensemble. S’il est juste que l’enseignement agricole participe à sa mesure aux efforts de maîtrise de la dépense publique, il n’est pas acceptable que cela passe par la mise à la charge des établissements de dépenses relevant normalement de l’État. Ce budget le prévoit pourtant, puisqu’il réduit de plus de moitié – de 51, 6 %, soit 3, 39 millions d’euros – les crédits couvrant les charges de pensions pour les emplois gagés des centres de formation d’apprentis, les CFA, et des centres de formation professionnelle et de promotion agricole, les CFPPA, et perpétue la sous-dotation chronique des 1 247 assistants d’éducation.

L’évolution des effectifs d’élèves suscite une profonde inquiétude. En deçà d’un certain seuil, le maintien d’un réseau éducatif distinct de l’éducation nationale n’aura plus de sens, quelle que soit l’excellence de ses formations et de ses résultats. Or les évolutions des deux dernières années sont nettement défavorables : les effectifs ont diminué de 3, 6 % à la dernière rentrée, après une légère hausse – 0, 7 % – en 2013.

Une fois ces chiffres corrigés des effets de la rénovation de la voie professionnelle, une tendance structurelle à la baisse des effectifs se fait jour. Cette tendance touche tout particulièrement les classes dites « d’appel » que sont les classes de collège et de seconde. La raison en est simple : les élèves ne sont plus orientés vers les formations proposées par l’enseignement agricole.

Il s’agit là d’un choix délibéré de l’éducation nationale, qui vise à retarder le plus possible l’orientation des élèves. J’anticipe les dénégations que vous m’opposerez, madame la ministre : j’affirme que, dans certaines académies, comme à Toulouse, à Bordeaux et ailleurs, la réduction du nombre d’élèves orientés vers l’enseignement agricole et les maisons familiales rurales, les MFR, constitue un objectif explicite fixé dans le cadre du dialogue de gestion.

Si nous souhaitons que l’enseignement agricole se maintienne et prospère, il faut que les élèves soient orientés vers les formations qu’il propose. Pour ce faire, il faut leur dire la vérité, à savoir qu’il s’agit là d’une véritable filière d’excellence, aux débouchés nombreux, y compris vers de nouveaux métiers, et non pas d’une voie de remédiation formant uniquement des exploitants agricoles ; ces derniers ne représentent que 20 % des effectifs. Il faut faire savoir aux élèves que l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement agricole demeure bien supérieure à celle d’autres diplômés.

L’absence d’ambition et de perspectives pour l’enseignement agricole le condamne à une lente dégradation de sa situation, alimentée par une logique de régression tendant à adapter les effectifs aux moyens, alors qu’il conviendrait de faire l’inverse. De ce point de vue, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt constitue une amère déception, tout comme le projet stratégique national présenté fin 2013 devant le Conseil national de l’enseignement agricole, le CNEA, qui n’a fait l’objet d’aucun vote et dont la portée demeure particulièrement incertaine.

En conclusion, mes chers collègues, l’enseignement agricole est à la croisée des chemins. Il nous appartient, avec le Gouvernement, d’assurer la pérennité de cette filière d’excellence et d’innovation. L’enseignement agricole est appelé à jouer un rôle majeur dans les défis que nous aurons à relever, et notamment dans la transition vers l’agroécologie.

J’aurai l’occasion d’y revenir en vous présentant l’amendement de notre commission visant à rétablir les crédits initialement prévus pour ce programme, avant que l’Assemblée nationale n’opère un prélèvement de 2, 5 millions d’euros de crédits « hors titre 2 », par le biais d’un de vos amendements, madame la ministre, dans le but – le croirez-vous, mes chers collègues ? – d’abonder le fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires. §

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