La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Hervé Marseille.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (projet n° 156, texte de la commission n° 171, rapport n° 170 rectifié).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis de nouveau pour débattre du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Depuis le début de son examen, nous savons que ce texte s’inscrit dans une réforme qui va transformer, par étapes et en profondeur, l’organisation territoriale de notre République.
La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ? dite « loi MAPAM », a été la première étape. Vous débattrez dès demain du projet de loi sur les compétences, et nous examinons cet après-midi le texte sur la carte des régions.
Ces réformes, dans leur ensemble, répondent à trois exigences.
D’abord, une exigence démocratique, celle de la clarté, car les citoyens doivent savoir qui fait quoi. C'est la raison pour laquelle nous voulons clarifier les compétences des collectivités locales.
Ensuite, une exigence économique, celle de la compétitivité, car nos régions doivent avoir les moyens d’être demain plus attractives et mieux armées dans la compétition économique.
Enfin, une exigence de service public, celle de l’efficacité, car, si nos concitoyens sont toujours plus exigeants, l’argent public est toujours plus rare et nous devons permettre à nos collectivités locales de remplir leurs nombreuses missions à un coût supportable.
C’est donc dans ce cadre général que nous abordons aujourd’hui la dernière étape du projet de loi visant à créer des régions françaises capables de peser à l’échelle européenne, dans un contexte concurrentiel où chaque pays, mais aussi chaque territoire, s’efforce d’attirer les capitaux, les compétences et les talents nécessaires au développement économique.
Or la plupart de nos régions actuelles n’ont pas toujours la dimension requise pour bâtir des stratégies industrielles, lancer des programmes de recherche, attirer des investissements ou réaliser les infrastructures nécessaires.
La réforme que nous proposons permettra de faire passer la population moyenne des régions françaises de 2, 6 millions à 4, 3 millions d’habitants, ce qui n’est pas neutre. La taille d’une collectivité, quand elle est suffisamment importante, lui permet en effet d’avoir une dimension géographique et une masse budgétaire suffisantes pour développer des actions et lancer des projets de long terme et à grande échelle.
Notre volonté est aussi d’adapter notre carte administrative à la nouvelle géographie économique, celle de la mondialisation, celle de la recherche et de l’innovation, pour que l’ensemble des territoires, notamment les territoires périurbains mais également les territoires ruraux, puissent tirer profit de l’appartenance à des régions fortes et puissantes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd'hui ce projet de loi en troisième lecture, car la commission mixte paritaire n’a pas abouti. Ce n’est pas une vraie surprise tant nous savons, les uns et les autres, que le choix de tel ou tel regroupement ne s’impose pas toujours d’évidence et que la carte idéale n’existe pas.
Exclamations ironiques sur les travées du RDSE.
Selon que l’on privilégie les traditions historiques ou les éléments géographiques, les facilités de communication ou les complémentarités industrielles, les flux économiques ou les synergies universitaires, on peut proposer de marier telle région avec telle ou telle autre.
Une chose est certaine, les fameuses identités régionales ne sont en aucune manière menacées par une réforme administrative qui est guidée par le seul souci de l’efficacité.
J’ai vu comme vous que des manifestations avaient eu lieu en Alsace avant-hier. Je tiens à dire aux Alsaciens, comme aux Bretons ou aux habitants de toute autre région, que nous ne cherchons ni à supprimer les identités régionales ni à en forger de nouvelles.
Ces identités sont en réalité provinciales, puisqu’elles remontent à l’Ancien Régime…
… et que la plupart n’ont jamais donné naissance à une région ou à un département. Le Berry, la Touraine ou le Dauphiné, la liste est longue de ces territoires qui ne correspondent à aucune circonscription administrative et qui continuent pourtant à exister dans la mentalité collective.
Ces identités ont traversé la Révolution française, la Restauration monarchique, deux Empires, cinq Républiques et elles survivront encore – soyons-en certains ! – à notre réforme administrative.
Vos amendements en commission ont en tout cas montré les deux sujets de divergence que vous avez avec l’Assemblée nationale : ils tiennent à votre opposition, d’une part, à la fusion entre les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées et, d’autre part, à la grande région Est.
Ces questions ont fait l’objet de débats intenses, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et les majorités qui se sont dégagées dans chacune des deux chambres ont transcendé les clivages partisans.
J’en veux pour preuve que la commission spéciale du Sénat avait voté cet été, en première lecture, un article prévoyant la fusion de Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace, ainsi que, avant même que l’Assemblée nationale ne l’adopte, la fusion entre Nord - Pas-de-Calais et Picardie.
Pour autant, et je veux le souligner, les deux chambres s’accordent sur le périmètre de onze des treize nouvelles régions proposées.
J’en viens au fameux droit d’option : la volonté du Gouvernement, vous le savez, a été de favoriser les fusions entre régions en évitant tout démembrement, mais cette approche doit bien sûr s’accompagner de la souplesse nécessaire.
C’est dans ce cadre que s’est posée la question du transfert d’un département d’une région à une autre. Je sais toute l’importance que le Sénat accorde à cette question. Il nous faut donc trouver, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, un équilibre subtil entre la stabilité nécessaire du nouveau découpage et la flexibilité indispensable pour satisfaire des aspirations locales.
La solution à laquelle est parvenue l’Assemblée nationale nous semble répondre à ces critères.
M. André Vallini, secrétaire d'État. En effet, avec la suppression de l’obligation de tenir trois consultations référendaires locales, une pour chacune des collectivités concernées – consultations qui étaient assorties de surcroît d’exigences de participation électorale minimale –, nous apportons un assouplissement significatif au droit d’option.
M. Jacques Mézard s’esclaffe.
Vous retenez le principe de délibérations concordantes pour la région d’accueil et le département de départ à la majorité des trois cinquièmes, mais vous considérez que la région d’origine peut seulement s’opposer au transfert du département en question à la majorité qualifiée.
Pour notre part, nous estimons que cette disposition ne respecte pas le principe de libre administration des collectivités territoriales §et il ne nous paraît ni possible ni souhaitable que le pouvoir réglementaire puisse modifier le périmètre d’une collectivité sans que celle-ci l’ait approuvé à une majorité qualifiée.
Là où l’empreinte du Sénat sur ce texte aura été la plus forte, c’est incontestablement sur la question de la représentation des territoires ruraux. Dès la première lecture, vous aviez exprimé votre volonté que la représentation de ces territoires ne soit pas affaiblie par la réforme de la carte régionale.
Le Gouvernement partage cette préoccupation, mais, vous le savez, nous sommes tenus par la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’égalité du suffrage : le rapport entre le nombre d’élus et la population représentée ne peut varier que dans d’étroites limites au sein d’une même assemblée.
À la suite d’un travail très approfondi mené avec le rapporteur François-Noël Buffet, dont je veux saluer l’implication, nous avons pu défendre, à l’Assemblée nationale, un amendement qui permet de répondre à vos préoccupations : un nouveau plancher de quatre représentants est fixé pour les départements au-delà de 100 000 habitants. Cette disposition bénéficie notamment à l’Ariège, aux Hautes-Alpes, au Cantal, à la Creuse et aux Alpes-de-Haute-Provence, sans que quoi que ce soit retiré à la Lozère, avec le maintien de deux représentants minimum .
Je crois que nous sommes ainsi allés aussi loin que la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel le permettent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si toutes les propositions émanant de la Haute Assemblée n’ont pas été retenues, …
… le Gouvernement et les deux chambres ont convergé, à défaut de toujours se rejoindre, sur les grands axes de cette réforme.
Comme la plupart d’entre vous, je suis un élu local. Il m’est souvent arrivé d’être irrité par l’enchevêtrement des compétences, la dilution des responsabilités, la dispersion des crédits.
Depuis longtemps, je souhaite donc, comme vous, qu’une nouvelle phase de réformes permette de moderniser notre organisation territoriale, pour la rendre plus lisible et plus efficace. C’est l’objet de ce texte, comme de celui qui viendra demain en discussion devant vous.
Quant à la méthode, je connais les reproches qui ont été faits à ce texte ici il y a quelques mois, lors des deux premières lectures, notamment sur le calendrier et sur la rapidité avec laquelle cette réforme a été faite. Mais, franchement, pensez-vous que six mois de plus, ou même un an, auraient empêché que l’on se heurte aux mêmes problèmes à l’est comme à l’ouest, au nord comme au sud ?
Les rapports se sont multipliés depuis quinze ans : Mauroy en 2000, Balladur en 2008, Raffarin-Krattinger il y a quelques mois, Lambert-Malvy, et d’autres encore ! Le débat a eu lieu, dans nos régions et nos départements, dans la presse quotidienne régionale comme dans l’opinion, avec des sondages, des débats, des tribunes : tout a été dit, et au Sénat plus qu’ailleurs !
Alors, au moment où nous entamons l’avant-dernière étape de la procédure parlementaire, j’aimerais inviter chacun à mesurer la portée historique de notre travail.
C’est toujours en réformant son organisation que la France a avancé.
À la fin du Moyen Âge, pour affermir la monarchie face aux féodalités, la France, avec Philippe Auguste puis Philippe le Bel, a créé l’État.
Au tournant de la Révolution, pour affirmer partout l’État, la France a, avec les Jacobins puis avec Bonaparte, unifié les territoires de la République.
À la fin du XIXe siècle, pour consolider la République, la France, avec Léon Gambetta et Jules Ferry, a inventé la démocratie locale.
Après l’alternance de 1981, pour renforcer la démocratie locale, la France a fait, avec François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre, la décentralisation.
C’est une nouvelle page de cette histoire qu’il nous revient d’écrire ensemble aujourd’hui et je remercie le Sénat d’y apporter sa précieuse contribution.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, ce projet de loi est donc examiné pour la dernière fois par notre Haute Assemblée, au terme d’un parcours législatif on ne peut plus chaotique, ponctué de débats passionnés tout autant que passionnels. À cet instant, il convient de dresser un bilan du travail effectué par le Sénat et de faire le point sur l’état du texte.
Tout d’abord, nous avons rétabli l’article 1er A, que l'Assemblée nationale a supprimé en première et en deuxième lectures, suppression qu’elle a confirmée en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire infructueuse.
Or le Sénat souhaitait fortement maintenir cet article, qui rappelle les principes directeurs de notre organisation décentralisée. Nous tenons en effet à dire de façon tout à fait formelle notre attachement à l’organisation de nos territoires et à ses structures.
Sur la carte régionale, c'est-à-dire les articles 1er et 2 de ce projet de loi, la région initialement proposée par le Gouvernement, regroupant les trois régions Centre, Limousin et Poitou-Charentes n’a pas été retenue.
Certaines fusions consensuelles, comme, d’une part, celles de Basse-Normandie et de Haute-Normandie et, d’autre part, celle de Bourgogne et de Franche-Comté, ont finalement été adoptées.
La délimitation de la région Centre n’a pas été remise en cause, mais son nom a été changé au profit de « Centre-Val de Loire »
Mme Jacqueline Gourault applaudit.
Ces régions serviront de cadre pour les élections régionales de 2015, ce qui a, d'ailleurs, fait l’objet d’un accord dès la première lecture.
Restent deux divergences sur les limites régionales.
La première porte sur le fait que l’Alsace a été réunie à la Champagne-Ardenne et à la Lorraine. Nous savons que ce sujet fait débat au Sénat, celui-ci ayant réaffirmé sa volonté de voir maintenu le projet alsacien engagé depuis de longs mois. Cette volonté, nous la réaffirmerons !
Mme Catherine Troendlé applaudit.
La seconde divergence concerne le regroupement, voté par l’Assemblée nationale, des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
Le Sénat avait, sur cette question, un point de vue différent, qu’il avait traduit dans le projet de loi à l’occasion de la première et de la deuxième lecture. Nous proposerons que le texte soit rétabli en ce sens.
Sur l’évolution des limites territoriales, singulièrement sur les dispositions de l’article 3, le Sénat a supprimé le recours obligatoire au référendum pour faire évoluer les délimitations des régions et des départements, à la faveur de l’amendement de M. Michel Delebarre, rapporteur du texte en première lecture, ce que l’Assemblée nationale a, d'ailleurs, accepté dès cette première lecture.
Le Sénat a souhaité permettre la fusion des départements, ce qui répond à des attentes locales, comme en Savoie. L’Assemblée nationale a finalement accepté cette possibilité, en deuxième lecture.
Pour l’exercice du « droit d’option », un accord existe entre les deux assemblées sur la nécessité d’une majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la décision étant suffisamment importante pour requérir une majorité plus large que les délibérations ordinaires. La réunion d’une majorité qualifiée permettra de garantir fortement la volonté réelle des élus de réaliser ces fusions.
En revanche, un désaccord persiste sur le sens devant être donné à l’avis que doit exprimer la région d’origine : le Sénat souhaite que celle-ci dispose d’une faculté d’opposition, tandis que l’Assemblée nationale considère que son consentement doit être requis. En la circonstance, la position sénatoriale nous paraît plus souple et ouvrir plus de possibilités que celle de l’Assemblée nationale, qui nous semble beaucoup plus fermée.
L’Assemblée nationale s’est ralliée, pour l’essentiel, à la disposition permettant de rendre ce « droit d’option » plus opérationnel en matière électorale : la répartition des sièges de conseiller régional et des candidats par section départementale pourrait exceptionnellement s’opérer par voie réglementaire, selon une formule fixée par le législateur dont le président de notre commission des lois, M. Philippe Bas, a été à l’initiative, à l’occasion de la deuxième lecture.
Au travers des articles 5 et 12, le Sénat et l’Assemblée nationale ont prévu les dispositions électorales nécessaires à la mise en place, en 2015, de la métropole de Lyon, laquelle formera une section départementale pour l’élection des conseillers régionaux d’Auvergne - Rhône-Alpes. Les mandats des conseillers généraux élus, pour le département du Rhône, dans des cantons compris exclusivement sur l’emprise de la métropole de Lyon cesseront également à cette date.
En outre, je rappelle, s’il en était besoin, que le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté, en deuxième lecture, le même calendrier électoral, qui fait l’objet de l’article 12. Les dates des prochaines élections départementales ont été fixées au mois de mars prochain, les élections régionales, en décembre 2015, et le renouvellement général suivant, au mois de mars 2021.
Enfin, le Sénat a beaucoup travaillé sur le nombre minimal de conseillers régionaux par département, sujet important, qui fait l’objet de l’article 7. En nouvelle lecture, la commission spéciale a approuvé la rédaction retenue par l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption de deux amendements identiques, déposés par nos collègues députés Alain Calmette et Roger-Gérard Schwartzenberg et sur lesquels la commission des lois et le Gouvernement ont émis un avis favorable. Je veux dire que le Sénat n’est pas pour rien dans cette rédaction, à laquelle nos collaborateurs ont participé.
Le Sénat avait fixé ce nombre à « au moins cinq » et l’Assemblée nationale à « au moins deux ». La rédaction proposée retient au moins deux représentants pour les départements comptant moins de 100 000 habitants et au moins quatre pour les autres départements. Cette formule présente l’avantage de respecter la Constitution, alors qu’il était communément admis que la solution précédemment votée par notre Haute Assemblée, si elle se justifiait sur le fond, posait un problème constitutionnel.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale sur ce point garantit une représentation à la fois démographique et territoriale, conformément à ce que nous souhaitons. Par conséquent, je vous proposerai de le voter, ce qui marquerait un consensus très fort.
Protestations sur les travées du RDSE.
Je rappelle que le Sénat maintiendra l’écrêtement de 10 % des effectifs des conseillers régionaux, à l’exception de ceux de l’Île-de-France, région dont le périmètre ne change pas.
Certes, ses effets financiers seront limités, mais cette mesure symbolique suffit à marquer notre volonté de participer, autant que faire se peut, au travers du texte, aux efforts d’économies. Les signes comptent !
Pour terminer, je veux remercier le président et l’ensemble des membres de la commission spéciale qui ont participé à la préparation de ce texte, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC . – M. Jacques Mézard applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour débattre, pour la troisième fois, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Vous vous en souvenez, en première lecture – c’était en juillet dernier –, le Sénat n’avait malheureusement pas abordé le fond du texte. En effet, nous avions alors subi de multiples manœuvres d’évitement
M. Jacques Mézard et Mme Catherine Troendlé protestent.
Heureusement, lors de la deuxième lecture, les élections sénatoriales, avec lesquelles le texte n’était pas sans lien, étaient derrière nous.
Sourires.
Il semble que la nouvelle majorité sénatoriale soit alors revenue à une volonté de travail constructif.
Je tiens à l’en féliciter, puisque le texte, constructif, que nous avons adopté en novembre dernier témoigne de l’expertise du Sénat.
Bien sûr, nous n’étions pas d’accord sur tout, mais, au moins, nous avons pu avancer sur le fond des choses, ce qui est positif.
D'ailleurs, sur de nombreux points, un accord a finalement pu être trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Toutefois, sur la question essentielle de la délimitation des régions, qui constitue, en quelque sorte, le cœur du dispositif, un désaccord a subsisté entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement, soutenu par la majorité des membres de l’Assemblée nationale ainsi que par les sénateurs socialistes, concernant deux régions.
Dans ces conditions, il était difficile de parvenir à un consensus, raison pour laquelle la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 27 novembre dernier, s’est soldée par un échec. Sa réunion a, d'ailleurs, été extrêmement brève, …
… le rapporteur constatant d’emblée que la CMP ne pouvait déboucher sur un accord, puisque les visions continuaient de diverger sur les périmètres de la grande région Est, avec le cas alsacien, et de la région regroupant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
Néanmoins, il faut noter que nous étions d’accord sur les onze autres grandes régions.
Mais, puisque nous examinons aujourd'hui ce texte pour la troisième fois, nous devons avancer encore.
Les sénateurs socialistes continuent de défendre l’idée d’une carte à treize régions.
En effet, nous voulons des régions fortes, sur le plan démographique, pour mieux répondre aux défis du développement économique de nos territoires.
Les régions de la carte adoptée par l’Assemblée nationale, que le groupe socialiste du Sénat soutient, comptent, désormais, en moyenne, un peu plus de 4 millions d’habitants en moyenne. L’évolution est importante, puisque, aujourd'hui, la population des régions métropolitaines s’établit, en moyenne, à quelque 2, 5 millions d’habitants. L’effort entrepris en matière de regroupement et de simplification est donc significatif.
Reste le cas des deux régions sur lesquelles un accord n’a pu être trouvé, qui sera largement évoqué dans la suite du débat. Beaucoup de sénateurs alsaciens s’exprimeront après moi à cette tribune pour défendre l’idée que l’Alsace doit rester seule. Je dois dire que je n’ai pas été convaincu par leurs arguments. Bien sûr, nous aimons tous beaucoup l’Alsace, mais nous savons aussi que celle-ci ne compte que deux départements et 1, 8 million d’habitants : on est très loin de la moyenne des grandes régions qui seront créées !
Aussi, pour quels motifs devions-nous soustraire la région Alsace à un ensemble législatif cohérent ? Nous voulons de grandes régions, des régions fortes, …
… des régions dotées de la compétence économique.
Pourquoi faire un cas particulier de l’Alsace ?
Je le répète, la carte doit être cohérente sur le plan national.
En outre, malgré les réticences qui ont pu être exprimées, aussi bien dans cet hémicycle qu’à l’occasion de diverses manifestations organisées sur le terrain, il est de l’intérêt de l’Alsace d’être intégrée dans la future grande région Est, …
… dont Strasbourg serait la capitale. S’il est vrai que l’identité alsacienne est forte, les Alsaciens pourront se saisir de la possibilité de regrouper les départements qui a été ouverte. Nous pourrions alors avoir un grand département de l’Alsace.
Au reste, celui-ci bénéficierait du dispositif, voté grâce aux sénateurs socialistes, permettant de maintenir l’intégralité de la dotation globale de fonctionnement de deux départements qui fusionnent.
Ce petit avantage financier devrait conforter les volontés de rassemblement de départements. Le secrétaire d'État a évoqué la Savoie, mais on peut également envisager qu’il y ait, demain, un grand département de l’Alsace.
J’attire également votre attention sur la grande région regroupant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, que nous souhaitons instaurer, bien qu’elle fasse débat.
Est-ce cela, votre cohérence ? Aujourd'hui, le Languedoc-Roussillon compte déjà 3 millions d’habitants !
Monsieur Bertrand, vous aurez l’occasion de vous exprimer ! Quant à moi, j’exprime la position du groupe socialiste.
Si l’on veut que, demain, les régions jouent un rôle économique puissant, si l’on veut qu’elles soient des locomotives, si l’on veut qu’elles puissent aider les entreprises, notamment les PME, et accompagner la compétitivité nécessaire à la reprise économique du pays, elles doivent être fortes.
C’est cette volonté qui a conduit le Gouvernement à regrouper les régions.
Même si cette raison n’a pas été évoquée, la réforme de la carte des régions a également vocation à accompagner le mouvement d’urbanisation à l’œuvre en France depuis plusieurs décennies. Nous le savons, 60 % des Français vivent aujourd'hui dans de grandes aires urbaines. Nous avons tenu compte de cette évolution, l’an dernier, avec la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui a permis la création des métropoles de Paris, Lyon et Marseille, mais également la création de métropoles régionales.
Pour les métropoles, on sait trouver des solutions ! Il en va autrement de la ruralité…
Dans un souci de cohérence et d’efficacité, le périmètre des régions devait s’adapter à ces métropoles, dans l’intérêt de celles-ci, qui seront ainsi dotées d’une aire économique à même de les soutenir, mais aussi dans l’intérêt des autres territoires, qui bénéficieront de la locomotive métropolitaine. Les territoires les plus fragilisés et les plus ruraux des futures grandes régions pourront bénéficier de la dynamique ainsi créée et être « tirés » par les métropoles.
Comme l’a dit M. le secrétaire d'État, la carte parfaite n’existe pas. Nous sommes beaucoup à être de cet avis ! D'ailleurs, si chacun d’entre nous avait dû proposer sa propre carte des régions, il n’est pas certain que beaucoup de cartes auraient coïncidé.
Les débats ont été longs. J’ai entendu, ici ou là, qu’il n'y avait pas eu de concertation.
Pourtant, voilà de très nombreux mois que nous discutons de la nouvelle carte des régions, et à Paris, et en région !
