Intervention de Marylise Léon

Commission des affaires économiques — Réunion du 9 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Audition de Mme Marylise Léon secrétaire nationale de la confédération française démocratique du travail cfdt responsable de la politique du développement durable des politiques industrielles de la recherche de l'enseignement supérieur et de la coordination en matière de rse

Marylise Léon, secrétaire nationale de la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), chargée du développement durable :

Dominique Olivier, secrétaire confédéral chargé du développement durable, sera heureux de répondre également à vos questions. Cela fait plusieurs années que la CFDT s'est investie dans une réflexion sur la transition énergétique, à l'occasion des conférences environnementales ou dans les débats publics et citoyens organisés sur la question. Nous ne nous contentons pas de réfléchir aux conséquences qui résulteront des choix économiques et environnementaux liés à la transition énergétique. Pour nous, la question est d'abord sociale et nous la posons en termes d'emplois et de transition professionnelle. Nous évaluons l'impact des options proposées sur la vie quotidienne des salariés - la qualité des logements, les transports, les ressources énergétiques. Lors de notre dernier congrès, nous avons clairement affiché notre ambition de travailler sur cet enjeu : comment agir collectivement pour aborder cette mutation tout à la fois économique, financière, sociale et environnementale ? Nous ne ferons pas rimer croissance et réduction de la consommation d'énergie sans mener une réflexion nouvelle. Nous proposons de centrer cette réflexion sur la qualité - celle de notre travail, de notre cadre de vie, de l'écosystème, du fonctionnement démocratique et du dialogue social.

La diversification des modes de production pour renforcer notre efficacité énergétique nous paraît un bon choix. Nous le soutenons, car il est en phase avec les engagements défendus par la Confédération européenne des syndicats et par la Confédération syndicale internationale. Diviser par deux notre consommation d'énergie à l'horizon 2050 est une obligation qui n'implique pas forcément la décroissance. Ce n'est pas une punition ! Produire et consommer autrement est possible, en s'appuyant sur l'intelligence et l'innovation. L'économie circulaire consiste à trouver les meilleures approches pour produire à moindre coût et sans gaspillage des ressources rares. Il manque un objectif intermédiaire dans les prévisions de réduction de la consommation d'énergie à l'horizon 2030. Une diminution de 20 % à 2030 ne suffira pas : elle implique un effort énorme entre 2030 et 2050. La sobriété précède l'efficacité énergétique dans l'ordre des priorités. Nous souhaitons que cette ligne soit clairement établie dans le projet de loi, ce qui est loin d'être le cas.

On a l'habitude de brandir un chiffre totem dans les discussions sur la part du nucléaire dans la production d'électricité. Fixer l'objectif à 60 % en 2030, voilà ce qui nous paraît plus réaliste. Il faudra nous préparer à la fermeture d'un certain nombre de centrales. En l'état actuel, le dialogue social ne permet pas d'envisager de tels changements. La transition professionnelle reste à aménager pour les personnes dont l'emploi risque d'être menacé - non statutaires, sous-traitants ou prestataires. La mobilité est une piste.

Nous ne pouvons que nous interroger sur la disposition qui prévoit de définir un prix compétitif pour les énergies renouvelables (EnR). La philosophie de l'économie circulaire consiste à faire reculer la consommation d'énergie, jusqu'à pouvoir idéalement s'en passer. À quoi servirait-il donc de fixer un prix compétitif ? La modulation du tarif d'achat des EnR en fonction d'un prix de marché et d'un complément de rémunération nous convient. Mieux vaut encourager l'investissement plutôt que la rente. Nous sommes particulièrement favorables à la participation des collectivités territoriales et des citoyens au capital des sociétés produisant ces énergies. Quant aux dispositifs relatifs aux concessions hydroélectriques, ils sont insatisfaisants, voire dangereux.

Il nous paraît important de faciliter les opérations de rénovation thermique des logements, tant pour le diagnostic que pour la qualité des prestations ou pour le financement. Le projet de loi y contribue, en installant des plateformes territoriales et en prévoyant un certain nombre de subventions ou d'incitations fiscales. Nous soutenons l'obligation de travaux. Nos concitoyens gagneront en confort et en hygiène, les factures d'énergie baisseront et l'on préviendra mieux les risques domestiques. Des interrogations demeurent sur le cadrage des guichets uniques. Un renforcement des structures décentralisées - et des moyens - de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) est souhaitable. Nous sommes également favorables à un fléchage d'une partie des certificats d'énergie sur la résorption de la précarité énergétique.

Une réflexion sur les besoins de mobilité, donc sur l'organisation du travail - notamment, le développement du télétravail - s'impose pour faire baisser la consommation d'énergie liée aux transports. La mise en place de transports collectifs adaptés est une autre piste. Elle pourra être négociée dans le cadre des plans de déplacement intra- ou interentreprises. Enfin, la transition professionnelle est déjà en cours dans certaines régions, comme l'Ile-de-France ou le Nord-Pas-de-Calais. Des expériences y ont été menées pour créer quelques milliers d'emplois autour d'un objectif d'efficacité énergétique. Lors du Grenelle de l'environnement, nous proposions déjà d'établir, au sein des branches professionnelles, un diagnostic partagé, sur les emplois touchés et sur l'évolution des métiers, afin d'anticiper les évolutions de compétences nécessaires. Des négociations collectives dans les filières professionnelles sont à articuler avec les réflexions concernant les territoires. On pourrait adjoindre aux schémas régionaux climat-air-énergie, un volet emplois-compétences-formation pour anticiper les évolutions de métiers. On optimiserait ainsi l'efficacité énergétique, tout en créant des emplois nombreux et de qualité.

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