Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 22 janvier 2015 à 9h30
Simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

J’avais, en première et unique lecture, exposé mon point de vue sur l’article 3, qui est le point central de ce projet de loi. C’est aussi le point essentiel de divergence avec l’Assemblée nationale et avec Mme le garde des sceaux, donc le Gouvernement, que vous représentez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État. Je ne vous cache pas que mon opinion n’a pas évolué sur ce point. Je ne me résous toujours pas à ce que le droit des contrats et des obligations soit réformé par ordonnance. Je ne reprendrai pas l’excellente démonstration de M. le rapporteur, mais je tiens à redire que j’y vois en plus un risque réel d’inconstitutionnalité.

Vous avez cité la réforme de la filiation de 2005, mais ce n’est pas tout à fait la même chose puisque des décisions qui fixaient les grandes règles avaient déjà été prises par le Parlement. L’adaptation visait uniquement à rendre conformes l’ensemble des textes au fait qu’était supprimée la notion d’enfant naturel et d’enfant adultérin ; les principes avaient été délibérés au Parlement, et seule l’adaptation avait été faite par ordonnance, la modification adoptée ayant des conséquences dans de nombreux de textes.

L’argument avancé à l’époque par Mme le garde des sceaux pour justifier les ordonnances, et également retenu par le rapporteur de l’Assemblée nationale, était de dire que le Parlement n’avait pas le temps de réformer le droit des contrats ; mais cela ne tient pas ! On peut d’ailleurs prouver que bon nombre de réformes de droit civil ont été menées au travers du débat parlementaire.

Le rapporteur de la commission des lois, notre collègue M. Thani Mohamed Soilihi, dans son excellent rapport, souligne le fait que les avant-projets d’ordonnance transmis ne seraient pas exempts d’imperfections – je les ai moi-même lus, ce sont plus à mon avis des monstruosités que des imperfections – ou de choix qui mériteraient une discussion plus nourrie et plus publique que celle qu’autorise la procédure de l’ordonnance. Sinon, il s’agit uniquement d’une discussion entre spécialistes. Sont effectivement consultées toutes les professions juridiques. Certaines d’entre elles ainsi que certains universitaires nous ont d'ailleurs fait savoir qu’ils n’étaient pas du tout d’accord avec cette option. Les ordonnances vont évoluer, je l’espère, parce qu’elles sont très imparfaites.

Le rapporteur met en évidence les conséquences directes de ce choix des ordonnances, qui supprime de fait la procédure du « retrait litigieux », lequel pose la consécration de la théorie de l’imprévision, de la rupture unilatérale du contrat ou de l’introduction de clauses abusives en droit civil. Ce ne sont pas de petites questions, monsieur le secrétaire d'État, et vous qui êtes un vrai juriste le savez bien.

Le second point de divergence entre nos deux assemblées porte sur la question du statut juridique de l’animal.

La disposition introduite est bien sympathique, mais il existe une notion simple dont il faut tenir compte : le fait que l’animal est un bien. Pourquoi l’animal est-il considéré, dans le code civil, comme un bien ? Parce qu’on peut le vendre et qu’on peut le louer. Cela n’empêche nullement que d’autres dispositions prévues par le code de l’environnement et par d’autres textes reconnaissent que l’animal est un être sensible dont il faut tenir compte en tant que tel. Mais cela ne relève pas du droit civil et cela existait déjà.

Or on veut vraiment tout mélanger. On va aboutir en fait à une incompréhension totale de ce qu’est le droit civil. Cette confusion est certes engagée depuis un certain temps déjà, me direz-vous ; mais ce n’est pas une raison pour persévérer !

Bien sûr, la marge de manœuvre du Sénat était limitée, mais cette réflexion sur le statut de l’animal aurait mérité, vous l’avouerez, un débat un peu plus approfondi, même si l’on va faire plaisir à la personne dont la disposition gardera le nom...

Les mesures relatives aux moniteurs d’auto-école stagiaires, la non-soumission au permis à point pour les voiturettes correspondent effectivement à une simplification du droit et des procédures dans le domaine de la justice. La commission des lois va dans ce sens.

Vous avez accepté un certain nombre de dispositions. Vous avez dit aussi – c’est très important – que, quelquefois, les ordonnances ne sont pas utiles et qu’il est préférable de légiférer directement. S’agissant de questions relativement simples – d'ailleurs, le Gouvernement était d’accord sur ce point –, autant mettre directement les dispositions dans la loi.

Pour finir sur un point positif, monsieur le secrétaire d'État, je souligne que l’article 14, tel qu’il a été rédigé par le Sénat et non modifié par l’Assemblée nationale, est une bonne chose, car il précise le domaine de l’habilitation, ainsi que toutes les procédures d’autorisation qui pourraient être remises en cause.

Le groupe UMP soutiendra donc les propositions de la commission des lois, mais se réserve bien entendu le droit de faire vérifier par le Conseil constitutionnel la légalité de certaines dispositions. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion