Intervention de Henri Tandonnet

Réunion du 15 décembre 2014 à 14h30
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture dans le texte de la commission modifié

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans grande surprise, après l’échec de la commission mixte paritaire et l’examen du présent projet de loi en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, la commission spéciale du Sénat a rétabli et voté la semaine dernière un texte affirmant de nouveau la position de notre assemblée sur certains points qui n’ont pas été pris en compte par les députés, notamment sur la question du redécoupage des régions.

En effet, les deux chambres ont proposé des cartes trop différentes pour que les conditions d’un rapprochement puissent être trouvées. Des divergences fortes demeurent donc aujourd’hui.

Tout au long de la navette, la commission spéciale et la Haute Assemblée ont tenté de proposer un texte alternatif par rapport à celui de l’Assemblée nationale, texte dont l’équilibre, malheureusement, n’a pas été respecté au fil des lectures.

Je regrette notamment que les modifications apportées par les députés en deuxième lecture sur le droit d’option des départements n’aient pas tenu compte des conditions d’exercice que nous avions suggérées. Alors que ce droit d’option, introduit par le Sénat, ne figurait pas dans le texte initial, le groupe UDI-UC avait fait adopter un amendement tendant à introduire de la souplesse pour permettre à un département de changer de région d’appartenance.

Le dispositif de cet amendement précisait que la région d’origine pouvait s’opposer à ce changement de rattachement si et seulement si cette opposition réunissait une majorité des trois cinquièmes de son assemblée. Ceci aurait ouvert une réelle possibilité, pour certains départements, de rejoindre la région à laquelle ils se rattachent naturellement. Je pense, par exemple, au cas de la Picardie, qui a suscité de vifs débats ; la question du rattachement des départements de la Somme, de l’Oise et de l’Aisne pourrait être traitée avec un peu plus de discernement si le droit d’option avait été plus souple que celui qu’ont imposé les députés.

Force est de constater que ce projet de loi, qui redessine nos régions, n’a nullement été discuté avec les principaux intéressés. À l’évidence, ce redécoupage aurait requis un dialogue avec les collectivités territoriales, afin de bien saisir les enjeux de chacun des territoires, lesquels, ne l’oublions pas, sont les premiers concernés par cette réforme.

Si le but de la réforme est de rechercher des économies, il faut néanmoins qu’il y ait un minimum d’affectio societatis pour trouver des outils mutualisés et partager des projets communs.

Alors que nous sommes aujourd’hui obligés d’organiser des consultations et des concertations publiques pour un grand nombre de projets locaux, le Gouvernement n’a pas pris la peine d’associer les territoires à cette réflexion, pas plus qu’il n’a été capable de raisonner en termes de bassin de vie. Dans ces conditions, et sans critères objectivement solides, il est inévitable que ce redécoupage ne soit ni rassembleur ni porteur de dynamisme.

Le piège procédural qui nous a été tendu par le Gouvernement nous amènera à discuter dès demain, avec le début de l’examen du projet de loi NOTRe, des compétences territoriales. Nous sommes aujourd’hui dans une procédure inversée, qui nous oblige à discuter du redécoupage des régions sans connaître réellement le champ de leurs compétences. Cela revient à tailler une veste et un pantalon pour quelqu’un dont on ne connaît absolument pas les mensurations ! Or, mes chers collègues, une réforme efficace n’est-elle pas avant tout une réforme pensée globalement et non à l’emporte-pièce ?

Je m’interroge donc énormément sur la solidité de l’équilibre territorial qui sera trouvé. On voit déjà poindre un conflit entre métropoles et régions.

Je m’interroge également sur les enjeux intrarégionaux, notamment sur les « chefs-lieux » qui abriteront les préfectures de régions. Le lieu de l’hôtel de région sera à déterminer par les élus, tout comme le ou les lieux de tenue des réunions du conseil régional ; cela aura des conséquences locales importantes.

La réforme n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact sur l’avenir des actuelles préfectures de région qui perdront ce statut. Quelles seront les conséquences en matière d’attractivité du territoire, d’évolution de l’emploi public ou encore de présence territoriale de l’État ?

Il me semble qu’imposer des emplois administratifs contraints aux métropoles, déjà submergées par l’afflux de population, n’est pas la solution à adopter. La future capitale de la région ne pourrait-elle pas plutôt être un outil de rééquilibrage territorial, afin de ne pas concentrer l’activité uniquement sur les villes les plus denses ?

Une fois le texte promulgué, nous devrons donc faire face à toutes sortes de défis, qui n’auront aucunement été anticipés et qui toucheront directement la vie des territoires, les citoyens et leurs emplois.

En définitive, ce texte n’a donné aucune ligne de conduite générale au redécoupage. Le cap n’est pas celui de régions fondées sur une métropole centrale, ni celui d’un regroupement de régions intermédiaires. C’est pourquoi je me pose encore la question du bien-fondé de la carte défendue par la majorité présidentielle.

Tout au long de l’examen de ce projet de loi, le Sénat a souhaité redonner la parole aux territoires. Force est de constater que, dans la droite ligne de la position gouvernementale, l’Assemblée nationale s’y oppose, ce qui est assez surprenant, à l’heure où nous recherchons tous la concertation générale. L'Assemblée nationale revisiterait plus favorablement le droit d’option ; j’espère que notre collègue Philippe Kaltenbach a raison.

Le groupe de l’UDI-UC, dans sa majorité, votera le texte issu des travaux du Sénat, qui cherche à gommer une grande partie des travers qui nous ont été imposés.

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