La discussion a eu lieu partout et chacun a pu avancer ses arguments. Désormais, il faut choisir !
Et, bien sûr, c’est au Parlement qu’il revient de le faire.
À cet égard, les sénateurs socialistes estiment que la carte à treize régions est la meilleure et la plus consensuelle possible.
J’observe d’ailleurs, sans vouloir enfoncer le couteau dans la plaie, chers collègues représentant l’Alsace, que de nombreux sénateurs UMP des régions Champagne-Ardenne et Lorraine ont déposé un amendement par lequel ils revendiquent aussi l’existence d’une grande région composée de la Champagne-Ardenne, de la Lorraine et de l’Alsace. Cela démontre que les clivages partisans ont pu être dépassés sur certains aspects de ce découpage régional.
Nous avons donc recherché le consensus le plus large et, grâce aux débats, qui ont été fournis, nous sommes parvenus à une carte me semblant être porteuse d’avenir pour le pays.
Je souhaite maintenant insister sur deux points, susceptibles de nous rassembler sur pratiquement toutes les travées.
Le premier point concerne la représentation des territoires les plus ruraux.
À l’unanimité ou presque, et sur l’initiative, notamment, de Jacques Mézard, que je salue, nous avions approuvé cette idée qu’il fallait un minimum de cinq conseillers régionaux par département. Après discussions à l’Assemblée nationale, un compromis a pu, semble-t-il, être trouvé avec le Gouvernement, garantissant que la mesure ne sera pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel.
La solution arrêtée assure aux départements comptant moins de 100 000 habitants un minimum de deux conseillers régionaux.
Effectivement – j’en prends à témoin notre collègue Alain Bertrand –, un seul département est concerné : la Lozère, qui compte environ 70 000 habitants et se verra garantir, indépendamment des circonstances, deux postes de conseiller régional.
Les autres départements, comptant donc plus de 100 000 habitants, seront assurés de quatre sièges de conseiller régional. Bien évidemment, ces sièges supplémentaires bénéficieraient plus particulièrement à des départements dont la population avoisine 100 000 habitants, parmi lesquels le Cantal - département cher à Jacques Mézard -, …
… l’Ariège, la Creuse, les Hautes-Alpes ou encore les Alpes-de-Haute-Provence.
Certes, ces seuils sont inférieurs à ce que nous souhaitions, puisque nous avions fixé un minimum de cinq conseillers régionaux. Pour autant, c’est toujours mieux que les résultats que ces départements obtiendraient peut-être si la loi était appliquée en l’état : la Lozère pourrait ne compter aucun conseiller régional et le Cantal n’en compter qu’un ou deux !
Ces avancées doivent donc être saluées, et ce, surtout, parce qu’elles ne risquent pas de subir les foudres du Conseil constitutionnel. Nous sommes effectivement tenus par le fameux tunnel des 20 % – nous ne le connaissons que trop bien ! – qui s’impose à nous en matière de découpage cantonal. Il serait hasardeux, je pense, de ne pas respecter cette disposition.
Vous avez la garantie de disposer de deux sièges de conseiller régional, mon cher collègue, et il faut bien tenir compte du Conseil constitutionnel et de sa jurisprudence !
Peut-être n’est-il pas élu, mais nous devons respecter sa jurisprudence !
Quoi qu’il en soit, tout cela permet de progresser. Faudra-t-il envisager, demain, d’autres avancées ? Pourquoi pas ! Mais, dans ce cas, peut-être faudra-t-il aussi changer la Constitution !
S’il vous plaît, mes chers collègues, seul M. Philippe Kaltenbach a la parole !
Le second point, dont nous avons beaucoup débattu et sur lequel nous sommes parvenus à un accord, est celui du droit d’option.
C’est de manière tout à fait consensuelle que nous avions adopté, ici, au Sénat, un droit d’option avec une double majorité qualifiée fixée à 60 %. Cette majorité qualifiée - 60 % des membres du conseil départemental du département souhaitant passer d’une région à une autre et 60 % des membres du conseil régional de la région d’accueil - ne soulevait pas de difficulté. En revanche, une divergence subsiste quant au vote de la région de départ.
Au Sénat, nous nous accordons tous sur un droit de veto permettant à la région d’appartenance du département de s’opposer au départ, à une majorité qualifiée. Les sénateurs socialistes souhaitent rester sur cette position, d’ailleurs retenue en commission spéciale ; les députés défendent, quant à eux, l’idée que la région de départ doit donner son accord, également à la majorité qualifiée.
Notre position m’apparaît plus souple. Elle prend mieux en compte les réalités et doit permettre à un département qui, à une large majorité de ses représentants, souhaite changer de région d’évoluer plus facilement.
Pourrons-nous, en continuant à travailler avec l’Assemblée nationale, faire bouger sa position à l’occasion de la quatrième lecture du projet de loi, qui aura lieu dans quelques jours ? Nous l’espérons !
M. Philippe Kaltenbach. Je vous le dis sans détour, madame Troendlé : j’ai peu d’espoir sur la carte…
Sourires.
Il faut se faire à l’idée que la carte demeurera composée de treize régions ! En revanche, il est encore possible que l’Assemblée nationale évolue sur le droit d’option, ce qui serait perçu positivement sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, mais également par les collectivités locales.
En effet, si l’on accorde un droit d’option, il faut tout de même que celui-ci, même très encadré, soit effectif. Avec un mécanisme comportant trop de verrous, il sera difficile pour un département de passer d’une région à l’autre. Nous avons proposé des ouvertures et, désormais, la balle est dans le camp de l’Assemblée nationale !
Pour conclure, mes chers collègues, je constate qu’après un départ particulièrement désastreux pour l’image du Sénat, …
… nous avons réussi à travailler ensemble pour faire évoluer la position de notre assemblée sur la carte et apporter des modifications au projet de loi dans son ensemble.
Les évolutions ont concerné différents aspects : j’ai évoqué le droit d’option et la représentation des territoires ruraux ; le rapporteur de la commission spéciale a fait état de nombreux points sur lesquels nous avons pu trouver un accord avec l’Assemblée nationale.
Cela montre tout l’intérêt de ne pas demeurer dans des postures…
… et d’aborder le fond des textes, en travaillant concrètement pour que les positions puissent s’harmoniser !
Je note, à cet égard, que, même sur la date des élections, une question engendrant fréquemment des clivages, surtout lorsqu’il s’agit de reporter lesdites élections - on sait à quel point l’opposition a tendance à vilipender tout gouvernement envisageant de décaler un rendez-vous électoral -, nous avons pu trouver un terrain d’entente. Les élections régionales ont ainsi été renvoyées à décembre 2015.
Ainsi, par la discussion, nous parvenons à élaborer des textes prenant en compte la position des différents groupes présents, ici, dans notre Haute Assemblée, mais également à être à l’écoute des territoires.
Je crois donc, mes chers collègues, que nous avons bien travaillé sur ce projet de loi. Cela étant, il est probable que la position de la commission spéciale sera suivie par notre Haute Assemblée et, en conséquence, comme en seconde lecture, le groupe socialiste s’abstiendra. Nous sommes vraiment attachés à une carte comportant treize régions et ne souhaitons pas voir le nombre de régions porté à quinze.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, pour la troisième fois consécutive, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Le débat sur l’organisation territoriale de notre pays, il faut le souligner, continue de se dérouler dans des conditions critiquables – mais, contrairement à ce que vous avez déclaré, monsieur Kaltenbach, pas désastreuses !
Oui, les conditions de ce débat sont critiquables, et sur plusieurs points.
Premier motif de critique, la confusion entretenue sur cette réforme qui, scindée en plusieurs textes, amenée par touches successives, a fini par devenir illisible pour les citoyens et même pour beaucoup d’élus de notre pays – je suis en mesure de le dire, pour mener de nombreuses initiatives avec eux, en particulier dans mon département.
Deuxième motif de critique, tout cela s’est construit sans un acteur majeur de toute réforme : le peuple, le peuple de France ! Au moment où les citoyens aspirent à être davantage associés aux décisions prises pour leur avenir, et comme vous vous l’avez vous-même redit, monsieur le secrétaire d’État, toutes les mesures existantes en matière de consultations ou de référendums, y compris dans les projets de loi, ont été écartées au profit de décisions prises par des élus.
C’est donc un rendez-vous manqué, à l’heure où nos concitoyens perdent confiance en leurs élus !
Précipiter cette réforme sans consulter le peuple est, selon nous, le symptôme de la poursuite des attaques portées contre la République. Cela dénote un certain mépris pour la démocratie et la souveraineté populaire, et une soumission - que le Gouvernement veille l’entendre ou non - à la seule volonté d’une Commission européenne qui, favorable aux régions et à l’austérité, a pour ambition de dissoudre le cadre national pour faciliter la circulation des capitaux et des travailleurs sans droit !
Cette réforme s’inscrit dans la « droite ligne », c’est le cas de le dire, de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a engagé le morcellement de la République, guidée par une politique libérale dont l’objectif était d’opérer de vastes transferts d’activités publiques rentables vers le secteur privé et de diminuer considérablement les dépenses publiques.
Elle se situe dans la continuité des réformes engagées sous le quinquennat du président Nicolas Sarkozy, réformes animées par le désengagement financier et politique de l’État, sans contrepartie ni garantie d’égalité, avec, pour méthode, la mise en compétition « à la libérale » des territoires.
J’ai pourtant souvenir – et ce n’est pas si ancien - que la gauche tout entière avait combattu la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Or, depuis l’élection de cette même gauche et son arrivée au pouvoir, il n’a été question ni d’abroger cette réforme de Nicolas Sarkozy, et ce malgré les promesses faites, ni même de la détricoter ! Certains oublient facilement les engagements d’hier…
Bien évidemment, on s’est occupé du conseiller territorial, qui remplaçait les conseillers généraux et régionaux.
Nous ne sommes pas d’accord sur ce point, monsieur Mercier… D’une certaine manière, cela me rassure !
Donc, seul le conseiller territorial a été supprimé, du fait de l’adoption d’une proposition de loi déposée par notre groupe au Sénat.
Ainsi la réforme de François Hollande approfondit-elle la logique libérale plus étroitement encore !
Somme toute, il est légitime de vouloir éventuellement modifier l’organisation territoriale, mais cette modification doit s’accompagner d’une amélioration de la vie de nos concitoyens. S’il n’apparaît pas évident pour certains, ce point est très important pour nous.
N’est-ce pas là l’objectif principal qui doit guider cette réforme et même toute réforme ?
Les nouvelles régions ne devraient-elles pas contribuer à réduire les inégalités sociales et territoriales ? Le seul projet qui nous a été proposé est fondé sur l’argument, repris encore aujourd'hui, d’une attractivité accrue pour de grandes régions, dont la puissance devrait permettre de résoudre les problèmes. Nous savons bien qu’il n’en est rien !
L’Île-de-France est, en la matière, l’exemple le plus criant. Région puissante, c’est aussi la région dans laquelle les inégalités sociales et territoriales sont les plus marquées et continuent de se creuser. La taille et la puissance ne règlent donc pas tous les problèmes.
Par ailleurs, la réforme de François Hollande bafoue l’article L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales, prévoyant que les limites territoriales des régions sont modifiées par la loi après consultation des conseils régionaux et des conseils départementaux intéressés.
Le regroupement des régions a été dessiné sur un coin de table et s’apparente, permettez-moi l’expression, mes chers collègues, à du « marchandage de tapis ». C’est un recul démocratique majeur, symbole d’un refus de dialogue avec les élus et les citoyens, symbole aussi d’une forme d’autoritarisme à caractère technocratique !
Quant à la droite, qui, à l’occasion de la première lecture, s’offusquait de la méthode employée, elle fait aujourd’hui alliance avec le parti socialiste pour ôter tout pouvoir d’intervention aux citoyens dans ce processus de modification des territoires de la République.
La droite sénatoriale n’a-t-elle pas voté, en première lecture, la motion référendaire demandant l’organisation d’un référendum sur ce texte de loi ? Simple position d’affichage ou manifestation d’une forme de « schizophrénie » ?
L’UMP et le PS sont en parfaite adéquation sur le fond de ce texte et les objectifs fixés, comme M. Kaltenbach l’a partiellement expliqué encore à l’instant. Cette entente montre qu’il est plus fait appel à des réflexes identitaires ou protectionnistes qu’à l’intérêt général - contrairement à la musique que j’entends trop souvent, ce n’est pas du tout dans nos pratiques. À ce niveau, on peut constater l’influence des « baronnies » régionales ! C’est particulièrement vrai pour l’Alsace, dont les élus exercent une certaine pression au nom d’enjeux n’ayant rien à voir avec l’intérêt général !
Cette approche conduit à privilégier une réflexion sur les périmètres des territoires, exacerbant les égoïsmes locaux, plutôt que sur le fond des choses : les raisons et objectifs conduisant à revoir le redécoupage des régions.
Étant donné l’importance des enjeux liés au renforcement des futures régions – enjeux tout à fait avérés -, nous attendions que soient appréhendées et mesurées les conséquences d’une telle refonte de la délimitation des territoires régionaux sur les plans économique, social, culturel, financier et, bien entendu, institutionnel et juridique, sans oublier le développement durable.
Cette exigence avait d'ailleurs été pointée du doigt au regard de l’extrême indigence des éléments contenus dans l’étude d’impact.
Il n’en a rien été ! Nous avons pourtant appris depuis longtemps que, si ce travail préalable n’est pas fait, l’échec est assuré.
Avant d’organiser une nouvelle carte des régions, la logique aurait voulu que nous examinions en priorité les fonctions et les compétences de ces nouvelles collectivités régionales pour déterminer l’espace qu’elles devraient occuper.
Avant de réfléchir aux périmètres de ces nouvelles institutions locales, il aurait fallu également s’interroger sur les moyens financiers et humains dont elles pourront disposer pour exercer leurs nouvelles compétences.
Encore aurait-il fallu associer l’ensemble des forces sociales intéressées et organiser, j’y reviens, un véritable débat national tranché par une consultation populaire.
N’essayez pas de « cacher » aux citoyens que des régions de grande taille, disposant de compétences très élargies et d’un pouvoir réglementaire, portent le germe d’une organisation fédéraliste se substituant à notre République une et indivisible.
Avouez-le, derrière ce redécoupage des régions, sous couvert de renforcer l’attractivité de leur territoire, se cache un projet politique bien plus vaste, celui d’une réorganisation complète de notre République qui vise à faire disparaître bon nombre de collectivités locales.
Ce sera destructeur pour notre pacte social, destructeur pour notre pacte républicain.
Centralisatrice et inefficace, cette réforme va se traduire, en outre, par un véritable gaspillage des deniers publics. En effet, contrairement à la fable mille fois répétée par les partisans de ces « hyperrégions », les économies annoncées ne seront pas au rendez-vous. La réorganisation des services, les transferts de compétences envisagés, l’harmonisation des régimes indemnitaires des personnels, la refonte de toute la communication institutionnelle et de la signalétique régionale, seront autant de surcoûts qui sont totalement passés sous silence aujourd’hui.
Pour notre part, nous restons attachés à l’organisation de notre République, à ses trois niveaux de collectivités, même si nous pensons que d’importantes modifications devraient être mises en œuvre pour en démocratiser toujours plus le fonctionnement, pour améliorer les services publics locaux, développer tous les partenariats possibles, pour monter des projets communs entre collectivités territoriales, dans le respect de toutes les parties prenantes, pour renforcer l’efficacité de l’action publique et toujours mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population. Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas aussi archaïques que certains se plaisent à le dire !
Ce qui nous est présenté aujourd’hui, au nom du « parti du mouvement », ce fameux parti du mouvement, devrais-je dire, n’est qu’un mauvais « replâtrage » de notre monarchie républicaine, une Ve République bis, pire que la précédente par certains aspects.
Ce qui est devant nous, ce n’est pas la voie de la réforme, mais celle d’une contre-réforme centralisatrice, reniant le mouvement initié il y a trente ans par un gouvernement de gauche qui œuvrait alors pour une décentralisation démocratique au service d’un projet émancipateur.
Cette volonté politique, qui n’est plus portée par un certain nombre de nos collègues, nous anime toujours ; c'est la raison pour laquelle nous voterons une nouvelle fois contre ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC . – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi sur les fusions de région constitue pour nous l’un des pires exemples de la dérive de notre régime, au mépris de la démocratie parlementaire et de la démocratie tout simplement.
M. Michel Mercier s’exclame.
Monsieur le secrétaire d’État, il fallait un exécuteur des mauvaises œuvres. Dois-je rappeler que ce texte ne résulte d’aucun programme, que rien n’avait préparé son annonce soudaine, en avril 2014 ? Il n’est en rien le fruit du rapport sénatorial Raffarin-Krattinger, comme certains ont osé l’affirmer ; les dénégations de nos deux collègues à ce titre sont claires, ce que nous avait d’ailleurs très fermement rappelé Yves Krattinger lors de la commission spéciale de juillet, je le cite : « Je ne trouve pas, dans le projet qui nous est proposé, de vision politique globale, lisible, claire ». Notre excellent ancien collègue socialiste ajoutait : « On ne peut pas dessiner la France des nouvelles régions en quelques heures, sur un coin de table » Et pourtant, vous le faites !
Ce texte, qui vise à bouleverser l’organisation territoriale, n’a été précédé d’aucune concertation – prétendre encore aujourd’hui le contraire est fallacieux –, d’aucune étude d’impact sérieuse ; il correspondait à un message médiatique consécutif à la débâcle des municipales.
La réforme territoriale méritait mieux que ce gâchis, cette absence totale de cohérence de texte en texte, de la loi MAPAM à la fusion des régions et au projet de loi NOTRe, du rétablissement de la clause de compétence générale à sa suppression, de l’annonce de l’élimination des départements puis des conseils généraux à leur maintien, le tout combiné avec l’arrivée du fameux binôme départemental, que nous avions ici été les premiers à condamner et dont aujourd’hui personne ne veut !
Quelle logique pouvait-il y avoir à découper de nouvelles régions avant de travailler sur leurs ressources financières et sur leurs compétences ?
Quelle logique, quand le découpage décidé ne tient nullement compte des bassins de vie, …
… de la géographie, de l’histoire, de la sociologie, de l’économie, mais repose essentiellement sur les diktats des grands hiérarques du parti majoritaire, lesquels préparent de fait le pouvoir exorbitant de leurs successeurs de l’opposition actuelle avec, pour couronner le tout, l’entrée en force de l’extrême droite, inéluctable, en conservant l’ancien mode électoral appliqué à de grandes régions ?
Beau travail, monsieur le secrétaire d’État !
Ce découpage partisan, nul ne saurait le nier lorsque l’on constate le maintien de la Bretagne, le transfert en cours de débat du Limousin vers l’Aquitaine, à la demande du maire de Tulle, qui s’en est prévalu publiquement, l’accord évident entre le président de l’Aquitaine et celui de Midi-Pyrénées pour se partager les fiefs voisins…
Pauvre région Centre, qui reste toute seule agrandie du titre de « Val-de-Loire »…
Évidemment !... Ce qui est la démonstration, monsieur Sueur, qu’il ne s’agissait pas de fabriquer de grandes régions, puisque vous restez une petite région…
Comment ne pas revenir sur la procédure utilisée par l’exécutif pour déposer d’urgence ce projet de loi, le combat du mois de juillet du Sénat sur le rejet de la procédure accélérée par la conférence des présidents, à ma demande, la saisine du Conseil constitutionnel sur la squelettique étude d’impact, la motion référendaire, rappelée par Éliane Assassi ?
L’exécutif a reproché au Sénat d’avoir rendu une copie blanche. Si nous avions fait des propositions, nous dit-il, il en aurait été tenu compte. J’ai annoncé dès mes interventions de ce mois d’octobre que le Sénat allait rendre une copie complète, un travail constructif, des propositions raisonnables en acceptant le principe de la fusion des régions, mais j’ai aussi annoncé que le Gouvernement ne tiendrait strictement aucun compte du travail du Sénat.
Et c’est exactement le cas, dans la mesure où vous faites balayer par vos députés pratiquement toutes les propositions émanant du texte sénatorial : sur le nombre des régions, en refusant la proposition de l’Alsace ; sur le Languedoc-Roussillon, en persistant à vouloir le marier de force avec Midi-Pyrénées ; sur le droit d’option des départements, que vous supprimez de fait.
Unique atténuation due à la sagesse du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, seul à être sensible aux propositions du RDSE : la garantie de quatre conseillers régionaux par département – hélas, en écartant un seul département, la Lozère, ce qui constitue une discrimination lamentable. Il s’agit d’ailleurs d’une avancée symbolique, puisque j’ai calculé que mon département compterait cinq élus. Toutefois, il fallait un message. Vous l’avez au moins retenu partiellement. Je tiens d'ailleurs à remercier notre rapporteur, François-Noël Buffet, d’avoir tenu compte de la position que j’avais exprimée et d’avoir beaucoup travaillé à convaincre l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
Mais quel mépris à l’égard de la Haute Assemblée ! Le 12 juillet dernier, Mme la ministre Lebranchu répondait à la question d’actualité de notre regretté collègue Christian Bourquin : « Il va de soi que le Premier ministre laissera le débat au Sénat totalement ouvert ». Elle a dû confondre ouverture et cadenas !
De fait, ce projet de loi est un affront à tout promoteur du débat démocratique.
Alors que, voilà quelques jours, le Président de la République déclarait vouloir qu’il soit recouru au référendum pour les projets locaux à la suite de l’affaire du barrage de Sivens, le Gouvernement a refusé de consulter même les collectivités locales concernées, régions et départements. Exit les demandes de l’Alsace. Exit le vote du conseil régional d’Auvergne. Je souris en écoutant l’actuel président de la région Auvergne, qui a d’ailleurs changé d’avis en quelques heures, s’opposant au départ à ce projet de fusion avant de le trouver aujourd’hui excellent, alors qu’ils n’étaient que 14 sur 47, au sein du conseil régional d’Auvergne, à approuver la fusion et qu’une majorité de députés de toutes sensibilités s’est exprimée contre.
Le comble du mépris de la représentation régionale, c’est le Languedoc-Roussillon, mais j’y reviendrai.
