Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai successivement la forêt, le développement rural, le rôle des chambres d’agriculture et les normes.
Les crédits de la forêt pour 2015 sont en forte diminution. Le soutien exceptionnel de l’État dont bénéficie depuis trois ans l’Office national des forêts, l’ONF, est raboté de 22 millions d’euros en 2015, ce qui ne permettra pas à l’établissement de retrouver rapidement des marges de manœuvre financières. Il ne faudrait pas que la renégociation à venir du contrat d’objectifs et de performance aboutisse à de nouvelles saignées dans les effectifs. L’ONF a déjà perdu 20 % de ses agents en quinze ans. Toute nouvelle baisse se traduirait par un affaiblissement insupportable de l’Office.
Le Centre national de la propriété forestière, le CNPF, devra vivre sur ses réserves en 2015, puisque sa subvention est supprimée. La forêt privée est donc, elle aussi, mise à contribution. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois, qui devait être un outil financier de relance de l’exploitation forestière et d’appui à l’investissement dans la filière, voit sa dotation budgétaire, déjà faible, baisser de près de 3 millions d’euros.
Selon les estimations des professionnels, il faudrait 150 millions d’euros de ressources annuelles pour une relance économique de la filière bois. Les crédits budgétaires et les taxes affectées, comme la taxe de défrichement, permettront péniblement d’atteindre 45 millions d’euros. Avec une telle ambition sans moyens, il sera plus difficile d’atteindre les objectifs, alors que le secteur d’activités présente enfin des perspectives économiques extrêmement intéressantes.
En matière de développement agricole et rural, nous disposons d’un outil dédié : le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », le fameux CASDAR. Alimenté par une taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, il sert à financer les actions des chambres d’agriculture et des instituts techniques agricoles. C’est un instrument de soutien à la diffusion du progrès technique et des innovations.
On pourrait se réjouir de l’augmentation du budget de ce compte, qui est passé en deux ans de 110 millions d’euros à plus de 147 millions d'euros. Mais cette hausse, due en 2014 à une réévaluation des recettes compte tenu de la meilleure conjoncture agricole, et pour 2015 à l’attribution au CASDAR de 100 % du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, est largement en trompe-l’œil. En réalité, le CASDAR est utilisé depuis deux ans pour prendre en charge des dépenses que le budget de l’État ne peut plus assumer. Avec 10 millions d’euros en 2014, puis 28 millions d’euros de plus en 2015, ce sont au total 38 millions d’euros que le CASDAR versera à FranceAgriMer pour lui permettre de mener sa politique d’orientation des filières, alors que la dotation cet établissement provenait auparavant du programme 154.
Une telle évolution est inquiétante. Si la conjoncture agricole, dont dépend le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, est mauvaise, les recettes du CASDAR baisseront, et la capacité de FranceAgriMer à remplir ses missions sera altérée. La débudgétisation des dépenses de FranceAgriMer est une astuce pour tenir un objectif de solde budgétaire, mais pas une solution de long terme. Pour répondre à des nécessités de développement sans cesse affirmées, on propose des ressources financières extrêmement fragiles et non pérennes. Nous condamnons cette pratique budgétaire.
Le projet de budget pour 2015 programme la mise au régime sec des chambres d’agriculture. Le débat a eu lieu lors de l’examen de la première partie, mais il n’est pas inutile d’y revenir. Les chambres, nous le savons tous, jouent un rôle essentiel d’animation des territoires. En matière d’installation, de mise en œuvre du plan Écophyto, d’application du verdissement de la politique agricole commune, la PAC, et de conseil technique et économique – de conseil universel, en fait – aux agriculteurs, elles jouent un rôle moteur. Casser un tel outil serait une grave erreur. Cela compromettrait la réussite de la transition vers l’agroécologie voulue par M. le ministre.
Au demeurant, les ressources des chambres d’agriculture proviennent des cotisations des agriculteurs et propriétaires, à travers la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. J’espère que le bon sens l’emportera à l’issue de la navette et que les chambres d’agriculture conserveront les 297 millions d’euros de recettes annuelles permises par la taxe ; elles en ont besoin pour fonctionner.
Je voudrais également évoquer les normes. Les agriculteurs croulent sous une réglementation complexe et contraignante. La directive « nitrates » préoccupe actuellement nos campagnes. Certes, la France a été condamnée par la justice européenne ; elle doit faire le maximum pour éviter de lourdes pénalités. Mais la mise en conformité ne doit pas se faire au prix de la disparition de l’élevage dans nos campagnes.
La définition des zones vulnérables, où s’applique la réglementation « nitrates », est trop extensive. Le seuil de 18 milligrammes par litre est contesté ; ses bases scientifiques sont extrêmement fragiles. Par ailleurs, l’interdiction de l’épandage doit faire l’objet d’aménagements : les blocages actuels sur l’interdiction des épandages sur les terrains en pente, la nécessité de disposer d’aires immenses de stockage et les périodes d’épandage sont parfois incompréhensibles et insoutenables pour les agriculteurs.
Tous les départements de France nous alertent. La mise aux normes des bâtiments d’élevage et l’insuffisance des crédits qui y sont destinés provoquent chaque jour plusieurs arrêts ou diminutions de production. Je regrette qu’aucun moyen significatif ne soit mobilisé en faveur des bâtiments d’élevage dans ce projet de loi de finances.
Le Gouvernement doit soutenir une écologie qui ne soit pas une écologie punitive. Les agriculteurs attendent de véritables solutions en la matière pour pouvoir continuer à exercer leur métier. §