Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la justice constitue, on le sait, un élément fondateur de notre République.
J'interviendrai assez brièvement et sur deux points : la carte judiciaire et les rapports entre la presse et la justice.
Je commencerai par évoquer la carte judiciaire.
Je dois vous dire, madame le garde des sceaux, que, sur ce sujet, en basse Normandie, la concertation avec les élus concernés, notamment ceux des communes de Flers et d'Argentan, sous l'égide du premier président de la cour d'appel de Caen, a été très efficace.
On ne peut pas dire - peut-être sommes-nous un cas isolé, mais nous existons, et je voulais en témoigner - que nous n'avons été ni informés ni entendus, je parle du moins de ceux des députés et sénateurs qui avaient bien voulu faire le déplacement, d'abord à la Chancellerie, puis dans les préfectures.
À titre personnel, j'ai été entendue puisque l'Orne conserve deux tribunaux de grande instance : Argentan et Alençon. Nous pouvons nous estimer très heureux de cette issue, qui n'était pas certaine, compte tenu de la faible population de notre département. Là encore, la réalité des territoires a sans doute gouverné ce maintien, et c'est très bien ainsi. Qui s'en plaindrait ?
S'agissant du reste des réformes que vous avez annoncées, j'aimerais réfléchir avec vous à une modification de la répartition des compétences entre les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance, sur le modèle de ce qui prévaut à Nouméa, par exemple.
Dans le contexte actuel, nous n'avons que deux options : conserver les tribunaux ou les supprimer. Or nous pourrions très bien imaginer d'élargir les compétences du tribunal d'instance afin de mieux « coller » aux besoins des justiciables. Nous savons en effet que les litiges familiaux et les litiges relatifs aux tutelles représentent de 60 % à 80 % du volume des contentieux.
Pour mieux comprendre le sens de ma proposition, je précise que, en matière civile, le tribunal de première instance a la plénitude des compétences dans toutes les matières qui, en France métropolitaine, relèvent du tribunal de grande instance : divorce, adoption, protection de l'enfance, délinquance des mineurs, tutelles, baux d'habitation et saisies-arrêts.
Autrement dit, madame la ministre, une modification de fond des règles de compétence permettrait une réforme beaucoup plus proche et beaucoup moins violente que celle que vous nous proposez aujourd'hui et qui consiste parfois à supprimer les tribunaux.
En basse Normandie, la concertation a abouti à ce type de proposition. J'aimerais, madame la ministre, que vous vous exprimiez sur ce point, car je pense que le Sénat pourrait mener une concertation et réaliser un travail fructueux. Vous n'avez pas manqué de nous dire, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, combien le travail du Sénat et de sa commission des lois était précieux à la réflexion générale.
S'agissant maintenant des conseils de prud'hommes, la concertation prévue par les textes est en cours, et je tiens à plaider ici une fois encore pour le maintien du conseil des prud'hommes de Flers. Aucune décision n'est encore prise, et c'est tant mieux.
Flers constitue, madame la ministre, la seule création de tribunal d'instance en basse Normandie. Elle correspond à une activité économique majeure. On n'effectuera donc aucune économie d'échelle, aucune économie de personnels ou de locaux - aucune économie d'aucune sorte ! - en transférant ce conseil de prud'hommes à Argentan.
Quant au tribunal d'Alençon, il n'est pas menacé, même si certains élus agitent des peurs qui n'ont pas lieu d'être, pour des raisons électorales liées à l'approche des élections municipales.
Madame la ministre, je vous répète donc qu'on ne peut pas supprimer le conseil des prud'hommes de Flers. Ce serait une hérésie et une décision contre-productive.
Enfin, madame la ministre, je ne veux pas manquer l'occasion qui m'est offerte de vous saisir d'un problème de société, celui des rapports entre la presse et la justice.
Je pense que nous devons engager une véritable réflexion avec tous les acteurs afin de mettre un terme aux dérives d'un journalisme sans scrupule, sans déontologie, en quête de sensationnalisme. Or les journalistes qui sont poursuivis pour diffamation devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris ne risquent qu'une amende inférieure à 10 000 euros. Je pense que ces peines ne sont pas dissuasives.
Par ailleurs, les supports internet qui irradient la galaxie ne sont absolument pas conformes à notre droit de la presse. Madame la ministre, notre droit de la presse date de 1881 !
Je pense que, dans votre oeuvre de dépoussiérage de notre justice, vous seriez bien inspirée, aujourd'hui, de vous attaquer également au droit de la presse !