Le Sénat, sur la proposition du rapporteur et de notre groupe, a rejeté la fusion de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon. Sachez, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, que vous et moi avons été qualifiés dans les médias par le président Malvy d’avoir été « minables et médiocres ».
Voilà où mène l’excès de pouvoir des présidents de conseils régionaux, un pouvoir que le projet va encore conforter !
Exactement, madame Gourault, je ne me le permettrais pas !
Le conseil régional du Languedoc-Roussillon a voté contre la fusion par 65 voix contre une, toutes sensibilités confondues. Le président Bourquin, notre collègue, était venu dans cet hémicycle, quelques semaines avant de décéder, lors de la séance de questions d’actualité du 12 juillet dernier, confirmer le regret absolu de cette fusion par son conseil régional. Pour ce qui est de la courtoisie à l’égard d’un homme qui venait exprimer un dernier cri, le Gouvernement ne s’est point illustré.
Oui, le Gouvernement a su profiter de la disparition de Georges Frêche, puis de Christian Bourquin pour perpétrer ce mauvais coup, contraire à toute l’histoire de ces deux régions. Il n’y a pas de place pour deux métropoles régionales dans la même région, monsieur le secrétaire d’État, région qui ira du Gard et de la Lozère jusqu’au nord du Lot. Ce n’est pas de l’aménagement du territoire. Imaginez la réaction de Georges Frêche face à un projet qui détruit son œuvre ! J’avais promis au président Bourquin de mener son combat jusqu’au bout ; je le fais avec fidélité et conviction.
Comment ne pas parler à ce moment des départements ruraux excentrés que ce projet va finir de marginaliser ? Vous créez des îles de l’intérieur, éloignées de Paris et tout autant, voire plus, des nouvelles métropoles régionales ; des départements dont la représentation tellement faible dans les nouveaux conseils régionaux étouffera définitivement l’expression et sans nul doute le développement. Mais je sais que cela intéresse peu le Gouvernement.
Quand j’entends vos représentants déclarer que la grande région Rhône - Alpes-Auvergne est tellement riche qu’elle nous fera nos routes et développera notre économie, je suis triste parce que je sais que c’est une tromperie. Dans un pays qui n’a jamais pu réaliser de liaisons transversales, éloigner encore plus nos territoires de la métropole régionale, c’est irresponsable.
Le Gouvernement sait que ces territoires crient à l’abandon, à l’injustice, d’où les déclarations sur l’égalité des territoires, mission confiée cyniquement, permettez-moi de le dire, au ministère du logement. Mais là, nous sommes dans la communication, pas dans le concret ni dans le lien avec le terrain, ce lien que vous détruisez avec les textes institutionnels que vous imposez sans concertation depuis deux ans : non-cumul – sauf pour les nouveaux grands conseillers régionaux -, absurde binôme départemental, projet de loi NOTRe et, demain, une partie de la loi Macron qui contribuera à vider les territoires ruraux…
… de ce qui leur reste de matière grise, de professions libérales et de cadres, au profit de structures financières logées à Paris et dans les métropoles.
Merci, monsieur le secrétaire d’État !
En revanche, ces textes aboutissent à éradiquer des sensibilités politiques telles que celles que j’ai l’honneur de représenter. Et votre parti a encore enfoncé le clou lors des dernières sénatoriales.
Encore merci !
Cela étant, vous aurez aussi contribué, monsieur le secrétaire d’État, à avancer à grands pas vers l’éradication de votre propre sensibilité. Je ne sais si vous nous suivrez ou nous précéderez dans la tombe…
Mes chers collègues, avec humilité, j’ai souvent une pensée affectueuse pour le président Monnerville ; je ne saurais mieux conclure qu’en vous citant quelques mots de son discours du 18 décembre 1968 sur le référendum de 1969 : « […] messieurs du Gouvernement, il vient un jour où les peuples, enfin éclairés, refusent de pardonner à ceux qui les ont abusés ». Gaston Monnerville rappelait ensuite le discours que prononça Clemenceau – cher au Premier ministre, Manuel Valls – en 1910, sur le Sénat : « Les événements m’ont appris qu’il fallait donner au peuple le temps de la réflexion. […] Le temps de la réflexion, c’est le Sénat ».
Je constate que vous avez malheureusement peu à faire de la réflexion du Sénat. En conséquence, c’est à l’unanimité que le groupe du RDSE votera le texte du Sénat et rejettera celui du Gouvernement. §
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nos interventions, qu’il s’agisse de celles d’aujourd’hui ou des précédentes lectures, témoignent une fois de plus de l’absence de vision du Gouvernement dans sa démarche, comme vient de le souligner notre collègue Jacques Mézard avec talent.
Le Gouvernement a décidé, depuis le début, de mettre la charrue avant les bœufs, alors que la clarification des compétences, dont l’examen ne débutera que demain avec la discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République aurait dû être le point de départ de toute réforme.
Nous le regrettons vivement.
Surtout, je demeure convaincu qu’aucune réforme territoriale ne pourra produire pleinement ses effets sans une réforme en profondeur de l’État. C’est bien là un préalable indispensable ! Or je constate que l’exécutif semble bien peu enclin – au-delà des paroles – à faire bouger les lignes sur ce sujet...
Malgré toutes ces critiques, le Sénat a démontré, lors de ses travaux tant en commission spéciale qu’en séance publique, qu’il entendait s’impliquer de manière constructive dans ce processus de réforme. Nous avons ainsi apporté des modifications substantielles à ce texte, notamment sur le droit d’option, et établi une carte équilibrée et cohérente en rejetant, lors d’un vote sans appel, un amendement visant à réformer la trop grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, ou ALCA.
Malgré cela, le Gouvernement et la majorité socialiste continuent de se montrer complètement fermés, ne laissant aucune place au dialogue et au bon sens. On l’a compris, le Gouvernement veut imposer sa carte à treize régions. Dans ce contexte, la commission mixte paritaire n’avait aucune chance d’aboutir.
Cette attitude jusqu’au-boutiste est d’autant plus incompréhensible que la formation de cette région ALCA – aussi grande que la Belgique ! – repose sur des arguments méconnaissant les réalités historiques, culturelles, sociales et économiques de nos territoires.
On nous rétorque que l’Alsace ne pourrait rester seule, car elle n’atteindrait pas la fameuse « taille critique » – vous l’avez encore dit à l’instant, monsieur le secrétaire d’État. Or, si l’on regarde nos voisins, on constate qu’il n’y a pas d’optimum régional. Par ailleurs, quid de la Corse et de la Bretagne, inchangées ? L’argument ne tient pas... Plutôt qu’à la taille des régions, c’est à leur gouvernance qu’il fallait s’atteler, en leur donnant plus de marges de manœuvre afin qu’elles disposent des moyens nécessaires pour mener des politiques territoriales ambitieuses.
À cet égard, l’Alsace souhaite toujours s’inscrire dans une démarche innovante à travers une union des collectivités alsaciennes, dotée de compétences nouvelles, financées par des transferts de fiscalité. Cette expérimentation unique, qui répondrait aux objectifs de simplification et de proximité, pourrait servir d’exemple... Les trois assemblées départementales et régionale se sont largement prononcées en faveur de cette option. Dès lors, pourquoi bâillonner cette initiative ?
On nous rétorque ensuite que l’hostilité des Alsaciens à cette grande région serait synonyme de repli sur soi... C’est tout le contraire ! Une telle affirmation laisse transparaître un raisonnement purement hexagonal, faisant fi de la position de l’Alsace, au cœur de l’Europe. Nous nous sommes engagés depuis plusieurs années déjà – plusieurs décennies, même – dans une coopération transfrontalière dense et dynamique dans le bassin rhénan, avec nos voisins suisses et allemands.
La carte, telle qu’elle a été modifiée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Gouvernement, a été perçue comme une provocation par les Alsaciens, ce qui n’a pas manqué de susciter – hélas ! – la résurgence d’un discours autonomiste, pourtant ultra-marginal depuis soixante-dix ans. Bravo ! Beau succès ! Moi qui suis issu d’une famille qui, dès l’entre-deux-guerres, a combattu les autonomistes et a été combattue par eux de manière virulente, je ne pensais pas que notre génération connaîtrait cette résurgence. Que voilà un bel exploit, monsieur le secrétaire d’État !
Par ailleurs, le républicain que je suis, et comme nous le sommes tous, ne peut que déplorer les propos outranciers tenus à notre encontre par quelques-uns, originaires d’autres régions. Je mets ces propos, pour l’essentiel, sur le compte d’une profonde incompréhension, voire d’un vrai désarroi.
Comment le Gouvernement peut-il rester sourd à la mobilisation des Alsaciens, très inquiets ? Un redécoupage ne peut procéder de l’improvisation, alors même que notre pays a signé, rappelons-le, la charte européenne de l’autonomie locale, qui prévoit une consultation préalable à toute modification des limites territoriales locales...
Monsieur le secrétaire d’État, la méthode employée par le Gouvernement est inacceptable : on nous demande de nous prononcer sur le contenant avant le contenu, sans études d’impact dignes de ce nom. On veut nous imposer une nouvelle carte des régions sans concertation, sans prise en compte des identités. On refuse de prendre en considération les apports du Sénat, émanation des collectivités locales. Vraiment, tout cela est très dommageable et laissera des traces...
À l’heure de cette ultime lecture, dont l’issue ne laisse guère de place à l’optimisme, je regrette que l’Alsace apparaisse comme une variable d’ajustement et que la voix de la Haute Assemblée, la voix de l’assemblée des territoires, ne soit pas suffisamment écoutée.
Une démarche pleinement concertée eût été pourtant indispensable pour poser les jalons d’une réforme territoriale réussie. Mme Assassi a fait allusion aux lois de 1982 : je fais partie de ceux qui ont voté ces textes, et je n’en retrouve pas ici le souffle !
Monsieur le secrétaire d’État, qui sème le vent, récolte la tempête !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ici même, à cette tribune, le Premier ministre, il y a quelques semaines de cela, déclarait vouloir être à l’écoute des territoires et du Sénat, qui en est le représentant.
On sait ce qu’il est advenu. Ouvrant avec vingt minutes de retard la réunion de la commission mixte paritaire chargée sinon d’établir un texte commun, du moins de rapprocher les positions des deux assemblées, son président déclarait qu’il n’y avait pas lieu de siéger, car aucun rapprochement n’était possible !
Ainsi, l’Assemblée nationale a rétabli un texte semblable à celui qu’elle avait adopté en deuxième lecture, hormis la disposition – introduite par notre assemblée – concernant la représentation des petits départements au sein des conseils régionaux.
La commission spéciale du Sénat, dans la continuité de ses travaux antérieurs, a établi un texte reprenant ses positions afin, comme l’a rappelé le président Larcher lors du lancement de la conférence territoriale le 10 décembre dernier, de « porter d’une voix commune les attentes des collectivités locales »...
Tout cela me conduira à formuler trois observations sous forme de critiques.
La première critique tient à la méthode.
Jamais une réforme territoriale n’aura été élaborée avec autant de légèreté. Nul n’ignore ici avec quelle précipitation et quelle confusion ce projet a été conçu par le Gouvernement, afin de lui permettre de répondre à l’urgence médiatique et d’afficher, pour un temps, un visage réformateur. L’objectif était visiblement non pas de créer des territoires pertinents et cohérents, mais d’afficher la division par deux du nombre de régions. Voilà qui explique le refus d’écouter le Sénat et l’absence de concertation avec laquelle ce projet a été conduit.
Autre point choquant, cette réforme répond aux intérêts de quelques-uns et non à ceux de tous les territoires.
Là encore, personne n’ignore que ce projet de loi a été décidé par quelques-uns, dans leur intérêt, à l’insu de tous les autres.
Cette « réforme d’en haut » est donc la parfaite illustration des contradictions du Gouvernement, partagé entre ses incantations girondines et ses réflexes jacobins. Or on ne peut pas à la fois, monsieur le secrétaire d’État, être girondin et jacobin, pousser les régions à se déployer et décider de tout à leur place, y compris du choix du siège de la capitale régionale.
Enfin, cette réforme s’inscrit dans une chronologie totalement incohérente. En effet, comment le Parlement peut-il examiner un projet de loi visant à délimiter les régions, alors même que nous ne savons rien des compétences de ces futures collectivités ?
Nous avions voulu, avec l’article 1er A, corriger cette incohérence en mettant en perspective chaque échelon de notre administration territoriale et, ce faisant, poser quelques principes sur les missions et fonctions de chacun d’eux. Mais vous l’avez refusé.
Cette initiative sénatoriale était d’autant plus fondée qu’elle venait tenter de conclure une période de cacophonie gouvernementale. Souvenez-vous, monsieur le secrétaire d’État, de la clause de compétence générale : à peine avait-elle été rétablie dans le texte sur les métropoles, que Mme Lebranchu annonçait sa suppression. Souvenez-vous de la déclaration du président Hollande en janvier 2014 devant les Corréziens, affirmant que le département était l’échelon de proximité par essence, tandis que le Premier ministre annonçait sa suppression trois mois plus tard.
La délimitation des régions dépend étroitement du sort qui sera réservé plus tard aux départements. Il est inenvisageable de vouloir, dans le même temps, supprimer l’échelon départemental et diviser par deux le nombre des régions...
Débattre de la taille des régions avant de fixer leurs domaines d’intervention et refuser de préciser comment elles fonctionneront demain, en lien avec les autres collectivités territoriales – je vous le dis comme je le pense, monsieur le secrétaire d’État –, relève au mieux de l’amateurisme, au pire, je le crains, de l’incompétence notoire.
La deuxième critique tient aux principes qui guident ce texte.
Pourquoi cette fixation, cette obsession, sur la taille des régions, comme si c’était l’alpha et l’oméga de leur puissance et de leur efficacité ? Alors que toutes les études européennes contredisent l’idée que la taille fait la puissance, le Gouvernement n’a eu pour seul horizon que la taille de ces futures régions.
Ainsi cette réforme va-t-elle engendrer des régions sans logique territoriale, sans logique économique, sans logique démocratique, avec des élus encore un peu plus éloignés des territoires et des électeurs. Quant à l’argument des économies d’échelle, il a fait long feu ; même vous, vous n’osez le reprendre !
Venons-en maintenant aux compétences elles-mêmes. Alors que chacun s’accorde à dire que les régions doivent avoir des missions stratégiques, vous voulez leur confier des tâches de gestion qui, tout naturellement, seraient exercées de manière plus pertinente au niveau départemental, niveau que vous voulez supprimer – ou que vous vouliez supprimer, tant il est vrai que l’on ne sait plus vraiment ce que vous voulez ; d’ailleurs, le savez-vous vous-même ?
Je ne peux que regretter, une fois encore, votre refus de prendre en considération l’article 1er A, lequel avait au moins le mérite, à défaut de répondre à toutes les questions, de donner un cadre et une perspective.
Enfin, la troisième critique tient au fond du texte, je veux parler du cœur du dispositif, de cette nouvelle carte régionale ignorante des attentes comme des besoins !
Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir déjà dénoncé un découpage arbitraire, sourd aux réalités locales comme aux demandes des populations et des élus.
Cette volonté gouvernementale de proposer un texte qui institue un point de non-retour dans le découpage des régions est on ne peut plus antidémocratique. C’est pourquoi il est indispensable d’offrir la possibilité à deux départements de fusionner, et à un département de demander son rattachement à une autre région.
C’est ce que nous avons appelé le « droit d’option ». Quand vous avez écrit ce texte, pour vous, la cause était entendue : il n’y avait plus de départements et vous pouviez donc faire l’impasse sur cet échelon territorial. Vous vouliez jumeler des régions deux à deux – ou à trois –, mais refusiez d’imaginer que des départements puissent changer de région.
Nous avions ici, au Sénat, introduit un droit d’option qui permettait des évolutions. Mais, pour que ce droit d’option puisse fonctionner, encore fallait-il qu’il ne devienne pas un droit de veto. C’est en ce sens que nous avions assoupli les conditions dans lesquelles un département pouvait quitter une région pour en préférer une autre.
Alors que, pour ce qui est de quitter une région, il fallait que trois cinquièmes des membres des conseillers régionaux de la région de départ expriment un désaccord, vous avez préféré permettre à une minorité de blocage de deux cinquièmes de s’y opposer.
Vos discours sur la libre administration des collectivités territoriales, sur l’initiative locale, sur l’adaptation aux territoires, ou encore sur la concertation, se trouvent en totale contradiction avec vos actes. Je ne peux pas, à ce stade, ne pas évoquer le cas d’une région qui m’est chère : comme d’autres ont parlé ou parleront encore de l’Alsace, permettez-moi de dire deux mots de la Bretagne.
Alors que vous avez invoqué une taille critique de quatre à six millions d’habitants pour refuser à l’Alsace ce qu’elle souhaitait, vous n’êtes pas du tout gêné de laisser la région Bretagne à quatre départements, avec trois millions d’habitants. Où est la logique ?
Ce qui serait vrai dans un cas ne le serait pas dans l’autre ? Cela montre bien l’arbitraire total qui règne dans cette affaire.
Arbitraire d’autant plus grave, monsieur le secrétaire d’État, que, depuis vingt ans, avec des majorités successives et différentes, cette région vote des vœux pour retrouver son périmètre historique. Et, parmi les défenseurs de ces vœux, figurent deux de vos collègues ministres, dont celui qui est en charge de la décentralisation… Ce double langage, l’un à Rennes, l’autre à Paris, est à proprement parler insupportable et inacceptable !
La solution retenue pour la Bretagne est la plus mauvaise qui soit. Vous en faites la région la plus petite de France, la plus périphérique, et vous ne réglez pas le problème de ses limites géographiques !
La carte que vous défendez tout comme la manière dont vous avez abordé ce débat sont révélatrices de votre mépris des territoires, sacrifiés sur l’autel des petits arrangements entre amis, pour permettre à certains de conserver leurs féodalités. Leurs auteurs, et ceux qui cautionnent de tels arrangements, n’en sortent pas grandis ; ils participent du discrédit qui touche trop souvent la classe politique.
Dans un contexte de mondialisation et de crise économique et financière, plus personne, à l’exception des extrêmes, ne conteste la nécessité de réformer. Cela vient d’être souligné, le préalable à toute véritable réforme, à toute décentralisation véritable, c’est la réforme de l’État lui-même. Or, monsieur le secrétaire d’État, cette réforme, vous vous y refusez ; vous préférez ajouter de la confusion à la confusion pour tenter de masquer vos échecs et vos divisions, pour faire illusion !
Aussi est-ce à juste titre que la commission spéciale du Sénat réaffirme la vocation de chacune des collectivités territoriales et rétablit une carte plus cohérente, assortie d’un véritable droit d’option, porteur d’évolutions et d’ajustements.
C’est pourquoi le groupe UMP votera le texte établi par la commission spéciale, sous l’autorité de son président Jean-Jacques Hyest et de son rapporteur François-Noël Buffet, à qui nous rendons hommage.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale nous renvoie, pour examen en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Nous arrivons au terme d’un marathon parlementaire qui nous aura mobilisés de manière très intensive, avec des débats riches, parfois passionnés, toujours intéressants, reflétant la complexité et la variété des situations de nos territoires, dont les uns et les autres se sont faits les porte-parole.
Pour nous, sénateurs, cette ultime lecture du texte au Sénat est, aux termes de la Constitution et des dispositions en découlant, extrêmement formelle, puisque le dernier mot – songeons-y, mes chers collègues – reviendra aux députés. À l’occasion de cette discussion générale, je ferai donc le choix d’évoquer le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, sans anticiper sur les nouvelles propositions, ou sur les anciennes propositions déposées de nouveau.
La carte des régions va donc être redessinée en treize nouvelles entités. Je salue tout d’abord le principe d’un redécoupage régional, globalement admis, à certaines exceptions près, se fondant sur des polarisations territoriales, sur des logiques économiques et de développement, mais aussi sur des volontés collectives d’agir ensemble sur un territoire auquel les habitants s’identifient.
Cette version définitive ne fait pas que des satisfaits, que des heureux ; j’en ai parfaitement conscience. Cela étant, aucune carte ne sera jamais parfaite. Je crains que, sur ce point, le débat ne soit sans fin.
Ainsi, à titre personnel, et les différents orateurs se sont également exprimés sur ce mode, j’aurais été – et je demeure – favorable à la solution d’une Bretagne à cinq départements plutôt qu’à la solution retenue. Mais, en l’état du projet de loi, je constate que de nombreux élus bretons, y compris de l’UMP, approuvent le maintien de la région dans ses limites actuelles.
Au-delà – et en dépit – de quelques situations particulières, il faut constater, je l’ai dit, que ce redécoupage ne pose pas de question fondamentale. Manifestement, cette nouvelle carte correspond mieux aux enjeux contemporains et à venir de l’action publique territoriale.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la représentation des départements au sein des nouveaux conseils régionaux, le texte qui nous est finalement soumis permet de dégager une solution assurant une représentativité acceptable des territoires ruraux, tout en garantissant l’égalité de suffrage, laquelle découle de la Constitution. Il y a tout lieu de nous féliciter de la prise en compte réelle de cet enjeu.
Ainsi, le département de la Lozère, dont l’exemple a été cité, disposera de deux représentants, quand l’Ariège, le Cantal, la Creuse, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence disposeront de quatre sièges.
Je considère qu’il s’agit là d’un signal très positif envoyé à la France des territoires : la République est certes indivisible, mais la loi prend en compte les territoires urbains autant que les ruraux, dans la limite que la Constitution – réalité incontournable – nous impose.
Enfin, point particulièrement intéressant, le droit d’option pourra finalement être exercé entre janvier 2016 et mars 2019, soit un délai significatif, supérieur à celui qui était initialement prévu. J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, mes chers collègues, je considère que ce droit d’option devrait permettre avec profit de procéder aux ajustements pertinents de la carte définitive des régions - nous avons entendu quelques suggestions à ce sujet.
À ce stade, il faudra un vote concordant à 60 % – c’est-à-dire aux trois cinquièmes – des trois collectivités concernées pour activer cette disposition. Certes, le droit d’option n’est pas aussi ouvert que je l’aurais souhaité, mais je note qu’il n’était pas intégré, dans un premier temps, dans le projet de loi présenté par le Gouvernement. Il y a donc une avancée incontestable et significative sur ce point. C’est grâce au travail du Parlement, notamment du Sénat, que cette possibilité a été introduite dans le texte. J’ajoute que le Gouvernement s’était rallié à cette proposition par les voix du Premier ministre et du ministre de l’intérieur.
