Intervention de André Gattolin

Réunion du 18 décembre 2014 à 9h30
Convention fiscale avec andorre — Discussion en procédure accélérée et rejet d'un projet de loi

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Les relations avec la principauté andorrane n’ont, heureusement, jamais atteint ce paroxysme, car la France a fait preuve de bonne volonté. La présente convention en constitue encore un témoignage.

Ce texte a pour but de simplifier nos relations fiscales avec la Principauté d’Andorre, exercice délicat tant cette dernière comporte des facettes multiples et complexes.

D’un point de vue géopolitique, Andorre est un micro-État inséré dans le vaste ensemble constitué par l’Union européenne, tout comme les principautés de Monaco ou du Liechtenstein. Mais, à la différence de celles-ci, la Principauté andorrane est la seule frontière intérieure au sein de l’espace Schengen. Assez étonnamment, Andorre est membre de la zone euro sans être membre de l’Union européenne.

En termes économiques et culturels, ce micro-État est plus dépendant de l’Espagne – je devrais d’ailleurs dire de la Catalogne espagnole – que de la France. La langue officielle et la langue d’usage d’une très large majorité de la population andorrane sont d’ailleurs le catalan. Pour s’en convaincre – et pour s’amuser un peu en cette période de fêtes –, je vous conseille la lecture de la version française du site andorran Legalis fiscal, qui fait plus ou moins figure de site officiel des débats et décisions entourant la législation andorrane. Je n’ai malheureusement pas le temps de vous citer ici quelques morceaux choisis, mais vous y découvrirez tous les ravages commis sur la langue française par l’usage abusif de certains services internet gratuits de traduction automatique ! Comprendre les conventions signées avec la France, au filtre de ces traductions, se révèle formidable !

Pourtant, les liens institutionnels avec la France sont majeurs, puisque le Président de la République française, comme cela a été rappelé, est coprince de la principauté, poste qu’il partage avec l’évêque d’Urgell.

Fiscalement, la Principauté a su également cultiver sa complexité en même temps que sa singularité : jusqu’à peu, elle ne levait pas d’impôt sur les revenus ou sur les sociétés, mais elle refusait d’être considérée comme un paradis fiscal.

La crise de 2008 l’a obligée à sortir de cette ambiguïté dont elle tirait profit et l’a poussée à prendre des mesures afin de ne plus être inscrite sur la « liste grise » des paradis fiscaux établie par l’OCDE. La convention qui est soumise à notre approbation aujourd’hui fait partie de cet ensemble de dispositions prises par la principauté afin de parvenir à sortir son nom de cette fameuse liste grise.

En 2009, la Principauté s’est lancée dans une course à la signature d’accords d’échanges de renseignements fiscaux. Seize accords ont alors été signés avec divers pays. Permettez-moi de vous en citer quelques-uns : le Liechtenstein, Monaco, la République de San Marin ou encore le Groenland qui, soit dit au passage, n’est pas vraiment un État indépendant. Certains de ces États qui ont conclu une convention avec Andorre sont eux-mêmes dénoncés par l’OCDE pour leurs pratiques fiscales que je qualifierai – excusez l’anglicisme, mais il me semble tout à fait approprié – de borderline.

Cela peut nous laisser perplexes sur la nature réelle de ces actes, qui s’apparentent davantage, à mon sens, à la constitution d’une micro-internationale d’entraide mutuelle pour échapper à la vindicte légitime des autres nations qu’à une réelle démarche visant à adopter des normes fiscales internationales, pourtant déjà très, trop tolérantes.

L’accord qui nous est soumis aujourd’hui remplit tous les critères de contrôle et d’échanges d’informations demandés par l’OCDE, et certains ici pourront toujours dire que c’est mieux que rien ; mais cet accord est-il vraiment satisfaisant ?

À titre personnel, j’émettrai deux grandes critiques.

L’une est globale et porte sur l’absence de réelle politique européenne relative aux relations que les États de l’Union européenne doivent avoir avec les micro-États présents à l’intérieur ou aux bordures de notre continent. En effet, une approche européenne serait, me semble-t-il, plus appropriée pour traiter des questions de transparence, d’échange d’informations dans les domaines de la fiscalité et de la lutte contre la criminalité, y compris la fraude fiscale, l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent.

Mon autre critique porte sur l’impact de ce type de convention sur l’économie andorrane.

On peut concevoir que cet accord puisse favoriser le développement du commerce dit « des boîtes aux lettres fiscales ». Les entreprises ou les particuliers en recherche perpétuelle d’optimisation fiscale peuvent très bien concevoir que la Principauté d’Andorre est un pays sûr en matière de délocalisation de leur base fiscale. Avoir une adresse postale et fiscale à Andorre peut désormais rapporter autant qu’une délocalisation d’un site industriel dans un pays à bas coût de main-d’œuvre.

Cet effet induit a-t-il été pris en compte par les négociateurs de cette convention ? A priori non, étant donné qu’il n’y est fait nulle part mention.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les écologistes sont vraiment dubitatifs sur la portée réelle de ce texte, autant qu’ils le sont quant à la montagne de semaines de négociation passées avec ce terrible État pour accoucher d’une telle souris. §

C’est donc uniquement par bienveillance, en cette veille de trêve des confiseurs, que notre groupe a choisi aujourd’hui de s’abstenir.

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