Réclamer à la tribune la Bretagne historique est facile – je peux le faire aussi –, mais nous savions tous que cette formule ne réglerait pas le problème, de même que nous savions tous qu’aucun consensus n’existait au sujet d’une région limitée à la Bretagne historique, notamment en Loire-Atlantique et parmi les élus nantais, dont l’avis comptait.
Dans ces conditions, il fallait trouver une autre solution, soit que l’État prenne ses responsabilités, comme il l’a fait ailleurs, en construisant deux régions claires – une région Val-de-Loire et une région Bretagne-Armorique – soit qu’il remette le problème en débat dans les territoires, à l’échelle des départements. Le Gouvernement n’a fait ni l’un ni l’autre.
Il est vrai aussi que les élus ont préféré la posture, parce que la plupart des élus socialistes de l’Ouest voulaient le statu quo pour des calculs politiques de court terme ; hélas, ils l’ont obtenu.
Je continue de penser que le projet que j’ai défendu, avec plusieurs autres parlementaires écologistes et socialistes, était une meilleure réponse à la complexité de la situation que le slogan de la réunification de la Bretagne. Il s’agissait de faire une région unique Bretagne-Pays de la Loire avec en son sein une entité politique bretonne formée à partir des cinq départements actuels, puisque des fusions de départements sont envisagées ailleurs.
Nous en sommes loin, mais je pense que nous y reviendrons !
En définitive, la discussion de ce projet de loi aura témoigné de l’incapacité de notre pays à organiser le débat public sur le territoire, à forger des compromis et à susciter des dynamiques de consensus.
Une réforme territoriale ne peut être menée qu’avec et pour les citoyens et les acteurs des territoires. Or les mécanismes de participation citoyenne que nous avons proposés ont été systématiquement rejetés : la loi qui sera adoptée ne fera pas avancer d’un pouce la démocratie participative locale ! C’est regrettable, parce que cette démocratie pourrait être complémentaire de la démocratie représentative, et faire renaître le désir du débat public, de l’investissement politique et, tout simplement, du vote – car l’abstention progresse aussi aux élections territoriales.
Il y avait place pour la consultation et l’initiative citoyennes dans les processus de redéfinition des limites territoriales ; à cet égard aussi, une occasion a été manquée.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, et parce que j’arrive de Lima, j’attire votre attention sur la conférence des parties à la convention de l’ONU sur le changement climatique, qui se tiendra en décembre 2015 au Bourget. Enjeu majeur pour l’avenir de l’humanité et temps fort pour le rôle de la France sur la scène internationale, ce sommet doit être au premier plan des débats qui animeront notre pays en décembre prochain, parce que la mobilisation des territoires et celle des citoyens sont des leviers indispensables pour enrayer le dérèglement climatique en cours.
Or nous craignons que la parfaite concomitance de ce sommet et des élections régionales ne brouille les débats. Il convient d’autant plus de réfléchir à ce problème, qui est aujourd’hui sur la place publique, que les régions joueront désormais le rôle déterminant de chef de file pour l’énergie et le climat, et qu’elles seront bientôt chargées d’élaborer les schémas prescriptifs d’aménagement durable du territoire, qui incluront les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.
Organiser les deux événements en même temps n’a donc pas grand sens. Il faudrait que, au lendemain de la conférence sur le climat, les acteurs régionaux puissent se saisir du cadre défini à Paris pour agir dans les territoires. Au lieu de quoi, on s’apprête à faire les choses dans le mauvais ordre – une fois de plus, mais c’est presque une tradition !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais interrogé sur ce sujet lors de la deuxième lecture et je dois admettre que votre réponse m’avait laissé un peu sur ma faim. Je continue de penser qu’il serait plus logique de repousser les élections régionales au début de 2016.
En définitive, j’ai le sentiment que la réforme des délimitations des régions, qui aurait pu emporter l’adhésion des citoyens, parce qu’il existe une demande forte de rénovation de la vie publique – en témoignent les débats vigoureux, les manifestations et les diverses expressions dans nombre de territoires –, va continuer d’alimenter la suspicion et de susciter l’anxiété au sujet de la capacité de l’État à mener des réformes cohérentes. Dire que l’objectif affiché était tout l’inverse !
Tout ce que je viens de dire pourrait malheureusement se résumer en deux mots : déficit démocratique. Les écologistes ont avancé de multiples propositions pour renforcer la démocratie locale. Nous en avons débattu sans succès dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, mais nous les représenterons lors de la discussion du projet de loi NOTRe.