Ainsi, c’est par le droit d’option que la carte des régions françaises pourra être finalisée, en prenant en compte plus précisément les situations régionales et leur diversité, à laquelle chacun d’entre vous, mes chers collègues, s’est référé.
Je ne doute pas que cet outil sera utilisé dans les mois à venir. Cependant, ma crainte est que la souplesse introduite pour ce faire soit insuffisante. Dans l’hypothèse où rien ne serait changé, le temps nous montrera si le choix technique retenu, la triple majorité qualifiée et concordante, permettra de rendre le dispositif opérationnel. Je dois dire, mes chers collègues, ma circonspection sur ce point.
Pour conclure, je tiens à rappeler que, lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2012, le candidat François Hollande s’était engagé en faveur de nouvelles avancées en matière de décentralisation et de vie démocratique territoriale. Nous sommes engagés sur cette voie et, contrairement à ce qui a été indiqué, le Président de la République et le Gouvernement ont écouté les associations d’élus, ce qui a conduit à l’examen de trois textes sur le sujet, en lieu et place d’un seul. Je m’inscris donc en faux contre l’idée selon laquelle il n’y aurait pas eu de concertation.
Avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM », avec le présent texte, et enfin avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou NOTRe, dont nous commencerons l’examen en séance dès demain, on ne peut que constater la volonté du Gouvernement à ce sujet. Je tiens d’ailleurs à saluer l’ensemble des membres du Gouvernement concernés, ainsi que leurs administrations respectives, de leur implication sur ces projets complexes mais essentiels pour préparer l’avenir de notre République et de notre démocratie territoriale.
J’ai la conviction que nous allons dans un sens favorable à la décentralisation et que nous poursuivons le cheminement entamé en 1982. Nous aurons l’occasion de le faire dès demain, avec le début de l’examen du projet de loi NOTRe sur les compétences de chacun de niveaux d’administration. À cet égard, je ne vois pas en quoi ce débat arriverait trop tard. Les deux textes auraient-ils été examinés dans l’ordre inverse que ce choix n’eût pas non plus été épargné par les critiques, peut-être émanant des mêmes travées !
Telles sont, mes chers collègues, les considérations dont je souhaitais vous faire part. Philippe Kaltenbach a exprimé la position du groupe socialiste ; je n’y reviendrai donc pas.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans grande surprise, après l’échec de la commission mixte paritaire et l’examen du présent projet de loi en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, la commission spéciale du Sénat a rétabli et voté la semaine dernière un texte affirmant de nouveau la position de notre assemblée sur certains points qui n’ont pas été pris en compte par les députés, notamment sur la question du redécoupage des régions.
En effet, les deux chambres ont proposé des cartes trop différentes pour que les conditions d’un rapprochement puissent être trouvées. Des divergences fortes demeurent donc aujourd’hui.
Tout au long de la navette, la commission spéciale et la Haute Assemblée ont tenté de proposer un texte alternatif par rapport à celui de l’Assemblée nationale, texte dont l’équilibre, malheureusement, n’a pas été respecté au fil des lectures.
Je regrette notamment que les modifications apportées par les députés en deuxième lecture sur le droit d’option des départements n’aient pas tenu compte des conditions d’exercice que nous avions suggérées. Alors que ce droit d’option, introduit par le Sénat, ne figurait pas dans le texte initial, le groupe UDI-UC avait fait adopter un amendement tendant à introduire de la souplesse pour permettre à un département de changer de région d’appartenance.
Le dispositif de cet amendement précisait que la région d’origine pouvait s’opposer à ce changement de rattachement si et seulement si cette opposition réunissait une majorité des trois cinquièmes de son assemblée. Ceci aurait ouvert une réelle possibilité, pour certains départements, de rejoindre la région à laquelle ils se rattachent naturellement. Je pense, par exemple, au cas de la Picardie, qui a suscité de vifs débats ; la question du rattachement des départements de la Somme, de l’Oise et de l’Aisne pourrait être traitée avec un peu plus de discernement si le droit d’option avait été plus souple que celui qu’ont imposé les députés.
Force est de constater que ce projet de loi, qui redessine nos régions, n’a nullement été discuté avec les principaux intéressés. À l’évidence, ce redécoupage aurait requis un dialogue avec les collectivités territoriales, afin de bien saisir les enjeux de chacun des territoires, lesquels, ne l’oublions pas, sont les premiers concernés par cette réforme.
Si le but de la réforme est de rechercher des économies, il faut néanmoins qu’il y ait un minimum d’affectio societatis pour trouver des outils mutualisés et partager des projets communs.
Alors que nous sommes aujourd’hui obligés d’organiser des consultations et des concertations publiques pour un grand nombre de projets locaux, le Gouvernement n’a pas pris la peine d’associer les territoires à cette réflexion, pas plus qu’il n’a été capable de raisonner en termes de bassin de vie. Dans ces conditions, et sans critères objectivement solides, il est inévitable que ce redécoupage ne soit ni rassembleur ni porteur de dynamisme.
Le piège procédural qui nous a été tendu par le Gouvernement nous amènera à discuter dès demain, avec le début de l’examen du projet de loi NOTRe, des compétences territoriales. Nous sommes aujourd’hui dans une procédure inversée, qui nous oblige à discuter du redécoupage des régions sans connaître réellement le champ de leurs compétences. Cela revient à tailler une veste et un pantalon pour quelqu’un dont on ne connaît absolument pas les mensurations ! Or, mes chers collègues, une réforme efficace n’est-elle pas avant tout une réforme pensée globalement et non à l’emporte-pièce ?
Je m’interroge donc énormément sur la solidité de l’équilibre territorial qui sera trouvé. On voit déjà poindre un conflit entre métropoles et régions.
Je m’interroge également sur les enjeux intrarégionaux, notamment sur les « chefs-lieux » qui abriteront les préfectures de régions. Le lieu de l’hôtel de région sera à déterminer par les élus, tout comme le ou les lieux de tenue des réunions du conseil régional ; cela aura des conséquences locales importantes.
La réforme n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact sur l’avenir des actuelles préfectures de région qui perdront ce statut. Quelles seront les conséquences en matière d’attractivité du territoire, d’évolution de l’emploi public ou encore de présence territoriale de l’État ?
Il me semble qu’imposer des emplois administratifs contraints aux métropoles, déjà submergées par l’afflux de population, n’est pas la solution à adopter. La future capitale de la région ne pourrait-elle pas plutôt être un outil de rééquilibrage territorial, afin de ne pas concentrer l’activité uniquement sur les villes les plus denses ?
Une fois le texte promulgué, nous devrons donc faire face à toutes sortes de défis, qui n’auront aucunement été anticipés et qui toucheront directement la vie des territoires, les citoyens et leurs emplois.
En définitive, ce texte n’a donné aucune ligne de conduite générale au redécoupage. Le cap n’est pas celui de régions fondées sur une métropole centrale, ni celui d’un regroupement de régions intermédiaires. C’est pourquoi je me pose encore la question du bien-fondé de la carte défendue par la majorité présidentielle.
Tout au long de l’examen de ce projet de loi, le Sénat a souhaité redonner la parole aux territoires. Force est de constater que, dans la droite ligne de la position gouvernementale, l’Assemblée nationale s’y oppose, ce qui est assez surprenant, à l’heure où nous recherchons tous la concertation générale. L'Assemblée nationale revisiterait plus favorablement le droit d’option ; j’espère que notre collègue Philippe Kaltenbach a raison.
Le groupe de l’UDI-UC, dans sa majorité, votera le texte issu des travaux du Sénat, qui cherche à gommer une grande partie des travers qui nous ont été imposés.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC ainsi qu’au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier nos deux collègues Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale, et François-Noël Buffet, rapporteur, pour l’excellent travail réalisé au cours des nombreuses séances qui nous ont réunis tant dans l’hémicycle qu’en commission.
Monsieur le secrétaire d'État, et si nous parlions de nouveau des ambitions de l’Alsace ?...
En octobre dernier, une manifestation en faveur de la création du Conseil unique d’Alsace a mobilisé 12 000 à 15 000 personnes. Les Haut-Rhinois étaient massivement présents. Une pétition a recueilli 60 000 signatures. Les élus locaux se sont fortement mobilisés, en adoptant des centaines de motions prises en conseil municipal. Les trois assemblées – le conseil régional et les deux conseils généraux – se sont exprimées à plus de 96 % pour l’engagement de la fusion des trois collectivités.
Les arguments défendus depuis plusieurs années par les Alsaciens en faveur de ce projet ambitieux ont recueilli une large adhésion au Sénat ; le vote massif exprimé en commission spéciale a été confirmé en séance publique.
Monsieur le secrétaire d'État, là où vous avez brandi le danger du repli sur soi, nous avons convaincu nos collègues que notre région était résolument tournée vers les autres, avec une coopération transfrontalière extrêmement dynamique, à force de moult exemples institutionnels et des nombreuses actions mises en œuvre.
Monsieur le secrétaire d'État, là où vous avez brandi l’argument de la taille stratégique, nous avons également convaincu nos collègues que l’Alsace était une région offensive et dynamique économiquement.
M. le Premier ministre avait affirmé qu’il prendrait acte de la décision du Sénat et qu’il souhaitait parvenir à un compromis entre les deux chambres. Nous pensions alors, légitimement, que les débats au Sénat allaient peser sur ceux qui allaient suivre à l’Assemblée nationale.
Mais la parole de M. le Premier ministre ne pèse guère : il n’a en rien tenu sa promesse de prendre en compte le positionnement du Sénat. Pourtant, une large adhésion de certains groupes de la majorité présidentielle avait concouru à ce vote massif.
Rien n’y fait ! Les représentants des territoires peuvent être ignorés. C’est un déni de démocratie, ni plus, ni moins.
Restait la commission mixte paritaire ou plutôt, dirais-je, un simulacre de commission mixte paritaire, …
… expédiée en sept minutes !
Voilà ce que vaut une réforme territoriale qui modifiera fondamentalement notre pays pour les cinquante prochaines années !
Le Gouvernement avec sa majorité à l’Assemblée nationale veut passer tout simplement en force. L’Alsace doit plier ! À genoux, l’Alsace !
D’abord, c’est l’annonce purement électoraliste de la fermeture de Fessenheim. Ensuite, c’est la fin du droit d’option des frontaliers. Puis, le coup – un coup dur -asséné aux entreprises suisses implantées sur l’EuroAirport, qui est pourtant un dynamiseur économique. Enfin, c’est le report à 2030 de la liaison ferroviaire Rhin-Rhône.
Monsieur le secrétaire d'État, l’Alsace est toujours debout ! Elle souffre, mais elle ne pliera pas ! Jamais !
Les manifestations se durcissent, se multiplient, et le Gouvernement reste sourd ! Pourtant, ce que demandent l’Alsace et les Alsaciens, c’est tout simplement un droit à l’expérimentation, le droit de vous prouver que le projet alsacien s’inscrit parfaitement dans les objectifs qui sont les vôtres avec ce projet de loi, puisqu’il améliorera la gouvernance territoriale et contribuera à l’efficience des politiques.
Rendre l’Alsace encore plus compétitive signifie également de nouvelles richesses, et l’Alsace partage déjà largement les siennes, en contribuant aux différents fonds de péréquation dont bénéficient de nombreux départements et de nombreuses communes de France !
Pourquoi le Président de la République, qui, lui aussi, s’est engagé à nous recevoir officiellement dès le mois de juillet dernier, ne répond-il pas à nos appels maintes fois réitérés ? Même pas un accusé de réception, monsieur le secrétaire d’État !
Un Président de la République qui ne tient pas ses promesses. Un Premier ministre qui ne tient pas ses engagements. Oui, nous avons le sentiment d’un véritable mépris, le sentiment que notre région doit être sacrifiée, tout simplement !
La voix des Alsaciens n’est pas entendue. Le peuple n’a rien à dire ! Circulez, il n’y a rien à voir ! C’est le sentiment dominant dans une région qui n’a pourtant jamais déçu la France !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous connaissons déjà l’issue de notre débat ainsi que celle de l’ultime lecture qui aura lieu à l'Assemblée nationale : nous aurons une France métropolitaine à treize régions.
Je soutiendrai la position de la majorité du Sénat, mais projetons-nous dans l’avenir et interrogeons-nous sur la suite. J’ai en effet la conviction que le redécoupage des régions est, certes, une réforme mal née, mais que nous serons capables de la redresser.
Oui, cette réforme est mal née, car la population n’y a pas été associée, pas plus que n’a été pris en compte l’avis des collectivités.
Voilà quelques semaines, le Premier ministre a rendu hommage ici même à la mémoire de Christian Bourquin. Vous connaissez tous l’opposition de notre regretté collègue et, derrière lui, celle de toute la région Languedoc-Roussillon, à la fusion avec la région Midi-Pyrénées, et telle est aussi la position du président de région actuel. Nul doute que, si Georges Frêche vivait encore et était encore président de cette région, cette réforme n’aurait pas abouti.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Oui, mal née, cette réforme est à contretemps. La première élection au suffrage universel des conseils régionaux date de 1985. Trente ans après, les identités régionales ont trouvé leur ancrage. Il est peut-être dommage de venir perturber ces équilibres.
Mais cette réforme est aussi dénuée de toute cohérence : l’État n’a pas présenté la future organisation. Aussi, le risque de créer un conflit institutionnel entre les régions et les métropoles est majeur. Je regrette qu’il n’ait pas été suffisamment pris en compte dans les propositions formulées.
Enfin, cette réforme n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact. L’argument avancé quant aux économies nous laisse perplexes.
En résumé, cette réforme est mal née parce qu’elle a été faite pour Bruxelles ou, plutôt, pour ce que l’on croit en France que Bruxelles attend de nous, et non pour les habitants.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, cette réforme, nous serons capables de la redresser, par la modestie, en nous concentrant sur l’essentiel des métiers de la région, de la région stratège ; en résistant au syndrome de la grenouille qui veut être plus grosse que le bœuf et aux discours des présidents sortants qui célèbrent à l’envi les dizaines de milliers de kilomètres carrés ou les millions d’habitants, tel le nouveau Graal, quand pourtant, on le sait, le très à la mode « Big is beautiful » a si souvent été démenti par les réalités.
Nous serons aussi capables de redresser cette réforme en priorisant les investissements. La région nouvelle ne doit pas vouloir tout faire : elle doit se concentrer sur l’économie et les infrastructures ; elle doit se réinventer en matière de développement et d’innovation, en pariant sur les talents.
Il faudra aussi s’attacher à la proximité, à la recherche acharnée de la proximité. À titre d’exemple, avec 422 lycées, 597 collèges et 5 000 circuits scolaires, la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon n’est pas gérable depuis Toulouse ou Montpellier.
Au jacobinisme national ne doit pas succéder le jacobinisme régional. Le temps est venu, chers collègues, d’un girondisme régional.
Nous serons également capables de redresser cette réforme par le respect des identités et de la diversité des territoires, par la recherche des justes équilibres, par une diplomatie permanente, par le respect des partenaires. Oui, il faudra que le futur conseil régional traite comme des égaux les métropoles, les départements, le bloc local, les communes et les intercommunalités.
Avec pragmatisme, je crois qu’une réforme même mal née pourra connaître des résultats favorables.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du RDSE
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’un de nos plus illustres prédécesseurs en ces lieux, l’immense Victor Hugo, disait de l’Alsace qu’elle était une terre bien particulière. Pas à cause de son identité et de son caractère, non ! Mais à cause de son destin. À cause de l’histoire qui l’a placée à cet endroit précis où deux mondes se rencontrent et s’achoppent : le monde latin et le monde germanique.
L’Alsace est une terre de France. C’est la République sur le Rhin. C’est aussi, pour le pays tout entier, la promesse de l’Europe comme destin.
Aussi, ceux qui veulent aujourd'hui rayer notre région de la carte administrative, disent-ils, des régions françaises ne portent-ils pas simplement atteinte à l’Alsace, à son identité, à sa langue, à sa culture. C’est à la France qu’ils attentent, ni plus ni moins, à sa diversité, à son histoire, à son destin. Oui, monsieur le secrétaire d'État, c’est la France – la France et rien d’autre ! – qu’ils sont en train de défaire.
Qu’est-ce que la France ? C’est au fond la seule question qui vaille et la seule question que nous devons nous poser au moment où le Gouvernement entend réorganiser le pays.
La France, c’est, pour nous, un long et patient édifice. Ce sont des provinces qui se sont rencontrées, au fil de l’âge, et se sont unies par la conquête et les armes, les mariages et les charmes. Et, au final, ces provinces ont fini par apprendre à se connaître et s’apprécier. Pour tout dire, elles ont fini par s’aimer.
Et pourquoi l’Alsace s’est-elle sentie si bien dans le creuset français ? Simplement parce qu’elle était reconnue. Parce qu’on prenait ses spécificités non pas comme des traits d’exotisme, mais comme de vraies chances et de véritables potentialités d’ouverture continentale pour l’ensemble français.
L’Alsace, c’est la France sur le Rhin, la porte vers l’Allemagne et la Mitteleuropa.
Voilà pourquoi les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays depuis deux siècles n’ont jamais voulu dissoudre l’Alsace dans quoi que ce fût.
Avec votre réforme, monsieur le secrétaire d'État, vous êtes en train de rompre avec la diversité constitutive de notre pays. Et vous le faites pour d’obscures raisons. Un peu de technocratie par-ci, à n’en pas douter, beaucoup de chicaneries politiciennes par-là !
Vous nous expliquez que les régions françaises sont trop petites par rapport à leurs homologues européennes. Vous savez bien qu’elles sont juste dans la moyenne. Et si l’on s’en tient à leur seule superficie, elles comptent parmi les plus grandes d’Europe.
On est ici dans un certain déni de la réalité.
En fait, il n’existe aucun argument valable, aucune raison sensée, aucun mobile rationnel qui milite en faveur de la réforme territoriale aujourd’hui proposée. Tous les spécialistes – les géographes, les démographes, les aménageurs, mais également les économistes – nous disent, à l’instar de Jean Tirole, prix Nobel d’économie, que j’ai personnellement entendu, que cette réforme ne va pas dans le bon sens, qu’elle n’entraînera aucune économie, …
… que c’est non pas la taille des régions qu’il faut revoir, mais leurs moyens et leurs compétences.
Or c’est au moment où s’achève le débat sur la carte des régions que le débat sur les moyens, les compétences, les pouvoirs des régions commence à peine.
À la vérité, la décentralisation n’est pas assez aboutie dans notre pays. Le problème ne vient pas de la taille des régions, mais uniquement du manque absolu de confiance entre l’État central et les pouvoirs locaux – une situation qui ne date pas d’aujourd’hui. Songez que, en Europe, le budget régional s’élève à 2 500 euros par habitant en moyenne, tandis que nous peinons, en France, à atteindre les 400 euros.
Strasbourg a eu un grand député. Il s’appelait Benjamin Constant, qui a écrit ceci : « La variété, c’est la vie ; l’uniformité, c’est la mort ».
Cette réforme aurait pu relever un défi : comment inventer une organisation du pays à la hauteur des enjeux de ce siècle ? Comment organiser chacun de nos territoires d’une façon optimale ? Comment lui permettre de se développer, de rayonner, d’attirer des capitaux et des investisseurs internationaux, pour renforcer l’ensemble français ? Voilà quels étaient les enjeux !
En lieu et place, on nous sert – pardonnez-moi de le dire ainsi, mais c’est la passion qui m’anime – un tripatouillage cartographique qui est à la grande politique ce que le Canada dry est à l’alcool !
Monsieur le secrétaire d’État, on aura tout de même entendu un Premier ministre de la République accuser les Alsaciens d’être repliés sur eux-mêmes et sur leur identité. Heureusement que nous avons un grand sens de l’humour, sans quoi nous l’aurions pris au sérieux, et nous nous serions fâchés… L’Alsace est l’une des toutes premières régions exportatrices de France, l’une des régions où les investisseurs étrangers s’implantent le plus. Quant à l’université de Strasbourg, la première du pays à avoir pris son autonomie, elle est parmi les premières pour l’accueil des étudiants étrangers.
Les Alsaciens aiment l’Alsace ; ils l’aiment ouverte, rayonnante, accueillante. Notre identité, notre culture, notre langue, nous les aimons, parce qu’elles nous permettent d’être suffisamment solides pour accueillir les autres. Qu’on ne vienne donc pas nous donner des leçons d’ouverture !
Malheureusement, le Gouvernement est resté sourd à tous nos arguments, ici comme à l’Assemblée nationale. Les députés ont pris de haut notre projet et le vote de la Haute Assemblée, pourtant tout juste renouvelée de moitié. Pis, l’exécutif a souscrit auprès des élus locaux des engagements que sa majorité, à l’Assemblée nationale, s’est empressée de démolir. On aura rarement vu, dans l’histoire de la République, une majorité aussi convaincue que la démocratie consiste à s’écouter parler et à se convaincre soi-même qu’on a raison !
Monsieur le président, mes chers collègues, nous allons une nouvelle fois rejeter, dans quelques instants, le texte du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, qui noie l’Alsace dans une grande région dont une immense majorité de la population alsacienne ne veut pas. Puis, à l’Assemblée nationale, la majorité socialiste fera à nouveau comme si le Sénat n’avait pas voté.
Dès lors, en Alsace, nous attendrons – je le dis calmement – qu’une nouvelle majorité vienne à son tour, puisque les majorités sont, par nature, appelées à passer. L’Alsace, elle, n’entend pas passer ; elle demeurera, fidèle à elle-même au long du temps : attractive, rayonnante et accueillante, cultivant d’autant plus son identité et son histoire qu’elle n’hésite jamais à s’ouvrir à l’Europe et au monde. Oui, l’Alsace restera, parce qu’elle en a vu d’autres et que l’histoire l’a dotée d’une vertu essentielle en politique : la patience !
Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voici que nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Les péripéties de ce texte en disent long sur la difficulté à aborder le débat, pourtant essentiel, de l’organisation institutionnelle de notre pays et de la nécessaire réforme territoriale. Du reste, ce sujet qui nous occupe depuis un certain temps va continuer de nous occuper, puisque, dès demain, nous commencerons l’examen en séance publique du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Comme Henri Tandonnet vient de le souligner, et comme nous le pensons tous, nous n’avons pas fait les choses dans le bon ordre : à l’évidence, il fallait débattre d’abord des compétences, puis de la taille, et non l’inverse. Aurions-nous procédé dans l’ordre, certaines des difficultés que nous rencontrons aujourd’hui ne se seraient pas posées de la même manière.
Nous, écologistes, sommes les promoteurs de ce que nous appelons la « décentralisation différenciée ». Nous défendons une décentralisation véritable, qui prenne en compte les spécificités des territoires. La différenciation que nous appelons de nos vœux concerne bien entendu l’exercice des compétences, dont nous parlerons dès demain, mais aussi la composition même des territoires et leurs limites géographiques.
En effet, ménager de la souplesse dans les délimitations territoriales nous semble fondamental pour que les collectivités territoriales de notre pays présentent des configurations adaptées aux réalités du vécu des habitants, cohérentes avec les coopérations existantes entre les acteurs des territoires et respectueuses de la diversité, de l’histoire, des cultures et des dynamiques économiques.
C’est pourquoi le groupe écologiste a présenté, au fil des lectures du projet de loi, de nombreux amendements répondant à la nécessité d’adapter les limites territoriales aux réalités et aux aspirations des habitants dans leur volonté de vivre ensemble, de « faire territoire » ; au cours de cette nouvelle lecture, qui sera la dernière, je défendrai encore deux amendements sur des questions que nous jugeons essentielles, étant entendu que, pour ce qui est des modifications des limites territoriales, le projet de loi est inacceptable en l’état.
Nous avions dit « souplesse » et nous avions même pensé que les compromis trouvés au Sénat ne seraient plus remis en cause, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.
En ce qui concerne le droit d’option permettant une carte plus fine, qui remédie aux absurdités du découpage technocratique des années cinquante, nous savons bien que la procédure existante pour le rattachement d’un département à une autre région est totalement inapplicable Le Gouvernement et le Parlement avaient indiqué dès l’origine leur volonté d’assouplir le dispositif. À cet égard, la version modifiée du projet de loi adoptée par le Sénat en première lecture constituait déjà un compromis.
M. le président de la commission spéciale approuve.
Seulement voilà : l’Assemblée nationale, soutenue et même inspirée par le Gouvernement, est revenue en arrière, au nom de je ne sais quelle peur – quelle peur ?– de voir les territoires s’occuper d’eux-mêmes. Résultat : on a rétabli dans le projet de loi un véritable droit de veto pour la région quittée, sous la forme d’une délibération qui permet à une minorité de blocage des deux cinquièmes de s’opposer au rattachement d’un département à une autre région.
Revoilà le dispositif parfaitement verrouillé, donc inapplicable !
C’est pourquoi nous proposerons une nouvelle fois de remplacer ce droit de veto par un avis de la région de départ, en amont des délibérations concordantes du département et de la région d’accueil. Une solution tellement plus logique !
À défaut, nous proposerons une solution de repli – sait-on jamais – consistant à substituer, pour l’avis de la région quittée, la majorité simple à la majorité des trois cinquièmes, majorité qualifiée dont je tiens à signaler qu’elle n’est exigée pour aucune autre décision d’une assemblée locale.
Au cours des précédentes lectures, j’ai défendu, au nom du groupe écologiste, divers amendements tendant à créer des dispositifs nouveaux pour faciliter les redécoupages territoriaux. Je n’y reviendrai pas cette après-midi en cette ultime lecture, mais je me permets de prendre date. En effet, les écologistes ont toujours défendu, sur les questions d’organisation institutionnelle, des propositions qui, de prime abord, peuvent sembler originales, au point de provoquer parfois quelques quolibets – notre ancienne collègue Hélène Lipietz et moi-même en avons plusieurs fois essuyé –, mais qui finalement font leur chemin.
Ainsi, il y a quelques années encore, défendre des schémas prescriptifs régionaux n’était guère populaire dans cette assemblée.
Nous en reparlerons pourtant dès demain.
Je subodore même que l’adoption du suffrage universel direct pour les intercommunalités, à laquelle les oppositions sont encore vives dans notre hémicycle, n’est plus qu’une question de temps, …
… car c’est tout simplement le sens de l’histoire.
Le refus par l’Assemblée nationale de voir naître une collectivité unique d’Alsace, en dépit de la volonté clairement exprimée des élus du peuple et des habitants, est inacceptable. De quoi au juste avons-nous peur ? Il faut faire confiance aux territoires, nous le répétons suffisamment dans cet hémicycle.
La question alsacienne révèle, en tout cas, l’absence totale de cohérence et de méthode dans cette réforme.
En vérité, l’absence de méthode saute aux yeux. On aurait pu penser que, convaincu de la justesse de son analyse, aux termes de laquelle les régions françaises sont trop petites, le Gouvernement taillerait à la hussarde une nouvelle carte, en assumant son refus de toute concertation préalable – procédé au demeurant plus que discutable. L’exemple de l’Ouest montre qu’il n’en a rien été : l’autoritarisme réservé à l’Alsace, privée du droit de définir son propre avenir, n’a eu d’égal que la faiblesse manifestée à l’égard de la Bretagne et de Pays de la Loire, les barons socialistes ayant pesé de tout leur poids pour empêcher une quelconque évolution.
L’ouest de la France, justement, parlons-en quelques instants. Quelle catastrophe, monsieur le secrétaire d’État, et quel aveu d’impuissance de la part de l’État ! L’incohérence de la réforme est telle que sa crédibilité s’est délitée au fil de la Loire…
À l’évidence, Nantes et Rennes devaient appartenir, demain, à la même région. Elles sont unies par une logique culturelle, comme parties d’un même territoire breton vécu et identifié, mais aussi économique, eu égard au pôle métropolitain Loire-Bretagne, qui réunit Brest, Rennes, Nantes et Angers, mais aussi eu égard au rapprochement en cours des universités de ce territoire. Elles sont unies encore par une logique d’aménagement du territoire, puisque l’axe Nantes-Rennes influence tous les territoires environnants. Dire qu’il ne sera pas chapeauté par une région unique, alors que nous voterons au début de l’année prochaine des schémas régionaux prescriptifs d’aménagement du territoire…
Nous sommes dans l’absurdité la plus totale !
Hélas, le poids de l’immobilisme a prévalu. Je regrette vraiment que l’État n’ait pas été au bout de la logique. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement avait accepté une grande région Aquitaine, en sorte que la région Centre se retrouvait seule, la carte pertinente sautait aux yeux : faire deux régions à partir des trois existantes, en coupant Pays de la Loire en deux, était la seule solution. L’État aurait dû prendre ses responsabilités. Il ne peut pas dire qu’il les prend ailleurs, mais qu’il ne les prend pas dans l’Ouest !
Pourtant, telle est la réalité aujourd’hui ! Au bout du compte, nous nous retrouvons avec des régions trop petites ; c’est le cas de la Bretagne, ainsi que M. Dominique de Legge l’a déploré, mais aussi de la région Centre.
Il faut reconnaître, monsieur le secrétaire d’État, que la responsabilité de cette situation n’incombe pas seulement à l’État. Que de postures, que de virements de bord, que de louvoiements de la part des élus de l’Ouest, notamment de Bretagne et de Pays de la Loire ! Vous n’avez vraiment pas été aidé par des élus qui ont préféré la posture à un véritable débat.
M. le président de la commission spéciale rit.
Réclamer à la tribune la Bretagne historique est facile – je peux le faire aussi –, mais nous savions tous que cette formule ne réglerait pas le problème, de même que nous savions tous qu’aucun consensus n’existait au sujet d’une région limitée à la Bretagne historique, notamment en Loire-Atlantique et parmi les élus nantais, dont l’avis comptait.
Dans ces conditions, il fallait trouver une autre solution, soit que l’État prenne ses responsabilités, comme il l’a fait ailleurs, en construisant deux régions claires – une région Val-de-Loire et une région Bretagne-Armorique – soit qu’il remette le problème en débat dans les territoires, à l’échelle des départements. Le Gouvernement n’a fait ni l’un ni l’autre.
Il est vrai aussi que les élus ont préféré la posture, parce que la plupart des élus socialistes de l’Ouest voulaient le statu quo pour des calculs politiques de court terme ; hélas, ils l’ont obtenu.
Je continue de penser que le projet que j’ai défendu, avec plusieurs autres parlementaires écologistes et socialistes, était une meilleure réponse à la complexité de la situation que le slogan de la réunification de la Bretagne. Il s’agissait de faire une région unique Bretagne-Pays de la Loire avec en son sein une entité politique bretonne formée à partir des cinq départements actuels, puisque des fusions de départements sont envisagées ailleurs.
Nous en sommes loin, mais je pense que nous y reviendrons !
En définitive, la discussion de ce projet de loi aura témoigné de l’incapacité de notre pays à organiser le débat public sur le territoire, à forger des compromis et à susciter des dynamiques de consensus.
Une réforme territoriale ne peut être menée qu’avec et pour les citoyens et les acteurs des territoires. Or les mécanismes de participation citoyenne que nous avons proposés ont été systématiquement rejetés : la loi qui sera adoptée ne fera pas avancer d’un pouce la démocratie participative locale ! C’est regrettable, parce que cette démocratie pourrait être complémentaire de la démocratie représentative, et faire renaître le désir du débat public, de l’investissement politique et, tout simplement, du vote – car l’abstention progresse aussi aux élections territoriales.
Il y avait place pour la consultation et l’initiative citoyennes dans les processus de redéfinition des limites territoriales ; à cet égard aussi, une occasion a été manquée.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, et parce que j’arrive de Lima, j’attire votre attention sur la conférence des parties à la convention de l’ONU sur le changement climatique, qui se tiendra en décembre 2015 au Bourget. Enjeu majeur pour l’avenir de l’humanité et temps fort pour le rôle de la France sur la scène internationale, ce sommet doit être au premier plan des débats qui animeront notre pays en décembre prochain, parce que la mobilisation des territoires et celle des citoyens sont des leviers indispensables pour enrayer le dérèglement climatique en cours.
Or nous craignons que la parfaite concomitance de ce sommet et des élections régionales ne brouille les débats. Il convient d’autant plus de réfléchir à ce problème, qui est aujourd’hui sur la place publique, que les régions joueront désormais le rôle déterminant de chef de file pour l’énergie et le climat, et qu’elles seront bientôt chargées d’élaborer les schémas prescriptifs d’aménagement durable du territoire, qui incluront les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.
Organiser les deux événements en même temps n’a donc pas grand sens. Il faudrait que, au lendemain de la conférence sur le climat, les acteurs régionaux puissent se saisir du cadre défini à Paris pour agir dans les territoires. Au lieu de quoi, on s’apprête à faire les choses dans le mauvais ordre – une fois de plus, mais c’est presque une tradition !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais interrogé sur ce sujet lors de la deuxième lecture et je dois admettre que votre réponse m’avait laissé un peu sur ma faim. Je continue de penser qu’il serait plus logique de repousser les élections régionales au début de 2016.
En définitive, j’ai le sentiment que la réforme des délimitations des régions, qui aurait pu emporter l’adhésion des citoyens, parce qu’il existe une demande forte de rénovation de la vie publique – en témoignent les débats vigoureux, les manifestations et les diverses expressions dans nombre de territoires –, va continuer d’alimenter la suspicion et de susciter l’anxiété au sujet de la capacité de l’État à mener des réformes cohérentes. Dire que l’objectif affiché était tout l’inverse !
Tout ce que je viens de dire pourrait malheureusement se résumer en deux mots : déficit démocratique. Les écologistes ont avancé de multiples propositions pour renforcer la démocratie locale. Nous en avons débattu sans succès dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, mais nous les représenterons lors de la discussion du projet de loi NOTRe.
Pour l'instant, l'absence de dispositions visant à rénover la démocratie locale est inquiétante, car il s’agit d’un volet essentiel. Il est pourtant évident que l'augmentation de la taille et des pouvoirs des régions doit s'accompagner d'un renforcement de la démocratie à l'échelle régionale. Que ne l’avons-nous fait !
Une méthode contestable, très peu d'avancées et des incohérences flagrantes : si le groupe écologiste réserve encore son vote sur le texte dans l’attente des résultats de cette nouvelle lecture, nous ne nous faisons guère d'illusions, à ce stade, sur l'issue de ce rendez-vous manqué.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI -UC et de l'UMP.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la délimitation des régions
Dans le respect des compétences attribuées par la loi aux différentes catégories de collectivités territoriales et à leurs groupements, par application du principe de subsidiarité :
1° Les communes constituent la cellule de base de l’organisation territoriale de la République décentralisée et l’échelon de proximité de vie démocratique. Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont un outil de coopération et de développement au service des communes ;
2° Les départements sont garants du développement territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur leur territoire ;
3° Les régions contribuent au développement économique et à l’aménagement stratégique de leur territoire.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'article.
Monsieur le président de la commission spéciale, je suis venu spécialement à Paris cet après-midi pour redire tout le mal que je pense de cette réorganisation territoriale.
L’article 1er A rappelle quelques principes qui fondent notre démocratie depuis des lustres, concernant les rôles respectifs de la commune, du département et de la région. Cette organisation territoriale a fait ses preuves, mais vous la remettez en cause, monsieur le secrétaire d'État, sans nous proposer une formule acceptable par nous, qui permette des économies et une clarification des compétences.
On est en droit de s'interroger ! Le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités n’est pas pertinent, il ne pourra pas s’appliquer, en particulier quand la densité de population est inférieure à 20 habitants par kilomètre carré ! Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État ! Il faut donc remettre en cause ce seuil.
Les départements demeurent : dont acte, mais leur image a été dégradée, leur personnel est angoissé, démotivé, et ignore qui sera demain son patron… Les départements étaient particulièrement performants dans l’exercice de leurs missions : quelle sera la valeur ajoutée d’un transfert de la gestion des collèges aux régions, par exemple ? Les départements continueront pendant six ans à assumer les dépenses liées au revenu de solidarité active : ils seront bientôt exsangues et se retrouveront progressivement en situation de déficit de fonctionnement comptable. Cela arrivera dès 2015 pour un grand nombre d’entre eux. Il est temps de prendre ses responsabilités et de faire des propositions, or le projet de loi NOTRe n’en contient aucune à cet égard.
Faire de grandes régions stratégiques peut se comprendre, monsieur le secrétaire d'État, mais si on veut leur attribuer les compétences en matière de stratégie, de développement économique, d’orientation et de formation professionnelle, il faut, pour être cohérent, leur confier aussi la politique de l’emploi. Mais on perçoit bien les réticences du Gouvernement devant une telle proposition.
C'est la raison pour laquelle il me semble très important de rétablir les bases de l'organisation territoriale au travers de cet article 1er A, que je voterai.
Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. le président de la commission spéciale et M. Claude Kern applaudissent également.
L'article 1 er A est adopté.
I. – L’article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Le second alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :
« II. – Sans préjudice des dispositions applicables aux régions d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Corse, les régions sont constituées des régions suivantes, dans leurs limites territoriales en vigueur au 31 décembre 2015 :
« – Alsace ;
« – Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes ;
« – Auvergne et Rhône-Alpes ;
« – Bourgogne et Franche-Comté ;
« – Bretagne ;
« – Centre ;
« – Champagne-Ardenne et Lorraine ;
« – Île-de-France ;
« – Languedoc-Roussillon ;
« – Midi-Pyrénées ;
« – Nord-Pas-de-Calais et Picardie ;
« – Basse-Normandie et Haute-Normandie ;
« – Pays de la Loire ;
« – Provence-Alpes-Côte d’Azur. »
I bis et II. – §(Non modifiés)
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par MM. P. Leroy, Adnot, Baroin, Grosdidier, Huré, Husson, Laménie, Namy, Gremillet, Pierre, Longuet et Nachbar, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« – Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine ;
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 4, présenté par M. Savary, Mme Férat et M. Détraigne, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Champagne-Ardenne, Lorraine et Picardie ;
II. - En conséquence, alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Nord-Pas-de-Calais ;
La parole est à M. René-Paul Savary.
Cet amendement a été déposé ce matin, à 10 heures, par les sénateurs marnais. Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes comme les Alsaciens : nous ne plierons pas !
Châlons-en-Champagne est victime des mesures gouvernementales : la ville perd 1 045 emplois militaires avec le départ du 1er régiment d'artillerie de marine, qui touche 3 000 personnes, et elle perdra d’autres emplois encore demain, avec la nouvelle organisation territoriale, étant donné l’absence de concertation sur la désignation du siège de la préfecture de la grande région.
On nous dit qu’il s’agit de créer de grandes régions stratégiques, avec des métropoles qui tireront tout le monde vers le haut. Dans votre projet, la métropole pour Reims et Châlons-en-Champagne serait Strasbourg. Or, sur 100 personnes qui utilisent quotidiennement le TGV Est, 90 se rendent à Paris, …
… effectuant un trajet de trois quarts d’heure, 6 vont à Metz ou à Nancy, 4 à Strasbourg ! Telle est la réalité économique du département de la Marne ! N’essayez pas de nous faire croire que Strasbourg va tirer ce département, situé aux portes du Grand Paris.
Monsieur le secrétaire d'État, nous misions sur le droit d’option des départements, qui pouvait permettre d’aboutir à une organisation territoriale cohérente en donnant aux territoires la possibilité de reprendre la main. Mais, là encore, les propositions du Sénat, pourtant justement calibrées, me semble-t-il, grâce notamment à l'amendement de M. Tandonnet, se sont heurtées au fait majoritaire.
Je crois important de tenir compte des volontés exprimées par les territoires. Ainsi, l’Alsace, avec sa métropole européenne, Strasbourg, souhaite trouver une organisation territoriale correspondant à son bassin de vie, de même que le Nord-Pas-de-Calais.
M. René-Paul Savary. Reste cet espace composé de la Picardie, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine, placé sous le rayonnement de trois métropoles : Lille, Strasbourg et Paris. Ces territoires, aux caractéristiques assez voisines, ont pour l’heure des difficultés à envisager positivement l’avenir : notre amendement vise à les réunir, afin de constituer un ensemble plus cohérent que ce que prévoit le projet de loi.
M. André Reichardt applaudit.
Cet amendement vise à réunir, au sein d’une même région, la Champagne-Ardenne, la Lorraine et la Picardie. Or, en deuxième lecture, le Sénat comme l’Assemblée nationale s’étaient opposés à une telle fusion. L’avis est donc défavorable.
Le groupe socialiste votera contre l'amendement n° 4. Nous avons déjà expliqué que nous étions favorables au maintien de la carte actuelle. Je trouve quelque peu étonnant que M. Savary juge cohérente une grande région formée de la Champagne-Ardenne, de la Lorraine et de la Picardie, qui composent un ensemble pour le moins hétéroclite et sans fondement solide.
Je regrette par ailleurs que l’amendement n° 11, visant à réunir l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine, n’ait pas été défendu. Aux termes de son exposé des motifs, « cet amendement propose de revenir à l'idée naturelle de regrouper en une seule les trois régions frontalières de l'arc nord-est que sont l'Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine. […] La fausse bonne idée de donner à l'Alsace la facilité d'exprimer son particularisme en restant seule à l'écart de cet arc nord-est, serait un mauvais signal, pour l'Alsace d'abord, car l'isolement est réducteur. Mauvais signal pour l'Europe qui doit promouvoir les grands desseins partagés plutôt que les replis identitaires. »
Je ne trouve pas un mot à retrancher à cet argumentaire.
La droite n’a plus besoin de défendre ses amendements, c'est le groupe socialiste qui le fait…
Il peut arriver que nous soyons d’accord avec des opinions exprimées sur d’autres travées que les nôtres. Il est possible de dépasser des clivages purement partisans !
Madame Assassi, il vous arrive aussi de voter avec la droite ! Assumez-le !
Pour ma part, j’assume complètement l’idée qu’il faut créer une grande région à l’est de la France. Si cet amendement avait été défendu, je l’aurais voté avec plaisir.
La position de ses auteurs a évolué, c’est pour cela qu’ils ne sont pas là !
Pour en revenir à l'amendement de M. Savary, je redis que le groupe socialiste votera contre.
Le groupe écologiste votera aussi contre cet amendement. Nous nous félicitons que, en commission, on ait réinscrit sur la carte une région Alsace.
Je ne pense pas que cette décision prospérera, mais c'était symboliquement important.
On a beaucoup reproché à l’Alsace de vouloir se replier sur elle-même. Il me semble que c'est plutôt l’inverse, et que la carte proposée traduit surtout un repli franco-français.
M. André Reichardt applaudit.
En effet, son élaboration ne prend absolument pas en compte les interactions à l'échelle européenne. Or nous vivons aujourd’hui en Europe, et nos coopérations régionales relèvent pour partie de l’échelle européenne, et non de l’échelle française.
À l’évidence, l’avenir de l’Alsace réside dans une coopération avec la région allemande située de l’autre côté du Rhin. Tel est le fonctionnement territorial de la France et de l'Europe d'aujourd'hui ! Ainsi, l’essentiel de l’argumentaire contre le maintien d’une collectivité territoriale unique d’Alsace est inspiré par une vision franco-française étriquée.
Sur l’ensemble de la carte, notre avis est plus nuancé. Pour ce qui concerne la région Midi-Pyrénées, les écologistes étaient favorables à la construction d’une grande région correspondant à l’ancien comté de Toulouse. Nous ne sommes donc pas systématiquement partisans du maintien de petites régions. Comme je l’ai expliqué tout à l'heure, il faut trouver des réponses prenant en compte la diversité des territoires.
MM. Claude Kern et André Reichardt, Mme Catherine Troendlé applaudissent.
Le modèle alsacien de fusion des départements et de la région vaut aussi pour le Nord-Pas-de-Calais : de grandes métropoles peuvent rayonner sur de petites régions.
Si nous proposons de réunir la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine, c’est parce qu’elles ont des PIB équivalents et des densités de population voisines, variant entre 70 et 100 habitants au kilomètre carré. Leurs territoires relèvent en grande partie de la troisième couronne parisienne.
