Cela signifierait que les efforts consentis depuis la loi de 2006 sur la transparence et la sûreté nucléaire n'ont servi à rien, cela signifierait aussi qu'il faudrait verser à EDF une indemnité puisque la société, et ce n'était certes pas le choix de FO, est cotée en bourse. Notre pays est déjà en difficulté, faut-il en ajouter ?
Monsieur le rapporteur, le Comité stratégique de la filière nucléaire évalue non pas la perte mais le turn over dans les prochaines années à 100 000 postes à cause des départs en retraite. Que se passera-t-il si des centrales ferment ? Soit dit en passant, les négociations autour de la réduction de la part du nucléaire de 75 % à 50 % dans la future programmation pluriannuelle de l'énergie seront aussi importantes que les dispositions de la loi.
Très peu d'experts, mis à part ceux qui sont parfaitement militants, pensent que la France pourra diviser par deux sa consommation d'énergie par deux en 2050. Cela suppose une modification de notre mode de vie que les Français n'accepteront pas forcément. Si la réduction de notre consommation est une tendance historique et même une nécessité, inscrire dans la loi des objectifs inatteignables est contreproductif.
Notre approche est tout aussi pragmatique sur les barrages. La France est pratiquement le seul pays d'Europe à avoir adopté le support des concessions. Ce choix ne date pas d'hier, il remonte à 1919. La dernière directive, FO l'a fait vérifier, nous autorise à ne pas ouvrir leur renouvellement à la concurrence si la production d'énergie hydraulique est considérée comme un service économique d'intérêt général. Nous pensons que c'est le cas, parce qu'elle représente 75 % des ressources en eau, qu'elle est indispensable au fonctionnement des centrales et à la transition énergétique. Si l'on éclate l'opérateur historique en six ou sept morceaux, cela sera-t-il plus efficace ? L'exemple du gaz prouve le contraire : la Commission européenne a cassé les monopoles en Europe, elle demande maintenant la constitution de centrales d'achat pour baisser les prix... Environ 2 000 agents d'EDF travaillent à la gestion des ouvrages ; ils sont responsables des alertes météo ou encore des alertes de crue. Devront-ils vendre leurs services aux nouveaux concessionnaires ? Et dans quelles conditions ? Cette désoptimisation nous coûtera cher. FO, qui soutenait la proposition de loi de M. Roland Courteau, a cru comprendre qu'un compromis avait été trouvé à l'Assemblée nationale : investissement contre prolongation de la concession. À suivre. En tout cas, le contrôle public n'est pas assuré dans les sociétés d'économie mixte. L'État a beau détenir 34 % de participation au sein de GDF-Suez, on a vu comment Emmanuel Macron a dû valider la retraite chapeau de Gérard Mestrallet... On préfère parler d'ouverture du capital plutôt que de privatisation, mais quelle est la réalité quand un groupe chinois détiendra bientôt 49,9 % des parts de l'aéroport Toulouse-Blagnac ? Bref, portons ce beau débat sur le service public. Le Parlement européen, grâce au rapport de Philippe Juvin, a fait inclure dans la directive une réserve au titre des SIEG, il faut l'exploiter.
Le chèque énergie est une bonne idée, que nous avons toujours défendue. Cependant, beaucoup de petits propriétaires en zones rurales ou semi-rurales se chauffent au fioul, il n'y a aucune raison qu'ils subissent de ce fait une discrimination. Quant au financement, on peut imaginer une extension de la CSPE à plusieurs opérateurs, un système passant par l'impôt ou un abondement de la collectivité nationale sous toute autre forme. Le tout est de ne pas, au passage, détruire la CSPE et les tarifs sociaux du gaz, qui ont fait leur preuve.
Un seul constat sur l'avenir de la CSPE : aucune étude d'impact n'a chiffré les conséquences d'une augmentation de la part des EnR. Cette contribution doit-elle tout financer ? Y compris les primes sur l'effacement diffus dont il était question ce matin au Conseil supérieur de l'énergie ? La CSPE doit financer la solidarité et les tarifs sociaux ; les projets de développement d'EnR également, mais jusqu'où ? Une aide se justifie pour les hydroliennes au large de l'île de Bréhat parce que c'est un projet d'avenir ; on peut se poser la question dans d'autres cas.
L'absence de chiffres, j'y reviens, car elle me frappe. Développer l'éolien offshore, très bien, mais il faudra demain, pour les exploiter, installer des lignes à haute tension, les raccorder au réseau. Cela ne se fera pas sans l'accord des populations. Combien de kilomètres de lignes ? Pour quel coût ? Quel sera l'équilibre entre la production et la consommation ? Comment stocker ces énergies intermittentes ? Quel statut pour les employés de l'éolien offshore ? La loi de 1946 n'est pas appliquée à cause du détour par la sous-traitance : les salariés ne bénéficient pas du statut IEg. Tous ces sujets méritent d'être mis sur la table.