Autre aspect dramatique, cet article 17 généralise la « négociation de gré à gré » entre l’employeur et le salarié au forfait. C’est l’individualisation du temps de travail poussée à son paroxysme, avec, bien sûr, au-delà, toute une série de questions : la santé et la sécurité des travailleurs, les rythmes de vie – question fondamentale –, l’articulation entre vie privée et professionnelle, sans oublier la problématique des repères collectifs dans notre société.
Avec la disparition de l’encadrement collectif des forfaits, le texte aura pour effet de laisser le salarié dans une relation de face-à-face avec son employeur. Il est vrai que vous refusez toujours de reconnaître l’inégalité de leur position respective, celle-là même qui fonde toute la légitimité de l’existence d’un droit du travail distinct du droit commun des contrats.
Comment pouvez-vous nier que toute l’histoire du progrès social s’est déroulée autour du principe essentiel de la construction entre l’employeur et l’employé d’une relation qui ne nie pas le lien de subordination, mais qui établit un équilibre ? Ce dernier ne pouvant être trouvé dans des rapports bilatéraux entre le salarié et l’employeur, il a été recherché dans différents cadres protecteurs : la loi, la convention collective de branche, voire la convention d’entreprise.
Or il est prévu dans cet article 17 que la convention individuelle de forfait puisse être négociée même en l’absence d’accord collectif. Cela est inadmissible, et c’est même incompréhensible par rapport à la première partie du projet de loi qui vise à renforcer la légitimité des partenaires sociaux et des accords collectifs. À quoi sert-elle si c’est pour écarter les partenaires sociaux d’une négociation essentielle ?
Nous voulons revenir à la logique pertinente du dialogue social, qui passe par un accord collectif et par des instruments allant au-delà de la seule relation bilatérale. Il nous semble donc indispensable que les conventions de forfait soient établies exclusivement dans le cadre d’un accord collectif.