Intervention de Dominique Olivier

Commission des affaires économiques — Réunion du 9 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Audition de Mme Marylise Léon secrétaire nationale de la confédération française démocratique du travail cfdt responsable de la politique du développement durable des politiques industrielles de la recherche de l'enseignement supérieur et de la coordination en matière de rse

Dominique Olivier, secrétaire national de la CFDT, chargé du développement durable :

Je suis membre du Conseil national de la transition écologique (CNTE), et j'ai suivi le Grenelle de l'environnement depuis son début. J'ai également participé aux travaux de la Conférence européenne des syndicats sur l'ensemble de ces sujets.

Nous avons défini le seuil de 60 % pour la part du nucléaire dans la production d'électricité, il y a une dizaine d'années, bien avant qu'on ne parle de transition énergétique. Ce repère correspond à la production de base, au « lourd » de la consommation d'électricité. Par son inertie, le nucléaire répond bien à la fourniture du volume de masse. Les énergies complémentaires alimentent les pics ou les demandes supplémentaires. Nos analyses sont datées - elles remontent à l'avant Fukushima - mais elles méritent d'être prises en compte. L'horizon 2030 laisse du temps pour conduire la transition professionnelle dans l'industrie du nucléaire. Nous savons comment fonctionnent les centrales. Nous avons conscience qu'il faudra plus de temps que ce que prévoit le texte.

J'ai dit devant vos collègues députés que les salariés titulaires de leur emploi chez EDF n'avaient pas d'inquiétude. Qu'ils soient affectés à la construction des grands barrages, à l'exploitation des mines de charbon, ou à la filière nucléaire, ils ont l'habitude de la mobilité. Un accompagnement est prévu pour prendre en compte la diversité de leurs situations familiales. Ils sont également protégés par le statut national du personnel des industries électriques et gazières (IEG). La pyramide des âges indique qu'une hémorragie touchera toutes les catégories de personnel de l'entreprise d'ici cinq à dix ans : 100 % des exécutants, les deux tiers de la maîtrise, 50 % de l'encadrement et des ingénieurs devront être renouvelés. C'est considérable. On aura besoin de recruter massivement, à un moment où l'arrêt d'un certain nombre de centrales et de réacteurs sera prévu à moyen terme. Quel paradoxe ! Quant aux sous-traitants, ils sont clairement menacés, et pas protégés. Certains d'entre eux trouveront une suite à leur carrière professionnelle hors de la filière du nucléaire, lâchés dans la nature sans sécurisation de leur parcours - sauf à mettre en place un repérage.

On se polarise sur le caractère intermittent des premières énergies renouvelables - éolien ou photovoltaïque - alors que les énergies marines, la biomasse ou la méthanisation apportent des solutions dans la durée. GRDF propose un scénario alternatif, qui respecte l'objectif de réduction au quart des émissions de gaz à effet de serre. J'ai visité leurs installations, près de Lille. En injectant du gaz de biomasse dans leur réseau et grâce à un enrichissement à l'hydrogène, ils créent la possibilité d'une équivalence entre l'électricité et le gaz.

La baisse de la consommation d'énergie n'implique pas forcément la décroissance. Consommer moins d'énergie, c'est solliciter davantage l'intelligence et le travail humains. La rénovation thermique, l'efficacité énergétique, sont autant d'occasions de créer de l'activité, pour des entreprises qui sont les meilleures du monde en la matière - Saint-Gobain, Schneider ou Legrand. Nous avons du potentiel. L'avenir n'est pas sombre. Ces choix n'ont rien de nouveau. Ils figuraient déjà dans un livre de 400 pages que nous avions publié au Seuil, en 1983, Le Dossier énergie de la CFDT.

Quant à la transition professionnelle, nous devons l'anticiper, l'accompagner et la sécuriser, sans attendre d'être au pied du mur pour envisager les mesures à prendre. En Allemagne, le développement de nouveaux modes de production et d'une meilleure efficacité énergétique a créé 400 000 emplois qualifiés. J'ai participé à un voyage d'études en Pologne, en Allemagne et en France. Le point faible chez nos voisins est le recours au charbon : ils ne respecteront pas les engagements de réduction des émissions de CO2. En revanche, leurs efforts en termes d'innovation et de recherche ont trouvé leur aboutissement dans la création d'entreprises performantes. J'ai visité un parc photovoltaïque de 25 000 panneaux. Ils étaient fabriqués en Chine, certes... mais avec des machines allemandes ! Dans le Nord-Pas-de-Calais, l'Observatoire régional des emplois et de la formation (réseau Carif-Oref) a évalué à quelques milliers le nombre d'emplois créés par la rénovation thermique des logements. Pour l'Ile-de-France, la direction régionale des entreprises (Dirrecte) a présenté un rapport sur les perspectives d'emplois dans ce secteur.

En favorisant le développement de l'économie circulaire et l'installation de boucles locales d'électricité - sans changement de lieu entre la production et la consommation - on éviterait le problème du stockage de l'énergie. D'autres solutions émergent, y compris pour les éoliennes en mer, capables de stocker leur propre énergie. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a lancé des travaux d'investigation sur le sujet. Nous y participons.

Ouvrir aux collectivités territoriales et aux groupements de citoyens le capital des entreprises productrices d'énergies renouvelables est le meilleur moyen pour que chacun ait le sentiment d'un choix collectif fait dans l'intérêt général, avec un droit de regard, un contrôle et un retour sur investissement. C'est dans l'ouest de notre pays, où la citoyenneté se nourrit d'une culture particulière, que les innovations et les coopératives de production sont les plus nombreuses. Les éoliennes en mer et les hydroliennes irritaient les pêcheurs. Des mois de concertation ont abouti à un compromis pour que l'activité de pêche côtière ne soit pas trop perturbée par ces initiatives.

Quant au projet de stockage de déchets radioactifs Cigéo, il est le résultat d'un choix responsable. Il est dommage qu'il ait disparu, reparu, pour être finalement exclu du projet de loi de simplification. Les déchets sont actuellement stockés sous des hangars, non sécurisés. Il vaudrait mieux qu'ils soient enfouis à 500 mètres sous terre, dans l'argilite de la Meuse. Les obligations européennes sont claires : chaque pays doit gérer ses propres déchets sur son territoire.

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