Intervention de André Reichardt

Réunion du 15 décembre 2014 à 14h30
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture dans le texte de la commission modifié

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Or c’est au moment où s’achève le débat sur la carte des régions que le débat sur les moyens, les compétences, les pouvoirs des régions commence à peine.

À la vérité, la décentralisation n’est pas assez aboutie dans notre pays. Le problème ne vient pas de la taille des régions, mais uniquement du manque absolu de confiance entre l’État central et les pouvoirs locaux – une situation qui ne date pas d’aujourd’hui. Songez que, en Europe, le budget régional s’élève à 2 500 euros par habitant en moyenne, tandis que nous peinons, en France, à atteindre les 400 euros.

Strasbourg a eu un grand député. Il s’appelait Benjamin Constant, qui a écrit ceci : « La variété, c’est la vie ; l’uniformité, c’est la mort ».

Cette réforme aurait pu relever un défi : comment inventer une organisation du pays à la hauteur des enjeux de ce siècle ? Comment organiser chacun de nos territoires d’une façon optimale ? Comment lui permettre de se développer, de rayonner, d’attirer des capitaux et des investisseurs internationaux, pour renforcer l’ensemble français ? Voilà quels étaient les enjeux !

En lieu et place, on nous sert – pardonnez-moi de le dire ainsi, mais c’est la passion qui m’anime – un tripatouillage cartographique qui est à la grande politique ce que le Canada dry est à l’alcool !

Monsieur le secrétaire d’État, on aura tout de même entendu un Premier ministre de la République accuser les Alsaciens d’être repliés sur eux-mêmes et sur leur identité. Heureusement que nous avons un grand sens de l’humour, sans quoi nous l’aurions pris au sérieux, et nous nous serions fâchés… L’Alsace est l’une des toutes premières régions exportatrices de France, l’une des régions où les investisseurs étrangers s’implantent le plus. Quant à l’université de Strasbourg, la première du pays à avoir pris son autonomie, elle est parmi les premières pour l’accueil des étudiants étrangers.

Les Alsaciens aiment l’Alsace ; ils l’aiment ouverte, rayonnante, accueillante. Notre identité, notre culture, notre langue, nous les aimons, parce qu’elles nous permettent d’être suffisamment solides pour accueillir les autres. Qu’on ne vienne donc pas nous donner des leçons d’ouverture !

Malheureusement, le Gouvernement est resté sourd à tous nos arguments, ici comme à l’Assemblée nationale. Les députés ont pris de haut notre projet et le vote de la Haute Assemblée, pourtant tout juste renouvelée de moitié. Pis, l’exécutif a souscrit auprès des élus locaux des engagements que sa majorité, à l’Assemblée nationale, s’est empressée de démolir. On aura rarement vu, dans l’histoire de la République, une majorité aussi convaincue que la démocratie consiste à s’écouter parler et à se convaincre soi-même qu’on a raison !

Monsieur le président, mes chers collègues, nous allons une nouvelle fois rejeter, dans quelques instants, le texte du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, qui noie l’Alsace dans une grande région dont une immense majorité de la population alsacienne ne veut pas. Puis, à l’Assemblée nationale, la majorité socialiste fera à nouveau comme si le Sénat n’avait pas voté.

Dès lors, en Alsace, nous attendrons – je le dis calmement – qu’une nouvelle majorité vienne à son tour, puisque les majorités sont, par nature, appelées à passer. L’Alsace, elle, n’entend pas passer ; elle demeurera, fidèle à elle-même au long du temps : attractive, rayonnante et accueillante, cultivant d’autant plus son identité et son histoire qu’elle n’hésite jamais à s’ouvrir à l’Europe et au monde. Oui, l’Alsace restera, parce qu’elle en a vu d’autres et que l’histoire l’a dotée d’une vertu essentielle en politique : la patience !

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