Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 16 décembre 2014 à 21h45
Nouvelle organisation territoriale de la république — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Puis, en ces derniers jours d’une année pour le moins fertile en rebondissements, les départements retrouveraient, si j’en crois les déclarations du Premier ministre devant le Sénat, un certain lustre, en particulier en matière de protection des populations les plus fragiles et de soutien aux communes.

Loin de moi l’idée de faire un procès d’intention : tout le monde peut changer d’avis... Mais on aurait pu demander leur sentiment aux élus territoriaux. Ceux-ci ne sont nullement des mineurs placés sous tutelle pour gérer les affaires locales, comme certains le croient, mais bien les acteurs d’une gestion qui représente tout de même 70 % de l’investissement public en France !

J’ai toujours défendu, pour ma part, le maintien de cet échelon départemental que vient de redécouper le Gouvernement.

Le département est en effet considéré, au même titre que les communes et les communautés de communes, comme l’incontournable garant du développement territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur son territoire. Plus de neuf élus sur dix sont foncièrement favorables à son maintien !

Cette conviction n’est pas fondée sur une nostalgie passéiste, mais bien sur la constatation que le département est indispensable au maintien de la cohésion sociale, de l’aide aux communes et de l’exercice harmonieux d’une véritable administration de proximité – à condition que l’État ne l’abandonne pas ! –, et ce surtout en milieu rural, soit une grande partie du territoire de la Nation. Je signale, à cet égard, que la Corrèze, dont je suis l’élu, va se retrouver intégrée dans la très grande région d’Aquitaine, à plusieurs heures de route de la capitale régionale !

L’hyper-ruralité, soit 30 % du territoire national, est, hélas ! la grande absente de ce texte. Je le regrette. Je constate en effet, comme d’autres collègues, qu’il n’y a jamais eu de politique spécifique du monde rural, contrairement à ce qui existe pour la ville.

Je souhaite donc qu’un volet spécifique en faveur de l’hyper-ruralité soit introduit dans ce projet de loi et que soit établi, s’il le faut, un pacte national garanti par l’État. Cela pourrait passer par le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, élaboré par la région, mais avec l’implication forte de l’État.

Cela pourrait passer, aussi, par l’établissement d’un guichet unique au niveau des préfectures ou des sous-préfectures, selon les cas, sur ces territoires concernés. Ce guichet serait chargé de l’accueil, de l’information, de l’expertise, de la recherche de financements et de la mise en œuvre des projets élaborés par les acteurs du développement local : communes, communautés de communes et même opérateurs privés. Seul l’État, en effet, est en mesure de jouer ce rôle.

Si une conférence territoriale, présidée par M. le préfet, doit être prévue dans chaque département, il est impératif que l’État ait le poids suffisant pour faire en sorte que la région n’oublie pas les territoires ruraux, notamment en lui permettant de réduire la fracture numérique et en apportant une aide économique efficace et adaptée.

Changer l’espace politique français sans tenir compte de l’impérieux besoin d’aménagement du territoire et du développement social et économique ne revient-il pas à mettre la charrue devant les bœufs, comme dit l’adage populaire ? « Un habit mal coupé se corrige difficilement à l’habillage », a récemment écrit Bruno Rémond, professeur à Sciences Po, parlant de cette réforme.

Chacun le sait sur ces travées, nous sommes tous confrontés depuis quelques années non seulement à l’effet de ciseaux - des dépenses qui augmentent, des recettes qui baissent -, mais aussi au coût croissant des normes et des nouvelles charges pesant sur les collectivités, ainsi qu’à la réduction drastique – 25 milliards d’euros en quatre ans, soit la moitié du pacte de responsabilité ! – des enveloppes annuelles des concours de l’État aux collectivités.

L’État doit se ressaisir pour permettre l’aménagement du territoire, de tous les territoires. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les départements continuent d’exister, qu’ils soient soutenus par l’État pour pouvoir jouer leur rôle et exister au-delà de 2020, que leur soient toujours confiées les questions sociales d’aide aux communes, les missions de service public et au public, notamment les SDIS, ces services d’incendie et de secours garants de la sécurité des personnes dans les territoires très ruraux, ou la gestion des routes départementales. Le plateau de Millevaches, qui jouxte la « petite Montagne limousine », est tout de même beaucoup mieux géré par Tulle que par Bordeaux !

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