J’entends bien les remarques du rapporteur général et du secrétaire d'État.
Néanmoins, nous devons bien avoir en tête que la « tuyauterie » actuelle ne permet pas de rassembler les 20 milliards d’euros d’investissement que l’on nous annonce.
Voilà deux mois, un opérateur français a mis 3 milliards d’euros sur la table pour acheter un concurrent espagnol. Je peux vous dire que cette nouvelle a fait réagir dans nos campagnes, où l’on aurait préféré que cette somme serve à améliorer et à compléter le réseau national… Pour nos concitoyens ruraux, cette opération est proprement incompréhensible !
Certes, la compétition est mondiale, mais nous devons prendre garde au sentiment d’abandon qui devient vraiment très prégnant dans nos territoires et contribue à expliquer certains résultats électoraux, comme celui d’hier soir.
Dans ces conditions, on ne peut laisser le sujet en l’état ni se dire que tout va très bien et que le plan d’investissement de 20 milliards d’euros permettra de résoudre les difficultés.
Pour leur part, les collectivités essaient cahin-caha de mettre en place des schémas en faveur du développement du numérique, à l’échelle départementale ou régionale.
Pour prendre l’exemple du département que je connais le mieux, l’Yonne va engager un plan de 60 millions d’euros sur cinq ans, qui permettra que 40 % de la population soit couverte en haut ou en très haut débit. Autrement dit, 60 % des habitants de ce département ne seront toujours pas couverts ! Pourtant, on est en 2014, et ceux qui, dans mon entourage, se déplacent beaucoup à l’étranger me disent que la question y est souvent mieux traitée, y compris dans des pays dont le niveau de développement est censé être moins élevé que chez nous. On le voit, nous avons encore des marges de progression.
En tout état de cause, je veux saisir la main tendue par le rapporteur général, qui propose de poursuivre la réflexion. Je souhaite vraiment que, sous une forme ou sous une autre, un groupe de travail soit constitué, rassemblant des sénateurs de toutes commissions et de tous bords, pour mettre au point un système permettant d’abonder les financements dédiés, notamment, au déploiement de la fibre, à la montée en débit, etc. Sinon, les inégalités vont s’accroître, et l’on va se retrouver avec une France périphérique « au carré », des territoires ultra-urbains projetés dans la compétition internationale et d’autres en déprise majeure.
Or, pour les territoires délaissés, le numérique est une occasion de rebondir, d’attirer un certain nombre de professions libérales. Avec de bons réseaux numériques, Villon, commune de 40 habitants située au fin fond du Tonnerrois, pourrait attirer un architecte qui souhaiterait jouir d’une certaine qualité de vie. Hélas ! ce n’est pas envisageable à l’heure actuelle. En effet, pour gens qui doivent remplir un certain nombre de télédéclarations, le fait de s’installer dans un territoire qui n’est pas suffisamment couvert par des réseaux de qualité constitue un vrai handicap.
L’enjeu n’est pas mineur, et la cause est noble.
Cela dit, l’adoption de nos amendements aurait des incidences financières certaines. Nous pouvons peut-être peaufiner et compléter notre dispositif. On pourrait ainsi imaginer que la taxe que nous proposons d’instituer soit diminuée à proportion des investissements consentis par les opérateurs dans les zones rurales, la carence d’investissement dans ces dernières étant véritablement le problème auquel nous devons nous attaquer.
Mes chers collègues, l’objet de ces amendements était simplement d’attirer et votre attention et celle du Gouvernement sur ce sujet important. Nous ne demandons qu’à pouvoir continuer à travailler sur ce dossier de façon constructive.
Je le répète, la « tuyauterie » existante ne permet pas de satisfaire toutes les attentes, qui sont légitimes ! Si nous n’agissons pas, nous risquons vraiment de nous retrouver dans une France à deux vitesses, avec des foyers dont le pouvoir d'achat est rogné parce qu’ils sont obligés de souscrire à trois ou quatre abonnements pour pouvoir accéder à internet depuis plusieurs ordinateurs en même temps, compte tenu de la faiblesse du débit. J’aimerais que nous ayons cela en tête, même si nous sommes au cœur du VIe arrondissement de Paris !