La superficie de la Marne est égale à celle du Haut-Rhin et du Bas-Rhin réunis, soit 8 000 kilomètres carrés, mais mon département compte seulement 565 000 habitants, soit 50 habitants au kilomètre carré, contre 1, 9 million d’habitants et 200 habitants au kilomètre carré pour l’Alsace. Là est la différence, monsieur Kaltenbach !
En Alsace, les transports en commun sont pleins de voyageurs et circulent sur de courtes distances. Dans des régions comme les nôtres, nous avons du mal à les remplir et ils parcourent de longs trajets. D’un côté, vous avez des recettes, de l’autre, des dépenses…
En revanche, la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Lorraine présentent des profils similaires. La Picardie et la Champagne-Ardenne possèdent des pôles de compétitivité de rang mondial sur les agro-ressources, la transformation de la matière, le développement durable. La Lorraine et la Champagne-Ardenne se retrouvent autour du pôle de compétitivité Matéralia, consacré aux énergies renouvelables et à la métallurgie. Il existe donc de vraies complémentarités. C’est la raison pour laquelle notre amendement a du sens.
Si ce grand territoire ne possède pas de métropole, il se trouve placé sous le rayonnement des trois grandes métropoles que sont Lille, Strasbourg et Paris. Il sera sûrement plus facile de travailler dans cet espace que dans une région conçue et imposée par l’Assemblée nationale !
Les Alsaciens ne veulent pas de la Champagne-Ardenne et les habitants du Nord-Pas-de-Calais ne veulent pas de la Picardie, mais nous, nous sommes rassembleurs !
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
(Suppression maintenue)
I. – Lorsqu’une région mentionnée à l’article 1er est constituée par regroupement de plusieurs régions :
1° Son nom provisoire est constitué de la juxtaposition, dans l’ordre alphabétique, des noms des régions regroupées, à l’exception de la région constituée du regroupement de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie, qui est dénommée « Normandie » ;
2° Son chef-lieu provisoire est fixé par décret pris avant le 31 décembre 2015, après avis du conseil municipal de la commune envisagée comme siège du chef-lieu et des conseils régionaux intéressés. L’avis de chaque conseil régional est rendu après consultation du conseil économique, social et environnemental régional et après concertation avec les représentants des collectivités territoriales, des organismes consulaires et des organisations professionnelles représentatives. Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet de décret par le Gouvernement ;
2° bis (Supprimé)
3° Son nom et son chef-lieu définitifs sont fixés par décret en Conseil d’État pris avant le 1er octobre 2016, après avis du conseil régional de la région constituée en application de l’article 1er rendu dans les conditions prévues au I bis du présent article ;
3° bis
Supprimé
4°
Supprimé
I bis. – Dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions, le conseil régional élu au mois de décembre 2015 se réunit provisoirement au chef-lieu de la région.
Pour l’application du 3° du I du présent article et par dérogation aux articles L. 4132-5 et L. 4132-8 du code général des collectivités territoriales, le conseil régional adopte, avant le 1er juillet 2016, une résolution unique comportant :
1° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du nom définitif de la région ;
2° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du chef-lieu définitif de la région ;
3° L’emplacement de l’hôtel de la région ;
4° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil régional et de ses commissions ;
5° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil économique, social et environnemental régional et de ses sections ;
6° Le programme de gestion des implantations immobilières du conseil régional.
Cette résolution ne peut prévoir qu’une même unité urbaine regroupe le chef-lieu proposé, l’hôtel de la région et le lieu de la majorité des réunions du conseil régional que si elle est adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du conseil régional. À défaut de résolution unique adoptée, les avis prévus aux 1° et 2° du présent I bis sont réputés favorables et les délibérations fixant l’emplacement de l’hôtel de la région et les lieux de réunions du conseil régional ne peuvent prévoir qu’ils sont situés dans la même aire urbaine que le chef-lieu.
Les règles fixées aux 3° à 6° sont applicables pendant le premier mandat suivant le renouvellement des conseils régionaux après la promulgation de la présente loi. Elles peuvent être modifiées pendant ce mandat par une résolution adoptée dans les mêmes formes.
II. – §(Non modifié)
III. – L’article L. 4132-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’emplacement de l’hôtel de la région sur le territoire régional est déterminé par le conseil régional. »
IV. – À compter de la publication de la présente loi, la région Centre est dénommée « Centre-Val de Loire ».
Dans l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, les références à la région Centre sont remplacées par les références à la région Centre-Val de Loire.
V. – §(Supprimé)
L'article 2 est adopté.
I. – À compter du 1er janvier 2016, le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 3114-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, après le mot : « généraux », sont insérés les mots : «, adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, » ;
b) Le II est abrogé ;
2° L’article L. 4122-1-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Un département et la région d'accueil limitrophe peuvent demander, par délibérations concordantes adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région précitée. La demande de modification est inscrite à l'ordre du jour du conseil général, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l'initiative d'au moins 10 % de leurs membres.
« La région d'origine du département peut s'opposer à cette procédure par une délibération adoptée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de l'assemblée délibérante, dans les quatre mois qui suivent la notification de ces délibérations par les présidents des deux assemblées concernées. À défaut, son avis est réputé favorable. » ;
b) Le II est abrogé ;
c)
Supprimé
2° bis L’article L. 4123-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, après le mot : « régionaux, », sont insérés les mots : « adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, » ;
b) Le II est abrogé ;
c)
Supprimé
3° L’article L. 4124-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, après le mot : « région », il est inséré le mot : « métropolitaine » et, après le mot : « délibérantes », sont insérés les mots : «, adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, » ;
b) Le II est abrogé.
I bis. –
Supprimé
I ter . – Lorsque, en application de l’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales, un département est inclus dans le territoire d’une région, l’effectif du conseil régional de la région dont est issu ce département, l’effectif du conseil régional de la région dans laquelle il est inclus et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection du conseil régional de chacune de ces régions, déterminés au tableau n° 7 annexé au code électoral, sont fixés par décret en Conseil d’État avant le prochain renouvellement général.
L’effectif des conseils régionaux concernés et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection de ces conseils régionaux sont déterminés selon les règles suivantes :
1° Il est soustrait à l’effectif global du conseil régional de la région dont est issu le département un nombre de sièges égal à la part de la population de ce département par rapport à la population totale de cette région, arrondi le cas échéant à l’unité inférieure ;
2° Il est ajouté à l’effectif global du conseil régional de la région dans laquelle est inclus le département un nombre de sièges égal à la part de la population de ce département par rapport à la population totale de cette région, arrondi le cas échéant à l’unité supérieure ;
3° Le nombre de candidats par section départementale dans chacune des régions est déterminé en fonction de la population de chaque département à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. À ce nombre, sont ajoutés, pour chaque section départementale, deux candidats.
Les chiffres des populations prises en compte sont ceux des populations légales en vigueur.
À titre transitoire, les conseillers régionaux ayant figuré, lors du précédent renouvellement général, comme candidats de la section départementale concernée au sein de la région dont est issu ce département poursuivent, à compter de la publication du décret mentionné au premier alinéa du présent I ter, leur mandat au sein du conseil régional de la région dans laquelle il est inclus jusqu'au prochain renouvellement général.
I quater . – Lorsque, en application de l’article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales, plusieurs régions sont regroupées en une seule région, l’effectif du conseil régional de cette région et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection de son conseil régional, déterminés au tableau n° 7 annexé au code électoral, sont fixés par décret en Conseil d’État avant le prochain renouvellement général.
L’effectif du conseil régional et le nombre de candidats par section départementale pour l’élection de ce conseil régional sont déterminés selon les règles suivantes :
1° L’effectif du conseil régional est égal à la somme des effectifs des conseils régionaux des régions regroupées ;
2° Le nombre de candidats par section départementale est déterminé en fonction de la population de chaque département à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. À ce nombre, sont ajoutés, pour chaque section départementale, deux candidats.
Les chiffres des populations prises en compte sont ceux des populations légales en vigueur.
II. – Les articles L. 4122-1-1 et L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les I ter et I quater du présent article, sont abrogés à compter du 1er mars 2019.
III. –
Supprimé
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 7 et 8
Rédiger ainsi ces alinéas :
« I. – Un département et la région d’accueil limitrophe peuvent demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région précitée. La demande de modification est inscrite à l’ordre du jour du conseil départemental, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l’initiative d’au moins 10 % de leurs membres.
« Avant les délibérations du département et de la région d’accueil limitrophe, le projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région sur le territoire de laquelle se trouve ce département. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification, par le président du conseil départemental, de l’inscription à l’ordre du jour de la délibération visant à la modification des limites départementales. »
III. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 16
Après le mot :
métropolitaine
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
Il faut revenir au bon sens : quand les gens ont envie de s’unir, on ne doit pas s’y opposer ! Néanmoins, il convient de demander l’avis de la famille, même si ce n’est pas très moderne… En effet, la région quittée est concernée elle aussi par cette union. Au demeurant, avis ne signifie pas veto.
À la différence de l’amendement n° 9, certes de même nature, nous précisons l’ordre dans lequel le processus devra se dérouler : il faudra demander l’avis de la région susceptible d’être quittée, avant que la région d’accueil et le département souhaitant faire jouer son droit d’option ne délibèrent.
L'amendement n° 3, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 et 12
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 7, première phrase
Supprimer les mots :
des trois cinquièmes
III. – Alinéa 16
Après le mot :
« métropolitaine »
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
Il s’agit d’un amendement de repli maximal, visant à retenir la règle de la majorité simple, au lieu de celle de la majorité des trois cinquièmes. Si jamais l’amendement n° 2 n’était pas adopté, il me semble que notre assemblée pourrait se retrouver sur une telle proposition.
L'amendement n° 9, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 10
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
2° L’article L. 4122-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4122-1-1. – I. – Un département et une région, lorsqu’ils sont limitrophes, peuvent demander, par délibérations concordantes à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région concernée. La demande de modification est inscrite à l’ordre du jour du conseil général, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l’initiative d’au moins 10 % de leurs membres.
« II. – Ce projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région dont le département demande à être détaché. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la notification des délibérations du conseil régional et du conseil départemental intéressés.
« III. – La modification des limites territoriales des régions concernées est décidée par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
Cet amendement a été adopté par le Sénat à une large majorité au mois de juillet dernier. Certes, des élections sénatoriales ont eu lieu depuis lors, mais cela devrait au contraire aboutir à conforter la position de notre assemblée sur cet excellent amendement, qui vise à faciliter l’exercice du droit d’option.
En effet, ne nous faisons pas d’illusions : le texte voté par l’Assemblée nationale à la demande du Gouvernement interdit de fait l’exercice du droit d’option pour les départements. Il ne faut pas prétendre que le dispositif actuel accorde un peu de liberté aux départements qui voudraient changer de région ! Nous le savons tous, réunir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des assemblées délibérantes de la région d’origine, du département et de la région d’accueil est strictement impossible.
Je soutiens qu’il faut faciliter l’exercice du droit d’option. Si un département demande, à la majorité des trois cinquièmes de son assemblée délibérante, à rejoindre une autre région limitrophe et si celle-ci exprime son accord également à la majorité des trois cinquièmes, une telle convergence de vues doit être respectée. Cela évitera certaines situations catastrophiques.
Ce qui est actuellement prévu, monsieur le secrétaire d’État, c’est la réunion forcée, non démocratique, de territoires. Le message est le suivant : le Gouvernement a raison ; les départements qui veulent bouger ne bougeront pas, parce que, moi, Gouvernement, j’en ai décidé ainsi !
La commission est défavorable à ces trois amendements.
S’agissant du droit d’option et des conditions dans lesquelles il peut s’exercer, le Sénat a souhaité que la région d’accueil, ainsi que le département qui veut la rejoindre, expriment leur volonté à la majorité des trois cinquièmes de leurs assemblées délibérantes, mais il a aussi voulu conditionner la réalisation de ce transfert à l’absence d’opposition de la région quittée.
Nous avons déjà souligné, au cours de précédents débats, que les représentations des collectivités locales concernées élues au suffrage universel direct devaient pouvoir s’exprimer sur une décision aussi importante. Lors de la précédente lecture, nous avions établi le principe que l’opposition de la région quittée devrait être affirmée à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. C’était déjà une forme d’assouplissement. L’Assemblée nationale n’a pas retenu cette formule, puisqu’elle est revenue à sa position initiale, selon laquelle la région de départ doit donner son accord à la majorité des trois cinquièmes.
Notre système est plus souple et facilite l’exercice du droit d’option. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a souhaité y revenir. Nous ne désespérons pas d’aboutir à un accord sur ce point avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Le droit d’option est un sujet très délicat. Nous y avons tous beaucoup réfléchi, et j’ai moi-même évolué sur cette question. Comme vous tous, j’étais favorable à un assouplissement. Or un assouplissement a bel et bien été introduit, puisque les trois consultations référendaires, pour lesquelles la participation minimale prévue était assez élevée, ont été supprimées.
Concernant l’accord à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés de l’assemblée délibérante de la région d’origine, si un tel seuil peut paraître élevé, il n’est pas inatteignable. Lorsqu’un département voudra quitter une région – nous pensons tous à un département et à une région en particulier, monsieur Dantec –, ce sera très difficile à accepter et à vivre, économiquement et financièrement, pour la région quittée. Pour elle, il s’agira presque d’une amputation
M. Ronan Dantec le nie.
Cet aspect des choses ne doit pas être négligé ! On peut entendre qu’un département veuille quitter une région, mais prévoir qu’il puisse quasiment pour cela se passer de l’accord, exprimé à une majorité renforcée, de la région de départ, revient presque à instaurer une sorte de tutelle sur cette dernière de la région d’accueil et du département concerné. Il y a un équilibre très subtil, très délicat à trouver. La position des députés s’en approche, même si elle n’est pas totalement satisfaisante. Elle permet en tout cas une avancée assez significative vers un assouplissement du droit d’option.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l’amendement n° 2.
Monsieur le secrétaire d’État, je crains que le débat sur la réunification de la Bretagne ne fasse de nombreuses victimes collatérales… L’avenir de la Loire-Atlantique n’est pas lié, aujourd'hui, au droit d’option. C’est un problème de désaccord entre les élus de l’ouest sur la taille de la future région.
Les dispositions prévues par cet amendement n’ont pas vocation à être appliquées à la Bretagne. L’avenir de la Loire-Atlantique est un sujet majeur – ce n’est pas moi qui dirai le contraire, m’investissant fortement sur le dossier de la réunification de la Bretagne depuis quelques décennies –, mais cessons de nous focaliser sur ce département s’agissant du droit d’option. Je le répète, le cas de la Loire-Atlantique ne relève pas de cette problématique.
En revanche, pour d’autres territoires, peut-être la Picardie ou certains départements du Massif central, le droit d’option pourra jouer un rôle important. Le poids politique de la Loire-Atlantique ne doit pas empêcher de l’instaurer.
Par ailleurs, le travail que nous avons réalisé en commission, en nous appuyant sur un amendement déposé par Henri Tandonnet, visait à trouver un compromis. Il s’agissait de prévoir que le droit d’option pourrait s’exercer en l’absence d’opposition de la région de départ exprimée à la majorité des trois cinquièmes. Vous rejetez très clairement une telle solution, monsieur le secrétaire d’État, et donnez à entendre que le Gouvernement demandera à l’Assemblée nationale de revenir sur notre vote.
Dans ces conditions, en cas de rejet de l’amendement n° 2, je vous invite, mes chers collègues, à vous replier sur l’amendement n° 3, qui prévoit le recours à la majorité simple. Que l’Assemblée nationale vienne ensuite nous expliquer en quoi une telle règle, qui prévaut habituellement, ne serait pas acceptable ! Au stade où nous en sommes, il s’agit d’essayer de limiter la casse !
Le groupe socialiste a toujours défendu l’idée que le droit d’option devait être le plus souple possible. En première lecture, nous avions même soutenu qu’une majorité simple pourrait suffire.
Le débat m’a amené à me rallier au principe d’une majorité qualifiée de 60 %. Je continue à penser que la région de départ doit disposer d’un droit de veto, sans qu’un vote en faveur de l’exercice du droit d’option soit nécessaire. Selon moi, une telle solution irait dans le sens d’une plus grande souplesse. Le Gouvernement semble fermer la porte, mais je crois que nous aurions intérêt à en rester à la position arrêtée par la commission, afin d’être plus forts devant l’Assemblée nationale. Nous pouvons espérer aboutir à un compromis, mais encore faut-il rester raisonnables.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments de mes collègues, même si, comme en attestent les propos que j’ai tenus tout à l’heure lors de la discussion générale, je n’avais pas besoin d’être convaincu.
Un certain nombre d’entre nous ont exprimé leur insatisfaction à l’égard du redécoupage des régions proposé par le Gouvernement. Je n’y reviendrai pas, sauf pour souligner que nous sommes globalement d’accord. Néanmoins, quelques points, peu nombreux, font débat. Ronan Dantec a raison de dire qu’il faut s’extraire du débat breton, ancien et passionné, et aborder la problématique dans sa globalité, à l’échelle du territoire national.
Pour ma part, je suis profondément convaincu que le droit d’option, tel qu’il est conçu, ne sera pas opérationnel, hélas ! En effet, on trouvera toujours une majorité pour voter contre l’exercice du droit d’option.
Telles sont les raisons qui me conduisent à soutenir ces amendements. Je fais confiance à la sagesse des territoires, à la démocratie territoriale. Laissons la possibilité à ceux qui le souhaitent de s’emparer de cette faculté, qui d’ailleurs ne prospérera peut-être pas.
En conclusion, ma position ne sera donc pas celle qu’a exprimée mon collègue et ami Philippe Kaltenbach au nom du groupe socialiste : à titre personnel, je voterai ces amendements.
M. Jacques Mézard. Finalement, M. le secrétaire d’État nous avoue que le droit d’option ne concerne qu’un département limitrophe de la Bretagne…
M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.
La réalité est tout autre ! Nous comprenons que vous rencontrez des difficultés avec d’éminents élus d’une partie du nord-ouest de la France, mais, quant à moi, je vous dis que le droit d’option concerne tout le territoire national. Certains départements vont se retrouver complètement exilés aux confins des très grandes régions nouvellement créées : je pense au Gard ou à la Lozère par rapport à Toulouse, au Cantal par rapport à Lyon. Il est naturel que ces départements, désormais coupés de leur bassin de vie naturel, se posent la question de l’exercice du droit d’option.
Or exiger une majorité des trois cinquièmes, cela revient à tout bloquer, même si certaines régions ont peut-être envie de se débarrasser des pauvres… Pour cette raison, il sera aussi plus difficile que vous ne le pensez de trouver des territoires d’accueil.
En tout cas, il n’est pas normal de s’opposer à un exercice démocratique, au travers d’un texte dont l’élaboration n’a rien de démocratique. On ne citera aucun nom, mais on sait bien qui bloque l’exercice du droit d’option. Ce ne sont pas des méthodes pour élaborer un texte de la République.
Monsieur Mézard, ce que j’ai dit vaut évidemment pour tous les territoires et les départements de la République. Chacun pense à la Loire-Atlantique, certes, mais on peut également évoquer le Gard, le Cantal, la Lozère, …
… d’autres départements encore, qui ne sont toutefois pas si nombreux, puisqu’ils se comptent aisément sur les doigts des deux mains.
Nous avons tous défendu la possibilité, pour les départements, d’exercer le droit d’option. En deuxième lecture, nous nous étions mis d’accord pour que ce droit puisse jouer à la condition que l’organe délibérant de la région d’origine ne s’y oppose pas à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés : ce n’est pas du tout la même chose que devoir recueillir une approbation à la majorité des trois cinquièmes !
Le Sénat avait adopté cette position dans la perspective d’un rapprochement éventuel avec l’Assemblée nationale, qui n’a pas eu lieu. Pour ma part, je demande que nous en restions à la solution retenue par le Sénat en deuxième lecture. Si nous changeons une nouvelle fois de point de vue, nos interlocuteurs considéreront que le Sénat n’a pas une position ferme sur le sujet. Il y va de la cohérence de notre propos !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
(Suppression maintenue)
Chapitre II
Dispositions relatives aux élections régionales
Le tableau n° 7 annexé au code électoral est remplacé par un tableau ainsi rédigé :
Région
Effectif du conseil régional
Département
Nombre de candidats par section départementale
Alsace
Bas-Rhin
Haut-Rhin
Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes
Charente
Charente-Maritime
Corrèze
Creuse
Dordogne
Gironde
Landes
Lot-et-Garonne
Pyrénées-Atlantiques
Deux-Sèvres
Vienne
Haute-Vienne
Auvergne et Rhône-Alpes
Ain
Allier
Ardèche
Cantal
Drôme
Isère
Loire
Haute-Loire
Métropole de Lyon
Puy-de-Dôme
Rhône
Savoie
Haute-Savoie
Bourgogne et Franche-Comté
Côte-d’Or
Doubs
Jura
Nièvre
Haute-Saône
Saône-et-Loire
Yonne
Territoire de Belfort
Bretagne
Côtes-d’Armor
Finistère
Ille-et-Vilaine
Morbihan
Centre
Cher
Eure-et-Loir
Indre
Indre-et-Loire
Loir-et-Cher
Loiret
Champagne-Ardenne et Lorraine
Ardennes
Aube
Marne
Haute-Marne
Meurthe-et-Moselle
Meuse
Moselle
Vosges
Guadeloupe
Guadeloupe
Île-de-France
Paris
Seine-et-Marne
Yvelines
Essonne
Hauts-de-Seine
Seine-Saint-Denis
Val-de-Marne
Val-d’Oise
Languedoc-Roussillon
Aude
Gard
Hérault
Lozère
Pyrénées-Orientales
Midi-Pyrénées
Ariège
Aveyron
Haute-Garonne
Gers
Lot
Hautes-Pyrénées
Tarn
Tarn-et-Garonne
Nord-Pas-de-Calais et Picardie
Aisne
Nord
Oise
Pas-de-Calais
Somme
Basse-Normandie et Haute-Normandie
Calvados
Eure
Manche
Orne
Seine-Maritime
Pays de la Loire
Loire-Atlantique
Maine-et-Loire
Mayenne
Sarthe
Vendée
Provence-Alpes-Côte d’Azur
Alpes-de-Haute-Provence
Hautes-Alpes
Alpes-Maritimes
Bouches-du-Rhône
Var
Vaucluse
La Réunion
La Réunion
L'article 6 est adopté.
