Intervention de Philippe Bas

Réunion du 19 janvier 2015 à 21h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Article 14

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, pré :

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat ne s’engagera pas avec vous dans une sorte de discussion de marchands de tapis. Vous avez bien compris que, pour nous, le problème réside, non pas dans la quotité du seuil, mais dans le principe même consistant à jouer sur ce dernier pour enclencher un nouveau processus de regroupement des intercommunalités existantes. Notre débat est politique ; il n’est pas arithmétique !

Nous comprenons tous vos objectifs. Vous les avez rappelés en citant le rapport de notre collègue Alain Bertrand. Il est vrai que, dans l’absolu, il faut atteindre une certaine dimension pour disposer d’une masse fiscale suffisante, permettant de mettre en œuvre des services à la population, ainsi que d’une administration suffisamment étoffée, avec, à sa tête, une direction faisant le poids. Nous le comprenons bien. Dans nos départements, nous avons nous-mêmes animé le processus de regroupement des intercommunalités ou nous y avons participé.

Néanmoins, à côté de cet objectif, tout à fait estimable, que vous cherchez à atteindre, d’autres éléments sont dignes d’être pris en compte. D’ailleurs, je le constate, vous-mêmes avez compris, depuis l’adoption de ce projet de loi par le conseil des ministres le 18 juin dernier, que le caractère contraignant du dispositif que vous aviez envisagé était excessif, puisque vous nous proposez aujourd'hui des correctifs.

Je salue cet effort que vous faites dans notre direction, mais vous restez en quelque sorte prisonnier de votre raisonnement initial, selon lequel il faudrait relancer le processus de regroupement des intercommunalités à partir d’un seuil de population plus élevé. C’est cela que nous contestons, sur de nombreuses travées.

L’effort que vous réalisez vise à ne pas déstabiliser les groupements de communes récemment constitués ; la plupart d’entre eux se sont constitués cette année, en réaction à la nouvelle direction prise après les élections municipales d’avril dernier. Donner dès 2015 un coup de boutoir latéral à ces groupements de communes en adoptant une nouvelle carte départementale de l’intercommunalité serait de nature à perturber profondément leur fonctionnement et à leur faire renoncer aux projets qu’ils pourraient être en train de concevoir sur la lancée de leur constitution. Vous avez raison de vouloir éviter cet impact négatif.

Par ailleurs, dans le monde rural, il faut être très attentif à ne pas forcer la constitution d’intercommunalités réunissant des territoires si vastes que le sentiment d’appartenance à une communauté ne pourrait pas s’y développer, ou en tout cas pas avant longtemps, faute d’homogénéité et de cohésion. Bien sûr, dans l’absolu, il est bon que les intercommunalités soient suffisamment peuplées, mais, si le résultat est la constitution de groupements sans cohérence ni cohésion, le bénéfice est plus que compensé par les inconvénients.

Je voudrais aussi vous signaler que, dans nos départements – plusieurs de nos collègues l’ont souligné –, nous avons tout de même réussi à constituer des intercommunalités rurales de 35 000, 45 000 ou 55 000 habitants. Bien souvent, nous les avons constituées à partir d’intercommunalités anciennes qui dépassaient le seuil de 5 000 habitants et n’étaient donc nullement tenues de se regrouper dans de plus grandes intercommunalités. Elles l’ont fait parce qu’elles ont estimé que c’était possible sur leur territoire. Elles n’ont pas eu besoin d’être forcées. Elles ne se sont pas regroupées à reculons.

Si, à côté de ces regroupements d’intercommunalités constitués sur une base très volontaire par les élus, d’autres intercommunalités ont préféré en rester à 5 000, 6 000 ou 8 000 habitants, elles l’ont fait elles aussi pour des raisons qu’elles estimaient valables. Pourquoi voudriez-vous que des raisons qui leur paraissaient fondées il y a de cela deux ans aient disparu comme par enchantement aujourd'hui ? Vouloir forcer le passage, c’est avoir l’assurance de créer des difficultés plutôt que d’atteindre les objectifs que vous vous êtes assignés.

Or l’impact de votre critère de densité, qui m’a séduit au premier abord, est en réalité – vous avez eu la loyauté de nous faire connaître votre tableau – très faible ; cela aussi a été souligné par plusieurs de nos collègues.

Puisque la France compte cent départements, prenons par exemple, et au hasard, le cinquantième ; il s’agit de la Manche.

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