Intervention de Frédérique Espagnac

Réunion du 4 décembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Frédérique EspagnacFrédérique Espagnac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité sanitaire de l’alimentation est une impérieuse nécessité, pour la santé des consommateurs, mais aussi pour l’économie de la filière alimentaire.

Le haut niveau de sécurité alimentaire que nous connaissons en France constitue un atout ; sachons le préserver. Le projet de loi de finances pour 2015 confirme la priorité accordée à la sécurité sanitaire en maintenant les crédits du programme 206, dont je suis rapporteur, à un peu plus de 500 millions d’euros. Je m’inscris donc en faux contre les propos du rapporteur spécial Alain Houpert. En effet, 500 millions d'euros, ce n’est pas cher payé pour garantir la sécurité sanitaire de l’alimentation !

La réduction constante des effectifs des services vétérinaires, en application de la révision générale des politiques publiques, répondait à une logique budgétaire de court terme, mais elle mettait en danger l’excellence sanitaire française. Deux rapports récents ont permis de tirer la sonnette d’alarme.

D’une part, dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes a porté un jugement sévère sur l’insuffisance des contrôles du ministère de l’agriculture sur la période 2009-2012. Les établissements de remise directe, c’est-à-dire les restaurants et grandes surfaces, ne sont susceptibles de recevoir la visite des services de contrôle de l’État que tous les dix ans à douze ans. Le suivi des contrôles est également critiqué.

D’autre part, un rapport d’audit, plus technique, de l’Office alimentaire et vétérinaire européen fustige la faiblesse des contrôles dans les abattoirs de volaille.

Le budget 2015 apporte des réponses concrètes à ces critiques. Il programme le doublement en trois ans des moyens de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, afin de lutter contre les fraudes alimentaires. Il prévoit également la création de soixante postes pour les services vétérinaires dans les abattoirs de volaille.

Ce budget confirme également l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre l’antibiorésistance. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt contenait plusieurs dispositions novatrices. Je pense à l’interdiction des antibiotiques d’importance critique dans les plans sanitaires d’élevage, à l’encadrement des pratiques commerciales ou encore à la mise en place d’un suivi des consommations d’antibiotiques. Deux millions d’euros seront affectés l’année prochaine au plan Écoantibio, qui commence à produire ses effets.

La sécurité sanitaire passe aussi par l’évaluation des risques. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, dispose d’une expertise reconnue, fondée sur la pluridisciplinarité. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt lui a transféré le pouvoir de délivrer des autorisations de mise sur le marché pour les produits phytopharmaceutiques. Le budget 2015 prend bien en compte cette nouvelle mission, en transférant les dix postes correspondants à l’Agence depuis le ministère de l’agriculture.

Surtout, le budget règle la question des recrutements temporaires de l’ANSES pour faire face aux pics d’activité. Financés sur ressources propres provenant de redevances perçues par l’Agence, les recrutements seront désormais autorisés. Ils permettront d’accélérer le traitement des dossiers, afin que celle-ci conserve sa place d’agence de référence reconnue en Europe.

Je me réjouis donc du choix politique fait par le Gouvernement de ne pas désarmer, bien au contraire, notre appareil de sécurité sanitaire.

Je salue un autre choix politique très fort, celui d’une redistribution des cartes dans l’agriculture en faveur des petites exploitations, de l’emploi et de l’élevage. Le texte prévoit ainsi une revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN. Au final, plus d’un milliard d’euros, soit 300 millions d'euros de plus qu’actuellement, seront versés chaque année pour l’élevage dans les zones de montagne et les zones défavorisées. En outre, dans la mise en œuvre de la PAC, le texte favorise les petites exploitations, en instaurant des droits majorés pour les premiers hectares, et préserve les filières animales, en conservant les aides couplées aux vaches allaitantes.

La priorité accordée à l’élevage se traduit aussi par l’engagement de l’État et des régions, ces dernières étant désormais chargées de gérer le deuxième pilier de la PAC, dans le cadre du plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles 2014-2020, annoncé au sommet de Cournon-d’Auvergne en octobre 2013 par le Président de la République. Ainsi, 200 millions d’euros par an y seront consacrés. Cela doit se traduire par de nouveaux investissements dans l’élevage.

Les éleveurs, qu’ils soient dans le secteur du lait ou dans celui de la viande, ne disposent pas des revenus les plus élevés du monde agricole. Pourtant, ils assurent l’occupation du territoire et contribuent à la mise en valeur des zones agricoles souvent les plus défavorisées. Il est donc légitime de réorienter les soutiens publics en leur faveur. Cette réorientation est d’ailleurs conditionnée à des changements de pratiques. Les éleveurs doivent eux aussi aller vers l’agroécologie – vous y insistez souvent, monsieur le ministre – et mettre en œuvre le verdissement de la PAC.

Le budget 2015 est donc un bon budget, au service d’une bonne politique agricole, qu’il faut poursuivre pour atteindre un niveau élevé de performance économique, sociale et environnementale dans un contexte de haut niveau de sécurité sanitaire. §

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