(Suppression maintenue)
(Non modifié)
Le code électoral est ainsi modifié :
1°
Supprimé
2° L’article L. 338-1 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Si, après la répartition des sièges prévue au premier alinéa, un département dont la population est inférieure à 100 000 habitants ne compte pas au moins deux conseillers régionaux, un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la ou aux sections départementales de cette liste afin que chaque département dispose de deux sièges au moins.
« Si, après la répartition des sièges prévue au premier alinéa, un département dont la population est égale ou supérieure à 100 000 habitants ne compte pas au moins quatre conseillers régionaux, un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la ou aux sections départementales de cette liste afin que chaque département dispose de quatre sièges au moins.
« Le ou les sièges ainsi réattribués correspondent au dernier siège ou aux derniers sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional et répartis entre les sections départementales en application du premier alinéa, sous réserve du cas où les départements prélevés seraient attributaires d’un seul ou de deux sièges si le département compte une population de moins de 100 000 habitants, ou de moins de cinq sièges si le département compte au moins 100 000 habitants. » ;
b) Après les mots : « selon les », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « règles prévues aux deux premiers alinéas. »
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article L. 338 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque section départementale compte au moins cinq conseillers régionaux. »
II. - Après le deuxième alinéa de l’article L. 338-1 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Si, après répartition des sièges en application de l’article L. 338 et du présent article, ont été élus moins de cinq conseillers régionaux issus des sections départementales correspondant à un département, des sièges supplémentaires sont ajoutés à l’effectif du conseil régional afin d’atteindre le seuil de cinq conseillers régionaux au titre du ou des départements concernés.
« Le nombre total ainsi majoré des sièges du conseil régional est réparti selon les règles prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 338.
« Les sièges supplémentaires résultant de cette nouvelle répartition sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires, dans l’ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
Je suis tenace… Je demande encore une fois à la Haute Assemblée d’être logique avec elle-même en confirmant son vote de première lecture, par lequel elle avait adopté par scrutin public, en juillet dernier, par 334 voix contre 1, un amendement identique à celui-ci.
Tout à l’heure, j’ai remercié le rapporteur de s’être beaucoup battu pour arracher une meilleure représentation des petits départements. Je lui en donne acte, car je sais que sa tâche a été difficile. Pour autant, je persiste à considérer qu’il faut assurer un minimum de cinq conseillers régionaux à chaque département.
L’argument que nous oppose le Gouvernement est à mes yeux à la fois totalement fallacieux et dangereux. Selon lui, ce serait le Conseil constitutionnel qui s’opposerait à la fixation de ce seuil. Or prenons un exemple que je connais bien, celui du Cantal : il y a une liste de six candidats pour la section départementale ; il peut donc y avoir six élus. C’est ainsi dans la quasi-totalité des départements. Si la loi permet que le département compte six représentants au conseil régional, comment ma proposition de garantir un minimum de cinq conseillers pourrait-elle contrevenir à la position du Conseil constitutionnel ? Telle est la réalité, et vous n’avez aucun argument à y opposer, malgré tous les efforts de vos collaborateurs de la direction générale des collectivités locales, la DGCL !
Votre but, c’est que les petits départements soient sous-représentés. Cela, nous ne pouvons l’accepter. Je sais bien que mon argument gêne la DGCL, mais il serait bon que, un jour, ce soient les élus qui commandent dans ce pays !
L'amendement n° 6, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article L. 338 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque section départementale compte au moins quatre conseillers régionaux. »
II. - Après le deuxième alinéa de l’article L. 338-1 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Si, après répartition des sièges en application de l’article L. 338 et du présent article, ont été élus moins de quatre conseillers régionaux issus des sections départementales correspondant à un département, des sièges supplémentaires sont ajoutés à l’effectif du conseil régional afin d’atteindre le seuil de quatre conseillers régionaux au titre du ou des départements concernés.
« Le nombre total ainsi majoré des sièges du conseil régional est réparti selon les règles prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 338.
« Les sièges supplémentaires résultant de cette nouvelle répartition sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires, dans l’ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
Il s’agit d’un amendement de repli.
Au terme de la négociation menée avec l’Assemblée nationale et le ministre de l’intérieur – qui lui au moins a fait un effort… –, nous avons obtenu que les départements de plus de 100 000 habitants comptent au moins quatre conseillers régionaux. Par cet amendement, nous demandons que ce seuil minimal de représentation vaille pour tous les départements : on ne peut pas accepter qu’un unique département français soit marginalisé ! Est-ce ainsi que vous récompensez notre excellent collègue Alain Bertrand de la confiance qu’il a toujours témoignée au Gouvernement ? Cela étant, vous avez pour habitude de trahir la fidélité…
Adopter cet amendement ne changera pas la face de l’organisation territoriale, ne changera rien au fonctionnement de la très grande région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, mais ce sera faire œuvre de justice.
L'amendement n° 7, présenté par MM. Bertrand et Mézard, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si, après la répartition des sièges prévue au premier alinéa, chaque département ne compte pas au moins deux conseillers régionaux, un ou plusieurs sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la ou aux sections départementales de cette liste afin que chaque département dispose de quatre sièges au moins.
« Le ou les sièges ainsi réattribués correspondent au dernier siège ou aux derniers sièges attribués à la liste arrivée en tête au niveau régional et répartis entre les sections départementales en application du premier alinéa, sous réserve du cas où les départements prélevés seraient attributaires de moins de cinq sièges.
La parole est à M. Alain Bertrand.
La chose est grave.
À l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat un accord semble être intervenu pour assurer un minimum de quatre conseillers régionaux aux départements de plus de 100 000 habitants. Seule restera à l’écart du dispositif la Lozère, ce département sous-républicain peuplé de gueux, de bouseux qu’on ne connaît pas bien…
Agir ainsi, c’est s’en prendre aux plus faibles, et c’est contraire à l’esprit républicain ! On invoque l’opposition du Conseil constitutionnel, alors même que celui-ci avait accepté, lors de la création du conseiller territorial, qu’un traitement particulier soit réservé aux territoires peu peuplés, à seule fin d’équité républicaine.
On me dit que le groupe socialiste serait d’accord pour fixer le seuil à quatre conseillers régionaux au-dessus de 100 000 habitants parce que cela convient à tel ou tel élu qu’il s’agit de ne pas mécontenter… Mais c’est scandaleux pour la Lozère, et déshonorant pour les parlementaires qui acceptent de tels arrangements ! Je sais, monsieur Vallini, que vous êtes attaché à la Lozère et que vous connaissez la ruralité et l’hyper-ruralité. Que diriez-vous, monsieur Kaltenbach, si je m’autoproclamais compétent pour organiser la métropole parisienne ? C’est surréaliste !
Il faut revenir au bon sens, à une République qui ait les pieds sur terre, qui ne soit pas façonnée par des élus en plastique. C’est ainsi que nous pourrons lutter pour l’emploi, pour le développement économique.
Il s’agit donc d’un amendement d’équité extrêmement important pour le plus petit département de France, qui ne saurait être considéré comme un territoire sous-républicain peuplé de sous-citoyens !
L’amendement n° 8, présenté par MM. Bertrand et Mézard, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer (deux fois) le mot :
deux
par le mot :
trois
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
d’un seul ou de deux
par les mots :
d’au moins trois
La parole est à M. Alain Bertrand.
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent, monsieur le président.
La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président de la commission spéciale et moi-même ne sommes pas en plastique, monsieur Bertrand.
Nous sommes comme nous sommes, mais nous essayons de livrer nos convictions, sachant que la commission spéciale ne saurait se départir d’un raisonnement juridique.
Nous comprenons tous, ici au Sénat, que s’en tenir au seul critère démographique n’est pas une position acceptable. En effet, cela aboutit à mettre peu à peu le monde rural à l’écart, ce qui est extrêmement dangereux. C’est un principe qui nous anime depuis le début.
Par ailleurs, nous avons a minima la responsabilité institutionnelle de veiller à ne pas faire encourir aux travaux de la Haute Assemblée une censure certaine du Conseil constitutionnel.
À cet égard, je voudrais préciser que les écarts de représentation évoqués pour certains petits départements ne correspondent plus à la situation actuelle. Ils étaient possibles avec l’ancien découpage cantonal, mais le nouveau ne les permet plus. Les simulations que nous avons effectuées sont bien sûr fondées sur les nouvelles circonscriptions régionales.
Nous avons cherché à préserver les choses. La solution qui a d’abord été proposée était d’assurer un minimum de deux représentants régionaux aux départements de moins de 100 000 habitants, …
Je ne sais, mon cher collègue, si on peut l’affirmer avec autant de certitude que vous le faites !
Je peux vous dire que les services de Gouvernement, ceux de l’Assemblée nationale et les nôtres y ont travaillé. C’est la réalité !
Si nous n’arrivons pas à faire prospérer cet accord entre les deux assemblées, que se passera-t-il ? Le Sénat se fera peut-être plaisir en votant une représentation minimale de cinq conseillers, mais l’Assemblée nationale reviendra à son texte d’origine, c’est-à-dire à deux conseillers !
Nous aurons alors tout perdu !
Il se trouve que nous avons là une piste d’accord avec l’Assemblée nationale. Il n’y en a pas beaucoup sur ce texte, pour les mille raisons que nous avons évoquées ensemble.
C’est cela ou rien, mon cher collègue ! Dès lors, il nous faut aller vers cet accord, qui permettra d’assurer un minimum de quatre sièges au conseil régional.
C’est en tout cas la position qu’a défendue la commission spéciale. C’est la raison pour laquelle son avis est défavorable sur les quatre amendements.
Dès le début de l’examen de ce projet de loi, le Sénat a appelé l’attention du Gouvernement sur ce sujet difficile de la représentation minimale que l’on doit garantir aux départements les moins peuplés.
Lors de la dernière lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, le 9 décembre dernier, les députés ont introduit des garanties de représentation supplémentaires, en prévoyant que les départements de moins de 100 000 habitants seraient représentés par au moins deux conseillers régionaux, tandis que les départements de 100 000 habitants et plus seraient représentés par au moins quatre conseillers régionaux.
Ces règles de représentation minimale sont conformes au principe d’égalité démographique. Elles ne conduiront pas à une surreprésentation de certains départements par rapport à d’autres au sein d’une même région. Elles respectent le fameux « tunnel » démographique de plus ou moins 20 %, qui suppose qu’aucun département ne soit systématiquement surreprésenté en ayant un nombre d’habitants par élu inférieur de plus de 20 % à la moyenne régionale.
L’ensemble de ces dispositions, soutenues par le Gouvernement, a été repris à son compte par la commission. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Je suis un peu étonné que, comme l’a dit en substance Jacques Mézard, ce soient le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État qui fassent la loi.
D’où sort cette règle des 20 % ? J’ai cherché dans la Constitution, mais en vain !
Ensuite, je trouve étrange que l’on anticipe les décisions du Conseil constitutionnel. La loi créant le conseiller territorial prévoyait un minimum de quinze représentants par département. Le Conseil constitutionnel avait alors « chipoté à la marge », en se livrant à des contorsions arithmétiques assez extraordinaires, tout en admettant que prévoir une représentation minimale incompressible pour tout département n’était absolument pas scandaleux.
Par conséquent, cette fameuse règle, qui nous vient apparemment des dieux, semble tout de même être à géométrie largement variable. Mais cela, on l’a oublié !
Enfin, il convient aussi de faire le lien entre ce texte et le projet de loi NOTRe à venir, qui confère aux régions des pouvoirs très importants, notamment en matière d’aménagement et de développement. Je veux bien que l’on saucissonne tout et que, la tête dans le guidon, on ne voie que ce qui est devant soi, mais il faudrait tout de même essayer d’élargir le propos !
Je ne trouve donc pas ces propositions scandaleuses. Au contraire, cela me paraît être le minimum du minimum, et je trouve vraiment très étonnant que l’on en soit encore à chipoter un représentant de plus à la Lozère.
Je m’efforce d’être cartésien. Les « petits départements » peuvent, en fonction du résultat des élections, avoir autant d’élus que de candidats. C’est le cas du mien : six candidats figurent sur la liste de section départementale. Cela signifie que, en fonction des suffrages exprimés et de la liste arrivée en tête, mon département peut obtenir six élus. Je défie quiconque de me prouver juridiquement le contraire ! D’ailleurs, un éminent représentant du groupe socialiste qui a fait des simulations m’a indiqué que, dans la plupart des cas de figure, mon département aurait cinq élus.
Or vous continuez à prétendre que le Conseil constitutionnel serait opposé à ce que l’on fixe à ce niveau la représentation minimale assurée à chaque département, alors qu’il ressort de la loi, eu égard au nombre de candidats, que ce nombre d’élus pourra être atteint. Quand on m’aura démontré le contraire, je changerai peut-être d’avis, mais pour l’heure j’attends toujours !
Nous avons déposé un amendement de repli fixant le minimum à quatre conseillers régionaux : dès lors que, dans l’immense majorité des cas, le résultat des élections donnera un nombre d’élus supérieur ou égal à quatre, je ne vois vraiment pas quel effort cela représente de l’adopter. Je le redis : nous sommes face à une position de principe !
Il a fallu batailler pour arriver à un minimum de quatre représentants pour les départements comptant plus de 100 000 habitants, et je remercie encore une fois M. le rapporteur de ses efforts. Je rappelle que la position initiale du Gouvernement était de garantir un conseiller par département, ce qui n’avait aucun sens, sinon celui d’envoyer un message d’humiliation aux petits départements. Or de tels messages, nous en avons suffisamment reçus depuis deux ans…
Si le Conseil constitutionnel avait accepté le principe de quinze représentants au minimum par département, c’est qu’il considérait que l’on pouvait réserver un traitement particulier à des territoires à faible population, afin que le conseil territorial puisse fonctionner.
Aujourd’hui, si l’on fixe le minimum à quatre conseillers par département, cela représentera 1, 5 % ou 2 % de l’effectif du conseil régional, qui comptera 150 membres, voire davantage. Pour représenter un département, qui est tout de même un échelon important dans l’organisation de la République, c’est le minimum minimorum !
Messieurs les président et rapporteur de la commission spéciale, je sais que vous avez travaillé sérieusement, mais cela ne suffit pas à assurer l’équité républicaine. Vous dites à un département français qu’il n’aura pas son dû. Ce que la caste des constitutionnalistes appellent le « bloc constitutionnel » comprend aussi, me semble-t-il, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or figurez-vous que, même en Lozère et dans d’autres petits départements comme l’Ariège, les Alpes-de-Haute-Provence ou autres, depuis que l’école publique existe, on apprend à lire ! Je ne vois pas pourquoi nous serions moins égaux en droit que les autres !
C’est une question d’équité républicaine, et non une question de gauche, de droite, de Constitution, de Conseil constitutionnel, de Conseil d’État… Ici au Sénat, comme nos collègues de l’Assemblée nationale, nous devons prendre de bonnes mesures pour notre République. C’est pourquoi je vous appelle tous, quelle que soit votre sensibilité politique, à voter mon amendement tendant à prévoir un minimum de quatre conseillers régionaux pour tous les départements de France, sans exception. Ce n’est tout de même pas grand-chose !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce débat est très important, et je voudrais interroger M. le rapporteur. Sur le fond, il nous faut envoyer un message de ras-le-bol devant le terrorisme de la loi du quantitatif, qui prévaut partout !
MM. Pierre-Yves Collombat et Alain Bertrand applaudissent.
Ainsi, fixer à 20 000 habitants le minimum de population pour les intercommunalités aboutit à fragiliser des structures à dimension humaine pour privilégier la formation d’ensembles toujours plus grands.
En matière économique, on a compris les avantages des petites et moyennes entreprises, des structures à taille humaine, pour décentraliser, responsabiliser, motiver, mais, en matière d’aménagement du territoire, on en est resté à la loi des grands nombres et on met en place des schémas que l’on ne maîtrise pas.
Si les très grandes métropoles étaient capables de régler tous les problèmes, nous y serions très favorables, mais on voit bien qu’elles ne font qu’en créer de nouveaux.
Au fond, quand les structures fonctionnent et que les territoires ont une dynamique, quelle qu’elle soit, il faut essayer de protéger cette dernière. Au travers de ces amendements, on sort de la loi du quantitatif pour passer à une reconnaissance statutaire : un département, du seul fait qu’il est un département, a des droits. En particulier, il a droit à la reconnaissance de sa dignité. C’est aussi cela, la République : il n’est pas dit qu’un territoire est forcément égal à un autre. Ce sont les citoyens qui sont égaux, quels que soient les territoires sur lesquels ils vivent : ce n’est pas parce que l’on vit sur un territoire fragile que l’on est un sous-citoyen !
M. Alain Bertrand applaudit.
Personnellement, je suis très sensible à cette volonté sénatoriale de reconnaître au territoire en tant que tel un statut lui permettant de revendiquer, en l’occurrence, une représentation digne.
C’est essentiel à un moment où l’on assiste, à l’évidence, à une remise en cause du département et des petites communes. Systématiquement, la loi rampante du quantitatif conduit à affaiblir les structures au sein desquelles la dimension humaine est le mieux reconnue. Plus on sera systématique, moins on sera humain ! On voit bien à quoi nous conduit la course à la grande dimension : à être dirigés non plus par des hommes, mais par des directives, des règles, des réglementations, des procédures. §Que demande-t-on très souvent à nos fonctionnaires ? De vérifier la conformité aux procédures, plutôt que d’apprécier, grâce au bon sens, la qualité de la décision. Il est bon de dire de temps en temps « stop » à ces dérives du quantitatif, qui nous mènent vers des horizons inconnus, en abandonnant des valeurs précieuses.
C’est pourquoi je suis tenté de voter ces amendements. Je suis assez d’accord avec MM. Mézard et Bertrand pour dire qu’il ne faut pas avoir peur d’affronter le Conseil constitutionnel ; sinon, autant lui donner tous les pouvoirs : entre le Conseil d’État en amont et le Conseil constitutionnel en aval, nous n’aurions plus grand-chose à faire !
Mme Catherine Troendlé opine.
En revanche, il est vrai, monsieur le rapporteur, qu’il ne faudrait pas, en rompant l’accord trouvé avec l’Assemblée nationale, nous retrouver avec une formule plus défavorable que celle que nous avons obtenue. Pour éviter ce risque, je m’abstiendrai.
L’accord avec l’Assemblée nationale porte sur le texte que nous examinons ce soir. C’est après l’échec de la commission mixte paritaire qu’une modification a été apportée sur le point qui nous occupe, par le biais d’amendements de collègues députés fortement inspirés, il faut bien le dire, par le Sénat.
Je voudrais apporter une petite précision. Il est vrai que, depuis 2003, l’élection régionale se fait à l’échelle de la région. Chaque électeur devant être traité de la même manière, nous sommes tenus de respecter le fameux « tunnel » de plus ou moins 20 %.
L'amendement est adopté.
I et I bis. –
Supprimés
I ter. – Pour l’application du code électoral au renouvellement général des conseils départementaux en mars 2015 :
1° L’article L. 50-1, le dernier alinéa de l’article L. 51 et le premier alinéa de l’article L. 52-1 ne sont applicables qu’à partir du 17 septembre 2014 ;
2° Le second alinéa de l’article L. 52-1 n’est applicable qu’aux dépenses engagées à partir du 17 septembre 2014 ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 52-4 et l’article L. 52-11 ne sont applicables qu’à partir du 17 septembre 2014 si le compte de campagne déposé par le binôme de candidats ne mentionne que des recettes et des dépenses effectuées à compter de cette date ;
4° L’article L. 52-8-1 n’est applicable qu’à partir du 17 septembre 2014 ;
5°
Supprimé
II. – Par dérogation à l’article L. 336 du code électoral :
1° Le premier renouvellement général des conseils régionaux et de l’Assemblée de Corse suivant la promulgation de la présente loi se tient en décembre 2015 ;
2° Le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010 prend fin en décembre 2015. Toutefois, dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions en application de l’article 1er de la présente loi, le président de chaque conseil régional gère les affaires courantes ou présentant un caractère urgent entre la date du scrutin et le 31 décembre 2015 ;
3° Les conseillers régionaux élus en décembre 2015 tiennent leur première réunion :
a) Le lundi 4 janvier 2016 dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions en application de l’article 1er de la présente loi ;
b) À la date prévue à l’article L. 4132-7 du code général des collectivités territoriales dans les autres régions ;
4° Le mandat des conseillers régionaux et des membres de l’Assemblée de Corse élus en décembre 2015 prend fin en mars 2021 ;
5°
Supprimé
III, IV, IV bis, V et VI. –
Non modifiés
La conférence internationale sur le climat de 2015 se tiendra en même temps que les élections régionales. Je rentre de Lima, où j’ai assisté à un rendez-vous important, coprésidé par le ministre péruvien de l’environnement et par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et totalement consacré aux engagements des acteurs non étatiques, notamment des collectivités territoriales et des régions.
Si les responsables des régions françaises, dans les six mois qui précèdent les élections régionales, décident de mobiliser leurs moyens pour engager au côté de la société civile la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le font savoir, le coût de cette action de communication ne risque-t-il pas d’être intégré dans les comptes de campagne ? C’est une vraie question, car du fait de la concomitance des dates des élections et de la Conférence des parties de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, on se priverait de la capacité de mobilisation des territoires français. Ce serait une absurdité totale !
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais obtenir une réponse assez précise sur ce point, car c’est en fonction de celle-ci que nous pourrons, ou non, engager la mobilisation des régions françaises en vue de la COP. Une dynamique forte est à l’œuvre à l’échelle internationale : il ne faudrait pas qu’elle soit cassée en France, uniquement à cause d’une concomitance de dates.
La question était d’abord de savoir s’il était possible d’organiser en même temps des élections régionales et la Conférence sur les changements climatiques.
De ce point de vue, il n’y a pas de souci à avoir : l’ensemble du Gouvernement et toutes les collectivités territoriales de la République se mobiliseront pour les deux événements en même temps. On peut très bien à la fois organiser des élections régionales et réussir la Conférence sur les changements climatiques.
