Intervention de Jean-Léonce Dupont

Réunion du 16 décembre 2014 à 21h45
Nouvelle organisation territoriale de la république — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Léonce DupontJean-Léonce Dupont :

Mais le 4 décembre dernier, devant la commission des lois, vous avez dit, madame la ministre : « nous avons un mandat devant nous pour nous poser ensemble la question du devenir des départements. »

Pourquoi persistez-vous alors à nous présenter un texte non remanié ? Pourquoi priver les assemblées départementales des compétences qui leur permettent d’exprimer ces solidarités territoriales et sociales que vous avez aussi pris soin de célébrer ?

La question du devenir des départements se pose au regard du principe, lui aussi constitutionnel, de subsidiarité : à quel niveau peut-on le mieux gérer, demain, les compétences en matière de collèges, de transports scolaires ou de routes départementales ? Tant que cette question n’est pas résolue, pourquoi toucher à la mise en œuvre des compétences, qu’il s’agisse d’un transfert vers les régions ou vers les métropoles ? Cela relève du bon sens !

Le renforcement des compétences économiques des régions peut être approuvé, même si le périmètre peut se discuter, par exemple le chef de filat en matière de tourisme. Mais la logique implique que les régions, pour être efficientes dans cette mission capitale pour l’emploi, ne soient pas lestées de compétences dont ceux qui les gèrent – nous sommes nombreux dans cet hémicycle – savent bien qu’elles imposent la proximité du quotidien.

Enfin, renoncer à ces transferts se justifie par le fait que le mandat à venir sera caractérisé par l’organisation de nombre de régions dans un nouveau périmètre. Une tâche lourde et complexe.

On déplore le même manque de bon sens du Gouvernement pour ce qui est des intercommunalités. À peine les nouveaux conseils communautaires installés, il faudrait rebattre les cartes et construire des communautés de communes à 20 000 habitants, au nom, toujours, de la régionalisation. Découper pour créer l’illusion du changement, c’est une sorte de manie un peu primaire de ce pouvoir : les cantons, les régions, les intercommunalités, les circonscriptions législatives peut-être aussi demain… Mais le découpage, entre vos mains, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, est trop souvent dévastateur pour nos territoires !

Imaginer des dérogations multiples pour les secteurs à faible densité n’est pas une réponse palliative acceptable. Attendons que la question de l’avenir de l’échelon départemental soit effectivement résolue pour définir, si cela s’imposait vraiment – ce n’est pas certain – un seuil relevé, qui, en milieu rural, créerait de l’éloignement, toujours facteur d’exclusion et d’atonie. Laissons les territoires et leurs représentants respirer. Ils savent évoluer plus que vous ne semblez le croire et l’attention réelle qu’ils portent aujourd’hui aux communes nouvelles en est un signe.

Travaillons en revanche sur le tissu syndical. Le texte le prévoit, j’y souscris dans le principe et je crois même que le département peut jouer un rôle majeur dans une réduction intelligente du nombre de syndicats.

Voilà plus de deux siècles, un philosophe et homme politique irlandais, Edmund Burke, énonçait : « Les lois, comme les maisons, s’appuient les unes sur les autres. »

Comment ne pas avoir ces mots en tête aujourd’hui ? Comment ne pas s’interroger sur la solidité – c’est bien cela qui est en question – d’une construction législative censée permettre à nos collectivités de résister face à ce qui est bien plus qu’une tempête économique et financière et de réaliser des économies que les auteurs du présent texte peinent eux-mêmes à chiffrer aujourd’hui ? Le doute est là, lancinant.

La commission des lois, dans sa grande sagesse, a déposé sur le texte du Gouvernement des amendements qui visent à rendre de la cohérence et de la logique à une réforme qui en manque gravement. Puissent le Gouvernement et sa majorité y souscrire. Puisse le Sénat enfin être entendu ! §

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