Concernant la question précise que vous soulevez, il suffira – si j’ose m’exprimer ainsi –, pour les présidents de région sortants, de résister à la tentation d’apposer leur photo et d’inscrire leur nom en très gros sur les documents, de mobiliser les citoyens sans mettre en valeur les élus régionaux personnellement. La règle est toute simple : dans l’année qui précède les élections, il faut être de moins en moins actif en termes de promotion des exécutifs sortants et privilégier la communication sur l’action menée par la collectivité en vue de la réussite de la COP.
L'article 12 est adopté.
(Suppression maintenue)
Chapitre V
(Division et intitulé supprimés)
(Supprimé)
L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au dernier alinéa du I de l’article 11 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, les mots : « 28 février » sont remplacés par les mots : « 1er mars ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
La loi du 27 janvier 2014 a prévu un calendrier ambitieux pour la rationalisation de la carte intercommunale en grande couronne parisienne, afin qu’elle soit concomitante avec la mise en œuvre de la métropole du Grand Paris, au 1er janvier 2016.
À l’été 2014, il est apparu que ce calendrier devait être desserré afin de donner plus de temps à la première phase d’élaboration du schéma régional de coopération intercommunale.
Ainsi, un amendement tendant à créer un article 13, adopté en commission en première lecture à l’Assemblée nationale, a allongé de trois à cinq mois la durée de consultation sur le projet de schéma et reporté la date d’adoption du schéma par le préfet du 28 février au 30 avril 2015.
Par la suite, ce calendrier a été de nouveau décalé au 31 mai, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, au prix d’un resserrement du calendrier des échéances suivantes, à savoir la consultation de la commission régionale de la coopération intercommunale sur les projets non prévus au schéma, la date butoir d’adoption des arrêtés de projet de périmètre, la consultation des conseillers municipaux et des EPCI, ainsi que de la chambre régionale de commerce et d’industrie, sur les arrêtés de projet, tout en maintenant une mise en œuvre effective du schéma au 1er janvier 2016.
Toutefois, le calendrier adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale semble désormais trop contraint concernant les dernières phases, qui devront se dérouler en 2015. Par ailleurs, le processus conduit par le préfet de la région d’Île-de-France a bien avancé.
C’est pourquoi le Gouvernement trouve préférable et plus sûr d’en revenir aujourd’hui au calendrier initialement prévu par la loi MAPTAM, qui semble désormais soutenable et permet d’arrêter le schéma régional de coopération intercommunale avant les élections départementales.
Dans cette perspective, étant donné l’état d’avancement de la procédure parlementaire sur ce projet de loi, seul un amendement du Sénat à l’article 13 permettrait à l’Assemblée nationale de revenir sur ce calendrier lors de la lecture définitive, qui doit avoir lieu après-demain.
Ce que l’on nous propose, c’est de faire un faux amendement de suppression. C’est clair !
J’ai été rapporteur du projet de loi de révision constitutionnelle de 2008 : ou bien le texte de la commission a un sens, ou bien il n’en a pas ! Cela voudrait dire que le texte de la commission ne sert à rien, puisque, de toute façon, selon l’interprétation de certains, les amendements devraient être votés en séance. C’est ce que l’on nous demande. Déjà, sous la présidence de Jean-Pierre Sueur, le même cas s’était produit, et le Sénat s’y était refusé.
Dans la mesure où nous avons supprimé l’article 13 en première et en deuxième lectures, tandis que l’Assemblée nationale l’a rétabli, cela revient à demander au Sénat de se déjuger.
On invoque, pour nous convaincre, je ne sais quel accord général. Très bien ! Embrassons-nous, Folleville ! §On voudrait réduire cette question à une lutte entre les administrateurs de l’Assemblée nationale et ceux du Sénat : non ! Il ne faut pas méconnaître la révision constitutionnelle de 2008.
Monsieur le secrétaire d’État, je comprends bien votre souhait d’arranger les choses. Mais, en définitive, on nous propose…
Ce n’est pas la peine de voter des révisions constitutionnelles si c’est pour employer de telles méthodes ! Qu’il soit adopté par le Sénat en commission ou en séance publique, un amendement de suppression n’en est pas moins effectif. Sinon, ne demandons plus aux commissions d’élaborer des textes. Avouez qu’il s’agit là d’un déni de la révision de 2008.
Ce matin encore, j’ai plaidé pour le consensus, mais c’était avant de prendre connaissance de l’amendement du Gouvernement. Deux autres solutions étaient possibles : que le Gouvernement dépose un amendement tendant à supprimer l’article 13, ou bien que l’Assemblée accepte le texte du Sénat sans cette disposition. Ce n’est pas interdit !
Nous avons dit et répété à nos collègues députés que nous ne voulions pas de cet article : nous l’avons supprimé en première et en deuxième lectures, et ils n’ont toujours pas compris. Voter cet amendement, ce serait renoncer, de fait, au pouvoir confié aux commissions d’établir leur propre texte.
L'amendement n'est pas adopté.
En conséquence, l’article 13 demeure supprimé.
Les autres dispositions du présent projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
La proposition du Sénat est de réunir la Champagne-Ardenne à la Lorraine. En vertu de l’article 3, les départements disposent d’un droit d’option : ainsi, l’Aisne, appartenant actuellement à la Picardie, pourra le cas échéant choisir de rejoindre le bassin marnais. Ce serait logique, puisque nombre de ses habitants fréquentent l’université et le centre hospitalier universitaire de Reims. Ces territoires appartiennent à un même bassin de vie et d’emploi. C’est là une avancée par rapport aux propositions initiales du Gouvernement.
Désormais, il importe de définir les compétences dévolues à ces nouvelles régions, formant une organisation territoriale très particulière. J’ajoute qu’il sera primordial de veiller à ce que chaque niveau de collectivités dispose des moyens nécessaires pour assumer au mieux ses responsabilités.
Ces réserves étant posées, je voterai le présent projet de loi.
Je tiens à réaffirmer la position de la grande majorité des Alsaciens.
Je veux dénoncer un déni de démocratie. En effet, 58 % des Alsaciens qui se sont exprimés lors du référendum de 2013 ont dit « oui » à l’Alsace unique. Certes, la mobilisation ne fut pas au rendez-vous, mais la configuration n’était pas la même qu’aujourd’hui. Au reste, un faible taux de participation ne peut suffire à disqualifier un scrutin.
Par ailleurs, 96 % des élus des conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et du conseil régional d’Alsace ont voté contre la grande fusion proposée.
Je tiens en outre à dénoncer, à la suite de notre collègue Jacques Mézard, le véritable gâchis d’une réforme territoriale pourtant nécessaire. Elle a été menée à la hâte et sans aucune concertation avec les collectivités territoriales concernées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes pour l’innovation, pour la simplification, pour une meilleure lisibilité de l’organisation territoriale et pour davantage d’économies, pourquoi vous obstinez-vous à refuser à une région la mise en œuvre d’une expérimentation intéressante et innovante ? Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir créer une méga-région dépourvue de toute cohérence géographique et historique, de toute vision économique, de tout projet d’avenir ?
Ce que les Alsaciens veulent, ce n’est ni l’autonomie ni un quelconque repli identitaire. Ils attendent simplement, de votre part, une véritable ouverture d’esprit, un tant soit peu de bon sens, pour que nous puissions expérimenter le conseil unique d’Alsace, dans une région Alsace unie et forte, pour un développement serein de notre pays, la France.
La majorité du groupe UDI-UC votera ce texte. Je ne peux manquer de saluer, en conclusion, l’excellent travail du rapporteur de la commission spéciale, François-Noël Buffet, et de son président, Jean-Jacques Hyest.
Au terme de ce processus législatif, je ne puis qu’exprimer la grande déception des membres du groupe écologiste. Les uns et les autres n’ont pas ménagé leurs efforts pour améliorer ce texte. En dépit des divergences, nous avions tous la volonté d’aboutir à un résultat plus cohérent.
Alors que nous nous apprêtons à passer au vote, je suis presque tenté de demander : à quand la prochaine loi relative à la délimitation des régions ?
En effet, nous sommes restés au milieu du gué…
À l’évidence, il s’agit d’une occasion manquée. L’avenir de l’action publique en France passe par la mise en place de territoires forts, tout le monde le reconnaît, mais l’État manifeste toujours une forme de peur des territoires. Cette contradiction, présente dès l’ouverture de ce chantier, n’a pu être dépassée. Aussi aboutissons-nous à un texte dont les incohérences sont flagrantes : les cas de l’Alsace et de la Bretagne le montrent à l’envi.
Cette situation va susciter de nouvelles anxiétés. On ne peut qu’avoir très peur en constatant que l’État ne contrôle pas ses propres processus législatifs, et nos concitoyens ne sont absolument pas dupes de la faiblesse du texte final.
Or, contrairement à d’autres, je n’ai jamais considéré que cette réforme n’était que de la poudre aux yeux et qu’il y avait des chantiers plus importants à ouvrir. Depuis longtemps déjà, pour ainsi dire depuis le découpage des circonscriptions d’action régionale, on sait que le périmètre des régions pose problème. Aussi étais-je très favorable à la proposition initiale de Manuel Valls, même si l’élaboration de la carte régionale aurait été plus sereine et plus approfondie si nous avions pu commencer par débattre des compétences.
Quoi qu’il en soit, nous avons raté l’occasion de bien mener cette réforme et, surtout, d’associer à la réflexion nos concitoyens, lesquels ont été encore moins consultés que les élus territoriaux. Il suffit pourtant de jeter un coup d’œil à la presse pour constater que ce débat intéresse l’opinion publique : il a suscité nombre de contributions. C’est un de ces sujets dont on discute à la fin des repas de famille.
C’était l’occasion de susciter un désir de politique. On aboutit malheureusement à une réforme technocratique, où les rapports de force politiques immédiats, y compris les calculs personnels, ont pris le dessus. On ne peut qu’en concevoir une extrême déception.
Parallèlement, le présent texte nous donnait l’occasion de renforcer la démocratie territoriale : dès lors que l’on crée des régions plus grandes, on peut redéfinir des contre-pouvoirs, des organes permettant d’animer le débat démocratique pour que les citoyens puissent s’approprier les nouveaux ensembles régionaux. Sur ce point, je ne jetterai pas la pierre qu’au seul Gouvernement, car je n’ai guère reçu de soutien dans cet hémicycle…
Nous avons émis nombre de propositions en ce sens, non sans accueillir favorablement des suggestions issues d’autres familles politiques : nous nous sommes heurtés à un mur, notamment au Sénat, et à une grande frilosité devant un renforcement de la démocratie territoriale. Cela témoigne, de la part des parlementaires et des grands élus territoriaux, d’une certaine peur du débat démocratique dans les territoires et de l’affirmation de contre-pouvoirs. Dans quelques dizaines d’années, ces difficultés auront été oubliées et nous aurons dépassé, je l’espère, le découpage régional que le Parlement va adopter.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse sur la place qui sera réservée aux grands élus régionaux lors de la préparation de la conférence Paris Climat 2015 m’inquiète : en somme, ils seront invités à s’écarter dès qu’une photo sera prise ; ce n’est pas acceptable !
En conclusion, les membres du groupe écologiste voteront contre ce projet de loi.
Pour ma part, je le redis, je suis absolument hostile à la création de grandes régions. Toutefois, je voterai le texte qui nous est soumis, pour une raison évidente : il maintient l’Alsace en tant que région à part entière.
Comme en deuxième lecture, le Sénat doit, aujourd’hui, adresser un message clair et fort à l’Assemblée nationale et au Gouvernement, en faveur de la diversité, du droit à l’expérimentation en matière d’aménagement du territoire, de l’efficacité.
L’Assemblée nationale doit comprendre que le Sénat, récemment renouvelé pour moitié, est le représentant des territoires et que ces derniers ont droit à la diversité et à l’expérimentation dans notre République.
J’appelle le Gouvernement à se soucier de l’efficacité de cette réforme. Les conseillers régionaux alsaciens qui seront désignés l’an prochain seront à tout le moins gênés par cette loi. Aujourd’hui, la totalité des parlementaires alsaciens, la très grande majorité des Alsaciens ne veulent pas de cette grande région. À n’en pas douter, les conseillers régionaux qui seront élus dans un an traîneront les pieds. J’ignore quand interviendra l’alternance politique, mais, le moment venu, ils n’auront de cesse de revenir sur ce texte.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ainsi du temps, alors que les problèmes du chômage, de la résorption des déficits méritent toute notre énergie. Il est regrettable que nous passions du temps à mettre en place une réforme institutionnelle que l’Alsace, je le répète, ne fait pas sienne, c’est le moins que l’on puisse dire.
Par souci d’efficacité, je vous en conjure, écoutez les Alsaciens ! Ils vous ont dit tout le mal qu’ils pensaient de cette grande région, non pas en raison d’une volonté de repli sur eux-mêmes, j’y insiste, mais parce qu’ils considèrent leur région comme un poste avancé sur le Rhin et qu’ils savent pouvoir apporter, dans cet espace, tout ce que la France est en droit d’attendre d’eux.
Au moment où vous allez porter ce message à l’Assemblée nationale, ayez une dernière fois à l’esprit cette revendication alsacienne. Nous avons besoin de votre appui pour faire comprendre au Gouvernement et à la majorité de l’Assemblée nationale que le sort qu’ils entendent réserver à l’Alsace n’est pas le bon. §
Si je devais caractériser le projet du Gouvernement de redécoupage de la carte régionale, je dirais qu’il n’est sous-tendu par aucune logique repérable, sinon de convenance, qu’il exprime une méconnaissance de la géographie et de l’histoire de la France, qui ne sont pas celles de l’Allemagne fédérale – dont, par ailleurs, les Länder sont de taille et de capacité économique très variables –, qu’il tend à définir le contenant avant le contenu, enfin qu’il n’établit pas que ce charcutage institutionnel produira des économies de gestion ou une dynamisation du développement économique.
Quand bien même cette réforme aurait les effets attendus, sa mise en œuvre se soldera par une paralysie des institutions régionales durant plusieurs années, dans la mesure où elles seront mobilisées par leur réorganisation au moment où elles devraient consacrer leurs forces à la lutte contre la crise.
Le Sénat a fait ce qu’il pouvait pour éliminer les aspects les plus pénalisants de ce projet, s’agissant notamment du sort réservé aux départements les plus petits. Cela mérite d’être souligné.
C’est donc mû par un triste réalisme, et la mort dans l’âme, que je soutiendrai le texte issu des travaux de notre assemblée.
J’ai entendu quelques paroles assez dures sur ce projet de loi. Pourtant, au terme de longs débats, tant dans l’hémicycle qu’en commission, nous sommes parvenus à un consensus sur quelques grandes idées : il faut des régions plus fortes, moins nombreuses et jouissant d’une véritable compétence économique, conformément d’ailleurs aux préconisations du rapport Raffarin-Krattinger.
Le débat, c’est vrai, avait mal commencé, en juillet dernier. Certains avaient la volonté de l’empêcher, mais, finalement, le Sénat a pu pleinement jouer son rôle et faire valoir son expertise sur un texte concernant directement les collectivités ; je m’en félicite.
Le projet de loi initial a été largement amélioré. Je tiens à saluer la capacité d’écoute et la recherche permanente du consensus ou du compromis manifestées par le président et le rapporteur de la commission spéciale. Je remercie André Vallini, Bernard Cazeneuve et Marylise Lebranchu, qui se sont succédé au banc du Gouvernement, d’avoir toujours été attentifs aux propositions et aux observations du Sénat.
Cela nous a permis d’élaborer un texte qui est désormais, à mon sens, quasiment abouti, avec la constitution de grandes régions, un calendrier électoral revu et la prise en compte de la demande des plus petits départements de bénéficier d’une meilleure représentation, encore renforcée tout à l'heure par un vote de cette assemblée qui devrait satisfaire notre collègue Alain Bertrand et la Lozère. Nous avons également avancé sur le droit d’option.
Sur ces quelques points, il faudra sûrement convaincre encore l’Assemblée nationale, dans quelques jours. Pour l’essentiel, cela étant, ce texte fait l’objet d’un large consensus.
Le groupe socialiste s’abstiendra, en raison d’une réserve, que j’ai exprimée tout à l'heure, sur le découpage et le nombre des régions. Il faut pourtant la relativiser, car nous ne divergeons après tout que sur deux régions : la région Grand-Est et la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Nous nous accordons sur 85 % de la carte.
Nous continuons à soutenir qu’il faut des régions suffisamment grandes, qui puissent être des moteurs sur le plan économique. Nous voulons cette cohérence. C’est pourquoi, même si nous sommes tout à fait conscients des avancées qui ont été obtenues au Sénat pour progresser vers le texte le plus consensuel possible, la carte ne nous satisfait pas encore entièrement. Nous nous abstiendrons donc, comme en deuxième lecture. Il ne s’agit bien entendu pas d’un vote de défiance à l’encontre du Gouvernement. Nous espérons que l’Assemblée nationale reviendra à une carte à treize régions, plus conforme à nos souhaits.
Le groupe RDSE votera unanimement le texte de la commission. Ce n’est pas qu’il nous enthousiasme, même si nous saluons, encore une fois, les efforts du président Hyest et du rapporteur Buffet pour faire évoluer aussi positivement que possible un projet de loi dont nous connaissons tous les vices initiaux.
Mon cher collègue Kaltenbach, j’ai trouvé votre intervention surréaliste ; vous nous avez emmenés hors du domaine du réel… Ce texte fait donc, selon vous, l’objet d’un large consensus : nous sommes tous d’accord sur tout, c’est le bonheur général, et vous concluez en annonçant votre abstention. Certes, chacun est libre de prendre les positions qu’il souhaite, mais la vôtre me semble relever davantage de l’humour que du législatif !
En réalité, ce qui s’est exprimé depuis le début de l’après-midi, c’est une très forte défiance à l’égard de ce projet de loi. Le Sénat a voulu montrer qu’il était prêt à faire œuvre constructive en passant outre la méfiance, sinon le mépris, du Gouvernement. Quel message a-t-il reçu en réponse ? Un veto, sur pratiquement tous les points : sur la carte, sur le droit d’option ; sur la représentation des petits départements, un effort relatif a été consenti, mais la situation reste parfaitement inacceptable, en particulier pour l’un de ces départements.
Nous savons en outre, les uns et les autres, que les conséquences de ce découpage à la hache sur un coin de table seront catastrophiques pour nombre de territoires. En découpant ainsi les régions, sans aucune cohérence, on ne peut pas obtenir de bons résultats. J’entendais un de nos excellents collègues annoncer que nous y reviendrions après l’alternance : c’est bien ce qui va se produire ! À force de laisser quelques technocrates imposer des textes sans aucune concertation ni véritable réflexion, notre pays est condamné, à chaque alternance, à tout reprendre de zéro !
C’est catastrophique pour l’image de notre travail auprès de nos concitoyens, et c’est extrêmement dangereux.
Le Président de la République, pour des raisons que j’ignore, a voulu passer en force, dans des conditions tout à fait regrettables : il en voit aujourd’hui les conséquences, non seulement au Parlement, mais aussi dans l’opinion. Pour avoir voté pour lui, je suis l’un des premiers à déplorer cet état de fait.
Comme l’a dit M. Raffarin, on veut des régions toujours plus grandes, des métropoles, des capitales régionales, et l’on marginalise les petits départements, la ruralité. On continue à créer des métropoles, à tout concentrer, en pensant certainement que les importantes difficultés que rencontre notre pays, notamment en matière de chômage, de détresse sociale ou d’éducation, s’en trouveront réglées comme d’un coup de baguette magique. Pour ma part, je suis convaincu que c’est toute la République qui doit s’atteler à ces questions.
En tant que frêchiste, j’ai une pensée émue pour Christian Bourquin et Georges Frêche. Je salue aussi l’action de Damien Alary, actuel président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, qui se bat pour maintenir la région. J’ai bien entendu MM. Vallini, Cazeneuve et Valls. Je suis certes favorable à ce que l’on rendre les régions plus efficaces et performantes, en matière économique, de recherche, d’infrastructures, d’emploi, d’exportation. Cependant, il faut aussi tenir compte des réalités !
La situation de la région Alsace a été décrite abondamment et précisément par notre collègue André Reichardt. Il en va de même pour le Languedoc-Roussillon : avec ce texte, vous allez casser une organisation territoriale qui marche, enrayer la dynamique montpelliéraine, même si M. Saurel, excellent maire récemment élu, pense le contraire ! La cohérence méditerranéenne autour de l’axe Perpignan-Montpellier-Nîmes sera perdue : la région s’étendra jusqu’aux confins des Hautes-Pyrénées.
Permettez-moi de le rappeler, la région Languedoc-Roussillon, c’est 3 millions d’habitants, 70 milliards d’euros de PIB, une façade méditerranéenne ouverte sur le Maghreb et l’Afrique. Nos ports sont aujourd'hui en perte de vitesse et concurrencés par des ports italiens, voire maghrébins. S’il était parmi nous, Georges Frêche ne serait pas content de voir remise en cause une région qui est pourtant de taille européenne.
Je veux dire à MM. Vallini, Cazeneuve et Valls que ce qui importe dans leur réforme, ce n’est pas de ramener le nombre des régions à treize, à quatorze ou à quinze ; ce qui importe, c’est de trouver des masses critiques intéressantes. Oui, il faut diminuer le nombre des régions, car certaines d’entre elles, qui comptaient 700 000 ou 800 000 habitants, ne pouvaient pas être fonctionnelles, mais le Gouvernement se serait honoré en retenant les propositions qui lui ont été faites sur la base d’une carte à quinze régions. Cela aurait permis de dégager au Sénat une large majorité en faveur du texte, et cela aurait été une meilleure façon de procéder.
M. Jacques Mézard applaudit.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°76 :
Le Sénat a adopté. §
M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Observatoire national des zones sensibles, ainsi que d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national des villes.
Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 décembre 2014 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
Le texte des questions figure en annexe
À quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
2. Discussion générale du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Jean Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 174, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;
Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (n° 140, 2014-2015) ;
Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 150, 2014-2015) ;
Avis de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 154, 2014-2015) ;
Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 157, 2014-2015) ;
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 184, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures vingt.